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délivrée directement au vendeur du cheval au nom du sieur Charpentier pour lequel il avait été acheté.

» Par un premier jugement du 29 brumaine an 5, le tribunal de commerce de Rouen a autorisé Fouquey à prouver par témoins 1o que, le 2 pluviôse précédent, il avait prêté à Dieul, et ce, pour son compte, une somme de 1,014 francs en numéraire, qui avait été remise à l'instant au vendeur du cheval; 2o que, depuis cette époque, Dieul avait offert de lui rendre cette somme en mandats.

» Il a été en conséquence procédé à une enquête.

» Par jugement définitif et en Dernier ressort, fondé sur le résultat de cette enquête, le tribunal de commerce de Rouen a, le 15 nivôse an 5, condamné Dieul à payer à Fouquey la somme de 999 francs.

» Sur l'appel, le tribunal civil de la SeineInférieure a rendu, le 17 thermidor suivant, un jugement par lequel, considérant que l'art. 2 du tit, 20 de l'ordonnance de 1667 rejette la preuve testimoniale toutes les fois qu'il s'agit d'une somme au-dessus de 100 livres, et que, dans l'espèce, il n'existait d'autre preuve contre Dieul que sa propre déclaration, qui ne pouvait pas être divisée; le tribunal, sans avoir égard à la preuve offerte dans laquelle Fouquey a été déclaré non-recevable, et vu la déclaration de Dieul, le déchargea de l'action intentée et des condamnations prononcées contre lui.

et

» C'est de ce jugement que la cassation est demandée pour excès de pouvoir, en ce que le tribunal de la Seine-Inférieure a reçu l'appel d'un jugement rendu en Dernier ressort, comme contenant une fausse application de la première partie de l'art. 2 du tit. 20 de l'ordonnance de 1667, et une contravention à la sc. conde partie de cet article.

» Sur quoi, ouï le rapport du cit. Henrion, l'un des juges, les observations des avoués des parties, et les conclusions du cit. Jourde, substitut du commissaire du gouvernement;

» Vu l'art. 4 du tit. 12 de la loi du 24 août 1790, portant les juges de commerce prononceront en Dernier ressort sur toutes les demandes dont l'objet n'excédera pas la valeur de 1,000 francs ;

» Vu pareillement l'art. 2 du tit. 20 de l'ordonnance de 1667;

» Attendu que, dans l'espèce, la somme demandée n'excédait pas celle de 1,000 francs; que, de plus, en statuant sur cette demande, le tribunal de commerce avait prononcé en Der-/ nier ressort ; qu'ainsi, l'appel de ce jugement était non-recevable, et que, par conséquent

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en statuant sur cette appel, les juges ont commis un excès de pouvoir;

» Attendu qu'aux termes de l'article précité de l'ordonnance de 1667, le tribunal de commerce était autorisé à admettre la preuve testimoniale, et qu'en jugeant cette preuve inadmissible, d'après la première disposition de cet article, le tribunal civil du département de la Seine-Inférieure est expressément contrevenu à la seconde;

» Le tribunal casse le jugement du 17 thermidor an 5.... ».

On voit que cet arrêt ne s'explique pas plus qne ne le fait la notice qu'en contient le Bulletin civil, sur le point de savoir si Fouquey avait ou non excipé devant le tribunal d'appel, de ce que le jugement dont il s'agissait, avait été rendu en Dernier ressort, et que par conséquent il laisse également ignorer s'il juge ou non que l'exception de Dernier ressort doit, à peine de cassation, être suppléée d'office par le tribunal d'appel.

J'ai cru pouvoir me fixer là-dessus en recourant à la requête qui forme le vu de l'arrêt du 23 floréal an 6, portant admission de la demande en cassation de Fouquey, et voici tout ce que j'y ai trouvé sur l'objet de ma recher

che:

« Il est faux que le cit. Fouquey se soit livré du cheval et qu'il l'ait envoyé au cit. Charpentier, à Rouen.

» Enfin, il est prouvé que c'a été sur sa demande et à la prière de Dieul, que le cit. Fouquey a compté la somme de 1,014 francs, pour payer le cheval que Dieul avait acheté, et qu'alors Dieul promit de rendre cette somme au cit. Fouquey.

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D'après ces enquêtes, il y a été condamné par le jugement définitif, rendu au tribunal de commerce le 15 nivôse an 5, et en Dernier ressort, attendu que la demande et la condamnation n'étaient que de 999 francs. » Il a appelé de ce jugement, quoique l'appel ne fút pas recevable.

