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rado est encore au pouvoir des nations indiennes, et n'a pu être complétement explorée, malgré les immenses travaux de l'intrépide colonel Fremont. Ce grand bassin intérieur, si peu visité, a environ dix-huit cents milles d'étendue, et l'on a la certitude qu'il renferme de vastes espaces sablonneux, manquant d'eau absolument, tandis que d'autres parties sont merveilleusement arrosées et essentiellement propres à l'élève des bestiaux.

FLEUVES DU golfe de CalIFORNIE. - Le fleuve le plus considérable qui vienne se jeter dans la mer Vermeille est désigné sous un nom qui indique assez quelle est la teinte de ses eaux; divers auteurs ont même prétendu que ies terres rougeâtres qu'il tient en dissolution étaient pour quelque chose dans la dénomination que l'on avait imposée jadis à la mer de Cortès (1); on lui donne le nom de Rio Colorado d'Occident pour le distinguer d'un autre fleuve, qui porte le même nom dans des régions peu éloignées : né dans les montagnes Rocheuses, vers le 41o de latitude, il n'a pas moins de trois cents lieues de cours. M. Augustus Mitchell, dans sa carte si détaillée, prolonge même cette étendue. Le Colorado peut avoir deux lieues de largeur à son embouchure. Si ce fleuve arrose des terres fertiles, il traverse aussi des déserts sablonneux et stériles bien peu connus encore. Le premier navigateur qui eut la gloire de l'explorer fut Hernando Alarcon, lors de son expédition combinée avec celle de Coronado (2). Dès l'année 1540, aidé par les Indiens sauvages qu'il rencontra sur ces bords, et qui voulurent bien tirer à la cordelle les embarcations espagnoles, Alarcon put remonter assez avant le cours du fleuve. Il fut ainsi a même de fournir les renseignements les plus curieux sur le territoire qu'il

(1) Un voyageur récent ne partage pas cette opinion, et donne une autre cause à la dénomination de cet immense bassin. « On voit à la surface de la mer une quantité très-considérable de chevrettes et de petits crabes, naturellement rouges ou plutôt vermeils; et c'est probablement là ce qui a fait donner le nom de mer Vermeille au golfe de Californie; car l'eau elle-même n'est pas colorée, et quant au fond, il est de couleur verdåtre. » (Dortet de Tessan, Voyage de la Vénus, t. X.)

(2) Voy. les documents publiés par M. Ternaux-Compans.

parcourt: dès l'origine, il établit aussi, comme cela n'est devenu que trop certain, combien ses eaux ont peu de profondeur. Le Colorado se jette à la mer par les 32o de latitude nord environ, et son entrée est difficile (1).

La rivière Verte et la Grande rivière sont ses tributaires les plus considérables dans la partie supérieure: l'une et l'autre elles prennent leur source dans les États-Unis : la première aux pieds du Fremont, la seconde à la base ouest de Longo Peak; sa branche la plus éloignée et la plus large, le Gila, est une rivière considérable. Elle s'unit au Colorado huit lieues au-dessus de son embouchure. Selon M. Mitchell, auquel nous empruntons plusieurs de ces détails géographiques, le Sacramento et le SanJoaquin ont environ, l'un quatre cents, l'autre trois cents milles de cours, et avant de se jeter dans la baie de SanFrancisco ils arrosent la belle vallée qui se déploie entre la Sierra-Nevada et la chaîne de montagnes qui borde la côte. Le Tulé ou le lac des Jones, voisin des sources du San-Joaquin, et le lac de la Montagne, découvert durant ces dernières années par le colonel Fremont, doivent être aussi mentionnés. La rivière que l'on désigne sous le nom de Buenaventura va se jeter dans la mer a Monterey. Les autres cours d'eau qui existent le long de l'océan Pacifique peuvent être considérés comme offrant peu d'importance; quelquefois même ils finissent par être à sec, et ils n'offrent aucune ressource pour la navigation. Ces rives néanmoins sont couvertes d'une végétation splendide, surtout aux alentours de la baie magnifique où se jettent le Sacramento et le San-Joaquim, La zoo. logie de ces contreés est bien plus variée, plus abondante en espèces, que celle des pays arides occupés par les anciennes missions. Pour faire saisir d'un seul trait cette exubérance de la nature animale, nous aurons recours à un voyageur qui a fait naguère le récit de ses observations dans la baie de San-Francisco. Il est sans doute peu de régions où la nature ait répandu tant d'êtres

(1) Foy. Duflot de Mofras; voy. également la carte publiée en 1846 par M. Augustus Mitchell.

