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Et les condamne à tous les dépens. (MM. Manhès, Bugand et Dulac, avocats; Boiron, avoué, et Baratin, agréé.)

OBSERVATIONS. La jurisprudence est unanime à reconnaître, par une nombreuse suite d'arrêts, que la majorité d'une Assemblée générale d'actionnaires n'a pas le pouvoir de changer les conditions essentielles sur lesquelles a été constituée une Société anonyme. Ce principe universellement reconnu soulève dans chaque espèce des difficultés d'application. Les Tribunaux ont à décider si telle ou telle condition doit être tenue pour essentielle. La transformation d'une Société française en une Société étrangère paraît avoir ce caractère absolu et radical. La Société primitive cesse d'exister, une Société nouvelle lui est substituée. Un changement aussi profond ne peut donc pas être opéré par le vote d'une simple majorité. Le jugement recueilli ne conteste pas ce résultat, mais il fait observer que l'Assemblée générale dont le vote était critiqué s'était bornée à adopter deux résolutions: 1° la dissolution immédiate de la Société ; 2o sa mise en liquidation par des mandataires désignés. Il ajoute que les liquidateurs, afin d'accomplir leur mission, ont été amenés à faire apport de l'actif et du passif à une Société étrangère, la Société Suisse et Néerlandaise. Cette analyse des faits démontrait qu'il ne s'agissait pas de la fusion de deux Sociétés votée par une Assemblée générale, mais d'une simple réalisation d'actif et de passif que les liquidateurs avaient cru devoir adopter comme le mode le plus favorable aux intérêts de l'ancienne Société dissoute.

TRIBUNAL DE COMMERCE DE MARSEILLE 4 décembre 1906.

Présidence de M. RONDEL, juge.

COMPÉTENCE MATÉRIELLE. ENGAGEMENT THÉATRAL. COMPÉTENCE CIVILE. ATTRIBUTION DE COMPÉTENCE AU TRIBUNAL DE COMMERCE. ORDRE DES JURIDICTIONS INTANGIBLE. NULLITÉ DE LA CONVENTION DES PARTIES. TRIBUNAL DE COMMERCE INCOMPÉTENT. L'engagement d'un artiste lyrique est un engagement civil; il n'emprunte aucun des caractères prévus par la loi pour entraîner la compétence exceptionnelle des Tribunaux de commerce.

Cette incompétence ratione materiæ étant d'ordre public, il n'est pas permis d'y déroger par des conventions particulières; la volonté des parties ne peut pas modifier l'ordre des juridictions ni étendre la compétence d'un juge d'exception à une matière qui lui est étrangère.

En conséquence, malgré l'attribution de compétence censentie par le directeur d'un Alcazar et l'un de ses artistes lyriques, le Tribunal de commerce doit se déclarer incompétent pour connaître de leur différend.

Doux c/ Danglard.

FAITS. M. Doux, directeur de l'Alcazar de Marseille, avait engagé MM. Danglard. Le traité stipulat que tous les différends seraient déférés au Tribunal de commerce. En exécution de cette clause, le directeur a assigné ses artistes devant le Tribunal de commerce de Marseille. Les défendeurs ont contesté la compétence de la juridiction consulaire et ont conclu à une

allocation de dommages-intérêts en raison du préjudice que leur causait une demande portée devant des juges qui ne pouvaient en connaître. Il a été statué en ces termes.

Le Tribunal,

Attendu que Doux, directeur de l'Alcazar, réclame aux sieurs Danglard, duettistes, des dommages-intérêts pour non-exécution d'un engagement verbal; que, sur cette demande, les défendeurs opposent l'exception d'incompétence et concluent en outre à des dommages-intérêts, prétendant que l'action engagée devant un Tribunal incompétent est vexatoire. Sur le mérite du déclinatoire proposé :

Attendu qu'il résulte des débats que, dans l'engagement verbal qui les liait, ce qui n'est, du reste, dénié par aucune d'elles, les parties avaient résolu que toutes contestations auxquelles pourrait donner lieu l'engagement seraient soumises au Tribunal de commerce de Marseille ;

Attendu que l'engagement d'un artiste lyrique, étant un simple engagement civil, n'emprunte aucun des caractères prévus par la loi pour entraîner la compétence exceptionnelle des Tribunaux de commerce;

Attendu qu'il s'agit donc d'une incompétence ratione materiæ qui est d'ordre public; que la doctrine. et la jurisprudence reconnaissent que la volonté des parties ne peut déroger à l'ordre des juridictions, ni étendre la compétence d'un juge d'exception à une matière qui lui est complètement étrangère; que, dans ces conditions, il y a lieu de déclarer inexistante la dérogation consentie par les parties à l'ordre des juridictions dans leur accord verbal et de se déclarer incompétent.

