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deux sections. Les deux provinces sont, en effet, trop différentes l'une de l'autre sous le rapport du climat, des productions, de la population, et au point de vue historique, pour qu'on puisse sans inconvénient les comprendre dans le même cadre descriptif.

HAUT-CANADA. Le Haut-Canada est situé entre les 41°47′ et 49° de latitude nord, et s'étend à l'ouest à partir du 74me degré de longitude à l'occident du méridien de Greenwich. Il est borné, au sud, par les États-Unis; au nord, par le territoire de la baie d'Hudson et la rivière Ottawa; à l'est, par le Bas-Canada; à l'ouest, ses limites sont difficiles à déterminer on peut dire qu'elles sont marquées par les sources des différents cours d'eau qui tombent dans le lac Supérieur.

Cette province est divisée en onze districts, vingt-six comtés et six cantons comprenant ensemble deux cent soixante-treize townships, indépendamment de quelques vastes étendues de terrain réservées à la couronne, et d'une portion de territoire abandonnée aux indiens. La superficie totale de la province peut être évaluée, en chiffres ronds, à 141,000 milles carrés.

Cette vaste portion des colonies britanniques occupe la rive nord du fleuve Saint-Laurent depuis la Pointe-auBaudet jusqu'au lac Ontario, les bords septentrionaux de ce lac et du lac Érié jusqu'au Saint-Clair, enfin ceux de la partie du fleuve qui réunit le Saint-Clair au lac Huron. Le sol, par sa fécondité, sa variété et les qualités qui le rendent propre à toute espèce de culture, peut Soutenir la comparaison avec les terrains les plus riches de tout le NouveauMonde.

On conçoit que l'aspect d'une province aussi étendue est trop varié pour qu'on puisse en donner une idée exacte en quelques lignes. Des milliers de cours d'eau, entrecoupés par des chutes formidables ou par des cascades bril lantes; des lacs dont le regard ne peut embrasser les rivages; d'immenses forêts, dont le bruit de la cognée trouble de temps en temps le majestueux silence; des inarais à perte de vue; dans un certain rayon, des campagnes merveilleusement cultivées, des fermes en grand

ses

nombre, des villages aux rues droites et propres; au milieu de ce panorama grandiose, le Saint-Laurent avec cataractes mugissantes, ses rapides effrayants, ses îles si nombreuses et si pittoresques, et les mers d'eau douce qu'il traverse, voilà ce qui se présente confusément à la mémoire du voyageur après qu'il a parcouru le Haut-Canada.

Dans cette province il n'existe pas, à proprement parier, de montagnes. La seule chaîne de hauteurs que l'on puisse citer est celle qui commence à la baie de Quinté, suit la rive nord du lac Ontario jusqu'à son extrémité occidentale, et se dirige ensuite à l'est jusqu'à la rivière de Niagara. Les Canadiens font à cette série de collines .l'honneur du nom de montagnes, quoique l'élévation moyenne de ce plateau n'excède pas cent pieds anglais, et que les sommets les plus remarquables aient à peine 300 pieds. Malgré sa grande étendue, cet accident de terrain n'est pas de nature à jeter une grande variété dans l'aspect général de la province. Suivant l'observation de Talbot, les sites intéressants qui existent des deux côtés de la chaîne ne peuvent s'apercevoir à distance, à cause de l'épais rideau de forêts qui les cache; un aéronaute pourrait seul les passer en revue du haut de son ballon.

Le Haut-Canada n'est pas moins bien arrosé que la province voisine. Mais les bords de ses nombreux cours d'eau sont loin d'être aussi peuplés; par suite, leur aspect est moins varié. L'Ottawa ou Grande-Rivière, qui se jette dans le SaintLaurent, à 30 milles à l'ouest de Montreal, est navigable depuis son embou chure jusqu'à sa source, tant son lit est profond et large. La Trent prend naissance dans le lac Rivière, et, après un cours de plus de 100 milles, se rend dans la baie de Quinté. L'Ouse tombe dans le lac Erié, à 40 milles de son extrémité orientale; cette belle rivière est navigable pour de petites embarcations jusqu'à la distance de plus de 50 milles; sur ses rives s'étendent de magnifiques prairies qu'habitent les Indiens des SixNations. La Tamise prend sa source dans une partie du pays qui n'a pas encore été explorée; et après avoir serpenté l'espace de 200 milles, se décharge