animés. « La quantité d'animaux de toutes espèces qui habitent ces parages est réellement étonnante, dit-il. Ayant été faire une station sur une roche séparée de la côte par un bassin de trois encablures environ, nous voyions en même temps autour de nous dans la mer une petite baleine ou souffleur, des troupeaux de loups marins, un troupeau de marsouins et une quantité de poissons d'espèces très-variées. Sur les roches, de manière à les couvrir entièrement, des coquillages de toutes espèces, et entre autres des moules énormes (15 centim. de longueur); à terre un troupeau de cerfs; en l'air quatre à cinq vols d'oiseaux d'espèces différentes. La fuite et les cris d'un grand nombre de ces animaux à notre approche prouvaient cependant qu'ils connaissaient déjà assez l'homme pour savoir que c'est là un ennemi redoutable de leur espèce (1). » Nous ne ferons pas suivre ce tableau animé d'une aride nomenclature; mais nous renverrons à la suite de cette notice et aux travaux spéciaux qui ont été publiés dans les voyages de Beechey, de Mofras et de du PetitThouars.

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LACS. Ce sera encore le récent et consciencieux travail de M. Augustus Mitchell auquel nous emprunterons des détails bien peu connus jusqu'à ce jour, et qui sont le résultat de récentes explorations. De tous les lacs de la haute Californie, le grand lac salé qui se trouve situé vers l'extrémité nord-est est le plus considérable; il n'a pas moins probablement de deux cent quatre-vingt milles de circuit, et on ignore encore s'il existe un point où il perd ses eaux; ce qu'il y a de certain c'est qu'elles sont plus salées que celles de l'Océan. L'Utah, qui emprunte son nom à une nation indienne, est bien moins considé rable; mais ses eaux sont douces, et il se jette dans le précédent par le sud. Nous ne le voyons mentionné ni dans le savant traité de Balbi ni dans des géographes plus récents. Selon M. Mitchell, ces deux lacs sont sans aucun doute le Timpanogos et le Buenaventura des anciennes cartes espagnoles; mais ils ont été tracés correctement pour la première fois par

(1) Dortet de Tessan, Voyage de la Vénus, L. X.

le capitaine Fremont (aujourd'hui colonel) sur la carte qui accompagne son dernier Voyage. Des lacs vaseux et une montagne qui affecte la forme régulière d'une pyramide ont été découverts récemment par ce voyageur, et se trouvent au centre de la chaîne que forme la sierra Nevada. De la surface du lac s'élève un rocher remarquable « prese que aussi régulier dans sa forme que « les célèbres pyramides de l'Égypte ; il « s'élève à une hauteur de six cents pieds, « et il est visible à plusieurs milles de << distance; c'est de lui que le lac a reçu « le nom qu'il porte aujourd'hui. » OROGRAPHIE.

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Les principales montagnes de la haute Californie sont, d'après l'auteur que nous venons de citer, la sierra d'Anahuac, la sierra de los Mimbres et la Sierra Madre; elles occupent la frontière de l'est, forment une chaîne continue et font partie du vaste système des montagnes Rocheuses : ce sont elles qui séparent les eaux du Colorado de celles du Rio grande del Norte. La rivière de l'Ours et les monts de Wahsatch ont été récemment explorés par M. Fremont ils sont tous les deux à une hauteur considérable, et forment les limites est du grand bassin intérieur. La sierra Nevada et la chaîne de la côte courent presque parallèlement au rivage: la première, à une distance de l'océan Pacifique qui varie de cent à deux cents milles; la seconde, en ne s'éloignant guère des côtes que de quarante à soixante milles. Les vallées qui s'ouvrent entre ces montagnes, continue M. Augustus Mitchell, forment les parties les plus belles de la Californie... La sierra Nevada, ou la chaîne Neigeuse, est considérée par le colonel Fremont comme étant d'une élévation plus considérable que les montagnes Rocheuses; la neige les couvre en tout temps. « Le passage par lequel cet intrépide officier traversa la sierra s'élevait de neuf mille trois cent trente-huit pieds au-dessus du niveau de la mer. Selon le même voyageur, d'autres pics du même système s'élevaient de plusieurs milliers de pieds plus haut. Ces détails géographiques datent déjà de deux ou trois ans ; il est probable que, quant à ce point, les dernières observations de M. Fremont ameneront sur les cartes des changements dont

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la science géographique fera son profit. Dans tous les cas ces intrépides explorations nous feront connaître d'une manière plus précise cette race indienne, qui n'existe plus à l'état sauvage dans la basse Californie, mais qui anime encore les vastes campagnes que le génie agricole du citoyen des Etats-Unis va désormais fertiliser. A l'époque de la découverte cette race malheureuse peuplait toutes les rives du golfe, et par så barbarie, par ses usages empreints d'un carac tère vraiment dépravé, formait déja un contraste sensible avec les nations à demi civilisées du pays de Sonora. Nous allons faire voir par quelle suite de traveaux, par quelle série d'expéditions, ces races furent jadis soumises ou repoussées

dans l'intérieur.

