Page images
PDF
EPUB

Les quatre premiers étaient des faussaires qui avaient contrefait les signatures de MM. Tourton et Ravel, et Gallet de Santerre, banquiers à Paris.

Le comte de Solages avait été arrêté en 1782, à Toulouse, sa patrie, d'après un ordre du ministre Amelot, et à la réquisition de son père, pour dérangement, pour égarement de jeunesse, comme il le dit lui-même; il avait d'abord été conduit à Vincennes, et de là transféré à la Bastille, lorsqu'en 1784 on évacua le donjon. Pendant les sept ans de captivité qu'il venait de subir, M. de Solages n'avait subi aucun interrogatoire, n'avait pas reçu une seule lettre de sa famille et de ses amis. Il ignorait que M. Lenoir ne fût plus lieutenant de police, qu'il y eût une assemblée de notables, que les

tomber papier, billet ou autres choses quelconques : il empêchera qu'ils n'écrivent sur les murailles et rendra compte de tout ce qu'il aura remarqué pendant sa faction.

IX. Il est expressément défendu aux sentinelles et à tous autres qu'ils puissent ètre, excepté les officiers de l'état-major et les porte-clés, d'adresser la parole ni même de répondre aux prisonniers, sous quelque prétexte que ce soit.

X. Les corps de garde fourniront quatre fusillers pour poser au bas des escaliers lorsqu'on servira les prisonniers à dîner à onze heures du matin et à souper à six heures du soir, de mème que dans d'autres cas si on en a besoin.

XI. Les sentinelles, lorsque la nuit sera fermée, crieront: Qui va là? à tous ceux qui se présenteront, et ne laisseront passer personne sans l'avoir bien reconnu. XII. - Avant de faire lever les ponts pour la fermeture des portes, le commandant du poste fera avertir, dans le Gouvernement, tous ceux qui doivent coucher dans l'intérieur des ponts-levés, il remettra les clefs à M. le lieutenant du rotet reviendra les chercher à l'arrivée des ordres du roi ou à l'ouverture des portes.

XIII. A l'arrivée d'un prisonnier, soit de jour, soit de nuit, le commandant du poste fera entrer toute sa troupe dans le corps de garde et aura attention qu'il ne soit

vu de personne.

XIV. L'ouverture des portes aura lieu le matin à cinq heures en été et à six heures en hiver, à moins qu'il n'en soit ordonné autrement.

XV. Lorsqu'il y aura des ouvriers qui travailleront dans l'intérieur, il faudra une sentinelle, et quelquefois plusieurs pour veiller sur ces personnes avec la même attention et vigilance que si on leur avait confié un prisonnier, pour qu'il ne puisse, contre le service du roi, approcher d'intelligence avec aucun prisonnier. XVI. Lorsque le caporal de garde ou autre bas-officier sera commandé pour aller au jardin ou sur les tours avec un prisonnier, il n'aura aucun entretien avec lui; il le fera rentrer à l'heure ordonnée, le remettra à l'officier d'état-major ou à un porte-clés.

XVII. Lorsqu'il arrivera des ordres du roi pour la liberté d'un prisonnier, la sentinelle ne les laissera sortir qu'avec un officier de l'état-major; il en sera de mème pour les prisonniers qui auront la promenade du jardin, et s'il ne se trouve pas d'officier de l'état-major au château, les prisonniers ne se promèneront pas.

états généraux se tenaient à Versailles. Il ignorait tout jusqu'à la mort de son père, qui avait oublié de le réclamer avant de mourir, et il fût probablement resté jusqu'à sa propre mort, sans l'événement qui le mit en liberté.

Aux premiers coups de fusil qu'il entendit, il demanda ce que c'était, et on lui dit que le peuple était révolté à cause de la cherté du pain. Lorsqu'on entra à la Bastille, sa chambre était ouverte, et son porte-clés Guyon s'était réfugié chez lui sous prétexte de lui porter son diner, mais en réalité pour lui demander sa protection contre le peuple.

Tavernier était un fils naturel de Pâris-Duvernay et frère de ParisMontmartel. Celui-là était fou et ne voulait pas sortir de son cachot; les électeurs furent obligés de le faire conduire à Charenton.

De Wythe, celui-là était plus fou encore que le précédent, et il fut impossible d'en rien tirer. On le promena pendant plusieurs jours dans Paris, où on le montrait comme une bête curieuse. Malgré toutes les recherches que l'on fit sur son origine, il fut impossible de rien découvrir de positif; chaque semaine, il racontait une histoire nouvelle, et cette histoire variait. Il parlait parfaitement anglais; seulement, à un léger accent, on pouvait croire qu'il était né en Irlande. Le porte-clés Guyon prétendit qu'il était parent de M. de Sartine.

La Bastille prise, ce n'était pas le tout : il fallait réaliser la prophétie de Cagliostro, qui, en 86, avait prédit qu'avant cinq ans on danserait sur l'emplacement de la forteresse.

Or, pour qu'on y dansât, il fallait la démolir. La démolition fut décrétée et confiée à l'architecte Palloy, l'un des vainqueurs du 14 juillet. Le pauvre Palloy avait déjà la tête un peu échauffée par sa victoire; elle lui tourna tout à fait quand il sut la mission dont il était chargé. A partir de ce moment, cette mission fut convertie en sacerdoce. La révolution, comme les anciens mélodrames, a son niais, sa queue rouge: c'est Palloy. Palloy se fait faire un cachet avec les tours de la Bastille; Palloy se fait faire une voiture avec les tours de la Bastille; Palloy fait faire, en plàtre, un bon creux d'une petite Bastille, et il vend des Bastilles sur le boulevard; il fait tailler les pierres de la forteresse, et il en fait des Bastilles qu'il envoie dans

chaque département; il envoie des pierres aux frontières, et il en marque les limites du territoire de la liberté; il en sculpte des bustes de Mirabeau et de Rousseau. Enfin, du fer, du plomb, du cuivre, il fait frapper des médailles, quatre mille de fer seulement; du reste de la démolition, il voulait faire un pont de la liberté. Il proposa d'élever une colonne de la liberté, de planter un jardin de la liberté; il fit même le plan de la colonne, qui, il faut le dire à sa louange, était aussi laide au moins que celle que nous y avons élevée après la révolution de 1830.

