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celui que débiteraient dix concurrents ensemble, et, comme une édition à 18,000 exemplaires coûte six fois moins cher que dix-huit éditions à mille, il est évident qu'elle pourra être livrée au commerce à prix réduit. Ce n'est là qu'un aspect très restreint des avantages que réalisera la loi en question; mais il y a beaucoup d'autres raisons qui en font désirer l'adoption, ne fût-ce que la moralité publique, qui réclame impérieusement l'assimilation de la proprieté intellectuelle à la propriété matérielle.

Le sénateur Alison (Iowa) a saisi le Sénat d'un projet de loi tendant à la création d'un tribunal d'arbitrage international et permanent pour assurer le maintien d'une paix perpétuelle entre les Etats-Unis, l'Angleterre et la France. Le président des Etats-Unis serait autorisé à ouvrir à ce sujet des négociations avec les cabinets de Paris et de Londres.

FRANCE

Le ministère, présidé par M. Tirard, a été renversé le 30 mars par un vote de la Chambre des députés, déclarant l'urgence d'une proposition de revision; la majorité, formée par la coalition de l'extrême-droite et de l'extrême-gauche, a été de 268 voix contre 237.

Par décret du 3 avril, le nouveau ministère a été constitué sous la présidence de M. Charles Floquet; M. René Goblet, ancien président du Conseil, autrefois ministre de l'intérieur et ministre de l'instruction publique, a le portefeuille des affaires étrangères.

Le Président de la République a reçu dimanche, en audience privée, S. Exc. M. l'ambassadeur d'Allemagne, qui lui a remis la réponse de S. M. l'empereur d'Allemagne, roi de Prusse, aux lettres par lesquelles le Président avait accrédité auprès de lui M. le général Billot, en qualité d'ambassadeur extraordinaire.

Le Président de la République a reçu lundi, en audience publique, M. le comte de Alten, général de division, chargé de remettre au Président la lettre par laquelle S. M. l'empereur d'Allemagne, roi de Prusse, lui notifie son avènement au trône.

M. le comte de Alten a été conduit au palais de l'Elysée avec les honneurs réservés aux envoyés en mission extraordinaire.

Le Président de la République a reçu mardi, à cinq heures, S. Exc. M. le comte de Munster, qui lui a remis les lettres par lequelles S. M. l'empereur d'Allemagne, roi de Prusse, le confirme en qualité d'ambassadeur.

(Journal officiel du 27 mars).

Dans la séance de la Chambre des Députés du 21 avril, M. Félix Faure a posé une question à M. le ministre des affaires étrangères.

A la date du 26 mars, le gouvernement anglais a présenté aux chambres un projet tendant à établir sur les vins en bouteilles une taxe de 5 shellings par douzaine de bouteilles. C'est à peu près quintupler le droit précédemment en vigueur.

Jusqu'à présent, on ne faisait pas de distinction entre les vins en fût et les vins en bouteille.

Le droit pour les vins au-dessous de 30 dégrés était de un schelling par gallon.

Il est évident que la nouvelle taxe atteint particulièrement la France, qui a

trouvé dans le Royaume-Uni un débouché considérable pour sa production vinicole.

Le chancelier de l'échiquier ne se le dissimulait pas au moment où il a déposé son projet; il s'attendait à recevoir la protestation des diverses puissances qui pouvaient être touchées par la mesure proposée.

Mes collègues le comprendront lorsque j'aurai indiqué à quel point cette mesure est de nature à frapper l'exportation française.

Nous avons exporté, en 1887, dans le Royaume-Unis 32,315,000 litres de vins, sur lesquels 17,751,000 litres en fûts et 14,384,000 en bouteilles, ce qui nous représente 19 millions de bouteilles environ.

La nouvelle taxe qui frapperait les vins en bouteilles élèverait en conséquence les droits à payer à 9,900,000 francs, soit dix millions en chiffres ronds.

Le mouvement d'exportation auquel ce commerce donne lieu, se chiffre, au total, par 54 millions pour la France. Si nous prenons tous les vins en bouteilles, étant donnée leur plus-value sur les vins en fûts, on peut estimer à 40 millions l'exportation qui se trouverait frappée par la mesure que je viens de vous dénoncer. (Très bien !)

Dans ces conditions, je demande à M. le ministre des affaires étrangères si, ainsi que le prévoyait le chancelier de l'échiquier lorsqu'il déposait son projet, le Gouvernement à protesté.

Je n'ignore pas que le gouvernement anglais a le droit strict d'établir des taxes nouvelles; de même que la France n'est pas liée par une convention spéciale avec la Grande-Bretagne.