» Mais bien convaincu lui-même que la preuve par témoins était recevable pour chose excédant la somme ou valeur de 100 livres dans les tribunaux de commerce, il fit une première tentative qui ne lui a pas réussi :

» Ce fut d'appeler pour incompétence de tout ce qui s'était fait au tribunal de commerce.

» Mais il fut débouté de son appel comme d'incompétence, par un jugement contradic

toire du 3 thermidor dernier.

» Les motifs de ce jugement y sont exprimés d'une manière très-claire et très-précise: considérant qu'il s'agit d'un point de fait de mar

hand à marchand, dans un marché public et pour opération de commerce.

D

Après avoir rejeté l'appel comme d'incompétence, on devait d'autant moins s'attendre que les mêmes juges décideraient que la preuve par témoins n'était pas admissible, parcequ'il s'agit d'une somme au-dessus de 100 livres ; que dès l'entrée de la cause, il y avait une fin de non-recevoir insurmontable contre l'appel, que l'exposant n'a cessé de faire valoir; mais le tribunal s'est permis d'écarter l'exception, et au fond, d'admettre le système aussi nouveau qu'illégal du cit. Dieul, par son jugement du 17 thermidor an 6.

» Le cit. Fouquey en demande la cassation. ». Ce passage n'était guère plus propre que le texte de l'arrêt même du 3 prairial an 9, à lever mes doutes, En effet, j'y voyais bien Fouquey alléguer qu'il avait excipé devant le tribunal d'appel, de ce que le jugement attaqué par son adversaire, avait été rendu en Dernier ressort; mais je n'y voyais pas qu'il l'eût prouvé en aucune manière; je ne l'y voyais surtout pas s'en référer, sur ce point, au jugement du tribunal d'appel qu'il produisait, et qui, si ce fait eût été réel, aurait dû en contenir la preuve.

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Devais-je conclure de là, ou que cette allégation était fausse, ou ce qui revient au même, qu'elle n'avait été appuyée, devant la section civile, d'aucune preuve légale, et, par suite, qu'il avait été véritablement jugé par l'arrêt dont il s'agit, que l'exception de Dernier ressort peut être proposée comme moyen de cassation devant la cour suprême, quoiqu'elle n'ait pas été proposée comme fin de non-rece. voir devant la cour ou le tribunal dont le jugement est attaqué ?

Je trouvais cette conclusion fort plausible, et elle était singulièrement fortifiée dans mon esprit par la citation qu'avait faite de cet arrêt, pris en ce sens, l'illustre magistrat qui en avait été rapporteur, lorsque m'est tombé sous la main le compte que rend M. Sirey de cet arrêt même, dans sa Jurisprudence de la cour de cassation, tome 1er, part. 2, page 666, et que j'y ai lu en toutes lettres que « le sieur Fouquey avait » soutenu (devant le tribunal civil de la Seine» Inférieure) 1o que l'appel devait être déclaré » non-recevable, parcequ'il s'agissait d'une con» testation dont l'objet était au dessous de 1,000 » francs, et sur laquelle les premiers juges » avaient statué en Dernier ressort, conformé »ment à l'art. 4 du tit. 12 de la loi du 24 août » 1790 ».

Ceci ne m'a cependant pas paru décisif. Car restait à savoir si M. Sirey ne s'était ainsi expliqué que sur la foi de la requête en cassation de

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Fouquey, ou s'il avait pris pour base quelques énonciations consignées dans le jugement du tribunal civil de la Seine-Inférieure, du thermidor an 5; et comme ce jugement pouvait seul m'éclairer sur ce point important, je l'ai fait rechercher dans les archives du ci-devant tribunal civil du département de la Seine-Inférieure, déposées au greffe de la cour royale de Rouen. Mais malgré les recherches qui en ont été faites à plusieurs reprises, il ne s'y est pas trouvé, sans doute parcequ'il est mal daté dans l'arrêt qui le casse.

Ainsi, point de certitude légale qu'en cassant cet arrêt, la cour de cassation ait eu à se prononcer, qu'elle se soit en effet prononcée, sur la question de savoir si l'exception de Dernier ressort peut être employée comme moyen de cassation, lorsqu'elle n'a pas été proposée comme fin de non-recevoir contre l'appel; mais ce qui n'est pas douteux, c'est que cette question s'étant présentée beaucoup plus récemment, a été jugée formellement pour la négative. Voici l'espèce.

En 1820, le sieur Bommer, fermier de l'octroi de la commune de Wasselonne, décerne, contre le sieur Reiss, fabriquant de chandelles, une contrainte de 18 francs 50 centimes.

