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rée de Fray Marcos de Niza, même en présence des objets, avec les faits réels tels que sait les raconter simplement un so dat, chroniqueur sincère. On verrait que tout ne devait pas être rejeté dans ce que les Indiens rapportaient des royaumes de Cibora, de Marata, d'Ahacis, de Totonteac et même de Qui vira. Ces maisons ayant de cinq à six étages, et qui étaient quelquefois fortifiées, ces vêtements que l'on compare à ceux des Bohémiens d'Espagne, ces ceintures garnies de turquoises, dont il est fa t si fréquemment inention, ces perles que les conquérants remarquent avec surprise au front des Indiennes, et ces ornements d'or qu'elles suspendent à leurs oreilles et à leur nez, tout cela indiquait un certain degré d'industrie, une civilisation rapprochée jusques à certain point de celle qu'on observait dans les villes lointaines du Mexique. Quels que fussent les résultats d'une conquête aventureuse, les richesses que nous venons d'énumérer étaient loin de compenser les dépenses faites par le vice-roi tout était désappointement cruel pour les Espagnols, tout se réunissait d'ailleurs pour augmenter le découragement de leur chef, impatient de jouir enûn d'une vie paisible et de revoir sa jeune épouse. Une circonstance fortuite, parfaitement d'accord avec l'esprit du temps, vint håter enfin le dénoûment de ce drame, où tant de bravoure personnelle avait été mis en jeu. Vasquez de Coronado avait poussé jusqu'à ces régions, où l'imagination de ses hardis soldats fondait un second empire, plus merveilleux peut-être que celui des sept villes, lorsqu'au retour de Quivira, ce capitaine général fut jeté en bas de son cheval, à la suite d'une joute militaire. Blessé à la tête et transporté dans sa tente, le découragement s'empara de son esprit. Un theme astrologique, qui lui prédisait la puissance et la mort dans un pays inconnu, revint à son souvenir, et détermina sa résolution. On était en 1543; il y avait par conséquent trois ans qu'il errait dans le désert; tout à coup il se dirigea sur Culiacan, mais déconsidéré, mais ne sachant conserver aucun pouvoir sur sa petite armée indisciplinée, et n'ayant pas pu garder plus d'une centaine d'hom

mes sous son commandement (1). Il se rendit à Mexico, et D. Antonio de Mendoça voulut bien lui donner une décharge des obligations que la cédule royale lui imposait si cela eut lieu toutefois, ce fut par une sorte de condescendance. Quelque temps après ce chef inhabile fut privé de son titre de gouverneur de la Nouvelle-Galice. Ainsi finit l'expédition si curieuse et si peu connue de Francisco Vasquez de Coronado, et l'intrépide soldat qui nous en a transmis les détails a pu dire sans être taxé de malveillance : « S'il avait moins pensé à la fortune qu'il laissait à la NouvelleEspagne qu'à la responsabilité qui pesait sur lui et à l'honneur qu'il avait de conduire tant de gentilshomines sous sa bannière, l'expédition eût autrement tourné.... Ce chef ne sut conserver ni son commandement ni son gouvernement (2). »

Nous ne dirons rien ici de l'expédition maritime de Juan Rodriguez Cabrillo, qui eut lieu en 1542; nous n'insisterons pas sur celles de Bartholome Ferrelo et du vice-roi Velasco, qui produisirent leurs résultats en 1543 et en 1564; nous passerons aussi rapidement sur celle des flibustiers anglais, commándés par John Oxenham, en 1575; mais nous insisterons davantage sur le voyage de l'aventureux sir Francis Drake. L'audacieux amiral parvint dans le port de los Reyes en 1579; et, malgré les déCouvertes incontestables des Espagnols, ce fut à partir de cette époque, que les Anglais imposèrent au pays le nom de

(1) De l'aveu mème de Coronado, il avait emmené cent cinquante cavaliers et deux cents

fantassins, archers ou arquebusiers Voy. sa lettre imprimée comme appendice à la suite de la relation de Castañeda de Nagera.

(2) Il n'est pas sans intérêt pour l'histoire de savoir quel avait été le sort antérieur de cet explorateur malheureux. Or nous apprenons par une lettre en date du 10 décembre 1537 qu'il se trouvait trois ans avant l'expédition, et malgré son mariage, dans un état bien voisin de la pauvreté. Par cette lettre officielle D. Antonio de Mendoça, comte de Tendilla et premier viceroi du Mexique, demande pour lui quelques graces fort legitimes au sujet de ses biens qui étaient séquestrés, et il prend de là occasion pour vanter ses talents. Vasquez de Coronado avait été employé vers cette époque par le même vice-roi contre une insurrection de noirs et d'Indiens, que des mesures énergiques avaient fait échouer: il jouissait, on le voit, d'une certaine réputation de bravoure.

