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qui fréquentent ces parages (1). Ces noms plus ou moins illustres, plus ou moins aimés des géographes, nous conduisent jusqu'à l'époque où les États-Unis songent, eux aussi, à explorer les côtes nord-ouest d'un pays où ils sauront bientôt réunir tant d'éléments de prospérité. En 1788 deux bâtiments sont expédiés de Boston avec mission spéciale de visiter ces côtes, si riches en fourrures; un coup de vent les sépare, et c'est au capitaine Robert Gray, qui commande le Colombia, qu'échoit l'honneur de baptiser de nouveau le fleuve que vit jadis Heceta. Désigné dans la langue des indigènes (quelques historiens le prétendent du moins) sous la dénomination d'Orégon (2), ce beau fleuve perd alors un nom ignoré; mais il le lègue à l'un des plus riches territoires du nouveau monde, et il rappelle dans ces régions désertes celui que devrait porter l'Amérique entière.

C'était précisément à la même époque que naviguait dans ces parages l'un des plus célèbres marins dont s'honore l'Angleterre, et qu'il y exécutait ses explorations hydrographiques, à jamais célèbres dans la science (3). Vancouver rencontra

(1) Ainsi que le fait très-bien observer M. Fédix, Meares, parvenu au 46° 10' de lat. nord, dit positivement: « Nous pùmes en conséquence assurer avec certitude la non-existence

la prétendue rivière de Saint-Roch que l'on voit sur les cartes des Espagnols. » Voyage de Meares, imprimé à Londres en 1790, p. 167.

(2) Voyez ce que dit à ce sujet M. de Mofras. (3) L'explorateur le plus savant et le plus actif de ces régions, George Vancouver, naquit vers 1750, et il eut le bonheur de se former à l'école de Cook, qu'il accompagna durant son deuxieme et son troisième voyage. Ce fut seulement en 1790 que l'on songea a lui, pour le charger de la grande mission qui le place à côté des plus illustres navigateurs. Vancouver a reconnu dans le plus grand détail toute la côte comprise entre les 39° 5' de lat. et 336° 56′ de long et la pointe Menzies ( 52° 18′ de lat., 232° 55′ de long. ). Cet habile marin, ayant exploré huit cents lieues de côtes en ligne droite, « crut avoir démontré clairement qu'il n'existait aucune communication navigable entre les océans Atlantique et Pacifique, et qu'il n'y en avait pas non plus depuis les 30° jusqu'aux 36° de lat. entre l'océan Pacifique et les lacs ou mers intérieures. » Cette mission si laborieuse était terminée le 22 août 1794. Vancouver ne survécut pas longtemps aux travaux et aux fatigues de toute espèce qu'a vait exigés cette immense reconnaissance; il mourut au mois de mai 1798. Un hydrographe anglais déjà célèbre, sir Edward Belcher, ne se montre pas toujours complétement d'accord

Robert Gray, prit de lui des renseignements, visita le cap qui marque l'embouchure du fleuve, et ne put voir la Colombia; il l'avoue positivement lui-même, bien qu'il ait signalé les terres qui avoisinent son embouchure.

Broughton, qui faisait partie de l'expédition de Vancouver, et qui commandait le Chatam, fut bien certainement l'un de ceux qui visitèrent d'abord les rives de la Colombia; mais envoyé par Vancouver pour reconnaître définitivement l'embouchure de ce fleuve, il ne pénétra dans ses eaux qu'à une époque où le capitaine Gray l'avait déjà exploré pour la deuxieme fois. On le voit donc, c'est en réalité à Heceta, puis au capitaine américain, que l'on doit d'une manière positive la connaissance première de ce fleuve, si précieux pour les communications intérieures. L'embouchure se trouvait déjà marquée sur les cartes; mais les sources visitées jadis par les Canadiens étaient restées ignorées, du moins au point de vue géographique, lorsque le gouvernement américain, pressentant quelque découverte à faire dans les régions du centre, chargea, en 1803, Lewis et Clarke d'aller explorer le désert. Plus heureux que les Canadiens français dont nous avons rappelé les travaux, Lewis et son courageux compagnon ont légué leurs noms à l'histoire.