Le sieur Reiss y forme opposition, sur le fondement qu'ayant déjà payé le droit pour le suif employé à la fabrication de ses chandelles, il ne le doit plus sur les chandelles mêmes; et par le même exploit il conclud reconventionnellement, contre le fermier, à la restitution d'une somme 357 francs 35 centimes qu'il a précédemment payée pour droits exigés sur des chandelles fabriquées avec du suif qui les avait déjà supportés.

L'affaire portée devant le juge de paix, il intervient d'abord, le 6 février 1821, un jugement qui annulle la contrainte.

Le 6 mars suivant, second jugement qui, statuant sur les conclusions reconventionnelles du sieur Reiss, condamne le fermier à lui restituer 357 francs 35 centimes.

Le fermier appelle de ces deux jugemens, par deux actes distincts, au tribunal civil de Strasbourg.

Le 26 mai de la même année, premier jugement qui reçoit l'appel de celui du 6 février, sans que l'exception de Dernier ressort ait été proposée par le sieur Reiss, et ordonne, avant d'y statuer, que la commune de Wasselonne

sera mise en cause.

Le tribunal de Strasbourg passe ensuite à l'appel du jugement du 6 mars; et sans avoir égard à la demande du fermier, tendant à ce que cet appel soit joint à celui du jugement du 6 février, ordonne pareillement, avant d'y

statuer, la mise en cause de la commune de Wasselonne.

Enfin, par jugement du 15 février 1822, le tribunal réforme celui du 6 févr er et ordonne l'exécution de la contrainte.

Le sieur Reiss se pourvoit en cassation contre ce jugement, et l'attaque notamment comme violant l'art. 9 du tit. 3 de la loi du 24 août 1790 qui attribue aux juges de paix la connaissance en Dernier ressort de toutes les contestations dont l'objet n'excède pas 50 francs.

Le premier répond que, dans l'espèce, le litige roulait, non seulement sur la somme de 18 francs 50 centimes au paiement de laquelle tendait la contrainte, mais encore sur celle de 357 francs 35 centimes qui formait l'objet des conclusions reconventionnelles du sieur Reiss; que d'ailleurs, dût-on ne s'attacher qu'au montant de la contrainte, et regarder le jugement du 6 février 1821 comme indépendant de celui du 6mars suivant, le sieur Reiss serait encore non-recevable à proposer comme moyen de cassation, une exception de Dernier ressort sur laquelle il avait gardé le silence devant le tribunal de Strasbourg.

Par arrêt du 27 juillet 1825, au rapport de M. Legonidec, et sur lesconclusions de M. l'avocat-général Marchangy,

« Attendu que le demandeur n'ayant point excipé devant le tribunal de Strasbourg, de la prétendue fin de non-recevoir tirée de ce que le jugement du 6 février était rendu en Dernier ressort, il ne peut, dès-lors, s'en faire un moyen devant la cour;

» Que ce moyen, en outre, serait repoussé par la considération que le demandeur n'avait pas conclu simplement, devant le juge de paix,

à la nullité de la contrainte décernée contre lui

pour un droit de 18 francs 50 centimes, mais qu'il avait conclu, en oufre, au remboursement d'une somme de 357 francs 35 centimes qu'il prétendait avoir indûment payée antérieurement au fermier de l'octroi, somme qui excédait la compétence du Dernier ressort....; » La cour (section civile) rejette le pourvoi.... (1).

Rien de plus contraire, comme l'on voit, que le premieur motif de cet arrêt à l'idée que le tribunal supérieur dans lequel est porté l'appel d'un jugement rendu en Dernier ressort, est tenu de le repousser d'office, et qu'il ne peut pas s'y refuser sans commettre un excès de pouvoir qui donne prise à la cassation.

doit-elle fléchir devant l'arrêt du 27 juillet 1825? J'ose croire que non.

C'est une vérité généralement reconnue et proclamée par une foule d'arrêts de la cour suprême, que l'incompétence ratione materiæ peut être proposée comme moyen de cassation par la partie qui n'en a pas excipé devant le tribunal dont elle attaque le jugement (1).

Or, n'est-il pas incompétent et ne l'est-il pas ratione materiæ, le tribunal supérieur qui prononce sur l'appel d'un jugement en Dernier ressort ?

Qu'il soit incompétent, cela n'est pas douteux, puisque les jugemens en Dernier ressort sont exclus par la loi du cercle de sa juridiction.