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Nouvelle Albion ; les raisons alléguées par le narrateur de l'expédition pour motiver cette espèce d'usurpation sont assez curieuses: « Il l'appela ainsi, dit-il, pour deux causes, la première parce qu'il est le premier qui en a fait la découverte; et la seconde parce qu'elle a beaucoup de ressemblance à nostre Angleterre, estant fort belle le long de la coste de la mer. A cest effect, et pour mémoire de ce passage, il a faict graver sur une lame de cuivre le nom, le pourtraict et les armes de notre dicte royne, et l'a fait attacher et clouer contre un pilier de pierre, pour ce spécialement basty et érigé dans nostre fort: il y a aussi fait mettre son nom et le jour auquel nous y sommes arrivés, et dont le roy et ses subjets nous ont fait paroistre qu'ils faisoient grand estime (1). » Voilà bien, on le voit, une prise de possession en formes; cependant la vice-royauté de Mexico se sentait si peu disposée à admettre de telles prétentions, qu'en l'année 1581 elle* renouvelait par terre l'aventureuse expédition de Coronado, afin de prendre possession plus complète de la Californie, et que cette entreprise était confiée à un homme d'une tout autre énergie que son prédécesseur. D. Juan d'Onate, noble chevalier biscayen, partit en compagnie de son fils D. Christoval, et du mestre de camp Vicente de Zaldivar; il est juste d'accoler aux noms de ces trois héros celui d'un poëte, Juan de Villagra, l'auteur de cette curieuse chronique versifiée, où l'historien peut puiser de si utiles renseignements et quelquefois de si nobles descriptions (2). Les rêves touchant Cibola et Quivira s'étaient renouvelés; ils s'évanouirent de nouveau devant d'intrépides explorateurs. Cependant la géographie intérieure de la Californie y gagna; car, après avoir bravé des luttes périlleuses, et qui eussent peut-être lassé tout autre que lui, D. Juan d'Oñate partit avec trente hommes pour explorer la mer du Sud du côté de la Californie; il donna à un excellent port le nom de la Conversion de Saint-Paul, car pour d'aussi grandes âmes le repos

(1) Voyage de l'illustre seigneur François Drake, p. 6.

(2) Historia del nuevo Mexico. Alcala, 1610.

n'est que l'emploi de leur talent les maux qu'il souffrit pendant huit mois que dura cette expédition furent extrê mes.... Enfin il retourna à son camp, et il fonda une ville avec le seul secours des Espagnols (1). » Nous n'ajouterons qu'un fait à ce passage, c'est qu'une indigne persécution fut l'unique récompense de tant d'efforts.

On le voit incontestablement par le récit de ces diverses tentatives, l'importance de cette position n'échappait pas à l'administration coloniale de l'Espagne. L'un des marins les plus expérimentés qu'elle eût alors était un Grec; elle l'employa à de nouvelles recherches dans ces parages. Apostolos Valeriano, bien plus connu sous le nom de Juan de Fuca, partit en 1592 d'Acapulco, commandant une caravelle et une pinasse. Il avait pour mission de découvrir un passage entre l'océan Atlantique et l'océan Pacifique. On a acquis la certitude que si tout n'est pas apocryphe dans la relation qu'il publia à Venise en 1596, les étranges exagérations dont il se rendit coupable devaient nécessairement jeter du doute sur quelques vérités géographiques; et depuis une célèbre expédition entreprise sur de vagues données prouva tout le tort qui peut résulter d'une odieuse supercherie (2).

Trois ans plus tard D. Luiz de Velasco reçut encore l'ordre précis de faire examiner les côtes de la Californie. On sentait dès lors l'immense avantage que présentait ce point important pour le commerce des Philippines. Cette fois, le navire d'exploration partit des îles mêmes qui devaient trouver un avantage réel dans cette reconnaissance géographique; le pilote Sebastian Rodriguez Cermenon arriva bien au port de SanFrancisco, mais son navire y périt : une portion de l'équipage se sauva néanmoins, et plus tard Francisco de Bolanos,

(1) Recueil de pièces relatives à la conquête du Mexique, publié par Ternaux Compans, p. 449.