La navigation des grands fleuves est quelquefois aussi glorieuse que celle qui s'accomplit sur l'Océan, les périls que surmonta jadis Orellana sont aussi connus que ceux qui illustrèrent Yanez Pinzon; et lorsque le 14 mai 1804 Lewis et Clarke s'embarquèrent sur la rivière Wood, qui se jette dans le Mississipi, on peut dire qu'ils commencèrent le voyage de navigation intérieure le plus étonnant qui eût été accompli depuis la première exploration de l'Amazone. Jonathan Carver, qui était parvenu bien des années auparavant aux sources du Mississipi, avait projeté autrefois cette belle entreprise; Lewis et Clarke eurent la gloire de l'accomplir. Le 27 juin 1804 les trouve dans les montagnes Rocheuses, et après d'indicibles souffrances ils parviennent au

avec Vancouver dans ses observations (Voy. Voyage round the world, notamment p. 284). Ceci, bien entendu, ne prouve que la nécessité de renouveler de pareilles expéditions.

fleuve qui doit les conduire au terme de leur voyage. La Kooskooskee, le Lewis, la Colombia les ont reçus tour à tour; le 17 novembre ils peuvent saluer les rives de l'océan Pacifique. Ils ont atteint l'embouchure de ce beau fleuve, qui verra s'élever bientôt la colonie d'Astoria.

Lewis et Clarke ne quittèrent pas le pays qu'ils venaient d'explorer sans y fonder un établissement de quelque durée. Ils construisirent le fort Clatsop, auquel ils imposèrent le nom d'une tribu voisine, et cette construction peut être considérée à bon droit comme étant le premier établissement de quelque importance fondé dans ces parages par les peuples civilisés ; le 26 mars 1806 les deux voyageurs reprenaient la route des ÉtatsUnis. Ce fut dans cette même année qu'un des associés de la compagnie du NordOuest, explorant vers le 54me parallele un fleuve qui baigne la partie la plus montueuse de l'Orégon, ou, si on le préfère, la Nouvelle-Caledonie lui imposa son nom. Le Fraser est, comme on l'a vu, le second fleuve de ces contrées.

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L'écrivain chargé dans cette collection de rappeler les derniers événements qui ont agité l'Amérique a fort bien établi déjà comment la formation de compagnies actives, ayant pour but l'exploitation des fourrures, avait été l'origine des premiers centres de population fondés sur le vaste territoire qui nous occupe. Nous ne rentrerons pas ici dans la série de détails qui se rattachent aux opérations de ces compagnies ou même aux efforts de certains spéculateurs hardis, mais isolés, tels que le célèbre John Astor. Si ce fut réellement à cet homme intelligent que l'on dut le premier établissement digne de quelque intérêt fondé en remplacement du fort Clatsop sur les rives de la Colombia, l'existence si éphémère du fort d'Astoria ne saurait nous arrêter, et nous préférons passer immédiatement à la description de localités bien moins connues, mais qui, grâce à une administration dont on ne saurait

mettre en doute l'activité et à un zèle non moins fécond en résultats, marchent dans une voie réelle de prospérité.

