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portion égale à celle des autres héritiers, il est certain que le don se trouverait dispensé du rapport, puisque la volonté du donateur ne pourrait être équivoque à cet égard.

Mais si, par le nouvel acte, le donateur s'était borné à ordonner que tous les biens qui lui appartiendraient à son décès seraient partagés par égales portions entre ses héritiers; comme le don qui avait été fait sans dispense de rapport se trouverait faire partie de la succession, et que la succession devrait être partagée également entre tous les héritiers, il y aurait lieu au rapport de la chose donnée: la seconde disposition ne pourrait être considérée comme dispense de ce rapport, et semblerait plutôt l'ordonner pour rétablir l'égalité.

Il est donc bien important pour prévenir, dans cette matière, toutes les difficultés qui pourraient s'élever sur l'interprétation des termes, de rédiger très clairement et d'une manière expresse et formelle, la dispense du rapport.

Suivant l'article 843, l'héritier est tenu de rapporter tout ce qu'il a reçu par donation entre-vifs, directement ou indirectement; et il est évident que ces dernières expressions ont eu pour objet d'atteindre tous les avantages quelconques faits à l'héritier, par quelque acte et de quelque manière que ce puisse être.

La donation déguisée étant une véritable fraude dans les cas où la loi défend de donner, il suffit de l'établir par des circonstances extérieures, sans qu'il

soit besoin d'en trouver la preuve dans l'acte même qui contient la donation; mais il faut que ces circonstances soient assez fortes pour donner au juge la conviction entière qu'il y a réellement une donation déguisée.

On peut faire, à cet égard, une observation générale qui sera souvent utile.

Lorsqu'un père n'a pas donné la portion disponible, ou qu'il ne l'a pas épuisée, si l'avantage indirect qu'on suppose qu'il a fait à un de ses enfans, n'excède pas la portion dont il pourrait disposer en sa faveur, il n'est pas vraisemblable qu'il ait eu réellement l'intention de faire un avantage et de déguiser une donation, puisqu'il pourrait, sans prendre de voie cachée, donner ouvertement, à titre de préciput, tout ce qu'il aurait donné d'une manière indirecte. On ne cherche point à agir en fraude de la loi, lorsqu'elle permet ce qu'on veut faire et qu'on ne fait réellement que ce qu'elle permet ; et conséquemment il ne peut y avoir, en général, d'avantages indirects que sur ce qui excède la portion disponible.

Il est un moyen qu'on emploie très-souvent pour déguiser les donations, et qui donne lieu tous les jours à de longs débats.

Un père vend son héritage, sous la condition que la remise en sera faite à l'un de ses enfans qu'il veut avantager; mais la condition n'est pas écrite dans l'acte de vente seulement l'acquéreur donne une contre-lettre, ou l'on se confie à sa parole..

Si la contre-lettre ne se trouve pas, ou s'il n'y en a point eu, comment découvrir la vérité ?

L'affirmation de l'acquéreur et celle de l'enfant donataire peuvent bien être exigées; mais elles ne sont pas toujours dirigées par la bonne foi.

La remise faite à l'enfant n'est pas une preuve suffisante de collusion. Il est possible que l'enfant ait voulu recouvrer un bien de famille que son père avait réellement vendu à un étranger.

Mais beaucoup d'autres circonstances peuvent dévoiler la fraude.

Par exemple, si le père n'avait pas besoin de vendre, s'il avait vendu étant malade, ou peu de temps après sa mort, ou en rente viagère ; si l'acquéreur était parent de l'enfant donataire, ou de sa femme, ou de ses enfans; s'il n'était pas en état de payer comptant la somme dont l'acte de vente porte quittance; s'il avait remis les biens à l'enfant peu de temps après la vente ; si ce n'était pas lui mais l'enfant qui eût joui des biens, ou fait acte de propriétaire, dans l'intervalle entre la vente et la remise; s'il était convenu en présence de témoins, n'avoir pas acheté pour lui, mais pour l'enfant, on pourrait aisément conclure de toutes ces circonstances, et même de quelques-unes seulement, que ce n'est pas une vente réelle mais une donation déguisée,

Si par une transaction sur un compte de tutelle, le père s'est constitué débiteur envers l'un de ses enfans d'une somme qu'il ne lui doit pas réellement, ou d'une somme plus considérable que celle dont il est

réellement débiteur, il y a un avantage sujet à rapport.

Il en est de même, si le père a donné décharge pure et simple à un de ses enfans du compte que celui-ci devait pour avoir géré ses affaires, sans que le compte ait été rendu et appuyé de pièces justificatives. Ferrière cite un arrêt du 22 janvier 1569, qui l'a ainsi jugé.

Mais si le compte avait été rendu et appuyé de pièces justificatives, la décharge et la quittance données par le père seraient valables, à moins qu'il ne fût prouvé que le compte n'a pas été fidèle, ou qu'il ne fût établi que le reliquat n'a pas été payé.

Lorsqu'un père a acheté les droits qui revenaient à l'un de ses enfans dans la succession de sa mère, et qu'il a donné plus que la juste valeur, l'excédant est sujet à rapport. Un arrêt conforme est rapporté par Carondas, liv. 7, chap. 29.

Si un père qui a été marié deux fois, et qui fait le partage de sa communauté avec ses enfans du premier lit, sacrifie des reprises qu'il avait droit d'exèrcer contre eux, ou souffre qu'ils en exercent contre lui d'illégitimes, ou porte à un prix trop haut les récompenses qu'il leur doit, ou estime trop bas les réparations ou améliorations utiles qu'il a faites à leurs biens personnels, il est évident qu'il y a, en faveur de ces enfans du premier lit, un avantage réel dont le rapport peut être exigé par les enfans du second mariage, à l'époque du partage de la succession A. D.

du père.

CEUVRES

ŒUVRES CHOISIES

DE LEMAITRE,

Précédées d'un Fragment sur l'Influence de la Vo→ lonté sur l'Intelligence, par M. BERGASSE; et de la Vie de LEMAITRE, avec un Examen de sa manière et unè Analise de ses Plaidoyers non réimprimés; par M. FALCONNET (1).

LES Œuvres de Lemaître étaient peu lues, parce que le même mérite qui les avait autrefois fait accueillir, détournait de leur lecture, qu'il rendait pénible. Retiré dans une solitude où sa principale occupation fut l'étude de l'Ecriture Sainte, des Pères et des Conciles, il les traduisait, les extrayait, les commentait : il en avait nourri son ésprit, meublé sa mémoire ; de manière que lorsqu'il se résolut de publier ses Plaidoyers, qu'il regardait comme une œuvre profane, il se crut obligé, pour la sanctifier en quelque sorte, d'intercaler, toutes les fois qu'il en trouvait l'occasion, des lambeaux plus ou moins considérables de ce qu'il avait recueilli pendant quinze ans de recherches et de méditations. II avait cité jadis les poëtes et les philosophes : à ces citations il ajouta celles des auteurs sacrés ; et dans

Un vol in-4°., chez Duminil-Lesueur, libraire, rue de la Harpe, no. 78. Prix, 9 fr., 12 fr. par la poste.

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