dans le lac Saint-Clair. Ici comme sur les bords de l'Ouse, on voit de ces steppes fertiles qui se développent à perte de vue et dont la superficie est couverte d'herbes gigantesques. Cooper a merveilleusement décrit (1) ces plaines silencieuses que traversent de temps en temps de formidables troupeaux de bisons, et dont la surface mobile ressemble, quand elle est agitée par le vent, à un grand lac ou à une mer véritable. Le terrain qu'arrose la rivière dont nous venons de parler, fertilisé par des inondations annuelles et régulières, est d'une fécondité inépuisable, et peut être comparé aux campagnes de l'Ohio. Il produit une quantitépresque incroyable de blé indien; mais il est trop riche pour le froment, l'avoine et autres espèces de céréales ordinaires. On y cultive avec un succès surprenant toutes les plantes potagères dont on peut trouver le débit dans le pays.

Nous passons sous silence une foule de petites rivières et de torrents qui sillonnent aussi le sol du Haut-Canada, et que les Américains, par un motif qu'on ne saurait guère expliquer, désignent sous le nom de criques.

L'extrémité méridionale de la province forme une péninsule séparée du reste du pays par la Severn et la Trent, rivières que réunit une chaîne de petits lacs. Cette presqu'île est remarquable par la fécondité de son sol et la douceur de la température qui y règne.

La population du Haut-Canada, qui, en 1783, était presque nulle, à cause du petit nombre d'établissements que les Anglais avaient formés dans cette province, s'élevait en 1811, à 77,000 âmes; en 1824, elle était de 151,097 habitants; en 1828, de 185,526 en 1832, de 215,000. Aujourd'hui elle doit aller au delà de 300,000 individus. Cette prodigieuse aug. mentation s'explique par l'arrivée continuelle d'émigrants venant d'Angleterre, et surtout d'Irlande, et aussi des Etats-Unis. La foule des aventuriers qui, depuis une quarantaine d'années, vont chercher fortune dans ces contrées, presse sur les rives septentrionales des lacs Erié et Ontario, ainsi que sur cel

se

(1) Voyez le roman américain intitulé: la Prairie.

les du Saint-Laurent jusqu'à sa jonction avec l'Ottawa, non loin de l'île de Montréal. - Les parties du Haut-Canada les plus civilisées et les mieux peuplées sont: 1o la vaste étendue comprise entre la ligne de démarcation des deux provinces et la baie de Quinté, étendue qu'on peut évaluer à 150 milles; 2° les bords du Niagara depuis Fort-George jusqu'à Queenston; 3o les environs de Sandwich et d'Amherstbourg. Les autres portions du territoire n'offrent qu'un commencement de colonisation, ou même sont complétement désertes. En général, la civilisation ne se fait sentir que là où la facilité des communications par eau a engagé les émigrants à s'établir.

Le Haut-Canada étant un pays encore neuf et colonisé d'hier, on pense bien qu'il n'y existe pas encore de villes considérables. York, ou Toronto, est la capitale. C'est une ville naissante, et qui ne compte guère encore que cinq ou six cents maisons, la plupart construites en bois; elle est, ou plutôt elle était le siége du gouvernement de la province, avant l'acte de réunion voté par le parlement britannique. Ses édifices publics sont la maison de l'ancien gouverneur, le bâtiment où la chambre d'assemblée tenait ses séances, une église et une prison. La position d'York sur la rive nord-ouest du lac Ontario, auprès d'un excellent port, lui assure, pour l'avenir, une importance véritable, tant sous le rapport commercial qu'au point de vue militaire. Aucune ville canadienne n'a grandi et ne s'est développée aussi rapidement que York. En 1793, le terrain qu'elle occupe n'offrait qu'un seul wigwam indien; au printemps suivant l'emplacement de la future capitale fut fixé, et l'on commença à construire des maisons. En moins de six ans, York offrait déjà l'aspect d'une petite ville. Aujourd'hui elle contient de 4 à 5,000 âmes, et elle est en pleine voie de prospérité.

Kingston est la ville la plus considérable, la plus populeuse et la plus importante elle est avantageusement située, sur la rive nord du Saint-Laurent, ou plutôt à l'extrémité orientale du lac Ontario. Sur l'emplacement qu'elle occupe s'élevait autrefois le fort Frontenac, ancien poste français. Fondée en 1783, elle a fini par compter environ 700 mai

sons et 6,000 habitants. Elle est aujourd'hui l'entrepôt général du commerce entre Montréal et les établissements situés sur les rives du lac et dans l'intérieur des terres. Elle est défendue par plusieurs förts et d'autres ouvrages qui en rendraient l'accès difficile à un ennemi quelconque.

