Page images
PDF
EPUB

étaient désignées sous le nom général de klumma. On supposa avec raison que c'étaient des espèces de dieux lares; car une sorte de mystère se manifestait à leur égard, et des offrandes leur étaient faites. Le respect qu'elles inspiraient n'était pas tel cependant qu'il empêchât de les vendre, et l'illustre marin avoue qu'il eût été possible, moyennant quatre ou cinq plaques de cuivre, d'acheter tous les dieux du village.

Cette disposition incessante à trafiquer des objets en apparence les plus respectables ou les plus nécessaires, qui fut remarquée dès l'origine de la découverte par Quadra, a été mise tout naturellement à profit par les compagnies qui ont eu et qui ont encore pour but l'extension du commerce des pelleteries. Cependant ce genre de commerce a dû nécessairement diminuer; et il paraît impossible que les fourrures soient aussi abondantes dans ces parages qu'elles l'étaient au temps de Portlock et de Dixon. L'honorable Compagnie anglaise ne néglige pas néanmoins les profits qu'elle peut faire sur les deux fles; mais, hâtons-nous de

le dire, son activité commerciale n'apporte aucun préjudice à la santé des Indiens ou à leur développement intellectuel. Les échanges par l'eau-de-vie ou par le rhum sont interdits sur toute l'étendue des parages où la Compagnie anglaise exerce ses droits. Il suffit d'avoir vécu en Amérique, à quelque latitude qu'appartiennent du reste les contrées que l'on a visitées, pour appréeier les maux incalculables produits sur la race indienne par les liqueurs fortes. Ces faits sont de telle nature qu'ils ont inspiré dès le temps de notre puissance dans le Canada un livre spécial resté dans la poussière de nos bibliothèques, et qui roule uniquement sur les funestes effets produits par l'ivresse chez les sauvages (1). On ne saurait donc louer trop hautement ce progrès dans le respect pour l'humanité, qui interdit le trafic légal des boissons alcooliques, si funestes à une race en droit d'énumérer avec douleur tous les agents de destruction qui l'environnent.

(1) Voyez Hist. de l'ivrognerie chez les sauvages. Ms. de la Bibl. nat.

ILES DE LA REINE CHARLOTE.

L'île de Washington ou de la Reine Charlotte gît entre les 54 et 52° parallèles; elle affecte une forme presque triangulaire, et un canal dont la moyenne est de cinquante lieues environ la sépare de la terre ferme, Cependant de la pointe Rose, qui est la partie nord-est, à l'entrée Essinghton sur le continent on ne compte que quarante-cinq milles géographiques. Une petite île dont l'extrémité a reçu de M. Dixon le nom de cap Saint James empruntait ce nom à la terre plus considerable dont elle est séparée par un étroit canal. L'ile du Nord et l'île du Hippa ont déjà changé de dénomination; du sud-sud-est au nord-nordouest, la grande île n'a pas moins de cent cinquante-sept milles géographiques.

Vancouver, qui rectifia, dès la fin du dix-huitième siècle, les données de son prédécesseur sur cette île importante, sembla être moins au courant de ce qui a trait à la partie historique. Pour peu qu'on lise les observations laissées en

manuscrit par Quadra, il est hors de doute que cette grande île ait été vue par les Espagnols en 1774. Fleurieu en attribue donc à tort la première découverte au malheureux Lapérouse en 1786; à Dixon appartiendrait seulement l'honneur d'avoir déterminé sa position en 1787. Le navire sur lequel ce navigateur avait entrepris une expédition difficile portait le nom de la Reine Charlotte; il l'imposa à la plus grande des îles de cet archipel, connu dès lors chez les Anglais sous la dénomination de Queen Charlotte's islands (1); plus