(2) Le consciencieux Warden dit avec raison que tout n'est pas a rejeter dans les détails géographiques fournis par Fuca sur un prétendu détroit. « Cette entrée, située par latitude nord à 48 degrés et demi, a été reconnue par le capitaine anglais Duncan en 1787, l'année d'après par le capitaine Meares, et enfin par le capitaine Vancouver. Quant à la communication entre les deux Océans, elle n'existe nulle part. »

qui en faisait partie, put rendre d'importants services; il guida comme pilote la seconde expédition du navigateur célèbre auquel on dut à cette époque la reconnaissance la plus profitable qu'on eût faite le long des côtes de cet immense pays. Nous touchons en effet à une période vraiment décisive pour l'histoire de ces contrées, dont la géographie, on le voit, resta si longtemps enveloppée de mystères. Ici nous laisserons parler l'un des historiens les plus célèbres du dix-septième siècle, persuadé que rien ne saurait remplacer la naïveté si précise des renseignements publiés par Torquemada.

EXPÉDITION DE VISCAÏNO. «En l'année 1596, sous le gouvernement du comte de Monterey, vint un ordre de S. M. pour que l'on allât à la découverte des terres et des ports des Californies, touchant lesquels nombre de renseignements circulaient, annonçant qu'il y avait en ces mers grande quantité de perles (ce voyage, le marquis del Valle l'avait fait auparavant). La commission fut remise au capitaine Sébastien Viscaïno, homme de bon jugement, bon soldat et chef pratique en choses semblables il réunit son monde pour l'expédition et sous l'autorité du vice-roi. Il demanda aux pères Fray Pedro de Pila, alors commissaire de la NouvelleEspagne, et Fray Estevan de Alçua, provincial de cette province du saint Evangile, qu'en raison de la dévotion qu'il portait à l'ordre, et parce que les frères de S. François étaient les premiers apôtres de ce pays, on lui donnât quatre religieux destinés à l'accompagner et à peupler les îles et terres de la Californie; on le lui concéda, et furent nommés le P. Fray Francisco de Balda, en qualité de commissaire, Fray Diego Perdomo, frère Nicolas de Saravia, prétre, et enfin Christoval Lopez, frère lai. » On le voit, l'idée des missions remonte jusqu'aux dernières années du seizième siècle. Viscaïno partit d'Acapulco avec trois navires; et après avoir pénétré dans le golfe de la Californie, se dirigea au nord-ouest jusqu'à ce qu'il eût atteint le port de San-Sébastien. Là il fut abandonné par quelques-uns des siens; mais après avoir traversé le golfe il prit possession des terres au

nom de la couronne d'Espagne, et ne rencontra aucune opposition de la part des Indiens. Viscaino arriva ensuite au port de la Vera-Cruz, où Cortez avait fait jadis ses premiers essais de colonisation; il le nomma Bahia de la Paz, en raison de l'accueil bienveillant que lui firent les Indiens. Mais ayant quitté ce mouillage, qui ne lui offrait pas des ressources suffisantes pour y maintenir sa colonie naissante, il alla reconnaître la côte septentrionale du golfe. Là il rencontra une peuplade belliqueuse, se composant d'environ cinq cent guerriers; l'attaque de ces sauvages ne pouvait être prévue: elle coûta dixneufhommes à l'expédition. Cruellement frappé d'une telle perte, peu satisfait d'ailleurs de l'aspect du pays, Viscaïno fit voile pour la Nouvelle-Espagne, et l'année 1596 le retrouve à Mexico.

Ce premier voyage de l'habile marin n'est que le prélude de la grande expédition qui doit lui assigner dans l'histoire de ces contrées une renommée durable. Philippe III songeait à inaugurer son règne par quelque entreprise remarquable, lorsqu'une relation oubliée fut trouvée, dit-on, par lui, au milieu des papiers de son père. Elle contenait sur la Californie un de ces documents erronés qui avaient déjà enflammé tant d'imaginations; c'était toujours le fameux passage de la mer du nord conduisant dans la mer du sud; puis une grande ville peuplée d'habitants civilisés, que l'on avait eu le temps d'observer à peine, mais qui devait infailliblement fournir d'immenses richesses à la couronne. Le roi des Espagnes et des Indes résolut de satisfaire tout à la fois un sentiment de curiosité géographique fort louable et d'établir sur des bases solides les idées politiques préconçues touchant le commerce des îles orientales avec une partie de ses vastes États d'outremer. C'était en 1600 l'expédition une fois combinée, Sébastien Viscaïno fut choisi pour en avoir la direction; on embarqua des religieux zélés, des marins habiles, des troupes aguerries; on fit plus, deux cosmographes expérimentés, le capitaine Gaspar de Alarcon et le capitaine Geronimo Martin, furent adjoints au commandant pour relever géographiquement les côtes. La flottille