Vous lui avez accordé, par un acte dont vous êtes les maîtres, le traitement de la nation la plus favorisée. Je ne vous relirai pas l'exposé des motifs de la loi du 27 février 1882. Je me contenterai de prendre une phrase dans le rapport de M. Ribot sur lequel vous votiez la disposition législative dont je parle.

Le rapporteur s'exprimait ainsi :

Nous resterons absolument maîtres de nos tarifs pour le cas où le gouvernement britannique apporterait une modification qui nous serait préjudiciable dans le régime auquel sont actuellement soumis les produits français à leur entrée en Angleterre. »

Je crois avoir suffisamment montré combien le projet de tarif nouveau est préjudiciable aux intérêts français en Angleterre.

Immédiatement après la présentation et le vote de ce projet en comité des finances, le gouvernement britannique a rendu la taxe applicable, de sorte que, dès à présent, le droit est perçu; cependant la mesure n'est pas irréVocable.

Le second point de la question que j'adresse à M. le ministre des affaires étrangères est celui-ci : Quelles dispositions ont été prises, en vue de l'hypothèse où la mesure ne serait pas définitivement adoptée, pour faire restituer les droits ainsi indùment perçus. Et enfin, pour le cas où elle serait consacrée, je demande au Gouvernement s'il a l'intention de prendre quelque disposition de nature à sauvegarder les intérêts français. (Très bien! très bien !)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de affaires étrangères. M. René Goblet, ministre des affaires étrangères. Messieurs, la question qui vient d'être soulevée par l'honorable M. Faure a évidemment un grand intérêt pour notre industrie et pour notre viticulture. La mesure, non encore définitive, qui a été prise par le gouvernement anglais, est, en effet, de nature à causer un grave préjudice aux populations viticoles et aux négociants en vins de la Champagne, de l'Anjou, de la Gironde.

Cette mesure se résume en ceci. C'est l'application d'une surtaxe de 5 shellings par douze bouteilles, ce qui augmente de 2 shellings 6 pence le droit actuel par gallon. Il en résulte que, alors qu'aujourd'hui, suivant la valeur du vin, les droits sont de 12 à 16 p. 100 par hectolitre, ils seraient à l'avenir de 42 à 58 p. 100 par hectolitre.

C'est donc en réalité un droit presque prohibitif qui a été appliqué.

Je répète qu'heureusement cette mesure n'est pas définitive. L'honorable M. Faure me demandait tout à l'heure si le gouvernement français avait protesté avant qu'elle fût prise. Il ne le pouvait pas, car il y a là un point de la procédure anglaise qu'il faut que je fasse connaitre à la Chambre. Le projet de budget en Angleterre est un secret; il n'est pas, comme chez nous, imprimé et distribué à l'avance. Il est apporté dans une séance par le chancelier de l'échiquier, exposé verbalement et discuté avant qu'on soumette aux chambres le projet imprimé, le bill qui devra être voté définitivement.

Dans la séance du 26 mars, comme le rappelait tout à l'heure l'honorable M. Faure, le chancelier de l'échiquier a en effet apporté ses propositions budgétaires, et parmi ces propositions figurait celle qui imposait aux vins en bouteilles cette surtaxe de 5 schellings. Il en a demandé le vote par la chambre en comité, en demandant également l'application immédiate, et dès le lendemain la taxe a été appliquée.

Je dois dire en passant, pour répondre à une des questions de M. Faure, que cette taxe ainsi votée est définitive quant au passé, en ce sens que ce qui a été perçu ne sera pas restitué. C'est là une affirmation très nette qui nous est fournie pour notre représentant en Angleterre. Mais il peut arriver que la taxe ne soit pas maintenue définitivement et qu'elle cesse d'être perçue.

Il faut en effet, pour que la mesure devienne définitive, que le budget tout entier, quand il aura été discuté dans la forme que je viens de dire, soit présenté sous la forme d'un projet ordinaire à la chambre des communes et voté par elle. Il faut qu'il soit ensuite soumis à la chambre des lords. Or, à l'heure qu'il est, l'ensemble des propositions douanières n'a pas encore été discuté par la chambre des communes et la mesure n'est, par conséquent, pas définitivement votée, quoiqu'elle ait reçu cependant un commencement d'application. (Mouvements divers).

Je ne fais qu'exposer le fait, et je répète qu'il était impossible de le prévenir et de protester avant qu'il se produisit, puisque le vote de la soirée du 26 mars a été une surprise pour tout le monde, même pour le parlement anglais.

