Page images
PDF
EPUB

nous allons mentionner, se perd dans le Saint-Laurent, prend sa source à une grande distance, dans un vaste lac nommé Oskelanaio. Parmi les nombreux accidents qui entravent sa marche vers son embouchure, il faut citer l'admirable cataracte de Chawenegan, qui n'a pas moins de 150 pieds de haut (1), et qui emprunte au paysage environnant une physionomie toute particulière.

La rivière Saint-Anne est entrecoupée par des rapides sans nombre, et contient une prodigieuse quantité de poisson; mais comme c'est dans le voisinage des chutes et des rapides que les truites sont le plus abondantes, la pêche ne s'y fait pas sans danger.

La rivière de Jacques-Cartier, ainsi nommée parce que le navigateur français de ce nom hiverna à son embouchure dans le Saint-Laurent, est un des cours d'eau les plus curieux et les plus pittoresques du Bas-Canada. La hauteur extraordinaire de ses bords, les rochers de forme fantastique qu'une révolution terrestre y a semés dans le désordre le plus étrange, la violence irrésistible du courant, les obstacles contre lesquels les eaux ont à lutter pour se frayer un passage, tout contribue à donner à cette rivière un aspect sauvage et presque effrayant.

C'est surtout en hiver qu'il faut par courir ses rives; alors les glaçons suspendus aux flancs des rochers, et la neige, dont la blancheur contraste, dans certains endroits, avec la teinte sombre des falaises taillées à pic, ajoutent à la beauté de ce panorama si grandiose, et lui prêtent une physionomie tout à fait originale. Au point de vue militaire, le Jacques-Cartier a une grande importance, car il offre une barrière que l'ennemi le plus entreprenant ne saurait franchir. Après la prise de Québec par les Anglais, en 1759, les troupes françaises se retirèrent sur la rive occidentale, et trouvèrent toute sécurité derrière ce rempart naturel.

Le Saint-Charles ne mériterait pas une place dans cette énumération, si le beau lac qu'il traverse et sa jonction avec le Saint-Laurent, sous les murs mêmes de

(1) Toutes ces évaluations sont exprimées en mesures anglaises.

Québec, ne lui donnaient une importance incontestable.

Il en serait de même du Montmorenci, sans sa belle cataracte. « La rivière Montmorenci, dont le cours est très-irrégulier, dit le voyageur Weld, traverse un pays sauvage et très-boisé, sur un lit de rochers aigus jusqu'au moment où elle arrive sur le bord du précipice. Alors, elle tombe d'une hauteur de 240 pieds, perpendiculairement, et sans rencontrer aucun objet dans sa chute. Excepté dans la saison des débordements, le volume de la rivière est peu considérable; mais en traversant le lit de rochers qui borde le sommet du précipice, la masse liquide est tellement augmentée par l'écume que produit l'action d'un frottement violent et continuel, qu'elle présente au regard une belle nappe d'eau, ressemblant parfaitement à de la neige que l'on jetterait en grande quantité du haut d'une maison, et ayant comme elle, du moins en apparence, une chute très-lente. La vapeur qui s'élève du fond du gouffre est considérable; et lorsqu'on l'observe au moment où le soleil brille, elle offre à l'œil les couleurs du prisme dans tout leur éclat. La largeur de la rivière, au sommet de la cataracte, n'est que de cinquante pieds. Au-dessous, les eaux sont retenues dans une espèce de bassin, par un rocher d'une seule pièce, qui occupe la presque totalité de la largeur de la cataracte, et à l'extrémité duquel elles s'échappent et coulent doucement dans le fleuve Saint-Laurent, qui n'en est éloigné que de trois cents pas. Les bords de la rivière de Montmorenci, au-dessous de sa chute, sont très-escarpés, à pic en quelques endroits, et partant inaccessibles, de sorte que si l'on veut voir la cataracte de près, on est obligé de suivre le bord du fleuve Saint-Laurent jusqu'à ce que l'on arrive à l'embouchure du Montmorenci. Lorsqu'en montant ou en descendant ce même fleuve, on arrive vis-à-vis de la cataracte, le spectacle dont on jouit est vraiment sublime.