Mais de là même il suit que son incompétence n'est pas purement relative, comme elle le serait si elle ne dérivait que d'un défaut de juridiction territoriale; et qu'elle est absolue, parcequ'elle dérive du défaut de juridiction sur les matières jugées en Dernier ressort par les tribunaux de première instance.

Comment, dès-lors, le silence de la partic qui est intimée sur l'appel d'un jugement rendu à son profit en Dernier ressort, pourrait-il lever l'obstacle qui s'oppose à ce que cet appel soit reçu? Je puis bien, par mon silence, comme je pourrais par une déclaration expresse, me soumettre, en matière personnelle, à la juridomicile, et en matière civile, à la juridiction diction d'un tribunal qui n'est pas celui de mon d'un tribunal qui n'est pas celui de la situation de la chose litigieuse. Mais je ne puis pas plus par mon silence, que je ne pourrais par une

déclaration expresse,

attribuer à un tribunal

quelconque une juridiction qu'il n'a pas, entre ses justiciables naturels, sur l'objet qui est en litige entre mon adversaire et moi.

Que résulterait-il d'ailleurs du système adopté par l'arrêt du 27 juillet 1825? Il en résulterait une conséquence absurde, savoir, que, si l'on appelait à la cour royale du jugement d'un tribunal civil qui aurait confirmé ou réformé celui d'un juge de paix, la cour royale serait autorisée à recevoir l'appel et à y statuer, par cela seul que l'intimé ferait défaut, ou n'opposerait pas, en comparaissant, la fin de non-recevoir qui lui appartient; et assurément l'absurdité de cette conséquence suffit pour faire toucher au doigt et à l'œil la fausseté du principe qui y conduirait nécessai

rement.

Vainement dirait-on que, dans cette hypo

Mais cette idée en est-elle moins exacte, et thèse, la règle qui n'admet, dans chaque af faire, que deux degrés de juridiction, serait là

(1) Journal des audiences de la cour de cassation, partie 1, page 401.

(1) V. l'article Incompétence, §. 1.

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240 DERNIER VIVANT TOUT TENANT, DÉSAVEU D'AVOUÉ, §. I.

pour obliger la cour royale, sous peine de cassation, de suppléer d'office la fin de non-reccvoir qui s'opposerait à l'appel porté devant elle; et que cette règle est sans application au cas où il y a appel, soit devant un tribunal civil, d'un jugement rendu en Dernier ressort par un juge de paix, soit devant une cour royale, d'un jugement rendu en Dernier ressort par un tribunal civil.

A côté de la règle qui, dans certaines affaires, n'admet que deux degrés de juridiction, il en existe une autre qui n'en admet qu'un dans d'autres affaires; et celle-ci n'est pas moins sacrée, elle n'appartient pas moins au droit public que celle-là, si donc on est forcé de convenir qu'il résulte de celle-là, pour les cours royales, l'indispensable nécessité de repousser d'office les appels qui leur seraient déférés de jugemens de tribunaux civils, confirmatifs ou infirmatifs de jugemens de juges de paix, il 'faut bien que l'on reconnaisse aussi l'indispensable nécessité qui résulte de celle ci, pour les tribunaux civils, de repousser d'office les appels qui leur sont déférés de jugemens que les juges de paix de leur arrondissement ont rendus en Dernier ressort.

DERNIER VIVANT TOUT TENANT. Les coutumes d'Artois et de Cambresis permettaient à deux époux qui acquéraient ensemble un immeuble, de faire Dernier vivant tout tenant, c'est-à-dire, de stipuler que l'acquisition serait en totalité pour le survivant.

Cette forme de s'avantager, que l'art. 14 de la loi du 17 nivôse an 2 avait étendue à toute la France, n'est plus admise aujourd'hui, même dans les ci-devant provinces de Cambresis et d'Artois; elle est abrogée par l'art. 1097 du Code civil.

Mais dans le temps où elle était en vigueur, le décès de l'un des époux co acquéreurs opérait-il une mutation en faveur du survivant, et enconséquence,celui-ci était-il sujet à un droit proportionnel d'enregistrement pour la moitié du bien?

V. le plaidoyer et l'arrêt du 11 germinal an 9, rapportés à l'article Mutation, §. 3.

DEROGATION. V. les articles Contrat et

Loi.

DESAVEU. Le défaut de Désaveu forme contre celui qui a stipulé, dans un contral, au nom d'un tiers, en vertu de son mandat non représenté, suffit-il pour prouver que le mandat a réellement existé?