(1) Selon Vancouver le cap Saint-James git à 51° 58' de latitude et 229° 6' 30" de longitude, quoique la carte de Dixon le place à 51° 48′ de latitude et 230° de longitude. Dixon donne également aux iles de la Reine Charlotte une étendue en latitude de 2° 36' et en longitude de 3° 24', et cette étendue, d'après les calculs de Vancouver, ne se trouve être que de 2° 22' en latitude et de 2o 7' en longitude. Nous ne nous rappelons pas que le capitaine Belcher ait fait l'hydrographie des côtes de cette ile.

tard le capitaine Gray voulut qu'elle rappelât Washington; et il serait à souhaiter que ce nom, qui réveille tant de nobles souvenirs, fût consacré uniquement par la géographie. L'archipel de Pitt se trouve situé entre cette île et la terre, et l'on possède déjà des documents sur les localités que nous venons de nommer, la Compagnie de la baie d'Hudson ayant établi sur ce point l'un de ses comptoirs. On se procurera, du reste, dans le beau livre de M. Wilkes plusieurs renseignements géographiques sur cette partie de la nouvelle Calédonie si peu connue.

Bien que l'île Washington ou de la Reine Charlotte ait été pendant un temps le rendez-vous favori des marchands de fourrure américains, nous ne possédons sur son territoire et sur ses habitants (1) que les renseignements les plus restreints. Ĉes insulaires appartiennent bien certainement à la race qui peuple l'île voisine de Noutka, et le goût bizarre, mais original, qu'ils déploient dans la fabrication de quelques ustensiles (2) indique ́une disposition innée pour les arts du dessin

(1) Dixon nous a donné la peinture du district qu'il regarda comme le plus remarquable dans l'archipel; c'est ce havre qu'il désigna sous le nom de Banks, en l'honneur du savaní illustre dont le nom se répandait alors en Europe: « Quoique la perspective dans ce port ne soit pas étendue, dit-il, c'est le lieu le plus agréable et le plus pittoresque que j'aie vu sur la côte. La terre au nord et au sud s'élève assez haut et représente un tableau fidèle de l'hiver. Quoique les flancs des collines soient perpétuellement couverts de neiges, le grand nombre de pins qui élèvent leurt tètes superbes de toutes parts en rendent l'aspect moins affreux que celui des montagnes stériles que l'on voit au nordouest de la rivière de Cook. A l'est le terrain est beaucoup plus bas, et les pins y paraissent plantés avec la symétrie la plus régulière; ce qui, joint aux arbustes et aux arbrisseaux qui entourent le havre, forme un contraste agréable avec les terres plus élevées, et donne à l'ensemble un coup d'œil vraiment magnifique. » Voyage à la côte nord-ouest, p. 279. Marchand dans sa relation donne une peinture assez étendue du district qu'il désigne sous le nom de Cloak Bay; il y trouva en état de pleine prospérité : le framboisier, le groseillier sauvage ou cassis, le rosier, le céleri, le persil, le pourpier, le cresson, la patience, la grande centaurée, l'ortie, une espèce de mauve, une sorte de fougère, dont la racine a le gout de celle de la réglisse, des pois croissant spontanément et semblables à ceux de la France, une reine marguerite, etc. Voyage autour du Monde, t. I.

(2) Voyez, entre autres, une pipe sculptée provenant des fles Charlotte qui a été figurée par Choris dans son Voyage autour du Monde.

que l'on rencontre chez la plupart des Indiens qui habitent ces régions. Marchand, néanmoins, semble les considérer comme supérieurs aux autres aborigènes de la côte, qu'il designait sous le nom de Tchînkîtâné. « Leurs traits sont réguliers, dit-il, et leur physionomie est à peu près celle des peuples de l'Europe; leur peau paraît brune; mais s'ils étaient décrassés, et qu'ils s'exposassent moins au grand air et à l'imtempérie des saisons, leur couleur ne différerait pas de la nôtre. »> Ajoutons que cette description concise est tout à fait d'accord avec celle que nous fournit Belcher, lorsqu'il parle des Indiens de Noutka.