a

Le général Haldimand, ancien gouverneur du Canada, était tellement enthousiasmé de cette cataracte, qu'il fit construire tout auprès une maison, des fenêtres de laquelle on pouvait la contempler dans toute sa beauté. En face de cette maison était une prairie qui

allait jusqu'au bord du fleuve Saint-Laurent, et le long de laquelle il avait fait placer de petits pavillons qui tous avaient vue sur la cataracte. Il ne se contenta pas de cela: il fit bâtir un autre pavillon sur le bord, et en dehors du précipice, au moyen de longues poutres dont les extrémités étaient enfoncées et scellées dans les parois, de sorte que pour y arriver on était obligé de descendre plusieurs escaliers et de traverser plusieurs galeries de bois. »

La chute du Montmorency, quoique très-remarquable par sa hauteur, n'est cependant pas comparable sur ce point à certaines cataractes des Pyrénées et de la Suisse; car quelques-unes de ces dernières ont plus de quatre cents mètres de haut. Mais la nappe d'eau se brise plusieurs fois dans sa chute, et le spectateur la perd de vue dans les profondeurs où elle s'engouffre; tandis que, ainsi que l'a fait remarquer Weld, l'eau qui tombe dans le précipice du Montmorency arrive au fond sans avoir rencontré aucun obstacle; et puis le regard peut embrasser la cataracte dans son majestueux ensemble. Ainsi done sous ce rapport la chute dont il est ici question est incontestablement supérieure, et elle est probablement sans rivale. Il faut même mettre hors de concurrence la chute du Niagara, qui a près de trentetrois mètres de moins en hauteur que celle du Montmorency.

«En hiver, quand le Saint-Laurent est pris au-dessous de la chute, la vapeur et les gouttes d'eau tombent à l'état de givre; ces molécules solides s'agglomèrent, et finissent par former un monticule irrégulièrement conique; le monceau de neige congelée, augmentant toujours, arrive à la fin de l'hiver à des dimensions énormes; en mars 1829 il atteignit 126 pieds anglais en hauteur. La face du cône du côté de la cataracte est ornée de brillantes stalactites provenant du ruissellement continuel de l'eau sur ce flanc du monticule (1). On peut se faire une idée de ce spectacle, dont les habitants de Québec ne manquent pas d'aller admirer la magnificence dès qu'ils présument que la montagne de glace est formée.

Nous n'en dirons pas davantage sur (1) Will. Green, Actes de la Société littéraire de Québec, t. I, p. 187.

cette curiosité du Bas-Canada. On peut en lire la description détaillée dans tous les voyages au nord de l'Amérique et dans les traités de géographie.

Après la Grande-Rivière, que nous né citons que pour mémoire, le cours d'eau le plus considérable que l'on rencontre au nord-est de la province est le Saguenay, qui a donné son nom à ce comté. Cette rivière, que les Indiens appellent Pitchitauichetz, est formée par deux dégorgegements du lac Saint-Jean, la grande et la petite décharge. Après un cours d'environ 240 kilomètres, elle mêle ses eaux à celles du Saint-Laurent à 140 kilomètres de Québec et à 5 milles au-dessous de Tadoussac. Précipices abruptes au fond desquels le Saguenay s'engloutit avec un bruit formidable, rapidité du courant, profondeur qui varie de 12 à 340 brasses et plus, élévation extraordinaire des bords, grand nombre d'affluents, havres et baies spacieuses qui offrent aux bâtiments un abri contre la tempête, ce tributaire du Saint-Laurent réunit toutes les conditions qui constituent la beauté et l'importance des rivières.

Si nous passons sur la rive droite du Saint-Laurent, nous trouvons d'abord le Richelieu, le plus considérable des tributaires méridionaux de ce fleuve. On le voit cité dans les ouvrages anciens et modernes sous les divers noms de Chambly, Saint-Louis, Saint-Jean et Sorel. Il prend sa source dans les États-Unis, et parcourt un espace qu'on ne peut estimer à moins de 160 milles. Il forme une communication naturelle entre le territoire de l'Union et celui du Canada, communication qui n'est sans doute pas sans inconvénients, et n'est pas partout également commode, mais que les perfectionnements apportés à la navigation intérieure rendent sous tous les rapports extrêmement précieuse. Le lac Champlain, enclavé dans les domaines de la république, forme la tête du Richelieu, dont l'embouchure entre Québec et Montréal augmente singulièrement l'importance au point de vue commercial. Nous ne pouvons passer sous silence une singulière observation faite sur cette rivière: on a constaté qu'elle était beaucoup plus large dans la partie supérieure de son cours que dans le voisinage de son con

3e, Livraison. (POSSESSIONS ANGL.-AMER.)

3

fluent. Ce fait, s'il n'est pas unique, est au moins fort rare.

