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la Nouvelle Californie, et pour accomplir cette œuvre de civilisation le préfet apostolique des franciscains est secondé par l'inspecteur général du Mexique, D. Jozé de Galvez. Grâce aux efforts combinés des deux pouvoirs, San-Diego s'élève en même temps, et dès l'année 1768 ce vaste pays est protégé efficacement par les deux établissements nouveaux, qui grandissent simultanément aux deux extrémités de la province et qui ont bientôt, comme point intermédiaire, la mission de San-Buenaventura. Secondés avec zèle par la marine espagnole, mais environnés de hordes barbares, les missionnaires ne pourraient réussir sans l'esprit plein de prévoyance qui préside alors en Espagne à un vaste système de colonisation. Nul établissement consacré à la civilisation des Indiens ne s'élève s'il ne repose sur un triple mode d'administration. La mission, peuplée d'indigènes, est exclusivement soumise au principe religieux; le pueblo reçoit des colons du Mexique, ou bien de la mère patrie, et fait prévaloir dans son sein le régime civil; le presidio est organisé exclusivenient sous le régime militaire. C'est là que résident, pour la protection du pays, ces compagnies bardées de cuir (compañias de la cuerra) que leur armure défensive met à l'abri des traits des Indiens, et qui après avoir protégé les missions durant quelques années, peuvent passer, habitants paisibles des villages, dans les rangs des puebladores, aidés alors des deniers de l'Etat (1).

Ces détails administratifs, si peu connus de l'Europe, étaient en vigueur il

(1) Il existe dans d'autres parties de l'Amérique des soldats défendus ainsi par des cuirasses en cuir (Voy. le Brésil, p. 218). Les armures de la Californie paraissent avoir été plus simples que celles décrites déjà par nous, puisque l'on ne dit pas qu'elles fussent piquées en coton. Selon M. Duflot de Mofras, c'était une sorte de robe de peau de daim assez semblable à une cote de mailles qui ne pouvait être traversée par les flèches. Les « soldats n'endossaient cet uniforme qu'en campagne et au moment du combat; leur tête était couverte d'un casque à deux visières. Un bouclier en cuir passé au bras gauche leur servait à repousser les flèches, et les coups de lance, dans les luttes corps à corps, alors que, se défendant avec le sabre ou la lance, ils ne pouvaient faire usage de leurs pistolets ni de leurs mousquets. Les chevaux eux-mêmes, comme ceux des anciens chevaliers,

étaient couverts d'une armure en cuir. »

y a quatre-vingts ans à peine; et pour la Californie c'est de l'histoire ancienne, puisque le système qui les avait créés a cessé de prévaloir. Le rapide dévelop pement que prirent néanmoins alors les deux provinces prouve que ce mode d'action était basé sur une connaissance approfondie des localités et sur un besoin réel du pays. On ne saurait donc sans injustice passer sous silence une organisation qui amena après tout de remarquables résultats, puisque vingt et un établissements animèrent en peu d'années ces déserts, et que des milliers d'Indiens, qui très-probablement eussent disparu du sol, comme il en a tant disparu dans l'Amérique du Nord, passèrent dans la civilisation. Ce qui contribua à hâter ce développement rapide, il ne faut pas l'oublier, ce qui créa même pour l'avenir des sources de richesse incalculables, ce fut l'esprit prévoyant, qui n'hésita pas à jeter dès l'origine trois cents têtes de bétail sur ces terrains vierges. Le phénomène qui avait eu lieu dans les pampas de Buenos-Ayrès se renouvela dans cette partie du nouveau monde, et à mesure que les ressources d'alimentation se multipliaient la population des colonies nouvelles put s'accroître sans aucun danger.

Vers cette époque, un changement eut lieu dans la vaste province dont nous esquissons l'histoire à grands traits : frappés des résultats qu'obtenaient les religieux de l'ordre de Saint-François, les dominicains de Mexico prétendirent partager leurs travaux, et ils s'adressèrent à l'autorité pour qu'on leur concédât quelques missions dans la haute Californie. Les franciscains firent observer avec raison qu'il était difficile d'immiscer de nouveaux directeurs dans des établissements fondés d'après un système homogène; mais ils offrirent aux dominicains la direction générale des anciennes missions, et ceux-ci allèrent gérer toutes celles qui avaient été formées par les jésuites dans la basse Californie.