En portant à cinq mille âmes le nombre d'habitants répartis entre les deux grandes îles sur lesquelles nous nous efforçons de réunir quelques détails, le commandant Wilkes donne approximativement le chiffre de la population indienne qui demeure à poste fixe dans les Iles Charlotte. Dixon, qui explora vers la fin du dix-huitième siècle toute la contrée dans un but d'intérêt purement commercial, ne paraît pas avoir rencontré de tribus s'élevant au delà de cent à cent vingt-cinq individus des deux sexes. Il fut émerveillé en même temps de la quantité de fourrures que ces insulaires étaient parvenus à se procurer. A l'apparition des Européens, les moindres bagatelles suffisaient pour obtenir d'eux les plus belles pelleteries, et ils les jetaient même à l'envi sur le pont du navire, lorsqu'ils craignaient que le trafic ne pût pas se conclure assez rapidement. Ce fut ainsi qu'en moins d'une demi-heure les Anglais achetèrent trois cents peaux de castor de première qualité, et que le capitaine Dixon n'évalue pas à moins de mille huit cent vingt et une peaux de loutre le nombre des fourrures qu'il put recueillir durant cette campagne (1). Ce qu'il y eut d'étrange sans doute, c'est que dans le trafic assez bizarre que l'on faisait avec ces Indiens, des ustensiles gros

(1) Voyage autour du Monde, et principalement à la côte nord-ouest de l'Amérique, fait en 1785, 1786, 1787 et 1788, à bord du King George et de la Queen Charlotte par les capitaines Portlock et Dixon; trad. franç., I vol. in-4", avec fig.

siers de cuisine, telles que des bouilloires en fer-blanc et des bassins d'étain, l'emportèrent sur les haches et sur les houes qui leur étaient offertes. Il est inutile de dire que ce commerce, devenu plus difficile et moins fructueux, a d'ailleurs étrangement diminué (1).

L'un des traits caractéristiques de ces tribus est sans contredit l'usage de la botoque (Voy. le Brésil, p. 211); mais ici cet ornement paraît être plus particulièrement réservé aux femmes ; et, si on le compare aux ornements de la baie de Mulgrave, dont sir Edward Belcher nous a donné naguère une exacte représentation, il arrive même à des dimensions presque fabuleuses; celui que Dixon parvint à se procurer, après de nombreuses tentatives, n'avait pas moins de trois pouces sept huitièmes de long sur deux pouces cinq huitièmes dans sa plus grande largeur (2); il était en outre muni d'un fragment de nacre de perle incrusté dans le centre; et, chose étrange, un cercle de cuivre l'entourait, bien que le lobe de la lèvre inférieure qui lui servait de revêtement pût développer un oxide toujours dangereux. Ce n'est point la

(1) Un navigateur français souvent nommé, qui visita aussi ces régions vers la même époque, se convainquit à ses dépens des étranges vicissitudes que le commerce des fourrures peut subir dans ces parages. Le capitaine Et. Marchand, né à l'ile de Grenade, en 1755, mort en 1793, explora infructueusement les Iles Charlotte un an avant d'aller finir ses jours à l'Ile de France. Claret Fleurieu, auquel on doit aussi la publication du précieux ouvrage de Vancouver, a donné une notice sur les capitaines Marchand et Chanal; il nous apprend que les papiers du premier de ces marins ne lui parvinrent jamais : ils sont probablement restés à l'Ile de France; et il est vivement à souhaiter qu'on les retrouve un jour. Fleurieu, esprit distingué, homme doué d'une sagacité incontestable, mit quelquefois une sorte de légèreté dans sa rédaction, et les Espagnols l'accusent, non sans raison, d'avoir commis plusieurs erreurs préjudiciables à leur réputation, en donnant un sens erroné à des phrases puisées dans leur langue et qu'il n'entendait pas. Voyez Relacion del viage de las goletas Sutil y Mexicana. Le bâtiment commandé par Marchand avait été frété par un armateur de Marseille pour aller faire le commerce des fourrures; il partit en 1790. Le chirurgien embarqué à bord étant un homme intelligent et zélé, grâce à Roblet de précieux documents recueillis durant cette navigation difficile nous ont été transmis fidèlement.