La démolition dura un an, c'est-à-dire du 15 juillet 1789, jour auquel elle commença, jusqu'au 21 mai 1790. Palloy fit établir des cartes particulières pour les entrepreneurs, pour les inspecteurs et pour les employés. Les cartes des entrepreneurs étaient rouges, celles des inspecteurs étaient bleues, et celles des employés étaient blanches; les trois cartes réunies correspondaient, comme on le voit, aux trois couleurs nationales: Palloy était homme d'imagination.

A chaque fête populaire, Palloy plaçait à ses fenêtres un transparent éclairé avec les fourneaux de la Bastille, et sur lequel était écrit en découpures:

RÉVEIL DE LA LIBERTÉ.

Nous retrouverons Palloy rimeur, soldat, motionnaire, prisonnier lui-même, sous le poids de certaines accusations qui indiqueraient qu'il n'avait pas employé à faire des médailles tout le fer, tout le cuivre et tout le plomb de la Bastille;

Mais toujours patriote.

Palloy mourut à Sceaux-Penthièvre, le 19 janvier 1835.

CHAPITRE XIX.

Retournons à l'Assemblée nationale, que nous avons perdue de vue, et voyons ce qu'elle a fait pendant les trois jours qui viennent de s'écouler.

Le dimanche 12, l'Assemblée nationale n'a pas tenu séance; ses membres étaient dispersés dans Paris, Versailles et les environs. Chacun, dans ces grandes journées, allait comme un chien qui quête, le nez au vent, cherchant des nouvelles et attrapant au vol celles qui se croisaient pour ainsi dire dans l'air.

Vers le soir, sur la nouvelle du renvoi des ministres, et particulièrement de M. Necker, tous les députés qui se trouvaient à Versailles se rassemblèrent spontanément; mais comme la séance n'était point régulière, tout se passa bien plutôt en causeries qu'en délibérations.

Tous les visages étaient sombres, tous les esprits étaient inquiets; on eût dit que le sort de la France entière reposait sur l'exil ou le rappel de M. Necker. Mirabeau lui-même, et l'on sait qu'il était loin d'être l'ami de ce ministre, Mirabeau lui-même disait tout haut qu'il ne mesurait qu'avec terreur l'abîme où le changement de ministère en un pareil moment pouvait entraîner la royauté.

En effet, le renvoi du ministère de M. Necker prouvait que la royauté était décidée à risquer un coup d'État; le roi du reste ne se cachait guère de cette intention. M. de Broglie avait dit à la reine : Donnez-moi cent mille hommes et cent millions, et je réponds de tout. Vous les aurez, avait répondu la reine. Et de fait il les avait cent mille hommes par la concentration des troupes sur Paris; cent millions par les billets d'État que l'on venait de fabriquer. Le 10, le roi avait dit :

« Il est nécessaire que je fasse usage des moyens qui sont en ma puissance pour remettre et maintenir l'ordre dans la capitale et les environs :

Le 13, il avait ajouté :

«Je vous ai fait connaître mes intentions sur les mesures que les désordres de Paris m'ont forcé de prendre. C'est à moi seul de juger de leur nécessité, et je ne puis, à cet égard, apporter aucun changement.

Le roi persistait donc dans son dessein de compression.

Le 12 au soir, le bruit courait qu'une séance royale devait avoir lieu le 13, et que l'intention bien arrêtée de la cour était de s'emparer de Paris dans la nuit du 14 au 15. Aussitôt Paris occupé, on eût dissous l'Assemblée.

Le 13, l'Assemblée ouvrit sa séance, sans se douter que cette séance devait durer soixante heures consécutives. Cependant, à tout hasard, elle commença par se déclarer en permanence, ce qui était une mesure toute révolutionnaire que l'on adoptait pour la première fois, et qui fut depuis adoptée à chaque révolution qui s'opéra.

Après une longue discussion sur le droit qu'avait le roi de garder ou de renvoyer ses ministres, l'Assemblée décida qu'il serait envoyé une députation au roi pour lui représenter tous les dangers qui menaçaient la capitale et le royaume, la nécessité de renvoyer les troupes, dont la présence irritait le désespoir du peuple, et celle de confier la garde de la ville à la milice bourgeoise.

Nous avons vu quelle avait été la réponse du roi ; il persistait dans ses projets d'hostilité et refusait de donner son consentement à la formation de la garde nationale.

Alors M. de La Fayette qui, le 11, avait proclamé que l'insurrection était le plus saint des devoirs, proposa de décréter la responsabilité des ministres, et sur la conclusion des discours prononcés au commencement de la séance par MM. Morisset, Target et Lally-Tollendal, l'Assemblée déclara :

« Que M. Necker, ainsi que les autres ministres, c'est-à-dire MM. de Montmorin, de La Luzerne et de Saint-Priest, emportaient avec eux son estime et ses regrets; qu'effrayée des suites funestes que pouvait entraîner la réponse du roi, elle ne cesserait d'insister sur l'éloignement des troupes extraordinairement rassemblées près de Paris et de Versailles, et sur l'établissement des gardes bourgeoises; qu'il ne pourrait exister d'intermédiaire entre le roi et l'Assemblée

« PreviousContinue »