Au temps où nous sommes parvenus ce pays ne relevait plus directement de la vice-royauté de Mexico en 1777 le roi d'Espagne avait créé une capitainerie générale des provinces internes, et cette vaste région comprenait le Nouveau

Mexique, le Sonora, ainsi que les deux Californies. Le chevalier Théodore de Croix avait été chargé de diriger l'administration qui pourvoyait aux besoins temporels des quatre provinces, tout en laissant une action libre aux missionnaires; et il s'acquitta avec zèle des devoirs qui lui étaient imposés en 1781, cependant, on crut pouvoir soustraire le pouvoir militaire au commandement immédiat des religieux; un déplorable massacre, prévu par les franciscains, eut lieu sur les rives du Colorado, et prouva tout le péril qu'il y avait à irriter les Indiens en s'appropriant violemment leurs terres.

A l'exception de quelques événements de cette nature, durant lesquels les sauvages se montrent rarement les agres seurs, l'histoire de cette contrée se traîne pendant près d'un demi-siècle sous un aspect uniforme, et c'est tout au plus si l'arrivée de quelque grande expédition maritime, telle que celle de Lapérouse (1) par exemple, vient rompre dans les missions de la côte la monotonie d'une paternelle administration, qui par la régularité de ses rouages, ses formes presque monastiques, excluait jusqu'à la probabilité qu'il pût s'offrir des incidens nouveaux. Si nous voulions nous étendre, les révolutions intérieures de ces aggrégations d'Indiens auraient aux yeux du lecteur un caractère d'uniformité qui en rendrait le récit peu attachant. De barbares représailles peu fréquentes, il faut le dire, de secrets complots, ourdis dans l'ombre par les devins contre l'autorité des pères, les efforts incessants renouvelés par les missionnaires, pour faire marcher dans la même voie ces êtres grossiers, differents souvent de mœurs et presque toujours de langage; voilà ce qui composerait ces annales: l'intérêt qu'elles pourraient offrir serait un pur intérêt local.

En 1822 les choses changent tout à coup d'aspect, et la révolution qui a émancipé le Mexique a son écho dans la Californie. Le gouverneur espagnol D. Pablo de Sola, refusant de servir la nouvelle république, s'éloigne de Monte

(1) Nous rectifions ici l'orthographe de ce nom illustre d'après des documents officiels. Galop de Laperouse relacha à Monterey en 1786.

Rey; et un Californien de naissance, D. Luiz Arguello, est nommé gouverneur par interim. La Californie est déclarée territoire, ayant droit à la députation provinciale: le premier député qu'elle envoie au congrès de Mexico n'est pas admis: sa qualité d'Espagnol fait annuler sa nomination. En 1824 la nouvelle république installe un gouverneur portant aussi le titre de chef politique, pour diriger la Californie. D. Joze Maria Echandia nomme des administrateurs aux missions, et veut enlever la direction temporelle aux missionnaires. Ce chef politique maintient cependant l'ordre, un instant compromis en 1830; mais des plaintes graves s'élèvent contre lui: il est accusé de s'être prêté au pillage, et le lieutenant-colonel D. Manuel Victoria vient le remplacer. Homme intègre, cet officier à à lutter contre les mauvaises passions, et bientôt il s'éloigne, laissant l'exercice de l'autorité supérieure aux capitaines des presidios.

En 1831 le commandement est dévolu au général de brigade D. Jozé Figueroa : il y a conflit entre l'autorite politique et Tautorité religieuse; mais ce n'est que trois ans plus tard qu'un décret de la junte provinciale enlève aux missionnaires toute participation à l'administration des biens. » Selon l'écrivain qui nous sert ici de guide, on leur promit une indemnité annuelle, dont le payement ne s'était pas encore effectué dix ans plus tard.