Siége principal de l'administration de l'honorable Compagnie de la baie d'Hudson, le fort Vancouver peut être considéré comme le chef-lieu de toute la partie peuplée de l'Orégon. Fondé en 1824, il s'élève sur la rive droite de la Colombia, à soixante-dix milles environ de l'océan Pacifique (1); sa population est encore peu considérable, et l'on ne peut guère l'élever au delà de 800 habitants, dont un petit nombre seulement appartient à la race européenne, le reste se composant d'Indiens ou de métis. Cette petite ville, construite en bois, ne laisse pas que de présenter un aspect assez animé, "si l'on se rappelle qu'un bateau à vapeur et cinq navires à voile d'un port de cent à trois cents tonneaux jettent la vie dans ce coin du globe absolument désert il y a seulement quelques années. Le territoire dont le fort Vancouver est entouré fournit en abondance aux besoins restreints de cette population naissante le froment, la pomme de terre, certaines espèces de pois, varient la nourriture animale, que l'on s'y procure aisément. Nous ne voudrions pas cependant donner une idée exagérée et du confort de cet établissement et de son importance réelle; le savant Belcher le peint sous un jour peu attrayant, et M. de Mofras dit positivement : « Le fort Vancouver, qui à l'extérieur ressemble à une grande ferme entourée de bâtiments d'exploitation agricole, n'est en réalité au dedans qu'une boutique et un comptoir de la cité de Londres. Une quinzaine de commis sont employés aux échanges avec les Indiens, à la vente et aux écritures. » Nous ne dirons rien ici du fort d'Astoria (2), qui ne se compose plus que

(1) M. Ch. Wilkes fixe ainsi sa position géographique: lat. 45°, 36' 53" nord; long. 122° 39' 34.6". Voy. Narrative of the United States exploring expedition. Dans le chiffre de population indiqué plus haut ce voyageur ne fait entrer

que cent ou cent cinquante Américains.

(2) Le fondateur de ce comptoir est mort tout récemment; il avait acquis une opulence peu commune, grâce à l'habileté de ses spéculations. L'un des observateurs qui ont le mieux dépeint cette contrée, M. de Mofras, nous a tracé un tableau fidèle de cet établissement, qu'on peut s'étonner à bon droit de voir qualifier de ville, Town of Astoria. » Ce lieu, rendu célèbre par M. Washington Irving,

de quatre cabanes, et dont on peut voir une vue charmante dans l'excellent livre du capitaine Belcher; nous rappellerons que la nouvelle compagnie, comprenant toute l'importance de certaines positions, s'est hâtée d'agglomérer la population dont elle pouvait disposer sur ces points habilement choisis, et destinés sans doute à devenir le siége de villes industrieuses. Elle comptait il y a deux ans quinze ou vingt établissements de ce genre, sans mentionner les stations secondaires. Ces centres divers de population s'accroissaient il y a trois ou quatre ans grâce aux efforts de M. Mac Laughlin, gouverneur de la Compagnie et résidant au fort Vancouver. Un homme bien connu par ses travaux, M. Wieth, a proposé naguère la fondation d'une grande cité à Warrior's Point, sur les bords de la Wallamette; et cette ville serait destinée à devenir la capitale de l'Orégon. Quoi qu'il en soit, tous ces établissements, encore peu développés, ne peuvent manquer de prendre bientôt un grand accroissement (1). Des documents pu

qui a écrit d'une manière si pittoresque l'histoire de sa fondation, est habité par un seul homme, M. James Burney, Ecossais et agent de la Compagnie d'Hudson, qui y réside avec ses jeunes enfants et sa femme, qui est Canadienne. Derrière la maison on montre la place sur laquelle était báti l'ancien fort d'Astoria, dont il ne subsiste plus aucun vestige. La maison actuelle est batie sur un petit plateau de prairie, derrière laquelle apparait une forêt de pins. Nous avons mesuré un de ces arbres couchés par terre dont la longueur était de quatre-vingt mètres, sur cinq, trois et un de diametre à diverses hauteurs ... Près de la maison de M. Burney on remarque quelques misérables loges d'Indiens, qui apportent du saumon, des canards et de la venaison, seule viande dont on fasse usage, M. Burney n'ayant qu'une vache pour tout bétail. Dans le hangar sont emmagasines des cordages, des ancres et des agrès, et Pon voit amarrées au rivage deux bonnes chaloupes.»