Sur les dommages-intérêts:

Attendu que, conformément à l'article 1134 C. C., les conventions font la loi des parties; que si ces conventions sont contraires à l'ordre public, les parties peuvent en réclamer la nullité, c'est l'unique sanction à l'exécution d'une convention librement consentie; que, par suite, les déclarants ne peuvent faire grief à Doux de les avoir actionnés devant la juridiction consulaire qu'ils avaient acceptée pour juger leur différend; que sur les autres chefs de conclusions, la saisie-arrêt dont se plaignent les Danglard étant du ressort de la juridiction civile, le Tribunal de commerce, qui ne peut en connaître, excéderait les pouvoirs judiciaires qui lui sont confiés. par la loi s'il en faisait état.

Par ces motifs,

Le Tribunal se déclare incompétent; Renvoie parties et matières devant qui de droit. Sur la demande en dommages-intérêts: Déboute les Danglard de leur demande et les condamne aux dépens.

(MM. Talon et Ripert, avocats.)

OBSERVATIONS. Le jugement applique deux règles constantes en jurisprudence comme en doctrine. L'en-. gagement théâtral a un caractère civil et les parties ne peuvent pas bouleverser l'ordre des juridictions.

LÉGISLATION. DOCTRINE

LOI

sur la limitation des effets de la SAISIE-ARRÊT. (Journal officiel, 18 juillet 1907.)

Le Sénat et la Chambre des Députés ont adopté, Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :

Article unique. L'article 567 du Code de Procédure civile est remplacé par la disposition suivante :

« La demande en validité et la demande en mainlevée formée par la partie saisie seront portées devant le Tribunal du domicile de la partie saisie.

«En tout état de cause, et quel que soit l'état de l'affaire, la partie saisie-arrêtée pourra se pourvoir en référé afin d'obtenir l'autorisation de toucher du tiers saisi, nonobstant l'opposition, à la condition de verser à la Caisse des Dépôts et Consignations ou aux mains d'un tiers commis à cet effet, somme suffisante, arbitrée par le juge des référés, pour répondre éventuellement des causes de la saisie-arrêt, dans le cas où le saisi se reconnaîtrait ou serait jugé débiteur.

«Le dépôt ainsi ordonné sera affecté spécialement aux mains du tiers détenteur à la garantie des créances pour sûreté desquelles la saisie-arrêt aura été opérée, et privilège exclusif de tout autre leur sera attribué sur ledit dépôt.

« A partir de l'exécution de l'ordonnance de référé, le tiers saisi sera déchargé et les effets de la saisiearrêt transportés sur le tiers détenteur. »>

La présente loi, délibérée et adoptée par le Sénat et par la Chambre des Députés, sera exécutée comme loi de l'Etat.

Fait à Paris, le 17 juillet 1907.

LOI

Ayant pour objet la faculté d'adhésion à la législation des ACCIDENTS DU TRAVAIL.

(Journal Officiel, 21 juillet 1907.)

Le Sénat et la Chambre des députés ont adopté, Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit:

Art. 1er. Tout employeur non assujetti à la législation concernant les responsabilités des accidents du travail peut se placer sous le régime de ladite législation pour tous les accidents qui surviendraient à ses ouvriers, employés ou domestiques, par le fait du travail ou à l'occasion du travail.

Il dépose, à cet effet, à la mairie du siège de son exploitation, ou, s'il n'y a pas exploitation, à la mairie de sa résidence personnelle, une déclaration dont il lui est remis gratuitement récépissé et qui est immédiatement transcrite sur un registre spécial tenu à la disposition des intéressés. Il doit présenter, en même temps, un carnet destiné à recevoir l'adhésion de ses salariés. sur lequel le maire appose son visa en faisant mention de la déclaration et de sa date.

Les formes de la déclaration et du carnet sont déterminées par décret. Le carnet doit être conservé par l'employeur pour être, le cas échéant, représenté en justice.