PREMIÈRES EXPLORATIONS MARITIMES

TENDANT A DECOUVRIR LA CALIFORNIE; EXPÉDITION DE CORTEZ. Charles-Quint, dont la vive intelligence avait si bien deviné ce que pourrait produire de changeinent dans le monde la section de l'Isthme de Panama (1); Charles-Quint fut cause en réalité des grandes explorations qui amenèrent la découverte de la Californie. Préoccupé de la recherche d'un détroit sur les côtes de la Nouvelle-Espagne par lequel on pût se rendre à ces regions que le vulgaire désignait sous le nom d'îles aux Épices, il enjoignit dès 1523 à Cortez de chercher cette route importante. Le bruit s'était répandu en effet qu'un passage existait d'une mer à l'autre, et l'expédi tion de Christophe de Olid n'eut pour but que la solution de ce grand probleme. Álvaro Saavedra suivit les traces de ce navigateur quatre ans plus tard, mais sans amener plus de résultats, et ce fut peut-être l'inutilité de ces explorations maritimes, jointe aux espérances données jadis par lui-même à l'empereur, qui engagea Cortez à envoyer des troupes vers la mer du Sud, en prenant sur sa propre fortune les frais considérables necessités par une pareille entreprise. Disons-le bien ici, une sorte d'El-Dorado, une terre fantastique désignée sous le nom de Colima, fut le but primitif vers lequel le

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conquérant du Mexique prétendit d'abord diriger une expédition. Dans les rapports qui lui étaient soumis il était aussi vaguement question d'une île habitée par des Amazones, région plus favorisée que toutes celles qu'on avait découvertes, où l'or et les perles promettaient de tels dédommagements en échange des fatigues qu'allaient endurer les conquistadores, qu'on n'eut pas besoin d'ébruiter longtemps ce nouveau projet pour réunir une troupe d'hommes intrépides. Le voyage de Diego Hurtado de Mendoça n'eut pas en réalité d'autre but, et ce parent de Cortez, guidé par de telles chimères, partit d'Acapulco pour explorer la côte occidentale de la Nouvel.e-Espagne vers l'année 1532. Nous n'insisterons pas sur cette expédition infructueuse, qui fit connaître le port de Culiacan. Hurtado de Mendoça périt en continuant son voyage. Le vainqueur persévérant du Mexique n'était pas de ceux qu'un échec décourage. En 1533 il fit sortir une nouvelle expédition du port de Tehuantepec, et les deux hommes qu'il choisit pour la diriger lui offraient des garanties que ne présentait peut-être pas celui qu'on attendait vainement depuis plusieurs mois : l'un, Diego Becerra de Mendoça, s'entoura des lumières de deux marins habiles; l'autre, Hernando de Grijalva, avait déjà fait ses preuves: mais il ne faut pas le confondre, comme on l'a fait souvent, avec Juan de Grijalva (1), auquel on devait les premières notions positives que l'on eût obtenues sur le Yucatan. La nuit même qui suivit leur départ les deux navigateurs furent séparés par le gros temps; il leur fut impossible de se rejoindre et de continuer ensemble un voyage dont le marquis del Valle se promettait de si grands résultats Grijalva fit des découvertes geographiques offrant une réelle importance; elles peuvent même le faire considerer comme le premier explorateur de ces mers inconnues; il revint heureusement à Tehuantepec. Diego Be

(1) Disons en passant que la Biographie universelle elle-même se tait sur l'époque a laquelle mourut ce navigateur: Jean de Grijalva perit en 1527, au Nicaragua, assassiné par les Indieas. Sa mort précéda donc de trois ans la découverte de la Californle, Foy. Oviedo, Publications de M. Ternaux-Compans.