Niagara ou Fort-George, autrefois Newark, mérite une mention particulière. Cette bourgade est située sur la rive occidentale du Saint-Laurent, à l'endroit où ce fleuve prend le nom de Niagara: sa position sur les bords de l'Ontario et à l'embouchure de la rivière dans ce lac lui donne une importance et des avantages qu'on s'expliquerait difficilement, Si l'on ne considérait que le petit nombre de ses habitants; mais le voisinage immédiat de la frontière des ÉtatsUnis l'expose, en temps de guerre, aux attaques de la puissance limitrophe. En décembre 1813, au moment où cette petite ville semblait en pleine prospérité et en voie de progrès, un détachement américain, sous la conduite du général Mac-Clure, commandant de la milice de New-York, s'en empara, y mit le feu, et la détruisit de fond en comble (1). Niagara est sortie de ses cendres avec une rapidité surprenante. Sa population, qui en 1828 n'était que de 1,262 individus, s'élève aujourd'hui à environ 1,800. On y publie deux journaux hebdomadaires, ce qui prouve combien l'habitude des discussions politiques et le besoin de la presse périodique ont pénétré dans ce pays, grâce aux Anglais. Niagara était autrefois le siége du gouvernement du Haut-Canada; mais le gouverneur Simcoe transporta sa résidence et la législature à York, dont il avait jeté les premiers fondements. Pour compléter ce que nous avons à dire de FortGeorge, nous ajouterons que le port de cette ville, ou plutôt de ce village, offre toujours la scène la plus animée, par suite du départ et de l'arrivée des sloops, canots et bateaux à vapeur employés à la navigation du lac Ontario et du SaintLaurent jusqu'à Prescott.

(1) Il est juste d'ajouter que cet acte de barbarie fut solennellement désapprouvé par le gouvernement de l'Union. Les Anglais, eux, ne se sont pas crus obligés de désavouer l'horrible incendie de Washington.

Queenston est située à sept nulles de Niagara, au pied des hauteurs pittoresques auxquelles ce village a donné son

nom.

Le paysage qui l'entoure est éminemment romantique, et les vastes forêts qu'on aperçoit dans le lointain ajoutent à la beauté du tableau. Les hauteurs de Queenston sont célèbres dans les annales historiques du Canada : elles ont été le théâtre d'une bataille sanglante le 8 octobre 1812, et de la mort du général anglais Brock, tué à la tête de sa petite armée par une balle américaine. En souvenir de cet événement, les habitants de la province ont élevé un monument funéraire sur le lieu même où fut tué le chef des troupes britanniques. Buffalo est un village populeux, assis sur les bords du lac Erié.

Amherstbourg, sur le rivage oriental de la rivière de Détroit, est une charmante petite ville entourée d'une campagne verdoyante.

Nous ne pousserons pas plus loin cette énumération des villes du HautCanada, car nous ne trouverions plus à mentionner que des villages habités par quelques centaines d'individus.

Passons à la description de la province inférieure, description qui sera nécessairement très-rapide, malgré le grand nombre des objets qui mériteraient d'arrêter notre attention.

BAS-CANADA. La province du Bas-Canada est située entre 45° et 52o de latitude nord, 57° 50′ et 80° 6' de longitude à l'ouest de Greenwich. Ses limites sont : au nord, le territoire de la compagnie de la baie d'Hudson ou le Maine oriental; à l'est, le golfe de Saint-Laurent et une ligne tirée depuis l'Anse au Sablon, sur la côte du Labrador, jusqu'au 52me degré de latitude; au sud, le NouveauBrunswick et les provinces du Maine, de New-Hampshire, de Vermont et de New-York, appartenant à l'Union américaine; à l'ouest, les rivières Ottawa et Montréal.

La superficie totale du territoire de la province est estimée à 205,863 milles carrés, dont 3,200 sont occupés par les lacs, les rivières et les torrents qui arrosent ce pays; dans ce calcul ne sont compris ni le fleuve ni le golfe Saint-Laurent, qui couvrent ensemble une surface de près de 52,500 milles, la

quelle, ajoutée à notre première évaluation, donne un total de 258,363 milles carrés pour la province.