Art. 2. La législation sur les accidents du travail devient alors de plein droit applicable à tous ceux de ses ouvriers, employés ou domestiques qui auront donné leur adhésion, signée et datée en toutes lettres par eux, au carnet prévu par l'article précédent.

Si l'ouvrier, employé ou domestique ne sait ou ne

peut signer, son adhésion est reçue par le maire, qui la mentionne sur le carnet. Il en est de même pour l'adhésion des mineurs et des femmes mariées, sans qu'ils aient besoin, à cet effet, de l'autorisation du père, tuteur ou mari.

Art. 3. L'employeur peut, pour l'avenir, faire cesser son assujettissement à la législation sur les accidents du travail par une déclaration spéciale à la mairie. Cette déclaration, dont il lui est immédiatement donné récépissé, est transcrite sur le registre visé à l'article 1er, à la suite de la déclaration primitive, ainsi que sur le carnet.

La cessation d'assujettissement n'a point effet visà-vis des ouvriers, employés ou domestiques qui ont accepté, dans les formes prévues à l'article précédent, d'être soumis à la législation sur les accidents du travail.

Art. 4. Si l'employeur n'est point par ailleurs obligatoirement assujetti à la législation sur les accidents du travail, il contribue au fonds de garantie dans les conditions spécifiées par l'article 5 de la loi du 12 avril 1906.

La présente loi, délibérée et adoptée par le Sénat et par la Chambre des députés, sera exécutée comme loi de l'Etat.

Fait à Paris, le 18 juillet 1907.

QUESTIONS COMMERCIALES ET ÉCONOMIQUES

L'ÉTAT DE L'INDE

Exposé de M. MORLEY à la Chambre des Communes et les projets de réforme du Gouvernement.) Extraits de « l'Asie française »

Chaque année, la présentation à la Chambre des Communes du budget de l'Inde offre au Parlement l'occasion du grand débat sur les affaires indiennes et lui permet ainsi de se défendre contre le reproche d'indifférence qu'adressent volontiers aux représentants du peuple anglais les personnes qui s'intéressent au sort de la plus importante des possessions britanniques. Cette année en raison de l'inquiétude qu'ont jetée dans le public anglais les émeutes du Pendjab et les troubles du Bengale, l'exposé du secrétaire d'État pour l'Inde était attendu avec impatience.

Encore que l'on sût, par ses récentes déclarations à la Chambre, que M. Morley a adopté, en ce qui concerne la répression du mouvement actuel, une attitude tout à fait de nature à décourager ceux qui comptaient sur son passé et la force de ses convictions radicales pour favoriser les projets des réformistes, on se demandait quels remèdes le ministère proposerait pour apaiser les impatiences des intellectuels. On savait sir Campbell Bannerman et ses amis fermement décidés à résister aux partisans des mesures extrêmes, mais une politique ne peut consister uniquement en refus et l'on avait hate de savoir ce que le programme ministériel contiendrait de positif.

Après avoir fait connaître les intentions du Gouvernement en ce qui concerne la question de l'opium. les dépenses militaires et insisté sur ce fait que le budget de 1907-1908 accuse une situation économique

des plus prospères, puisqu'il permet d'effectuer d'importants dégrèvements, M. Morley en est arrivé bien. vite à la partie capitale de son exposé, à l'examen. des questions que soulèvent les troubles récents et des réformes que le Cabinet se propose d'effectuer dans l'organisation administrative de l'Inde.

Répondant d'abord à ceux qui ont prétendu que les émeutes de Pendjab avaient été provoquées par les projets de l'administration locale relatifs à la colonisation ou au régime des terres, il a démontré en quelques mots l'inanité de cette opinion et mis en evidence le caractère politique de l'agitation. Vingthuit meetings ont été tenus dans la province par les promoteurs du mouvement. Or, dans cinq seulement, il a été question de la condition des agriculteurs dans les vingt-trois autres, la politique a été l'unique objet des débats. Il est à remarquer à ce propos que des efforts particuliers ont été faits pour faire porter la propagande sur les Sikhs qui forment, comme l'on sait, le meilleur élément de recrutement de l'armée anglo-indienne. A l'un des meetings où fût le plus violemment critiqué le régime anglais, les hommes du régiment sikh stationné dans la localité avaient été spécialement invités et plusieurs centaines d'entre eux se rendirent à la réunion. On les y prévint qu'ils seraient peut-être un jour appelés à tirer sur leurs compatriotes et pour exciter leur fanatisme on fit appel à des arguments véritablement perfides « Comment se fait-il, demanda notamment un orateur, que la peste ne frappe que les Indous et épargne les Européens? » Et il répondit lui-même à la question en déclarant que les Anglais répandaient le fléau en empoisonnant les rivières et les puits.