(1) Ces établissements commerciaux ne sont pas les centres uniques de population dans ces parages. Non-seulement les forts de Cowlitz et de Wallamette réunissent, depuis 1838, un certain nombre de catéchumènes; mais leurs villages, situés à vingt-deux lieues environ du fort Vancouver et à cinquante-cinq de l'océan Pacifique, sont destinés a prendre un réel accroissement; sept sœurs de Notre-Dame, parties d'Anvers il y a quatre ou cinq ans, résident sur les bords de la Wallamette, qui se jette dans la Colombia. A plus de trois cents lieues de là, sur les rives de la Racine-amère, non loin des montagnes Rocheuses, l'Orégon possède encore un établissement religieux, ayant une certaine analogie avec les anciennes réductions du Para

bliés par les États-Unis, il y a moins de trois ans, annonçaient que des familles entières, traversant les montagnes Rocheuses, émigraient avec tous leurs bagages et leurs ustensiles domestiques pour la riche vallée de la Wallamette. Les mêmes documents nous indiquent l'époque très-prochaine où ane imprimerie fonctionnera sur le territoire de l'Orégon, et signalera les avantages que présente ce vaste territoire. Il y a plus encore, un projet tout autrement gigantesque que les projets de colonisation signalés ici a été présenté officiellement par M. Pratt, député de NewYork, à la chambre des représentants dans la séance du 28 janvier 1845. Il ne s'agirait de rien moins que de la construction d'un chemin de fer, qui, partant de l'ouest du lac Michigan, traverserait les montagnes Rocheuses et aboutirait à la partie navigable de la Colombia. Un riche négociant de NewYork, M. Asa Whitney, est l'auteur de ce vaste plan de communication qui changerait infailliblement les relations commerciales du globe, puisque, ainsi qu'on l'a très bien fait observer, & il ouvrirait un passage occidental entre l'Europe et l'Asie, et mettrait New-York à trente jours de distance de la Chine (1).

En attendant l'issue des discussions diplomatiques qui peut servir ou retarder l'accomplissement de ce projet, l'État de l'Union veille avec une admirable sollicitude à tout ce qui peut assurer ses prétentions sur le territoire contesté. Cette vaste étendue de terres

guay. Nous voulons parler de Sainte-Marie des montagnes Rocheuses. C'est une sorte de village palissadé, dans lequel se trouve une église en bois, surmontée de son clocher. Les Indiens campent a l'entour sous leurs tentes coniques faites en peau de buffle.

Il y a quelques années on faisait monter à huit le nombre total des établissements métho distes; mais il s'en préparait un grand nombre d'autres. Nous rappellerons ici que M. Ch. Wilkes porte à 20,000 individus le chiffre approximatif de la population de l'Orégon; il y comprend toutes les races.

(1) Voyez la brochure intitulée: Documents américains, troisième série, Annexion du Texas, l'Oregon, puh. par M. Jollivet, p. 74. Il est bon d'observer toutefois, avec M. de Mofras, que dans l'état actuel des choses le parcours total de Montréal jusqu'à la mer Pacifique à l'embouchure de Rio-Colombia est exactement de dix-huit cents lieues et la durée du voyage de quatre mois et demi.

fertiles, baignée par la Plate, qui conduit au grand passage méridional des montagnes Rocheuses, et qu'on n'avait pas encore érigée en gouvernement, vient de recevoir une organisation administrative, et prend le titre de territoire de Nabraska (1). Il est facile de prévoir l'époque où une force militaire respectable « placée au sommet des montagnes Rocheuses, à la source des grandes rivières, qui viennent se décharger dans le golfe du Mexique et dans l'océan Pacifique (2), permettra aux Etats-Unis la réalisation de ses vastes desseins.

NATIONS INdiennes de L'Orégon.