Le Bas-Canada est divisé en trois districts principaux: Québec, Montréal et Trois-Rivières, et en deux moins considérables: Gaspé et Saint-François. Il est subdivisé en quarante comtés, qui euxmêmes sont partagés en seigneuries, fiefs et townships. On compte que 3,000,000 d'acres de terre sont en pleine culture; il y en a 200,000 en abattis, suivant l'expression consacrée dans le pays, c'està-dire à moitié défrichés. On peut dire, avec quelque certitude, que le tiers des terrains cultivés produit des céréales pour la consommation intérieure et l'exportation, et que les deux autres tiers sont en prairies qui fournissent d'excellents fourrages.

Le Bas-Canada est plus pittoresque que la province supérieure: les collines sans nombre, les plaines immenses et les vallées profondes qui accidentent sa surface; les hautes montagnes qui dans certaines localités, forment une barrière naturelle entre deux districts voisins; les innombrables cours d'eau qui serpentent dans tous les sens jusqu'aux lacs qui les reçoivent, ou jusqu'au Saint-Laurent qui les absorbe; ce fleuve majestueux qui, à partir de Québec, s'élargit et se transforme en une mer véritable; tout cela donne à cette région du Canada une physionomie plus variée, plus intéressante et plus animée que ne l'est celle du pays occidental. Il est plus que probable que dans quelques années la plus grande partie de ce soll, si fertile et si heureusement arrosé, sera soumise aux procédés de l'agriculture, et offrira toutes les traces d'une civilisation perfectionnée; le reste est condamné par la nature elle-même à une éternelle stérilité, mais servira de complément nécessaire au tableau.

Du reste, cette œuvre de progrès s'opère rapidement dans le Bas-Canada; la population s'y accroît dans une proportion extraordinaire, et cette rapide augmentation influe de la manière la plus heureuse sur l'agriculture.

En 1676, on ne comptait dans cette province que 8,415 âmes; en 1688, it y en avait 11,249; en 1700, 15,000; en 1706, 20,000; en 1714, 26,904:

en 1759, 65,000; en 1784, 113, 000; en 1825, 450,000. Aujourd'hui le nombre d'habitants surpasse 600, 000. Ainsi, et pour ne considérer que les deux dernières périodes, qui sont les plus remarquables, la population du Bas-Canada a augmenté, de 1784 à 1825, de 337,000 habitants, et de 1825 à 1841, de plus de 150,000. La fécondité des mariages et l'affluence annuelle des émigrants font présumer que l'accroissement continuera sur la même échelle.

En prenant pour base ce phénomène statistique, on peut affirmer que la population des territoires britanniques de l'Amérique du Nord s'accroît dans une progression géométrique par chaque période de seize ans. Et si l'on réfléchit que la prospérité de ces colonies s'accroît en raison directe du nombre de leurs habitants; si l'on considère la prodigieuse richesse et l'immensité du sol qui reste encore à exploiter, l'extrême facilité des communications par eau, les ressources commerciales qu'offrent la pêche dans le golfe Saint-Laurent et la chasse dans les steppes du nord, on pourra se faire une idée du brillant avenir réservé à cette contrée, et de l'utilité dont le Canada et ses dépendances seront, un jour à leurs possesseurs. Le Bas-Canada est traversé dans toute sa longueur par le Saint-Laurent. Indépendamment de ce fleuve, dont nous donnerons plus loin la description détaillée, la province basse est arrosée par des cours d'eau plus importants que ceux du Canada supérieur. Nous allons énumérer les principaux, en allant de l'ouest à l'est, et en commençant par la rive nord du Saint-Laurent.

L'Ottawa, dont nous avons déjà parlé, appartient aussi au Bas-Canada; cette belle rivière sort du lac Témiscaming, à 350 milles de son confluent, et prend sa source à plus de 100 milles au delà de ce lac; elle coule majestueusement à travers un pays magnifique et encore presque à l'état de nature, malgré sa fertilité et les autres avantages qu'il offre aux cultivateurs. Depuis le Portage des Allumettes jusqu'à sa jonction avec le SaintLaurent, elle est plus connue, et ses bords sont fréquentés par les marchands de bois, qui trouvent dans ces districts lointains de grandes quantités de beaux arbres.