On put reconnaître là les procédés habituellement employés par les agitateurs politiques qui opèrent dans des régions dont les habitants sont encore demeurés dans un état d'ignorance presque absolue, pour discréditer la puissance souveraine; et dans l'histoire des insurrections contre lesquelles nous avon eu nous-mêmes à lutter en Algérie et en IndoChine, il ne faudrait sans doute pas beaucoup d'efforts pour retrouver des prédications analogues.

Ce sont, au reste, des manifestations locales qui ne sont pas symptomatiques de l'état d'esprit de l'ensemble de la population. Ce que M. Morley a dit en général des rapports actuels entre l'administration anglaise et la masse de ses sujets est bien autrement grave. Il s'est entretenu de cette question avec un certain nombre de fonctionnaires de l'Inde, tous gens d'autorité et d'expérience et tous ont admis qu'il s'était opéré un fléchissement dans l'influence dont eux et leurs collègues européens jouissaient sur l'ensemble de la population. Les relations entre administrateurs et administrés se sont refroidies, il y a moins de sympathie entre le gouvernement et le peuple. Et M. Morley, après avoir signalé ce mal, très sérieux et très grave assurément, a aussitôt fait connaître les causes qu'il lui attribuait la machine administrative fonctionne trop bien, donne un trop grand rendement; elle a trop de rigidité, « nos administrateurs, m'assurent les observateurs les plus avisés, seraient plus populaires si notre régime avait

moins d'efficacité, était plus élastique ». Il y a des modifications à faire, mais pas dans le sens indiqué par les réformateurs du parti national qui n'ont rien à perdre et ont, au contraire, tout à gagner dans ce changement de régime et qui sont persuadés qu'ils seraient capables de se substituer au personnel européen actuel et d'assumer la pleine charge de tous les services publics. « Cela ne durerait pas une semaine ; la machine serait aussitôt brisée. » De l'étude sérieuse des réformes, M. Morley se propose de charger une Commission royale, peu nombreuse, formée de gens d'expérience. Le procédé lui semble préférable au système des grandes commissions parlementaires. C'est le premier point du programme ministériel. Mais il en est d'autres sur lesquelles se poursuivent depuis quelque temps, entre Londres et Simla, des échanges de vues qui aboutiront assez prochainement, sans doute, à un texte ou à des textes précis et peut-être à des projets à soumettre au Parlement. Il est donc impossible, pour le moment, au secrétaire d'Etat de faire connaître à la Chambre des Communes autre chose que les grandes lignes ils comportent tout d'abord la création d'un Conseil de notables (advisory Council of notables), qui serait purement consultatif mais qui aurait le double avantage « de permettre aux opinions indépendantes de se manifester et, ce qui importe surtout, de faciliter la diffusion d'informations correctes relatives aux intentions du gouvernement ».

Il est à remarquer, a poursuivi très justement M. Morley, que d'une part le gouvernement sait très peu de choses de l'esprit public et il est déplorable, d'autre part, que la population soit si ignorante des intentions du pouvoir. Il s'agit, en second lieu, d'élargir sensiblement les Conseils législatifs, conseil législatif du gouvernement général et conseils législatifs provinciaux. Les détails de l'organisation nouvelle ne sont pas encore arrêtés, mais il est d'ores et déjà entendu que, dans les assemblées nouvelles, l'élément officiel, fonctionnaire, doit conserver la majorité. En outre, lorsque le conseil du vice-roi examinera le budget de l'Inde, au lieu de procéder comme aujourd'hui par discussion d'ensemble, les rubriques de projet seront discutées séparément, chaque chef de service expliquant l'économie du projet, chacun pour sa part, et la durée de la discussion sera accrue. Enfin, il a paru à M. Morley que le temps était venu de faire entrer un et peut-être même deux membres indiens au Conseil de l'Inde qui siège à Londres à l'India Office, et dont les membres sont, comme on le sait, choisis par le secrétaire d'Etat.