Nous avons été immédiatement informés de ce vote par une dépêche du 28 mars émanant de M. l'ambassadeur de France près du gouvernement anglais; le département des affaires étrangères a tout aussitôt saisi de la question le ministère du commerce, qui nous a fourni les explications, les notes et les documents sur lesquels peut s'appuyer notre protestation.

Depuis, nous avons reçu de l'ambassade française à Londres de nouveaux renseignements qui m'ont permis de préciser les faits comme je viens d'avoir l'honneur de le faire. Enfin, dès hier, nous avons adresssé à notre représentant à Londres des instructions qui arriveront comme vous le voyez en temps utile, puique, comme je le disais tout à l'heure, la mesure n'est pas encore définitivement votée.

Nous avons donné comme instruction à notre ambassadeur de représenter au gouvernement anglais le préjudice considérable qui devait résulter de cette mesure, si elle était maintenue, pour notre industrie des vins.

Nous l'avons invité à faire remarquer au gouvernement anglais que si ces justes reclamations, qui ne viendront pas seulement de nous, -car le droit frappe tous les vins en bouteille des pays étrangers, de l'Allemagne, de l'Autriche et même des colonies australiennes de l'Angleterre où existe actuellement une production assez importante de vins blancs mousseux - que si ces observations n'étaient pas accueillies nous ne serions pas désarmés.

En effet, l'honorable M. Félix Faure vient de vous rappeler quelle était notre situation vis-à-vis de l'Angleterre; nous n'avons pas avec elle de traité de commerce, nous avons cependant une convention, en date du 28 février 1882, mais dans laquelle on a exclu du traitement de la nation la plus favorisée, que les deux puissances s'accordaient réciproquement l'un à l'autre, les droits à imposer aux marchandises à l'entrée dans l'un et l'autre pays. Cette convention," je

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l'ai là entre les mains, et c'est la disposition même de l'art. 1er que je viens de vous rappeler.

En ce qui concerne les importations dans l'un et dans l'autre pays, soit de naturels, c'est le tarif intérieur qui marchandises fabriquées soit de produi s'applique; et c'est en dehors de cette convention, par une loi spéciale en date du 27 février 1882, que M. Félix Faure citait tout à l'heure, que, prenant en considération le traitement fait par le gouvernement auglais à nos produits et à nos marchandises, nous avons consenti à lui accorder pour les siens, à l'entrée en France, le traitement de la nation la plus favorisée. Mais il ne s'agit pas d'un traité, c'est une loi, c'est-à-dire un acte de souveraineté qui peut toujours être révoqué si nous le voulons. C'est la réserve qui était faite dans le passage du rapport de M. Ribot qu'on vient de vous lire et qui n'était autre chose que la reproduction de l'exposé des motifs du projet du Gouvernement. Il n'y a pas de doute sur ce point.

Dans ces conditions, notre preprésentant fera en temps utile, autant qu'il est possible de le faire, nos représentations au gouvernement anglais. J'ajoute que si ces représentations n'étaient pas entendues, comme nous l'espérons, nous aurions le droit d'user, je ne veux pas dire de représailles, mais de réciprocité; le Gouvernement aurait à examiner quelles propositions il conviendrait de présenter à la Chambre pour la sauvegarde de nos intérêts. (Très bien ! très bien !) Je remercie le Gouvernement de ses explications et je

M. Félix Faure. compte sur sa vigilance.

M. le président. L'incident est clos.

Nouvelles-Hébrides.

Un télégramme de Sydney (Australie) annonce que les troupes françaises qui occupaient les Nouvelles-Hébrides ont été rapatriées à Nouméa et que l'évacuation est un fait accompli.

La France a donc exécuté la convention relative à cet archipel. Rappelons qu'à la suite de l'assassinat de deux de nos nationaux nous avions établi deux postes aux Nouvelles-Hébrides : l'un à Port-Havannah, le 2 juin 1886; l'autre à Port-Sandwich, le 4 juin de la même année. Ce sont ces deux postes que nous venons d'évacuer, conformément à la convention du 16 novembre 1887.

A ce propos, le Times de ce matin fait les réflexions qui suivent :

Cet accomplissement d'une promesse faite à l'Angleterre doit causer de la satisfaction dans ce pays et encore plus en Australie, où on est très susceptible, au sujet d'une agression française dans le Pacifique, ce qui se comprend fort bien.

Nous espérons que ce retrait de troupe fera cesser les inquiétudes de nos sujets et compatriotes, et resserrera les relations amicales entre la France et l'Angleterre dans cette partie du monde.