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mit à la voile le 5 mai 1602 du port d'Acapulco. Nous craindrions de lasser l'esprit du lecteur par les détails de cette longue et pénible exploration maritime; il suf. fira de dire que neuf mois furent employés à parvenir au cap San-Sébastian, qui se projette derrière le cap Mendocino, et que le port de los Pinos, mieux exploré, reçut pour la première fois le nom de Monte-Rey, en l'honneur du vice-roi qui gouvernait alors le Mexique. Ainsi que l'a fait très bien observer M. Duflot de Mofras, un des lieutenants de Viscaino, Martin d'Aguilar, s'avança jus, qu'au 43 degré et reconnut fe cap Blanco, auquel le capitaine Cook ne se fit pas scrupule de substituer plus tard le nom de cap Gregory, de même que Vancouver donna le nom anglais de Oxford au cap Diligencias, découvert bien longtemps avant lui par Viscaïno. » Il n'est peut-être pas hors de propos non plus de faire observer que l'illustre Hum boldt fut frappé, au bout de deux siècles, de la précision des travaux géographiques exécutes par les cosmographes attachés à cette expédition. Il dit positivement, et après l'examen sérieux des cartes conservées alors à Mexico, que Viscaïno releva les côtes de la Californie «< avec plus de soin et plus d'intelligence que jamais pilote ne l'avait fait avant lui. » Ce soin consciencieux que nous nous plaisons à constater chez le marin espagnol doit faire assez pressentir que Philippe III n'obtint pas de l'expédition les résultats merveilleux qu'il en attendait. La Californie même tomba dans un oubli tel que Sébastien Viscaïno passa vainement en Espagne pour obtenir la permission d'entreprendre une nouvelle expédition le conseil des Indes se montra sourd à ses supplications. Plus tard sans doute on comprit l'avantage d'une position telle que celle de Monterey et de quelques autres ports. Un ordre de colonisation fut signé ; l'ancien explorateur de ces déserts put se flatter un moment de pouvoir accomplir ses travaux ; il n'en fut rien. Viscaïno doit grossir la liste des hommes éminents qui n'atteignirent jamais le but qu'ils s'étaient proposé, durant une vie de la beurs et d'épreuves. Il mourut comme il faisait les préparatifs d'une troisième expédition.

CONTINUATION DES EXPLORATIONS AU DIX-SEPTIÈME SIÈCLE; PREMIÈ

RES MISSIONS; PROPOSITIONS FAITES

A Louis XIV et reJETÉES PAR COLBERT.-Il n'est pas juste de dire, comme l'a fait un écrivain dont nous aimons à

reproduire le témoignage, que durant un espace de cent soixante ans après la mort de Viscaïno les Espagnols s'abstinrent de former des établissements le long des côtes de la Californie ou simplement d'explorer ces régions. Pour ne mentionner que les principales expéditions, nous citerons rapidement celle de Juan de Iturbi, qui eut lieu en 1615, et qui eut pour résultat ces armements destinés à la pêche des perles dont le nombre se multiplia au delà de toute prévision. Au retour d'Iturbi le quint du roi prélevé sur la pêche des perles s'était élevé à 900 pesos (1). Ce merveilleux résultat tenta plusieurs Mexicains; on se porta sur divers points de la Californie; mais de déplorables cruautés commises envers les Indiens souillent cette période. Francisco de Ortega, durant trois expéditions entreprises de 1632 à 1634, multiplia au contraire ses explorations pacifiquement, en s'enrichissant par la pêche des perles. Six ans plus tard Barthelemy de Fuentes s'en alla à la recherche du prétendu détroit qui devait joindre les mers d'Europe à celle d'Asie, et il s'en faut que ses reconnaissances aient éte complétement inutiles pour les progrès de la géographie. En 1642 D. Luis Cestin de Canas va reconnaître une partie de la côte, en compagnie du P. Jacintho Cortès, auquel appartient la gloire d'avoir tenté les premières missions régulières, tandis que la pêche des perles semblait être l'unique but qui attirât vers ces régions. Nous passerons tout aussi rapidement sur les entreprises de Pedro Porter y Casanate, de D. Bernardo Bernal de Piñadero, de Francisco Luzenilla. Sans aucun doute, ces expéditions n'avaient pas un but purement scientifique, comme celles qui ont lieu de nos jours, mais elles n'étaient pas infructueuses au point de vue géographique. Ce qu'il y a de plus vrai, c'est qu'exécutées par des Espagnols qui en cachaient les résultats,

(1) Voy. Venégas, t. 1er.