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Un zélé missionnaire qui a parcouru récemment l'intérieur de ces immenses solitudes, le P. de Smet, semble croire qu'il servira quelque jour de refuge à une race mixte composée des descendants des Indiens et de ces hommes dangereux mais énergiques, que les États de l'Union repoussent annuellement de leur sein. Peuple pasteur et guerrier, amoureux du pillage comme les sauvages, avide de gain comme les hommes civilisés, il doit renouveler quelque jour dans ces régions ce que vit l'Asie sous les Djenghis et les Timour-Lenck. Chasse abondante, troupeaux nombreux, chevaux sans nombre, tout prépare pour l'avenir les exploits d'une grande nation nomade. En attendant que la succession des siècles amène ce phénomène politique, l'Orégon n'est habité jusqu'à présent que par des tribus dispersées sur de vastes espaces, et dont la plus considérable peut-être ne va pas au delà de 10,000 habitants. Nous donnerons d'abord la rapide nomenclature des peuplades qui ont été visitées récemment. Les Soshonies, plus connus sous le nom des Serpents, habitent la partie méridionale du territoire de l'Orégon, et se répandent jusque dans. le voisinage de la haute Californie; ils forment plusieurs peuplades, dont la population totale peut s'élever à dix mille âmes répandues sur la région la plus stérile à l'ouest des montagnes; leur nom indien atteste suffisamment leur misère, car il signifie les déterreurs de

(1) Du nom indien de la Rivière-Plate. (2) On reproduit ici les expressions du rapport de M. Wilkins.

racines. Tout le monde a présent au souvenir la peinture qu'a su en tracer Washington-Irwing (1), lorsqu'il les montre fuyant les autres Indiens au sein de leurs roches désolées. Leur aspect misérable, la coupe bizarre de leurs vêtements, ne démentent en rien aujourd'hui les peintures qu'on nous en a données; mais la multiplication rapide des chevaux a singulièrement amélioré leur situation, et peut la changer complétement. Leur religion semble être une sorte de sabéisme, et, selon le P. Smet, ils croient que le grand esprit réside particulièrement dans le soleil, le feu et la terre.

« Les Sampeetches, continue le mêine voyageur, les Payouts (2) et les Ampayouts sont les plus proches voisins des Serpents; il n'y a peut-être pas dans tout l'univers un peuple plus misérable et plus pauvre. Les Français les appellent communément les Dignes de pitié, et ce nom leur convient à merveille. Le pays qu'ils habitent est une véritable bruyère; ils logent dans les crevasses de rochers ou dans des trous creusés en terre. » Le digne missionnaire nous avoue qu'ils sont sans vêtements, et que leurs plaines incultes ne présentent guère pour nourriture que des sauterelles et des fourmis; cette dernière espèce d'insectes (lorsqu'on les avait torréfiés) fournissait jadis un aliment fort recherché aux Tupis, qui habitaient les plus belles forêts de l'univers. Les miserables aborigènes de l'Orégon auraient donc un point de contact de plus avec certains habitants du Brésil, s'il est vrai, comme on l'affirma au P. Smet, qu'on les a vus se repaître des cadavres de leurs proches, et même dévorer leurs propres enfants. Pour croire à l'exactitude parfaite d'un tel rapport, pour l'admettre avec certaines restrictions même, il faudrait examiner dans leurs moindres détails les croyances superstitieuses de ces peuples. S'il est reconnu aujourd'hui que les Tapuyas conservaient jadis l'horrible coutume qu'on signala au courageux missionnaire, on a la certitude qu'ils n'y

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obéissaient que par un sentiment religieux.

Tétes-Plates proprement dits. Ils chassent le buffle sur les rives de la rivière Clarke, et, franchissant les montagnes Rocheuses, vont jusqu'à l'embouchure des trois fourches du Missouri. Anta

la guerre leur a été cependant fatale; le P. de Smet en fait un magnifique éloge. « Francs, nobles, généreux dans leurs dispositions, ils ont toujours montré une grande bienveillance pour les blancs et un grand désir de connaître la religion chretienne. » Ces Indiens paraissent disposés à embrasser la vie agricole; cependant les valiées qu'ils parcourent sont si abondantes en buffles, que le missionnaire qui nous les a fait connaitre mieux que tout autre voyageur leur en vit tuer plus de cinq cents durant une seule chasse. Les Têtes-Plates forment aujourd'hui une mission permanente non loin des montagnes Rocheuses, dont les cimes s'élèvent en cet endroit à plus de 10,000 pieds au-dessus du niveau de la mer.