cerra succomba assassiné par les siens. Ceux qui s'étaient souillés de ce crime abordèrent, dit-on, la côte de la Californie; ils furent eux-mêmes massacrés par les Indiens. Hâtons-nous de le dire, une réelle incertitude règne sur l'histoire de la première découverte; et s'il faut s'en rapporter à des documents que cite l'illustre Humboldt, les Espagnols, instruits par le témoignage des naturels de l'intérieur, auraient connu la Californie dès l'année 1526. Mais, après tout, ces rapports incertains, et plus tard les résultats malheureux qui déjouaient tant d'espérances, ne pouvaient ni contenter ni arrêter Cortez. Il prit la résolution généreuse de s'assurer des faits par luimême. De nouveaux ordres ayant été expédiés, trois navires furent construits à Tehuantepec, et se dirigèrent vers le port de Chiametta. Pour Cortez, il se rendit a la Nouvelle-Galice avec la suite nombreuse qui l'accompagnait. Ce fut là qu'il s'embarqua; et loin de négliger une ressource à laquelle il avait dû jadis, en partie du moins, son prodigieux succès, il fit transporter à bord un certain nombre de chevaux. Laissant alors une portion de l'expédition sous les ordres d'Andres de Tapia, il se dirigea vers le nord et entra bientôt dans le golfe de Californie. La première terre qu'il aperçut reçut de lui le nom de San-Felippe; puis il découvrit à trois lieues de la deux îles auxquelles il imposa les dénominations de Santiago et de las Perlas. Malgré les richesses que promettait ce dernier nom, ce ne fut point là qu'il effectua son debarquement: il alla surgir dans une baie qui s'ouvre par les 23° 30′ nord, et il y fit descendre les colons dont il était accompagné. Cet événement eut lieu au mois de mai 1536. Après avoir fondé cette colonie, un peu abandonnée aux chances du hasard, Fernand Cortez expédia les bâtiments dont il pouvait disposer, afin de chercher le reste de son monde, ainsi que les chevaux destinés à faciliter les travaux d'un premier établissement. Le lieu choisi par le conquerant du Mexique pour y former un établissement à la fois religieux et agricole avait reçu de lui le nom de Santa-Cruz. On l'échangea depuis contre celui de la Paz. Cortez ne fit pas un long séjour dans la petite colonie qu'il venait de fonder. Un seul

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bâtiment parmi ceux qu'il avait expédiés était revenu : il s'embarqua immédiatement et accomplit l'exploration de la côte, sur une étendue de cinquante lieues. les géographes donnaient jadis au golfe On le voit donc, c'était à bon droit que de Californie le nom de mer de Cortez. n'eût projeté la fondation d'un établisseNul doute que l'intrépide conquérant ment en harmonie avec ses vastes desseins : la fortune en disposa autrement. connaître sommairement cette contrée, Après l'exploration qui venait de lui faire il se rendit à Culiacan, dans l'intention pensables. Le manque de vivres, la néde réunir des approvisionnements indiscessité de pourvoir à une existence déjà précaire, avaient diminué singulièrement le nombre des habitants de Santales difficultés de tout genre qu'il y avait à Cruz Cortez, au retour, dut entrevoir vaincre. Il ne commandait plus à la Nouvelle-Espagne, l'ingratitude d'un gouvernement rival avait singulièrement modifié la mission qu'il venait de s'imposer; un ordre transmis par sa femme, et qui émanait de l'audience aussi bien que du immédiatement en route, et dès l'année vice-roi, le rappelait à Mexico. Il se mit 1537 le port d'Acapulco l'avait reçu. Son mandataire, D. Francisco da Ulloa, rencontra trop d'obstacles au début de la colonisation pour que l'établissement de Santa-Cruz pût prospérer (1).

commencèrent bientôt à circuler dans Cependant des bruits merveilleux le Mexique sur la richesse du territoire qui avoisine la Californie. Ils étaient dus en partie à un aventurier intrépide que nous rencontrons au seizième siècle dans toutes les régions américaines où prises. En 1537 Alvaro Nunez, plus il s'agit d'accomplir d'audacieuses entreconnu sous le nom de Cabeça de Vaca, arriva à Culiacan; il venait de terminer de ceux qui eussent été faits encore par un voyage plus extraordinaire qu'aucun les Espagnols à travers le nouveau connoir, restes de l'expédition de Panfilo tinent. Suivi de trois Castillans et d'un Narvaez, il avait erré durant plusieurs années à travers la Louisiane et la partie septentrionale du Mexique; et après

(I) Ce fut Francisco de Ulloa qui imposa au golfe le nom de mer de Cortez.

avoir visité le pays si peu connu de Sonora, il était parvenu aux établissements espagnols; mille bruits étranges furent répandus par ses compagnons, et l'on accusa plus tard Cabeça de Vaca luimême d'avoir prodigieusement exagéré les richesses que pouvaient fournir ces côtes désertes par la pêche des perles.

