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mettre de sortir dans la capitale, toujours sous les regards des hommes chargés de le surveiller.

Après avoir dit que le peuple étoit le souverain, et que la volonté générale fait la loi, elle prescrivit à tous les citoyens l'obligation de prêter le serment de maintenir la constitution qu'elle avoit créée, sous peine d'être dépouillés de tous leurs droits. Elle eut un si profond mépris pour les insensés qui l'admiroient ou les hommes foibles qui lui restoient soumis, qu'elle changea plusieurs fois, par des décrets absolument contraires, la même constitution qu'on avoit promis de maintenir, et qu'elle ordonna de jurer en faveur des nouvelles délibérations, comme elle l'avoit ordonné en faveur des anciennes.

Les biens du clergé étoient trop inégalement répartis. Plusieurs bénéficiers étoient sans fonctions utiles pour la religion et pour l'état. Les maisons religieuses étoient, chaque jour, réservées à un plus petit nombre d'individus. L'esprit de leur institution se perdoit. La société en retiroit peu d'avantages, et les opinions, généralement répandues à leur égard, s'opposoient à leur conservation. L'état avoit le droit d'exiger une répartition plus exacte des revenus ecclésiastiques, la suppression de tous les bénéfices inutiles et de la plupart des maisons reli

gieuses;

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gieuses, mais il falloit, dans ces changemens, respecter les droits des titulaires actuels, qui, ayant contracté d'après les lois antérieures, ayant proportionné leurs sacrifices, leurs dépenses, leurs engagemens, au sort qui leur étoit assuré, ne pouvoient être dépouillés de leur jouissance sans la plus grande injustice. Ils étoient aussi propriétaires de l'usufruit, qu'aucun autre citoyen de ses champs et de sa maison. Il n'étoit pas injuste, par exemple, de réunir les religieux du même ordre dans un petit nombre de couvens de fixer pour l'avenir le revenu des évêques, des cathédrales, des curés et des vicaires, en leur laissant des immeubles, suffisans pour la sûreté de ces revenus. On pouvoit ensuite employer au service public les biens qui se seroient trouvés vacans par les suppressions, établir une caisse d'amortissement qui auroit successivement disposé de la valeur des bénéfices éteints par mort des titulaires, en faire la base d'une banque dont les actions auroient eu la plus grande confiance. Les corps civils et religieux ne subsistant que par la permission du gouvernement, il est évident que lorsqu'il les supprime, les biens ne peuvent appartenir qu'à l'état, pourvu que les fondateurs n'ayent point laissé d'héritiers qui puissent revendiquer leurs droits. On Tome II. D

la

se seroit ainsi procuré d'immenses ressources " sans blesser les règles de l'équité. Le clergé de France n'auroit mis aucun obstacle. Il auroit consenti à faire autoriser, suivant les formes ecclésiastiques, les suppressions et les changemens qu'on auroit jugés nécessaires. Les titulaires 'eussent même volontairement sacrifié aux besoins de l'état une partie de leurs revenus.

Mais, comme l'a dit Montesquieu, le despotisme coupe l'arbre par le pied pour avoir les fruits. Les chefs de la révolution, pour s'attacher plus de partisans par la cupidité, voulurent pouvoir distribuer, sans retard, les dépouilles des ecclésiastiques. L'assemblée les bannit de leurs possessions, priva les pauvres des secours qu'ils recevoient de leur charité, de ceux. même qui leur avoient été promis par les fon-' dateurs. Elle eut l'audace de prononcer qu'on ne s'arrêteroit point aux clauses par lesquelles les fondateurs se seroient réservé le droit de reprendre leurs largesses, si leurs intentions n'étoient pas exécutées. Elle anéantit l'hypothèque des créanciers des corps ecclésiastiques, et les rendit, malgré eux, créanciers de l'état auquel ils n'avoient pas voulu confier leurs fonds. Elle donna les plus modiques pensions aux ecclésiastiques, subordonna tous les frais du culte et

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la subsistance de ceux qu'elle avoit ruinés, aux caprices de ses agens, à la bonne ou mauvaise situation des finances, dans un temps où l'anarchie anéantissoit les impôts. Elle mit les membres du clergé dans l'impossibilité de payer leurs dettes, de secourir leurs familles, et de soulager les indigens. Ainsi, par ce vol scandaleux, elle jeta dans le désespoir un nombre infini de citoyens; mais elle ne se borna point à. persécuter le clergé par la perte de ses biens; elle bouleversa les diocèses, transféra la juridiction spirituelle à son gré, déplaça les évêqués, en créa de nouveaux, remit à des électeurs, choisis par la multitude, le soin de les nommer. Elle fit toutes ces institutions, sans le secours de l'autorité ecclésiastique, ce qui étoit absolument contraire aux principes de la réligion suivie, jusqu'alors, par le prince et par plus de vingt-trois millions de Français. Elle ordonna ensuite à tous les prêtres de jurer ou de cesser leurs fonctions. Elle abandonna ceux qui refusoient un serment contraire à leur conscience à la haine de la populace que ses émissaires animoient en secret.

L'assemblée offrit le spectacle le plus révol tant qui puisse souiller les regards d'un homme juste, quel que soit son pays ou sa religion. On

vit des athés, ou des hypocrites, vouloir enchaîner les esprits par des sermens, après avoir donné l'exemple du parjure, établir un nouveau culte par la force des armes et par l'appui des brigands, parler de tolérance, pendant qu'ils laissoient persécuter ceux qui préféroient l'ancienne religion de leurs familles, qu'ils arrachoient au peuple ses temples et ses prêtres. En proscrivant le culte catholique, elle reconnoissoit qu'elle n'avoit pas le droit de s'emparer des biens destinés aux autres cultes, permettoit à leurs sectateurs de les célébrer solemnellement, sans entreprendre de rien exiger d'eux qui pût blesser leur doctrine.

Elle multiplia les lois rétroactives, s'érigea en cour de cassation, révoqua des arrêts du conseil et des jugemens rendus depuis trente ans, ne rougit pas de s'associer aux brigandages les plus atroces, en les protégeant ouvertement. Elle dépouilla les juges compétens de la connoissance des crimes, pour l'attribuer à d'autres tribunaux auxquels elle défendoit de rechercher les crimes commis avant l'époque qu'il lui plaisoit de désigner. Ce fut ainsi qu'elle assura l'impunité de tous les forfaits dans le Berri, le Nivernois, le Bourbonnois. Elle exempta de toute poursuite les auteurs des ravages exercés

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