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dans la Bretagne et dans plusieurs autres provinces. Elle appeloit les assassins et les incendiaires, des citoyens trompés. Elle prononça la surséance de tous les jugemens prévôtaux, au moment où une foule de coupables alloient subir le supplice qu'ils avoient mérité. Elle annulloit les procédures, quand elles prouvoient les crimes de ses sectateurs, et ne permettoit de les continuer, que lorsqu'elles étoient dirigées contre ceux qu'elle vouloit perdre. Après avoir fait ses efforts pour étouffer la vérité, au sujet des troubles de Nismes et de Montauban, de Nismes où périrent tant d'infortunés, elle excusa les massacres, calomnia les victimes, destitua les officiers-municipaux qui lui parurent trop ardens pour la justice et l'ordre public. Elle confia même le soin de juger les officiers de Montauban à la municipalité de Toulouse, qui s'étoit déclarée leur ennemie ; mais tous les municipaux ou les corps administratifs qui protégeoient les crimes, violoient les secrets des lettres et corrompoient les troupes, étoient assurés de son approbation. Dans ses décrets sur les droits féodaux, elle se joua des propriétés comme elle s'est jouée de la sûreté personnelle. Elle fit, dans tous les emplois, des changemens nombreux et précipités, sans pitié pour la multitude de ci

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toyens qu'elle privoit de leur état, et qu'elle ré duisoit à la misère. En vain le roi fit recommander à sa commisération tant de personnes ruinées par ses décrets ou par les crimes dont la révolation étoit le prétexte. Pour flatter l'orgueil ou la basse jalousie, elle défendit de faire usage des titres de noblesse, très-souvent la juste récompense des services, ou, depuis long-temps, apanages de certaines familles, sans considérer que ces distinctions n'étant plus accompagnées de priviléges onéreux, il ne pouvoit pas être utile au peuple de les abolir, et que ceux qui les possédoient ne supporteroient pas cette injuste privation.

Pour exclure de l'armée la plupart des officiers qu'elle savoit n'être pas disposés à souffrir tous les caprices des clubs, des municipalités, des districts et des départemens, elle encouragea l'indiscipliné et la révolte parmi les soldats, accusa les officiers d'avoir provoqué les violences et les insultes, comme on avoit accusé les propriétaires de fiefs d'avoir fait incendier leurs châteaux. Dans la rébellion de la garnison de Nancy, les seuls révoltés du régiment de Château - Vieux subirent, suivant les loix de leur pays, le juste châtiment de leurs fautes, tandis que l'assemblée récompensa, plutôt qu'elle ne punit, les deux

régimens qui les avoient entraînés dans le crime. On fit disparoître les preuves déjà rassemblées contre les séducteurs des soldats, et l'on supprima les procédures.

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Elle jeta dans la circulation une masse énorme de papiers-monnoies, qui fit disparcître le numéraire, et contraignit les créanciers à les recevoir en payement, malgré la perte de près de la moitié de leur valeur. Elle avoit promis à a ceux de l'état de tout leur sacrifier; mais elle abusa de leur confiance et détruisit les ressources qui pouvoient servir à les satisfaire. Appelée pour remédier aux déprédations de l'ancien régime, elle rendit le deficit huit fois plus considérable qu'il ne l'étoit avant les états-généraux. Elle augmenta les impôts en même-temps qu'elle anéantissoit les moyens de les percevoir. Elle augmenta bien plus encore les dépenses, après avoir consommé des sommes énormes; elle refusa de rendre compte, et la multitude fut assez stupide pour croire que des hommes qui, malgré sa préventión en leur faveur, craignoient d'exposer leur gestion à ses regards, avoient fidellement régi ses intérêts.

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Elle a fait tous ses efforts pour troubler le repos public dans les autres états. Elle a outragé tous les souverains, accueilli, avec transport,

tous ceux qui témoignoient le dessein d'exciter des révoltes dans leur patrie. A quel sort affreux elle a dévoué le comtat d'Avignon et le comtat Vénaissin, pour les soumettre à sa domination! Que d'atrocités ses funestes décrets ont fait commettre dans nos colonies, et sur-tout dans celle de Saint-Domingue! Combien elle augmenta la corruption des mœurs du peuple Français ! Elle l'a rendu l'objet de la haine et du mépris de toutes les nations; elle a fait, de la plus belle contrée de l'Europe, le séjour du crime et du désespoir.

Qu'on juge donc s'il doit être permis, en parlant des travaux de cette assemblée, de prononcer le mot de reconnoissance; si, dans la foule de ses décisions, on rencontre quelques dispositions utiles, elle les a puisées dans les intentions manifestées par le monarque, et dans les cahiers de ses commettans; elle s'en est servi comme un malfaiteur se sert d'un aliment sain, pour envelopper le poison.

CAPITRE XXXI I I.

Que la violence et la terreur ont dicté la plupart des résolutions de l'assemblée de 1789, et que la majorité de ses membres ne les a jamais librement adoptées.

QUEL eût été l'excès de l'opprobre de notre

patrie, si dans une assemblée formée non-seulement des représentans des communes, mais encore des députés particuliers du clergé et de la noblesse, le plus grand nombre des suffrages librement exprimés, avoient pu protéger le crime, persécuter l'innocence, et consommer la ruine de l'état.

Par leur propre intérêt, le clergé, les nobles, tous les députés propriétaires devoient être les ennemis de l'anarchie, puisqu'ils alloient en devenir les premières victimes. Pour exposer au milieu de tous les désordres, la sûreté de ses proches et de ses amis, pour faire des spéculations de célébrité et de fortune, sur le désespoir de ses semblables, pour être témoin indifférent des incendies et des meurtres qu'on a soi-même provoqués, en rendant la multitude

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