(2) La vieille femme qui portait cette étrange parure avait refusé obstinément plusieurs objets d'un prix réel; elle ne put résister à l'éclat de quelques boutons dorés.

première fois, du reste, que cet ornement bizarre a pu être considéré comme une source d'accidents funestes; et, entre autres choses étranges, le capitaine Beechey signale plusieurs de ces botoques, habilement sculptées en os ou en bois, et qui, étant évidées intérieurement, servent aux femmes de la côte nordouest à renfermer leurs aiguilles (1).

L'auteur déjà cité du voyage aux îles de la Reine-Charlotte fait, du reste, une observation judicieuse à propos de cette effroyable coutume. « Il y a sur la côte, dit-il, plus de différence dans les parures que dans les ornements; par exemple, il semble que l'ouverture ou seconde bouche un peu au-dessus du menton, ne soit de mode que pour les hommes sur les bords de la rivière de Cook et dans l'entrée du prince William, tandis qu'il n'y a que les femmes seulement qui portent la parure de bois passée dans la lèvre inférieure dans la partie de la côte depuis le port Mulgrave jusqu'aux îles de la Reine-Charlotte. » Les habitants de cet archipel déploient une rare habileté dans la construction de leurs maisons, qui ont quelquefois deux étages et qui sont ornées de sculptures supérieures peut-être à celles de Noutka. Au mois d'août 1791, le docteur Roblet trouva même dans l'île du Nord une sorte de redoute qui le frappa d'étonnement; cet édifice, qu'il considéra alors comme un lieu consacré à des cérémonies religieuses ou à des divertissements publics, renfermait des tableaux déjà anciens, rappelant le style des peintures mexicaines.

Le commerce que l'on fait avec ces peuplades repose à peu près partout sur les mêmes bases; en échange de leurs graisses, qui sont d'une qualité supérieure, et de leurs fourrures, que l'on recherche toujours avec empressement, on leur donne du tabac, des marmites de fer, des haches, des grains de verroteries, des couleurs pour se peindre durant leurs travestissements, de la toile, du miskal et, dans certains parages, des pommes

(1) Captain F. W. Beechey, Narrative a of voyage to the Pacifico and Beering strait, etc.; London, 1831, 2 vol. in-4°. Il est extrêmement curieux pour l'ethnographie de comparer les récits de ces voyageurs à ceux de MM. Aug. de Saint-Hilaire, Wied Neuwied, Spix et Martius.

de terre. A Noutka ce tubercule est déjà cultivé avec succès par les Indiens; et il est curieux sans doute de voir que ce mode d'alimentation, emprunté originairement à certains parages de l'A

mérique, ne fertilise les champs de la côte nord-ouest qu'après y avoir été apporté par les Européens; ce sera très-probablement le seul présent utile que nous leur aurons fait.'

MINES D'OR DE LA HAUTE CALIFORNIE.

On a vu avec quelle circonspection nous avons cru devoir envisager la nouvelle répandue subitement que des gîsements d'or d'une richesse incalculable avaient été découverts sur le nouveau territoire cédé par le Mexique aux États de l'Union; aujourd'hui le fait n'est plus douteux, et la confirmation officielle de cet événement important est donnée par le président lui-même dans le discours où il énumère avec un juste orgueil tous les avantages qui lui permettent de proclamer le peuple des États-Unis le peuple le plus favorisé de la terre. Ainsi se réalise au bout de trois siècles un mythe empreint d'exagé ration et de merveilleux, qui, répandu d'abord par un pauvre Indien de la vallée d'Oxipitar, entraîna à la mort des milliers de Conquistadores,et n'eut d'abord d'autre résultat que la destruction des indigènes, avant que l'on songeât à leur conversion. C'est de nos jours seulement que les empires de Cibola et de Quivira sortent de leur monde imaginaire ; et que grâce à l'industrie, merveille autrement réelle de notre temps, vont se réaliser ces rêves magnifiques, qui occupèrent l'imagination puissante des successeurs de Cortez.