Telles sont les données essentielles, telles que M. Morley les a indiquées au Parlement, des projets dont la réalisation doit, de l'avis du cabinet libéral, améliorer sensiblement le régime politique et administratif de l'Inde, et, en donnant satisfaction à quelques-uns des désirs exprimés par les réformistes, contribuer à l'apaisement souhaité de tous. Quant à l'esprit dans lequel le gouvernement entend appliquer ces réformes et poursuivre la tâche qui incombe dans l'Inde à la puissance suzeraine. M. Morley l'a indiqué très nettement dans la partie finale de son

discours, que nous pensons devoir pour ce motif reproduire in extenso :

-

« Je crois m'être suffisamment préservé du danger qu'il y a à ignorer les différences qui séparent l'Européen occidental de l'Indien d'Asie. Ces différences sont vitales et ce serait folie de les ignorer. Mais il y a un autre fait vital, à savoir que l'Indien est un homme doué de susceptibilités très vives et très variées, qu'il possède les grandes traditions d'une civilisation propre et que nous sommes tenus à le traifer avec le respect, la bonté et la sympathie dont nous voudrions qu'il nous entourât nous-mêmes. Dans une lettre écrite à un de mes amis et que je lisais l'autre jour, le général Gordon écrivait : « Pour « gouverner les hommes, il n'y a qu'un moyen qui « soit éternellement vrai. Mettez-vous dans leur peau essayez de comprendre à fond leurs senti«ments. C'est le secret du gouvernement. » C'est une grande loi, non pas seulement morale, mais politique, et j'espère que dans tout ce que nous ferons nous l'aurons présente à l'esprit. Ce serait folie que d'émettre un pronostic dogmatique et je m'en garde bien sur l'avenir de l'Inde. Mais, en ce moment, quiconque participe au gouvernement de l'Inde, que ce soit comme ministre ou comme membre de la Chambre des Communes discutant les affaires de ce pays, quiconque désire prendre une part féconde à ces discussions s'il fait son devoir, sera forcé de penser que la domination anglaise continuera, qu'elle doit continuer, qu'il est indispensable qu'elle continue. Il existe, je le sais, une école je ne pense pas qu'elle soit représentée dans cette chambre qui soutient que nous ferions mieux de nous en aller et de laisser l'Inde à elle-même, attendu que les Indiens feraient eux-mêmes leurs affaires mieux que nous ne pouvons les faire nousmêmes; j'estime pour ma part que pour qui se représente l'anarchie, le chaos sanglant qui seraient la conséquence d'une pareille résolution, cette solution ne peut se concevoir. En tout cas, nous, ministère et membres de cette Assemblée, sommes tenus d'avoir une opinion tout opposée. J'ai la conviction que le Gouvernement et la Chambre, sans distinction de partis, pensent que nous devons affronter et que nous affronterons les difficultés et les dangers dont je viens de parler avec la claire conscience de la réalité. Nous savons que si nous agissons ainsi, ce n'est pas dans notre propre intérêt, mais dans l'intérêt des millions d'individus dont nous avons la charge; et nous devons faire face à ces difficultés avec sympathie, avec bonté, avec fermeté, avec l'amour de la justice et, que le temps soit beau ou qu'il soit menaçant, avec vaillance et bon espoir. »

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INFORMATIONS ET RENSEIGNEMENTS

Conseil de Prud'hommes.

Aux termes d'un décret en date du 18 juillet 1967, il a été créé un Conseil de prud'hommes à Lens. (Journ. Off., 20 juillet 1907.)

Articles à vendre en Sibérie.

Un commerçant allemand établi à Tomsk faisait connaître récemment, dans le journal allemand Export, les

besoins de la Sibérie. Il n'est pas inutile de les indiquer ici aux commerçants :

Bateaux à vapeur, moteurs, machines à imprimer, couleurs de typographie, machines à vapeur pour les industriels des mines d'or, armes, revolvers, serrures, appareils photographiques, poëles portatifs, aiguilles de bas, charrues, machines à battre le blé, faux, bêches, pelles, appareils de brasserie et de distillation, machines pour moulins, machines à battre le beurre, machines à coudre et à tricoter, scies, outils de menuiserie, instruments pour ferblanterie, maçonnerie, serrurerie, forge, reliure, etc., des limes, etc.