Le Standard, de son côté, dit que l'évacuation française met fin à une situation qui, si elle avait été traitée avec moins de circonspection par les deux pays, aurait pu devenir un péril ponr la paix :

Il est toujours difficile de régler des affaires de cette sorte; mais l'Angleterre a, au moins, obtenu cette satisfaction d'éviter des complications, car, aujourd'hui, la France ne pourra, sous aucun prétexte, débarquer un homme ou tirer un coup de fusil sans le consentement du Gouvernement anglais.

Il faut dire, à l'honneur de M. Flourens, qu'il a su mettre fin à cette situation équivoque, et il aurait droit aux remerciements de ses concitoyens, si le sentiment des appréciations ne semblait pas avoir décliné en France.

Aux réflexions du Standard, nous avons le droit d'ajouter que, si nous ne pouvons débarquer un homme ou tirer un coup de fusil sans le consentement du Gouvernement anglais ou, plus exactement, de la Commission mixte d'offi

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2o SÉRIE, T. XXVI (88)

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ciers des deux marines, les Anglais ne peuvent pas plus que nous agir militairement dans l'archipel. Cela ressort clairement des instructions arrêtées par les deux Gouvernements pour la Commission navale mixte et dont voici le texte officiel :

1o Dans le cas où la tranquillité et le bon ordre seraient troublés en un point quelconque des Nouvelles-Hébrides où seraient établis des sujets britanniques ou des citoyens français; ou encore, dans le cas où un danger menacerait les biens ou les personnes, la Commission se réunira sur-le-champ et prendra telles mesures qu'elle jugera préférables, eu égard aux circonstances, pour la répression des troubles ou la protection des intérêts en péril.

2° Aucun commandant de bâtiment, soit anglais, soit français, ne pourra engager une action indépendante ou isolée, excepté dans les conditions mentionnées ci-après.

3o On n'aura recours à l'emploi de la force militaire que si la Commission juge cet emploi indispensable.

4 En cas de débarquement de forces militaires ou navales, ces forces ne resteront pas à terre plus longtemps qu'il ne sera jugé nécessaire par la Commission.

50 Dans le cas où les circonstances ne comporteraient aucun retard, et où il y aurait urgence à agir immédiatement, sans attendre la réunion de la Commission, les commandants anglais et français qui se trouveront le plus rapprochés du théâtre des événements prendront les mesures nécessaires pour la protection des intérêts en péril, de concert si cela est possible, ou séparément s'il y a des empêchements à ce qu'ils se concertent. Ils adresseront aussitôt à leurs commandants de station respectifs un rapport sur les mesures prises, et ils attendront les ordres ultérieurs de la Commission. Les commandants de station se communiqueront l'un à l'autre ce rapport, dès qu'ils le recevront.

6° La Commission n'aura pas de pouvoirs, ni autres ni plus étendus que ceux qui lui sont expressément délégués par ces règlements. Elle n'interviendra pas dans les différends relatifs à la propriété des terres, et ne dépossédera de ses terres aucune personne, quelle qu'elle soit, indigène ou étrangère. Fait à Paris, en double expédition, le 260 jour du mois de janvier 1888.

LYTTON.

FLOURENS.

Océanie.

On lit dans le Messager de Tahiti, du 26 janvier :

Nous sommes heureux d'enregistrer ici un événement qui met fin aux difficultés que nous avons rencontrées ces temps derniers, à Raiatea.

La population de ces iles nous est aujourd'hui acquise, et l'un des deux chefs qui avait le plus contribué par ses excitations à nous la rendre hostile, a, luimême, fait acte de soumission. Raiatea, pour tout dire, a suivi l'exemple de Tahiti: elle a demandé l'annexion.

Cette résolution a été prise publiquement, en présence de toutella population qui l'a approuvée. La demande est signée du Roi, du Vice-rei et de tous les chefs de Raiatea-Tahaa (moins un). Elle a été acceptée sous réserve de la ratification du Gouvernement français.

Les réserves sont peu nombreuses. Les chefs ont seulement exprimé le désir d'être maintenus dans leurs fonctions, et de voir conserver aux Conseils de district le soin de régler les contestations relatives au droit de propriété des terres, jusqu'à constitution définitive de la propriété foncière indigène.

Aucune demande ferme de pension ne s'est produite: le Roi, le Vice-Roi de Tahaa et les chefs ont laissé à la générosité du Gouvernement français le soin de trancher cette question.

Telle est, en résumé, la nouvelle que nous a apportée le Scorff, mardi dernier. Bonne nouvelle !

On sait que Raiatea fait partie du groupe des iles Sous-le-Vent, de l'archipel

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