Ainsi que le fait observer le digne président auquel nous empruntons quelques paroles pleines d'autorité, et comme nous l'avions déjà indiqué, tout en combattant des récits que nous croyions exagérés. « On savait que des mines de métaux précieux existaient en assez grande quantité dans la Californie;... mais ce qu'il ne nous était pas encore permis d'affirmer, c'est que les récits faits sur l'abondance de l'or sont d'un caractère tellement extraordinaire qu'on refuserait d'y croire s'ils n'étaient confirmés par les rapports authentiques des officiers du service public. » Il y a quel

ques mois seulement, quatre mille personnes étaient occupées à l'extraction du précieux métal; et l'honorable M. Polk affirmait que le nombre des chercheurs avait dû s'accroître singulièrement (1). Non-seulement on savait à la date du 5 décembre 1848 que les navires arrivant près de la côte étaient abandonnés par leur équipage, et obligés de suspendre leur voyage faute de marins; mais, s'il nous était permis de joindre quelques détails récents aux faits géné raux communiqués par le premier magistrat des États-Unis, nous dirions que des salaires presque fabuleux avaient été assignés dès l'année dernière à de simples marins pour qu'ils consentissent à laver les sables on aura une idée du reste, des exigences que les travailleurs peuvent manifester en rappelant « qu'un matelot qui passe deux mois aux mines en revient avec 2 ou 3,000 piastres (10 ou 15,000 fr. ) (2).

Un autre résultat constaté par le discours du président, c'est non-seulement la hausse prodigieuse du salaire des travailleurs, mais aussi la cherté inouïe des objets de consommation, amenée par cette abondance inattendue de valeurs métalliques. Constatons à notre tour un fait qui n'est pas sans intérêt pour l'étude des grandes lois d'économie politique. On voit se renouveler en ce moment sur les bords de l'océan Pacifique ce qui eut lieu au dix-huitième siècle dans le pays de Mato-Grosso, et sur

(1) Voy. le journal la Presse du 22 décembre

1848.

(2) « Ceux qui s'associent gagnent encore davantage. Un des principaux habitants d'ici m'a offert de m'engager pour un an à vingt piastres par jour (106 fr.). Il m'est impossible de vous donner une idée de l'or qui se trouve dans ee pays. Voy. Lettre adressée en date de Monterey le 15 septembre par un capitaine de baleinier à une maison de New-York, extraite du Journal des Débats.

tout dans celui de Goyaz, en 1753, lorsque la découverte inattendue de nouveaux lavages aurifères eut fait rêver aux Portugais l'existence de richesses inépuisables. Dans la dernière des provinces que nous venons de nommer l'alqueire "de maïs monta tout à coup à sept ou huit oitavas d'or (54 fr. 50 cent. ou 60 fr.), tandis que le même objet ne vaut guère plus aujourd'hui que fr. 75 cent. Le prix de la farine de manioc s'accrut dans la même proportion. Une vache laitière, que le hasard amena dans ces contrées, fut payée au prix de deux livres d'or; on en donna vingt-huit pour un porc; et dans ce pays où la canne a été largement cultivée depuis une livre de sucre ne valait pas moins de 15 fr. (1). Mais le pays de Goyaz, si riche il y a moins d'un siècle, vit tarir rapidement ses sources d'opulence; et les hommes courageux qui s'étaient livrés résolument aux travaux agricoles furent en définitive les seuls habitants qui sussent se maintenir dans l'aisance; les points d'analogie que nous avons signalés entre deux régions si lointaines pourraient bien se maintenir jusqu'au bout; néanmoins, comme la Californie, le pays de Goyaz n'a pas l'avantage d'être baigné par la mer ; ne peut pas recevoir dans ses ports des navires qui y porteraient infailliblement l'abondance, et sous ce dernier rapport la comparaison cesse d'être possible, car