En 1539, ces traditions s'élèvent jusqu'aux proportions du merveilleux, grâce aux récits d'un moine dont la relation nous est parvenue. Fray Marcos de Niza s'était fait suivre par le noir qui avait jadis accompagné Cabeça de Vaca dans ses prodigieuses pérégrinations; Fray Marcos, dis-je, se proposait un double but il prétendait emplir les coffres du trésor des Indes de plus de richesses que Cortez lui-même n'en eût pu rêver, et peupler le ciel de plus d'Indiens que l'on n'en eût jamais converti. Il partit accompagné d'une suite nombreuse sans aucun doute, il atteignit des régions ignorées, voisi nes de la Californie; mais de retour à Culiacan, dont Coronado était le gouverneur, il n'y eut pas de rêves insensés, pas de récits merveilleux qu'il ne mît en circulation pour déterminer le pouvoir à une expédition nouvelle. Ce fut en effet à partir de cette époque que le mythe fameux relatif au pays de Cibola prit de la consistance et entraîna toutes les imaginations. Non-seulement Fray Marcos de Niza savait à quoi s'en tenir, disait-il, sur les puissants royaumes de Totonteac, d'Acus et de Marata; mais il avait pu contempler dans le lointain sept villes resplendissantes, et il en avait pris possession au nom du roi d'Espagne en plantant deux croix à l'entrée d'une vallée qui y conduisait. L'or et l'argent accumulés dans ces villes, les portes enrichies de turquoises qui gardaient leur trésors, la prodigieuse quantité de perles que fournissaient, disait-on, des rives inconnues; tous ces rêves propagés par des hommes dont le courage était d'ailleurs incontestable, decidèrent le départ d'une expédition plus considérable que toutes celles qui avaient eu lieu jusqu'alors; c'était à elle qu'il appartenait de conquérir la vérité et de faire évanouir tous ces rêves (1).

(1) La presqu'ile de Californie a été pendant longtemps le Dorado de la Nouvelle-Espagne.

EXPÉDITION COMBINÉE D'ALARCON ET DE FRANCISCO VASQUEZ DE CORO NADO; CIBOLA; LES SEPT VILLES; EX PLORATION PLUS COMPLÈTE DU GOLF! DE CALIFOrnie. Ce Tombouctou américain, comme l'appelle un écrivain illustre, avait été cependant cherche avant que le moine voyageur n'eût repandu avec tant de profusion ses récits exagérés. Dès le temps ou Nuño de Guz. man gouvernait le Mexique, une relation qui avait eu un écho fréquent, et qui provenait d'un Indien d'Oxitipar, avait déterminé des tentatives partielles et avait même entraîné Nuño de Guzman jusque dans la Nouvelle-Galice. L'Indien était mort; mais ses narrations fantastiques étaient religieusement conservées à Mexico, et l'on peut facilement se figurer quelle influence elles exerçaient sur les imaginations qu'enflammaient déjà des récits du moine. « Pendant son enfance, avait-il coutume de répéter, son père parcourait l'intérieur du pays pour y

vendre de belles plumes d'oiseaux, qui servent à faire des panaches, et qu'il rapportait en échange d'une grande quantité d'or et d'argent, métaux, suivant lui, très-communs dans ce pays; il ajoutait qu'il avait accompagné son père une ou deux fois, et qu'il avait vu des villes si grandes qu'on pouvait les comparer à Mexico avec ses faubourgs. Ces villes étaient au nombre de sept; il y avait des rues entières habitées par des orfévres; il ajoutait encore que pour y arriver il fallait marcher pendant quarante jours à travers un pays désert, où il n'y avait qu'une espèce d'herbe courte de cinq pouces, et qu'on devait s'enfoncer dans l'intérieur en se dirigeant vers le nord entre les deux mers (1). >

Un pays riche en perles doit, selon la logique

du peuple, produire en abondance de l'or, des diamants et d'autres pierres précieuses. Un moine voyageur, Fray Marcos de Niza, exalta la tête des Mexicains par les nouvelles fabuleuses qu'il donna de la beauté du pays situé au nord du golfe de la Californie, de la magnificence de la ville de Cibola, de son immense population, de la police et de la civilisation de ses habitants. Cortez et le vice-roi Mendoza se disputèrent

d'avance la conquête de ce Tombouctou ameri cain.» (Humboldt, Essai sur la Nouvelle-Espagne, t. II, p. 420.)

(1) Voyages, relations et mémoires originaux pour servir à l'histoire de la découverte de l'Amérique, publiés pour la première fois par Ternaux-Compans, Relation du voyage de Ci

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