Citons sans détails le Yamasca, et hâtons-nous de nommer le Saint-François, dont l'importance, à titre de communication commerciale, est encore plus grande que celle du Richelieu. Malgré les extrêmes difficultés de la navigation, difficultés occasionnées par la multiplicité des rapides et des chutes, cette rivière est incessamment sillonnée, durant la belle saison, par de nombreuses embarcations qui portent du Canada aux Etats-Unis, et réciproquement, des produits de diverses espèces. Cette voie étant aussi directe que possible, les commerçants des deux pays limitrophes la préférent à toute autre, et la grande habitude de ces voyages par eau à familiarisé les rameurs canadiens avec les dangers formidables qui les menacent dans le trajet. Le Saint-François se decharge dans le lac Saint-Pierre, un des plus remarquables développements du Saint-Laurent. Parmi les accidents les plus pittoresques de ses rives, on cite un rocher d'une grande élévation qui surgit du milieu de son lit, et au sommet duquel a poussé un pin gigantesque.

Le Bécancour, qui coule à l'est du Saint-François, est renommé dans le pays pour la beauté des sites qui se deploient sur ses deux rives dans presque toute la longueur de son cours.

La rivière de la Chaudière n'est pas moins intéressante à explorer. Elle est presque partout interceptée par des rapides et des cascades bruyantes. Il n'est pas un voyageur qui n'ait été admirer la fameuse chute de la Chaudière. Cette chute est formée de trois cataractes distinctes, qui se réunissent en une seule avant d'atteindre le bassin qui les reçoit. La continuelle action de l'eau a creusé, dans le rocher qui forme ce bassin, de profondes excavations dans lesquelles les flots se précipitent avec fureur, et tournoient en bouillonnant comme dans une chaudière. On s'explique d'après ceci le Lom de cette chute celebre, et par suite celui de la rivière elle-même Isaac Weld, que nous avons cité plus haut, s'exprime ainsi au sujet de la cataracte de la Chaudière : « La hauteur de cette chute n'est pas de moitié aussi grande que celle du Montmorency; mais sa lar

geur n'est pas de moins de deux cent cinquante pieds. Les environs en sont aussi beaucoup plus agréables; car à Montmorency, excepté quelques arbres disséminés çà et là, on ne voit que la cataracte, et pas autre chose que la cataracte ; au lieu que les bords de la rivière de la Chaudière sont parfaitement boisés; et, au travers des masses de rochers que l'on rencontre de distance en distance, on aperçoit les sites les plus agrestes et les plus romantiques. Quant à la cataracte elle-même, sa grandeur varie suivant la saison. Lorsque le lit de la rivière est plein, le volume d'eau qui se précipite sur les rochers est capable d'étonner le spectateur. Lorsque le temps est sec, et pendant la plus grande partie de l'été, ce volume est peu considérable. Il y a peu de personnes qui dans cette saison ne préfèrent la chute du Montmorency, qui me paraît aussi plus attrayante et plus belle. »

Le district de Gaspé, partie orientale du Bas-Canada, est baigné par plusieurs rivières importantes; mais le cadre de cette notice n'admet pas de plus longs détails sur ce sujet. Ajoutons que cette partie de la province basse étant encore fort peu connue, les cours d'eau qui l'arrosent n'ont jamais été soigneusement explorés; à peine Bouchette, dont l'ouvrage est si explicite, donne-t-il la liste de leurs noms.

L'esquisse rapide que nous venons de tracer suffit pour donner une idée générale des contrées que nous allons examiner plus en détail, sans prétendre cependant à épuiser une aussi vaste matière. Les Canadas, ces riches provinces restées si obstinement françaises en dépit des efforts de l'Angleterre pour se les assimiler, sont peu connus. L'Europe voit toute l'Amérique septentrionale dans les Etats-Unis, et ne semble pas se douter qu'au-dessus et à côté de la puissante confederation fondée par Franklin et Washington, sont d'autres immenses États qui empruntent en silence à notre civilisation ses idées, sa science, ses arts, et qui, lorsque le moment marqué par la Providence sera venu, réclameront d'une voix haute et libre leur place dans l'histoire.

Nous allons donc revenir sur nos pas, et après avoir décrit le cours du Saint

Laurent, la grande artère des deux Canadas, nous exposerons le plus succinctement qu'il nous sera possible les notions les plus importantes sur le climat, les productions de ces pays et sur les mœurs de leurs habitants. L'histoire, que nous aborderons ensuite, y gagnera sans doute en intérêt et en clarté.