Des îles couvertes de la plus riche verdure, des rapides qui occasionnent de nombreux portages (1), des cataractes imposantes et des lacs majestueux interrompent et accidentent, de distance en distance, le cours de l'Ottawa. Parmi les cataractes, nous ne pouvons nous dispenser de mentionner celle qui est connue dans le pays sous le nom de Chutes de la Chaudière. Après avoir traversé un lac pittoresque long de dixhuit milles sur cinq de largeur, la rivière passe sur des rochers qui entravent la navigation, et se précipite brusquement par plusieurs ouvertures dans un gouffre multiple. Une des chutes s'appelle la Grande Chaudière, l'autre la Petite Chaudiere. La première doit son nom à sa forme semi-circulaire et au volume d'eau qu'elle embrasse. Elle a 60 pieds d'élévation (mesure anglaise) et 212 de largeur. Elle est située à peu près au centre de la rivière; l'eau, resserrée par les bords arrondis du rocher, qui constitue le récipient, tombe en nappes épaisses, cherche à s'échapper, et s'élève sous la forme de nuages mêlés d'écume; ces blanches nuées dérobent constamment aux regards la moitié de la cataracte, et montent en colonnes légères, qui, tournoyant avec grâce au-dessus du roc supérieur, lui font une couronne éblouissante. Quant à la Petite-Chaudière, elle ne mérite guère ce nom, car les eaux s'y précipitent par une ouverture large et sans courbure, qui, se dirigeant obliquement au nord-ouest de la Grande-Chaudière, forme avec celle ci un angle obtus. Une grande partie de ces eaux doit nécessairement se perdre sous terre après être tombée dans le gouffre bouillonnant, car la masse liquide qui arrive à la plate-forme est visiblement beaucoup plus considerable que celle qui trouve une issue ostensible après la chute. Ce fait n'est pas particulier à la Petite-Chaudière; il constitue un des caractères les plus curieux de cette partie de l'Ottawa; dans plusieurs autres endroits, en effet, les eaux s'engloutissent par

(1) Nous rappellerons qu'on appelle ainsi les endroits ou les difficultés de la navigation obligent les voyageurs a marcher pendant un temps plus ou moins long. Nous avons dit que pendant ces étapes forcées les hommes portent leurs bagages et même leurs canots; mais ces derniers sont excessivement legers.

des fissures profondes, mais étroites, et, laissant leur lit naturel presque à sec, continuent leur marche par des passages souterrains qui défient le regard de l'homme.

Près des chutes se trouvent les PontsUnis, dont parlent quelques voyageurs. C'est une série de sept ponts en bois ou en pierre, jetés sur plusieurs bras de l'Ottawa. Un de ces ponts a été construit avec les plus grandes difficultés. Comme il était impossible d'amarrer des barques dans une des passes, à cause de la rapidité du courant et de l'agitation extrême de l'eau, et qu'en conséquence les travaux ne pouvaient être commencés, on eut l'idée d'établir d'abord dans cet endroit une passerelle semblable à celles que les Péruviens jettent sur leurs rivières au moyen de quatre câbles très-forts, dont les extrémités furent fixées des deux côtés du chenal, on forma une espèce de plancher passablement solide. Le centre de ce pont volant courbé en demicercle était à sept pieds de la surface de l'eau, tandis que les deux extrémités, attachées au sommet des rochers perpendiculaires des deux rives, s'élevaient à trente-deux pieds au-dessus du niveau du gouffre béant. Cette frêle communication entre les deux bords du bras de la rivière ne laissait pas d'offrir quelque danger aux personnes qui ne sont pas accoutumées à l'usage de ces ponts mobiles. On raconte cependant que la comtesse Dalhousie, épouse du gouverneur du BasCanada, osa passer seule d'une rive à l'autre. Cet acte de témérité, blâmable chez une femme, ne peut être attribué qu'à l'excentricité anglaise. Aujourd'hui un pont véritable existe sur le chenal en question.

En descendant l'Ottawa, plus on approche du confluent, plus le paysage s'anime et annonce le voisinage de la civilisation. De riches cultures s'étendent sur les deux rives, et des villages riants se montrent çà et là, comme pour attester le commencement de la lutte de l'homme contre la nature. Au nombre des proprié tés situées sur la rive gauche, on remarque la seigneurie de la Petite-Nation, qui appartient à M. Papineau, chef du parti français du Bas-Canada.

Le Saint-Maurice, qui, comme l'Ottawa et toutes les rivières importantes que

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