elles avaient peu de retentissement en Europe, ou même qu'elles y demeuraient absolument inconnues. Les choses en étaient à ce point, nous l'avons déjà rappelé, que l'esprit le plus investigateur qu'ait possédé l'Angleterre à cette époque, que l'illustre Bacon, qui se tenait à l'affût de toutes les grandes explorations, ignorait lui-même complétetement celles qui avaient lieu le long de la Californie; renchérissant sur les cartographes du moyen âge, il désignait cette vaste portion du nouveau monde sous le nom de terra incognitissima. Personne n'ignore qu'il y avait même placé son Allantis, comme étant un lieu où l'on pouvait fonder, sans y craindre d'être contredit par les marins, tous les rêves d'une utopie généreuse. Il y a mieux encore, et c'est un fait généralement ignoré, cette absence de connaissances positives, ou plutôt de renseignements puisés à des sourçes raisonnables, eût pu entraîner la France dans une folle expedition. Un certain comte de Peña Lossa, qui appartenait à la famille des Arias d'Avila, et qui avait voyagé en Californie vers 1661, étant venu chercher un refuge en France pour y fuir les persécutions du saintoffice, proposa à Louis XIV, en échange d'une bienveillante hospitalité, un de ces projets comme on en formait surtout au seizième siècle. Séduit par un vague souvenir de l'expédition de Fray Marcos de Níza, il établit nettement la possibilité d'aller à la conquête de Cibora et de Quivira. Nous le disons ici à l'honneur du bon sens de Colbert, ce projet n'eut pas de suite. Une autre proposition du même personnage touchant les mines de la Nouvelle Biscaye eut pour résultat la célèbre expédition de Cavelier de la Salle, qui ainena cet illustre et malheureux explorateur sur les côtes du Texas (1).

EXPÉDITION DE D. ISIDRO DE ATONDO Y ANTILLON, MISSIONNAIRE ALLANT EXPLORER LA CALIFORNIE; LE P. EUSEBIO FRANCISCO KINO. Le temps allait arriver cependant où

(1) Je dois ce curieux renseignement à M. Pierre Margry, dont les travaux persévérants et sérieux sur les explorateurs de l'Amérique réformeront beaucoup d'erreurs. Ils doivent faire partie des documents inédits relatifs à l'histoire de France.

des hommes d'action, soutenus par la ferveur de leur courage religieux, sauraient combiner leurs efforts avec ceux des navigateurs espagnols, pour arracher à leur misère ces peuples que la cupidité laissait dans l'état sauvage. Cet événement notable eut lieu en 1678; à cette époque le conseil des Indes se détermina à former un établissement sur les côtes de la Californie; et pour effectuer son projet il s'entendit avec l'autorité religieuse et politique de Mexico, représentée par D. Francisco Payo Enriquez de Rivera, qui réunissait dans ses attributions le pouvoir spirituel et le pouvoir temporel, puisqu'il était à la fois archevêque et vice roi de la Nouvelle-Espagne. Après qu'on eut écarté quelques obstacles dont le détail importe peu à l'intérêt de ce rapide coup d'œil, il fut décidé dans la capitale du Mexique que D. Isidro de Atondo y Antillon s'engagerait, par un acte officiel, à entreprendre une nouvelle expédition à ses frais, mais cependant en recevant quelques subsides de l'Etat. Guidée alors par une sorte d'instinct politique qui lui avait fait comprendre quel était le véritable mode d'organisation applicable aux nations indiennes, la cour de Madrid avait choisi trois religieux appartenant à un ordre célèbre, pour commencer les travaux d'une mission que l'on songeait depuis plusieurs années à organiser. Le P. Eusebio Francisco Kunth, plus connu sous le nom de P. Kino; les P. Juan Bautista Copart et Pedro Mathias Goñi, avaient été choisis pour accomplir ces grands travaux apostoliques dans des régions désertes à peu près inconnues au reste du monde (1).

Nous ne saurions donner ici le détail des premiers essais d'exploration accomplis sous les ordres de l'amiral D. Isidro de Atondo y Antillon. Ils commencèrent vers le milieu de mai 1683; mais dès le début l'attitude de certaines tribus californiennes prouva qu'on ne pourrait réussir qu'en employant la persuasion; les moyens coërcitifs manquant presque complétement. Antillon n'avait sous ses ordres qu'une

(1) L'acte fut signé au mois de décembre 1678; Voy. l'Art de vérifier les dates. Le deuxième acte, qui conferait le pouvoir spirituel aux jésuites, est daté du 29 décembre 1679. Ibid.

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