COURS DU SAINT-LAURENT (1).

Le Saint-Laurent, à l'endroit où ses eaux se mêlent à celles de l'océan Atlantique, baigne d'un côté le Labrador, de l'autre, la Nouvelle-Écosse; il embrasse ainsi un espace de plus de cent lieues. Son cours à une longueur de trois cents milles, et dans les deux tiers il peut porter des bâtiments de haut bord. Ajoutons, pour donner une idée complète de la magnificence de ce fleuve, le plus considérable peut-être du monde entier, que ses rives offrent les sites les plus pittoresques, qu'il est coupé par des cataractes imposantes, qu'une multitude d'îles et de rochers accidentent sa surface, et, enfin, qu'il traverse une chaîne de lacs, vastes et profondes masses d'eau dont l'œil ne peut mesurer l'étendue. Cette admirable rivière change plusieurs fois de nom dans son cours. Elle porte le nom de Saint-Laurent depuis la mer jusqu'à Montréal; de ce point à Kingston, dans le Haut-Canada, elle prend celui de Cataraqui ou de rivière des Iroquois; les habitants la nomment Niagara entre les lacs Ontario et Érié, qu'elle traverse; Rivière de Détroit, entre les lacs Erié et Saint-Clair, et Saint-Clair entre les lacs Saint-Clair et Huron. Elle n'est plus ensuite connue que sous la dénomination de Chutes de Sainte-Marie, entre le lac Huron et le lac Supérieur. L'aspect du Saint-Laurent, depuis son embouchure jusqu'à Québec, n'a rien qui puisse lui être comparé dans tout le Nouveau-Monde. Du sommet des hauteurs qui bordent ce fleuve, le regard découvre une infinité de baies aux sinueux contours, de caps

(1) M. Fréd. Lacroix, obligé d'interrompre son travail, a remis les nombreux documents qu'il avait réunis à M. Jules La Beaume, qui a bien voulu se charger de continuer les monographies des Posse sions anglaises dans le nord de l'Amérique septentrionale.

qui s'avancent fièrement et de rivières majestueuses, dont quelques-unes coulent sans bruit jusqu'à lui, tandis que d'autres s'y précipitent furieuses. Puis, et pour animer ce riche paysage, d'innombrables vaisseaux de guerre et de commerce, des milliers d'embarcations indigènes sillonnent dans tous les sens cette vaste étendue d'eau qui se déploie depuis l'Océan jusqu'à Québec. Jusqu'en face de ce point, la rive orientale se reploie vers le nord, resserre le lit du fleuve, et s'avance en promontoire. Au delà, le paysage prend un autre caractère, et, sans être moins grandiose, devient plus varié, plus attrayant. C'est, à gauche, la pointe de Lévy, avec ses églises droite, l'ile d'Orléans; plus loin, la cataélancées et ses habitations gracieuses; à racte de Montmorency; plus loin encore, le magnifique amphithéâtre dessiné par la citadelle de Québec qui couronne le cap Diamant, et, au-dessous, le large bassin formé par la rivière Saint-Charles. Au-dessus de Québec, le Saint-Laurent s'élargit, et des jardins, des bosquets, des champs de blé s'étendent à plus de 50 milles le long de la rive septentrionale. De là jusqu'à Montréal, c'est-à-dire pendant un espace de 100 milles environ, la beauté naturelle abonde, et c'est à peine si l'on aperçoit la trace de la main des hommes. Cependant, dans certaines parties le sol est parfaitement cultivé, et les villages sont si nombreux, qu'ils semblent former une longue et populeuse cité. Enfin Montréal apparaît, placé comme nous l'avons dit, à la pointe la plus méridionale de son île. Entre Montréal et le lac Ontario les rapides, ou courants, rendent la navigation impossible à d'autres embarcations que de légers bateaux qui demandent encore à être gouvernés par un pilote exercé et avec une prudence extrême pour ne pas être jetés hors des passes praticables.