Nous passerons rapidement sur tout ce qui a rapport à une compagnie qui se fonda a Mexico en 1834, sous le titre de Compañia cosmopolitana. Son but avoué était de coloniser la Californie; mais l'absence d'agriculteurs et les éléments hétérogènes dont elle se composait la rendaient essentiellement impropre au rôle difficile qu'elle s'était imposé; on lui prête d'ailleurs des vues qui n'étaient rien moins que philanthropiques. Elle échoua complétement. Ce fut cependant à elle que l'on dut l'introduction de l'imprimerie en Californie: quelques ouvriers typographes qui faisaient partie de la compagnie transportèrent en 1834 une petite presse à Monterey; la première qui, dit-on, eût été apportée dans ces régions lointaines. Un événement plus important et dont les

a dernières conséquences sont faciles à prévoir s'effectua vers cette époque. Les missions avaient été définitivement séFacularisées par le général Figueroa, et un simulacre de partage avait eu lieu à e. l'égard des misérables Indiens, qui s'étaient vus à peu près dépouillés de leurs i terres et de leurs bestiaux, lorsque de nouveaux colons, étrangers à la race indigène ou aux descendants des Espagnols, parurent tout à coup dans le pays. « Un grand nombre de matelots anglais et surtout de trappeurs américains arrivèrent des États-Unis en Californie à travers les montagnes Rocheuses. Ces aventuriers, chasseurs de castors, n'avaient pour toute fortune que leurs carabines (rifles); ils s'établirent en Californie, et se mêlèrent à toutes les révolutions dont elle devint le théâtre (1). »

Étranges révolutions, sans doute, que celles qui ont lieu dans ce vaste pays, où s'agite une population de cinq mille âmes disséminée sur deux mille lieues carrées. En attendant qu'elle partageât les destinées d'un grand peuple, la Californie crut pouvoir obéir à ses velléités d'indépendance, et en octobre 1836 un mouvement, préparé longtemps à l'avance par les étrangers, la sépara de Mexico: un Californien nommé D. Juan Bautista Alvarado, simple employé de la douane, devint chef de l'insurrection. Trente chasseurs américains, ayant à leur tête un certain Graham, une soixantaine de rancheros à cheval, quelques habiles tireurs, suffirent pour que Monterey tombât au pouvoir des indépendants. Non-seulement le gouverneur Gutierrez n'avait que soizantedix hommes pour se défendre dans le presidio; mais les bâtiments américains mouillés dans le port (et ils étaient au nombre de quatre) favorisaient évidemment les insurgés. Le gouverneur capitula, et Alvarado, devenu le dépositaire du pouvoir, proclama hautement l'indépendance du pays. Dans cette séparation, motivée, dit-on, suffisamment par l'indifférence offensante du Mexique pour une province lointaine, on laissa à la république les anciennes missions;

(1) Duflot de Mofras, Descript, de l'Orégon et de la Californie.

c'est ce qu'attestait suffisamment le titre pompeux qu'adopta le pays en proclamant son indépendance absolue. L'Etat libre et souverain de la haute Californie (1) se vit néanmoins dès l'origine en proie aux divisions intestines: Alvarado, maître de Monterey, n'était pas reconnu par les autres pueblos; et lorsqu'il voulut prendre en main la gestion des affaires il vit surgir tout à coup un compétiteur. Il n'y a rien de plus ordinaire à coup sûr qu'un incident pareil, lorsque l'on a à raconter les troubles de l'Amérique; mais ce qui l'est moins, c'est de voir que les deux rivaux s'arrangent sans coup férir cela arriva cependant. Le chef qui commandait les forces envoyées de Santa Barbara comprit dès le premier abord qu'il y avait communauté d'intérêt, où il n'y avait que division apparente et il fut convenu qu'un arrangement serait proposé au gouvernement de Mexico. Le personnage qui venait de paraître sur l'horizon se nommait Castillero; l'événement prouva qu'il était parfaitement à même de remplir la mission dont une commune convoitise l'avait chargé. Il se rendit dans la capitale du Mexique, « et les renseignements qu'il fournit sur les richesses encore existantes dans les missions déterminèrent, dit M. Duflot de Mofras, à voter la loi du 17 août 1837, qui enleva complétement aux religieux l'administration temporelle et la laissa à la libre disposition du gouverneur. »

Le personnage auquel on laissait une si grande latitude n'était cependant pas le chef des indépendants. Mexico avait institué un nouveau gouverneur. Ce chef politique, nommé D. Carlos Carrillo, ne fut pas accepté, et Alvarado sut se maintenir au pouvoir, en dépit de l'administration centrale, il en fut de même de son ancien antagoniste Vellejo, que l'on confirma dans le poste de commandant général militaire.