Les Utaus viennent après les peuplades malheureuses que nous venons de citer; ils s'élèvent à 4,000 individus errants aux sources du Colorado; ils_gonistes courageux des Pieds-Noirs, paraissent trouver dans la pêche et dans la chasse une nourriture abondante, et se prêteraient aux efforts de la civilisation. Les Nez-Percés, que l'on rencontre vers le nord et qui ne comptent pas plus de 2,500 individus, possèdent d'innombrables chevaux; les Paloose sont une de leurs tribus. Les Walla-Walla qui habitent la rivière de ce nom, l'un des tributaires de la Colombia, ne s'élèvent pas à plus de 500. Les Spokanes sont plus nombreux, et ils ont adopté entre eux une dénomination qui rappelle une des nations les plus célèbres de l'Amérique du Sud; ils se désignent sous le nom pompeux des enfants du Soleil, et composent une tribu de 800 individus, vivant dans une sorte d'abondance. A l'est du territoire vivent les Stiet-Shoi ou cœurs d'Alène, qui comptent 700 âmes dans leurs villages, et qui se distinguent par une sorte de mansuétude. Les Têtes-Plates (1), unis aux Pondéras, paraissent être la nation la plus digne d'intérêt que l'on rencontre dans ce vaste pays; malheureusement leur tribu ne compte guère plus de 1200 âmes, sur lesquelles il faut compter 800 individus appartenant aux

(1) La carte détaillée jointe au livre du P. Smet indique d'une manière précise la position de ces nations diverses, dont les curieux voyages de M. Catiin nous ont fait connaitre récemment les habitudes au point de vue pittoresque. On trouvera le Puter noster et le Credo en pondéra et en tête-plate dans l'ouvrage du zélé missionnaire. Le même voyageur comprend parmi les Indiens en voie de civilisation : les Gens du lac, devenus en partie chrétiens, les Schuyelpi ou Chaudières, les Okanakanes, les Simpoils, les Walla Walla, les Kayuses, les Altaxes, les Spokanes ou Zingomènes, les Nez-Percés ou Sapétans, les Gens des chutes, les Gens des cascades; les Tchinouks et les Clatsop ou Klatsap. Les missions, bien récentes encore, qui se sont établies parmi ces tribus, sous la direction de M. Blanchet, grand vicaire de toutes les contrées à l'ouest des montagnes, paraissent avoir eu d'heureux résultats. Durant son voyage au fort Vancouver, en 1842, le P. de Smet lui seul avait administré le baptême à 418 personnes, et il faisait monter à 1,654 individus le nombre des catéchumènes convertis par ses soins et par ceux des pères Mangarini el Point, dans l'espace de douze ou quinze mois.

Les Têtes-Plates trouvent des ennemis redoutables dans les Pieds-Noirs et dans les Corbeaux. La première de ces tribus, comprenant les Pragans, les Cotannes et les Gros ventres des prairies, chasse le long du cours supérieur du Mississipi, et s'étend à l'ouest dans les montagnes Rocheuses. Au dire de M. Catlin, elle comptait naguère encore 50,000 individus bien armés ; mais l'année 1838 en a vu disparaître 12,000 qui ont été enlevés par la petite vérole. Les tribus qui errent sur le territoire de l'Oregon sont bien loin d'offrir un chiffre aussi considérable de population; elles sont redoutées néanmoins des sauvages placés à l'ouest des montagnes, non pas précisément en raison de leur valeur, mais à cause de leur goût pour le pillage selon le P. de Smet, « on dit communement dans les montagnes qu'un Tête-Plate ou Peuds-d'Oreilles vaut quatre Pieds-Noirs. Un des traits distinctifs des Indiens de ces régions c'est leur amour effréné pour le jeu. Après avoir dissipé tout ce qu'ils ont, ils se mettent eux-mêmes sur le tapis, offrant d'abord une main, ensuite l'autre; si le sort leur est fatal, ils exposent successivement « tous les membres du corps; la tête suit, et s'ils

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