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charge que l'accusé voudrait faire entendre de nouveau devant la Cour d'appel.

M. Thiénot ne pense pas qu'il soit nécessaire de faire remarquer tous les vices de ce système; l'imperfection en est prouvée et par l'embarras de M. Martineau lui-même, et par les hésitations qu'on remarque à chaque instant en lisant cette partie de son ouvrage.

Mais abstraction faite du nouveau plan qu'on pourrait adopter, la procédure par jurés doit-elle être conservée ?

M. Thiénot rappelle d'abord toutes les raisons qu'on a fait valoir en faveur de cette institution; et il pense que si elle n'a point, dans ces derniers temps, justifié l'attente qu'on en avait conçue, c'est parceque jusqu'à présent les jurés ont été mal choisis; c'est peut-être aussi parceque certaines peines ne sont point nuancées conformément aux circonstances qui font varier la gravité du délit, de sorte qu'un juré résiste souvent à l'impulsion de sa conscience qui déclare l'accusé coupable, pour ne pas exposer celui-ci à une peine exorbitante; c'est enfin parceque la nécessité de poser la question intentionnelle, et de ne présenter aucune question complexe, force les juges à égarer le juri dans un labyrinthe de métaphysique qui dénature l'institution.

Si ce sont la les causes généralement reconnues du mal dont on se plaint, il vaut mieux essayer de les détruire que de supprimer une institution, pour

la remplacer par une autre qui présentera ensuite de nouveaux inconvéniens.

Il n'est peut-être pas difficile de parvenir à un meilleur choix des jurés.

Ce n'est pas, dit M. Thiénot, aux préfets à en former les listes; il faudrait que dans l'étendue de chaque ressort d'un tribunal de première instance, il fût fait par le directeur du juri, par le magistrat de sûreté, et par les maires de chaque commune du ressort, un premier choix de 300 jurés, pris parmi les propriétaires les plus imposés et les citoyens les plus probes et les plus éclairés.

Le premier jour de chaque mois, on tirerait au sort 24 jurés sur les 300; ce serait, pour la session, le juri d'accusation. Le prévenu, ou les prévenus réunis, auraient le droit d'en récuser huit, et le magistrat de sûreté huit autres. Après les récusations, s'il restait encore plus de 8 jurés, ils devraient être réduits à ce nombre par le sort, et alors ils décideraient à la majorité de 6 contre 2, s'il y a lieu à

accusation.

Pour le juri de jugement,'un premier choix de 600 serait fait par le président de la Cour criminelle, le procureur-général et le maire de la ville; à chaque session on tirerait au sort 36 jurés, sur lesquels les prévenus pourraient en récuser 12, et le procureur-général 12 autres. Dans tous les cas, le juri, réduit par le sort à 12 membres, prononcerait à la majorité de 9 contre 3.

M. Thiénot croit qu'on pourrait écarter la seconde

cause des reproches adressés au juri, en ado ptant la proposition de fixer pour les crimes qui n'emportent par la peine capitale, un maximum et un minimum entre lesquels la Cour déterminerait le degré de peine d'après les circonstances.

Quant à la 3ème, cause, elle disparaîtrait, si l'on réduisait les questions à proposer au juri à 2 seules: tel crime a-t-il été commis ? l'accusé est-il coupable? Il pense que la dernière ne suffirait pas, parcequ'il importe, avant tout, de constater l'existence du corps du délit.

M. Thiénot repousse la proposition de supprimer les Cours de justice criminelle; il convient cependant que quelques-unes de ces cours sont surchargées, tandis que d'autres n'ont pas. quelquefois deux procès à instruire, dans l'espace de plusieurs mois; mais il pense qu'on remédierait facilement à cet inconvénient, en adoptant pour les tribunaux criminels une division indépendante de la division des départemens, et fondée sur ce que l'expérience aura appris relativement au nombre d'affaires que chaque partie du territoire fournit annuellement.

Telles sont les principales observations qu'on trouve dans l'ouvrage que nous avions à faire connaître à nos lecteurs. M. Thiénot conserve, comme on a pu le voir, le juri d'accusation, et il rejette le système de l'unanimité dans les déclarations du juri. Une partie de ces réflexions ne présente plus le même intérêt depuis qu'un nouveau Code d'ins

truction criminelle a prononcé sur les questions importantes qui divisaient nos publicistes; mais il en reste encore un assez grand nombre qui peuvent être utiles lorsqu'on achevera le perfectionnement de nos institutions judiciaires. L'ouvrage de M. Thiénot est écrit dans un excellent esprit; il repousse tous les projets de destruction et de créations nouvelles, qui conduisent toujours d'institutions imparfaites à des institutions plus imparfaites encore.

On pourrait désirer dans ses idées un peu plus d'ordre, et dans leur expression moins de redites; l'un de ces défauts est la suite de l'autre.

H. B.

REMARQUE SUR LES RÉFÉRÉS.

Cette forme particulière de procédure avait été établie par un édit du mois de janvier 1685, portant règlement pour l'administration de la justice au Châtelet de Paris.

Il est des cas dont l'urgence est telle, que s'il n'y est pas pourvu sur-le-champ, l'autorité judiciaire n'offrirait plus qu'un remède inutile.

C'est surtout dans les grandes villes que l'usage des référés est nécessaire.

La difficulté de rassembler les juges, et la multitude des affaires qui se pressent dans le mouvement continuel d'une nombreuse population, ont suggéré le moyen d'attribuer à un seul magistrat le pouvoir de statuer sur les réclamations qui présentent du pé

ril dans la demeure, ou des entraves dans le cours de la justice.

Ce pouvoir ne semble pas dangereux, parceque l'ordonnance du juge ne fait aucun préjudice au principal. L'abus ne serait à craindre qu'autant que le juge écarterait l'acte conservatoire qui lui est demandé, et qu'alors le recours au principal deviendrait illusoire.

Ce qui n'avait été introduit que pour le Châtelet de Paris, est devenu la règle de tous les tribunaux de l'Empire Français. Le Code de Procéd. nous a donné un titre particulier des référés, ce qui est propre à nous persuader que l'avantage de cette mesure a été justifié par l'expérience; mais les règlemens les plus sages ne sont pas toujours entendus et exécutés selon les vues du législateur, et cette nouvelle disposition du Code de Procédure civile a déjà produit tant de procès sur la compétence du juge en référé, qu'il faudrait en déplorer l'usage, s'il n'était pas possible de fixer les idées sur l'objet de cette procédure.

La difficulté est de savoir dans quel cas il y a matière à référé.

Voici l'article du Code de Procédure civile qu'il s'agit d'entendre.

<< Dans tous les cas d'urgence, lorsqu'il s'agira de >> statuer provisoirement sur les difficultés relatives » à l'exécution d'un titre exécutoire ou d'un juge» ment, il sera procédé ainsi qu'il va être réglé ci» après. (Art. 806.)

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