Ces étranges concessions eurent bientôt les résultats qu'elles devaient amener. Alvarado s'appropria, dit-on, des biens immenses confisqués sur les mis

(1) El estado libre y soberano de la alla California telle fut la dénomination inscrite en tête des actes officiels. Voy. les pièces justificatives insérées à la suite du Voyage de M. du Petit-Thouars. Voy. aussi Ch. Wilkes, t. V.

sions, et sans cesser d'accroître son opulence fit encore de nombreuses largesses aux Américains commandés par Graham, qui l'avaient servi de leur intrépidité. La ruine des missions fut consommée par les décrets de 1839 et de 1840; et si le 17 novembre de cette dernière année un ordre du ministre de l'intérieur enjoignit au gouverneur général de restituer l'administration des biens temporels aux franciscains, jamais ce décret ne reçut son exécution.

Un grave événement se préparait cependant et il deviendra curieux un jour pour l'histoire de voir ce que pouvait entreprendre une poignée d'hommes essayant de faire des destinées nouvelles à ces vastes régions qui formeront un jour plus de provinces peut-être qu'on ne comptait de soldats parmi eux. Guidés par leur chef Isaac Graham, les quarante-six chasseurs américains dont Alvarado avait utilisé le courage se figuèrent contre lui; et, devançant les exigences de la diplomatie, prétendirent faire entrer dans l'union américaine un pays dont le Mexique semblait méconnaître la valeur. En réalité toutefois la cause du complot venait de ce que ces hommes, dit-on, ne se trouvaient pas suffisamment récompensés; ils furent trahis au moment de l'exécution, mais leur adresse à se servir de la carabine était redoutée : on n'osa les attaquer de front, et le chef de la bande destinée à marcher contre eux fit tirer lâchement pendant la nuit contre l'abri de branchages qu'ils s'étaient élevé. Un seul individu reçut un coup mortel en fuyant. Graham et ses compagnons furent blessés. Envoyés à Mexico pour se justifier, ces intrépides coureurs de bois surent se faire allouer de solides dédommagements, et revinrent plus tard en Californie. Bravant ceux qu'ils avaient servis jadis, ils formèrent dans le pueblo de los Angeles un noyau d'hommes intrépides prêts à seconder par leurs efforts la politique des États-Unis.

En dépit de cette échauffourée, Alvarado était resté maître fort paisible du gouvernement; une émeute qui eut lieu en 1842 dans la basse Californie troubla seule la tranquillité de son administration; elle fut promptement réprimée. Cependant une circonstance inatten

due arracha encore en 1842 les Californiens à leur vie paisible. Une centaine d'Américains ayant traversé les déserts immenses qui les séparent de l'océan Pacifique, le gouverneur général crut à la possibilité d'une nouvelle agression, et demanda des renforts à Mexico; Santa Anna, qui gouvernait alors, obtempéra à son désir, et le 25 juillet 1842 quatre cent cinquante hommes s'embarquerent à Mazatlan pour la Californie. Il y avait malheureusement parmi eux trois cents forçats; ces individus, inutiles pour la défense du pays, sont devenus durant un temps sa terreur.

En recevant ce surcroît de force, la Californie reçut un nouveau gouverneur : le général Micheltorena commandait l'expédition dont nous venons de parler et devait prendre l'administration suprême, Alvarado ayant été nommé premier conseiller de la junte départementale. Arrivé à San-Diego le 20 août, le général ne put se rendre, comme il devait le faire d'abord, dans les lieux où l'on redoutait une invasion; il était en marche lorsqu'il apprit que le commodore Cattesby Jones s'était emparé de Monterey au nom des ÉtatsUnis. Cette agression de la part du commodore n'avait eu lieu que sur un bruit de guerre assez vague: une fois que l'on eut la certitude qu'il n'y avait pas de rupture entre les États de l'Union et le Mexique le port de Monterey fut restitué au gouverneur.

En 1844 M. Duflot de Mofras écrivait : « L'autorité du général Micheltorena ne paraît guère affermie; il est probable que tôt ou tard il sera traité comme ses prédécesseurs mexicains. Les Californiens influents répètent souvent que, ne recevant rien du Mexique, ils prétendent n'employer les revenus du pays qu'à solder des Californiens; ils ajoutent que s'ils consentent à entretenir une petite troupe de soldats, ils ne veulent pas avoir à craindre les attaques des galériens, qui ont dû être laissés libres, puisque tous les présidios sont détruits, et qu'il n'existe aucun emplacement pour les garder, et tout porte à croire que le général Micheltorena ne tardera pas à subir le sort des gouverneurs Victoria, Herrera Chico, Gutierrez et Carrillo. »>

Les derniers événements, résultats d'une guerre que les Mexicains n'ont pas assez redoutée, montreront bientôt combien était fondée la crainte que laissait entrevoir, il y a quatre ans, un historien qui est allé recueillir sur les lieux mêmes les renseignements que nous venons de reproduire. Avant toutefois de faire connaître en vertu de quel traité la Californie est entrée dans ses destinées nouvelles, nous voulons faire apprécier sommairement l'ensemble de ses établissements divers et les ressources dont elle peut disposer.