Et, enfin, tous les instruments nécessaires dans les mines et charbonnages et des appareils servant à établir l'électricité et le téléphone, les machines pour travailler le fer, les dynamomètres, le matériel de chemin de fer. Ce choix semble très judicieux et nous savons, par des voyageurs qui connaissent très bien la Sibérie, que ce sont bien là les articles dont les Russes de l'Asie ont le plus besoin. Il faudrait y ajouter ce qui concerne le vêtement (étoffes, toiles, draps, etc.) et surtout ce qui concerne l'alimentation (conserves de toutes sortes, vins, liqueurs, gâteaux secs), etc., etc.

Suède. Le commerce des automobiles.

L'exposition des voitures et de canots automobiles qui vient d'avoir lieu à Stockholm, du 31 avril au 19 mai, a été beaucoup plus importante que les précédentes, et elle a contribué à donner un nouvel essor à l'industrie automobile en Suède. Elle comportait plus de 130 voitures et camions automobiles, environ 60 à 65 canots, une grande quantité de moteurs à benzine et à pétrole et quelques expositions spéciales de caoutchoucs, phares et accessoires pour autos.

Parmi les marques exposées, la France tenait le record pour le nombre d'exposants, qui était de douze, et pour la quantité des voitures exposées. Venaient ensuite l'Allemagne avec huit firmes exposantes, les Etats-Unis d'Amérique, l'Angleterre, la Suède, l'Italie, la Suisse, le Danemark et la Belgique, qui était représentée par une seuie firme exposant deux voitures.

Il est à remarquer que, contrairement à ce qui se présentait pour les voitures qui, pour la plupart, étaient de fabrication étrangère, la grande majorité des canots exposés étaient de provenance suédoise. Les canots suédois sont d'ailleurs excellents et très solides; leur fabrication peut être considérée comme une industrie spéciale et nationale de la Suède.

L'industrie des caoutchoucs pour autos était aussi relativement bien représentée. La fabrication des pneus d'automobiles est tout à fait nouvelle en Suède. La maison de Trelleboys est la première et la seule firme suédoise qui fasse des pneumatiques d'automobiles.

Le transport par automobiles est entré tout à fait dans les habitudes suédoises. Les autos deviennent de jour en jour plus nombreux, aussi bien ceux pour le transport des personnes que ceux pour le transport des marchandises. Chaque grande firme qui se respecte a un camion automobile pour transporter ses produits. L'Administration des Postes suédoise commence à se servir d'autos pour le transport des colis postaux, et la ville de Stockholm possède de nombreux fiacres automobiles. Une Compagnie française vient de fonder récemment une grande Société à Stockholm pour l'exploitation des fiacres taximètres automobiles, et les soixante premières voitures vont commencer d'ici très peu de temps à circuler dans les rues de la capitale.

Comme résultat financier l'exposition a été un succès. Presque toutes les voitures exposées ont été vendues et quantité d'autres ont été commandées.

(Bulletin commercial, de Bruxelles.)

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DEMANDE

REJET.

GEMENT CONTRACTÉ POUR UNE PÉRIODE DÉTERMINÉE. INFRACTIONS A LA LOI DU 13 JUILLET 1906. EN SUPPLÉMENT DE SALAIRE DE CE CHEF. En matière de contrat de travail, s'agissant d'un engagement fait au mois, le salaire convenu représente une rémunération forfaitaire, qui n'est pas susceptible d'augmentation ou de diminution suivant le plus ou moins grand nombre d'heures ou de journées de travail effectif fournis pendant la période mensuelle.

La loi du 13 juillet 1906, sur le repos hebdomadaire, n'a apporté aucune dérogation à ces principes. Et si l'inobservation par le patron des dispositions de cette loi permet à l'employé de dénoncer le contrat avant le commencement de la période pour laquelle il se continuerait par voie de tacite reconduction, ou d'en demander la résolution pendant qu'il est en cours, elle ne l'autorise pas à en modifier les conditions pour le passé.

Un ouvrier engagé dans les conditions susvisées ne saurait donc exciper des infractions commises à la loi de 1906 pour réclamer à son patron un supplément de salaires correspondant aux jours de repos légal pendant lesquels il aurait effectivement travaillé.

Auvray & Geffroy c/ Lambert.