il

(1)On peut comparer du reste ces prix exagérés à ceux, non moins extraordinaires, qui forment aujourd'hui le tarif des denrées de première nécessité dans la haute Californie. Nous joindrons à ce document quelques indications sur le chiffre des émigrations, qui se lie naturellement à la cherté des vivres.

« La farine, qui lors des dernières nouvelles était à trente-six dollars (190 fr. 80 c.) les soixante livres, s'est élevée depuis à quatre-vingts dollars (424 fr.) On ne peut plus à aucun prix se faire servir; et le pauvre gouverneur, M. Mason, est réduit à faire sa cuisine lui-même. On ne s'étonnera donc pas d'apprendre que la fièvre de l'émigration pour la Californie semble avoir pris tout le monde : c'est une maladie épidémique, disent les journaux. Le 20 décembre on annonçait à New-York trente-et-un navires en partance pour le pays de l'or, dix-sept à Philadelphie, neuf à Boston, deux à Portland, sept à Baltimore, deux à Charlestown, onze à la Nouvelle-Orléans, etc., etc. De plus on assurait que dix mille émigrants étaient déja passés à Saint-Louis de l'Ohio, se rendant par terre en Californie, et qu'entin plus de deux mille voyageurs impatients attendaient déjà à Panama les bateaux à vapeur qui devaient les porter à la terre promise. »>

la baie de San-Francisco est destinée sans aucun doute à un immense mouvement commercial. Jusqu'à ce jour nous ne pouvions juger de la pureté de l'or recueilli dans ces régions que par analogie, et en supposant que son titre égalait celui de Sonora ; aujourd'hui les documents sont plus précis: et il résulte du rapport fait à l'honorable Robert J. Walker, secrétaire du trésor, par les essayeurs de l'hôtel fédéral des monnaies à Philadelphie, les faits suivants : L'or de la Californie « présente un double caractère extérieur, bien qu'il n'y ait aucune apparence de différence dans la qualité. Celui qui vient des mines sèches est en grains d'un poids moyen de un à deux deniers, l'autre variété se présente en petites paillettes dont il faudrait environ cinq ou six pour un grain; » cet or « n'est que de six millièmes au-dessous du titre de la monnaie des États-Unis (1). »

Jusqu'à présent (à en juger par les renseignements qui nous sont parvenus) les pépites rencontrées dans les sables sont d'un volume peu considérable; mais un hasard heureux, et qui rentrerait même dans les probabilités, peut faire tomber les mineurs sur des gisements d'une autre nature. On ne saurait oublier que dans une province limitrophe au pays de Sonora on a eu la preuve que le volume de certaines pépites était aussi extraordinaire que la pureté du métal était remarquable. En parlant des mines de cette région, M. Duflot de Mofras cite un morceau d'or natif qui y fut trouvé et qui appartenait à M. Żavala. Ce morceau, comparable aux énormes fragments trouvés non loin de l'Oural, n'était pas évalué à une somme au-dessous de neuf mille piastres.

Par une coïncidence presque merveilleuse, et dont nous pouvons puiser la nouvelle dans le discours officiel du président, les gisements d'or de la Californie se trouvent placés dans le voisinage des mines de mercure. « L'une d'elles, dit M. Polk, est déjà en exploitation, et l'on croit qu'elle sera l'une des plus riches du monde. »

Une découverte pareille, toujours inté

(1) Voy. le Journal des Débats, numéro du 6 janvier 1849.

« PreviousContinue »