« La distance de Kingston à Montréal, dit Bouchette, est environ de 190 milles. Les bords de la rivière offrent un tableau qui ne peut manquer d'exciter la surprise quand on considère combien peu d'années se sont écoulées depuis la formation des premiers établissements (1783). Ce pays présente, en effet, aujourd'hui tout ce que peut produire une

population nombreuse, la fertilité du sol, et une habile culture. Des grandes routes bien construites, closes des deux côtés et auxquelles aboutissent d'autres routes secondaires qui se dirigent vers l'interieur des terres, rendent les communications faciles et promptes; tandis que de nombreux bateaux ordinaires et de nombreux radeaux chargés, circulant incessamment depuis le commencement du printemps jusqu'aux derniers jours de l'automne, et que des bateaux à vapeur, sillonnant les parties navigables du fleuve, démontrent l'activité des communications commerciales. » Près de Prescott, pendant 39 milles environ avant d'atteindre l'extrémité nord du lac Ontario, le Saint-Laurent, redevenu praticable pour des shooners d'une certaine dimension, et nommé alors Fleuve des Iroquois ou bien Cataraqui, présente l'aspect d'une immense nappe d'eau semee d'une si grande quantité d'îles, qu'elle en a pris le nom de lac des Mille Iles; et ce calcul approximatif, dit encore Joseph Bouchette, est loin d'approcher de la vérité les opérations des inspec teurs chargés de l'établissement des limites (entre l'Angleterre et les ÉtatsUnis) ont constaté, art. 6 du traité de Ghent, que leur nombre s'élève à 1692, formant un inextricable labyrinthe d'iles, toutes différentes d'étendue, de forme, d'aspect, et présentant des effets de pers pective aussi extraordinaires, aussi agréables que ceux que pourraient produire les magiques et soudaines combinaisons du kaleidoscope. » La circonférence du lac Ontario n'est pas de moins de 467 milles. Sa profondeur varie généralement de 3 brasses à 50 brasses, excepté au milieu, où l'on a fait 300 brasses sans trouver le fond.

Une opinion que les premiers colons européens avaient trouvée accréditée parmi les indigènes, et qui paraît s'être perpétuée jusqu'à nos jours, lui attribue une sorte de flux et de reflux. Des observations soigneusement faites et suivies pendant plusieurs années n'ont pas, au dire de Weld, confirmé l'existence de ce phénomène. Ce voyageur incline à penser que les différences accidentelles qu'on a pu remarquer, en effet, à différentes époques dans le niveau des eaux du lac, sont dues à de grandes pluies ou

à de grandes sécheresses, et peut-être aussi à l'action plus ou moins puissante des vents, action qui n'aurait, d'ailleurs, rien de régulièrement périodique. Les rivages de l'Ontario sont bas au nordest, et coupés de marais; ils s'élèvent un peu au nord et au nord-ouest, mais ils s'abaissent de nouveau vers le sud. Les terres environnantes sont couvertes de forêts, au bord desquelles de nombreuses éclaircies laissent apercevoir des établissements, et produisent un effet que relèvent les blancs rochers du Toronto, et, au nord, la haute presqu'ile appelée le Nez du Diable. Au midi, la vue se repose agréablement sur le revers de collines qui, après avoir servi à former ces cataractes, vont se perdre au loin du côté du levant. Le dernier objet qu'on aperçoive dans cette direction est une éminence conique qui s'élève au-dessus de ces collines, et qu'on a nommée la Butte des Cinquante-Milles, pour indiquer la distance qui la sépare de la ville de Niagara. A dix-huitmilles de cette ville, qui a pris son nom de celui que porte le Saint-Laurent à partir de ce point jusqu'à sa sortie du lac Érié, se trouvent les fameuses cataractes. « A mesure que la rivière approche des cataractes, dit Weld, son courant devient plus rapide et ses eaux redoublent de violence en passant au travers des rochers qui s'opposent à leur passage; mais, dès qu'elles ont atteint le bord, elles se précipitent en masse, sans rencontrer aucun obstacle dans leur chute. Un moment avant d'arriver au précipice, la rivière fait un détour considérable sur la droite; ce qui donne à cette nappe d'eau une direction oblique et lui fait faire un angle assez considérable avec le rocher du haut duquel elle tombe, en se partageant en trois parties bien distinctes et séparées par des îles. La plus grande de ces chutes, celle qui est du côté du nord-ouest de la riviere, est appelée la grande cataracte, ou la cataracte du Fer-à-Cheval, parce qu'elle en a un peu la forme. Sa hauteur n'est que de 142 pieds, tandis que celle des autres est de 160; mais, malgré cette circonstance elle n'en a pas moins la prééminence sur les deux chutes voisines, tant à cause de sa largeur que de sa rapidité. Le lit de la rivière au-dessus du précipice étant plus bas de ce côté que

« PreviousContinue »