FAITS. M. Lambert était au service de MM. Auvray et Geffroy comme contre-maître, payé au mois, moyennant un salaire de 120 francs. Le 13 mars 1907, il reçut son congé pour le 13 avril suivant. Le 19 avril, il assigna ses patrons en paiement : 1° d'un solde de salaires qui lui fut d'ailleurs offert; 2° d'une somme de 120 fr. pour salaires supplémentaires. Il expliquait que, ses patrons l'ayant fait travailler tous les jours, en violation de la loi du 13 juillet 1906 sur le repos hebdomadaire, alors qu'il aurait dû se reposer un jour par semaine, il avait droit au paiement d'une rémunération supplémentaire pour ces journées, faites par lui sans qu'il y fût obligé. Le Conseil des prud'hommes du Havre, par jugement du 26 avril 1907, a fait droit à sa demande. MM. Auvray et Geffroy se pourvurent en Cassation. La Cour suprême a statué comme suit.

La Cour,

Sur le moyen unique du pourvoi Vu l'article 1384 C. C.;

En fait :

Attendu qu'il résulte des constatations du jugement attaqué que Lambert, contre-maître au service d'Auffray et Geffroy, était engagé au mois pour un salaire fixe de 120 francs; que ledit jugement a condamné Auvray et Geffroy à payer une rémunération supplémentaire de 120 franes à Lambert, par le mo(1) Sommaire déjà publié (Gaz. Jud., 1907, p. 425).

Mercredi 31 Juillet 1907

tif qu'ils avaient négligé de faire bénéficier ce dernier du jour de repos hebdomadaire, imposé par la loi du 13 juillet 1906; qu'en l'occupant le septième jour de chaque semaine, ils avaient contracté l'obligation de l'indemniser du travail qu'il avait ainsi exécuté et qu'ils auraient dû payer à son remplaçant, s'ils avaient observé les prescriptions légales. En droit :

Attendu qu'aux termes de l'article précité, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que, lorsqu'un salaire a été d'avance arrêté d'un commun accord entre un employé et son patron, il n'est pas permis aux juges d'en modifier le chiffre sous le prétexte que celui-ci ne représenterait pas exactement la valeur des services rendus ou du travail accompli;

Attendu qu'en cas d'engagement fait au mois, le salaire convenu représente une rémunération forfaitaire, qui n'est pas susceptible d'augmentation ou de diminution, suivant le plus ou moins grand nombre d'heures ou de journées de travail effectif fournies pendant la période mensuelle ;

Attendu que la loi du 13 juillet 1906, sur le repos hebdomadaire, n'a apporté aucune dérogation à ces principes; que l'inobservation par le patron des dispositions de cette loi permet sans doute à l'employé de dénoncer le contrat avant le commencement de la période pour laquelle il se continuerait par voie de tacite reconduction, ou d'en demander la résolution pendant qu'il est en cours, mais non d'en modifier les conditions pour le passé ;

Attendu qu'en décidant le contraire, le jugement attaqué a violé l'article de loi ci-dessus visé. Par ces motifs,

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MM. Falcimaigne, rapporteur; Mérillon, avocat général.)

OBSERVATIONS. Nous ne pouvons mieux faire que de reproduire le rapport présenté par M. le conseiller Falcimaigne :

Le sieur Lambert était au service des sieurs Auvray et Geffroy en qualité de contre-maître. Il n'est pas contesté qu'il était engagé au mois, moyennant un salaire de 120 francs. Il a reçu son congé le 13 mars dernier pour le 13 avril suivant.

Le 19 avril, il a cité ses anciens patrons devant le Conseil de prud'hommes.

Il leur a réclamé, en premier lieu, une somme de 52 francs pour salaires restant dus. Les défendeurs se sont reconnus débiteurs de cette somme et ils en ont fait offre. Aucune difficulté ne s'élève de ce chef.

Mais Lambert a demandé, en outre, 120 francs pour salaires supplémentaires, sous le prétexte que, depuis le 3 septembre 1906, ses patrons, contrairement aux prescriptions de la loi du 13 juillet 1906, ne lui avaient pas accordé la journée de repos hebdomadaire, qu'il avait ainsi travaillé durant trente et un dimanches, pendant lesquels il aurait dû chômer; qu'ayant, de la sorte, exécuté le travail de celui qui aurait dû le remplacer, il était en droit d'en être rémunéré.

Les défendeurs ont combattu cette prétention, en faisant observer, dans leurs conclusions, que Lambert était loué au mois, à raison d'un salaire fixe de 120 fr.; qu'il avait toujours, jusqu'à son congédiement, accepté

1907-61

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