ÉTAT ACTUEL DE LA HAUTE CALIFORMONTEREY PUEBLO DE

NIE.

LOS ANGELES.

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A quelque division qu'ils appartiennent, qu'ils s'appellent missions, présides ou pueblos, on ne peut se dissimuler que les centres de population si rares encore en Californie n'aient complétement changé d'aspect, à partir de l'année 1836, époque où fut rendu à Mexico le décret définitif qui sécularisait les missions et qui en remettait la direction à des administrateurs. L'apathie et l'imprévoyance inhérentes au caractère des Indiens ont eu les conséquences naturelles qu'elles devaient avoir, et ceci malheureusement n'est pas une vague accusation; un coup d'œil sur la statistique du pays suffit pour le démontrer. Nous ne parlons pas uniquement de la dispersion des catéchumènes : quelquesuns ont regagné les solitudes fertiles de l'intérieur, et il est possible qu'ils mettent en œuvre dans ces lieux écartés les principes civilisateurs qu'ils ont reçu jadis; mais pour ne faire mention que des biens matériels (1), où l'on comptait vingt mille bêtes à cornes, plus de dix mille chevaux, et cent mille moutons, il n'existait, il y a quatre ans environ, que deux mille boeufs et quatre cents chevaux; les moutons ne s'élevaient plus qu'à quatre mille. Il en était de même des produits ruraux dans une foule d'endroits; la culture des céréales se trouvait complétement abandonnée, et la culture de la vigne, qui commençait à suffire aux besoins du pays, n'entrait

(1) Comme à San-Luiz-Rey-de-Francia par exemple.

3° Livraison. (LES CALIFORNIES.)

plus en compte que comme un produit de luxe. Nous ne fatiguerons pas l'esprit du lecteur par ces déplorables détails, qui se reproduisent dans presque toutes les localités avec une effrayante monotonie et qu'on trouvera d'ailleurs avec une parfaite exactitude dans le récent voyage de M. de Mofras. Nous nous contenterons de faire voir, avec cet écrivain, combien, à côté de ressources immenses, les finances de la Californie ont déchu. En effet, « si les recettes générales du département ne s'élèvent guère qu'à 70 ou 80,000 piastres par an, les dépenses atteignent au moins le chiffre de 120,000 piastres. Ce déficit annuel, continue M. de Mofras, explique assez pourquoi les employés de tout grade se sont livrés au pillage des missions. >>

Les moyens de communication faciles autrefois, et grâce auxquels le commerce pourrait se rétablir, ont suivi dans leur décadence cette effrayante progression. Nous nous bornerons à dire, pour être bref, que l'on est quelquefois un an à Mexico sans connaître l'état réel de la haute Californie.

Le centre de population, dont le nom a le plus fréquemment retenti en Europe, le presidio de S. Carlos de Monterey, qui fut fondé en 1770, n'a pas échappé à cette influence; ses fortifications ont été détruite, sa population militaire a été en partie dispersée. Mais il est vrai qu'un pueblo considérable, qui prend pompeusement le nom de capitale, et qui ne comptait guère que six cents habitants il y a quatre ans, s'élève dans une position magnifique à quelque distance de l'ancien siége du gouvernement. Cette ville n'a commencé à jeter ses fondations qu'en 1827, et elle semble appelée aux plus hautes destinées. Si, lorsqu'on le contemple de la mer,

l'emplacement de Monterey est vrai ment admirable, » nul édifice digne d'attention ne s'y fait encore remarquer. C'est dans cette ville que fonctionne l'imprimerie dont nous avons déjà signalé l'introduction. C'est là que l'on imprime quelques livres élémentaires pour les rares écoles du pays; et un jeune Français, M. Cambuston, y répand l'instruction primaire, trésor inappréciable pour le pays, depuis surtout que

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