Non. V. le plaidoyer du 5 avril 1810', rapporté aux mots Union de créanciers, §. 2.

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DESAVEU D'AVOUE. §. I. La partie au nom de laquelle un avoué s'est constitué sur une demande formée contre elle, est-elle, même dans l'intérêt des tiers, censée, par cela seul qu'elle ne l'a pas désavoué dans la forme et dans les termes voulus par la loi, lui avoir donné pouvoir d'occuper dans la cause?

La négative serait incontestable, s'il en était du mandataire public ad lites, que la loi désigne par le nom d'avoué, comme du mandataire particulier. Mais il existe entre l'un et l'autre une grande différence que j'ai expliquée dans les conclusions du 5 avril 1810, citées à l'article précédent, et d'après laquelle il n'est pas permis de douter que l'avoué qui se constitue pour une partie sur une demande formée contre elle, ne soit censé, jusqu'à Désaveu, en avoir reçu d'elle le pouvoir exprès.

Voici cependant une espèce dans laquelle cette vérité triviale a été d'abord méconnue.

Le 24 décembre 1821, jugement par défaut, faute de comparoir, du tribunal de première instance de Châteauroux, qui condamne la comtessse Loison et la baronne de Serdobin, domiciliées en pays étranger, à faire au sieur Leblanc de Sérigny le délaissement de plusieurs immeubles, sinon à lui payer la somme de 200,000 francs.

En vertu de ce jugement, et après l'avoir fait signifier aux dames Loison et de Serdobin, le sieur Leblanc de Sérigny forme, le 18 juin 1822, opposition à la caisse des consignations, sur le prix qui y avait été versé pour leur compte par l'acquéreur d'une maison qu'elles avaient précédemment aliénée.

Le 21 du même mois, il leur dénonce cette opposition, et les assigne en validité devant le tribunal de première instance du département de la Seine.

Les copies de cette assignation sont remises au parquet du procureur du roi près ce tribunal, et elles en sont retirées par Me Bouriaud, avoué.

Le 1er juillet suivant, Me Bouriaud se constitue pour la dame de Serdobin et son mari, comme chargé par eux de défendre à la demande en validité de l'opposition du 18 juin.

Le même jour, Me Aviat, aussi avoué, se constitue aux mêmes fins pour la dame Loison. Le 11 décembre de la même année, les dames

Loison et de Serdobin présentent au tribunal de Châteauroux une requête tendant à ce qu'elles soient reçues opposantes au jugement par défaut du 24 décembre 1821.

Le sieur Leblanc de Sérigny soutient qu'elles sont non-recevables, et le prouve par un raisonnement bien simple.

Aux termes de l'art. 158 du Code de procédure

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(dit-il), l'opposition à un jugement rendu par défaut contre une partie qui n'a pas d'avoué n'est recevable que jusqu'à l'exécution du jugement; et suivant l'art. 159, le jugement est réputé exécuté, lorsqu'il a été suivi de quelque acte d'exécution duquel il résulte nécessairement qu'il a été connu de la partie défaillante. Or, d'une part, la saisie-arrêt que j'ai formée sur vous, le 18 juin, à la caisse des consignations, est certainement un acte d'exécution du jugement par défaut du 24 décembre 1821.

D'un autre côté, la preuve que vous avez eu connaissance de cette saisie-arrêt, c'est qu'assignées par moi en validité devant le tribunal du département de la Seine, vous avez constitué chacune un avoué pour défendre à cette demande; et c'est ainsi que l'a jugé, dans une espèce identique, un arrêt de la cour de cassation, du 30 juin 1812 (1).

Les dames Loison et de Serdobin répliquent que ce raisonnement serait bon, si c'était de leur aveu et en vertu de pouvoirs émanés d'elles, que les avoués Bouriaud et Aviat se sont constitués sur la demande en validité de la saisie arrêt pratiquée par le sieur Leblanc de Sérigny; mais que c'est à leur insu que ces deux constitutions ont eu lieu ; et que, dès-lors, la fin de non recevoir qu'on leur oppose, manque de base.

Le 28 mai 1823, jugement qui déclare l'opposition des dames Loison et de Serdobin tardive et non recevable.

Appel à la cour royale de Bourges, et le 31 décembre de la même année, arrêt qui rejette la fin de non recevoir, « attendu qu'il ne ré» sulte pas nécessairement des actes ci dessus « énoncés, que les Dames Loison et de Serdo» bin aient eu connaissance de l'existence du >> jugement rendu contre elles par défaut, le » 24 décembre 1821 ».

Mais, sur le recours en cassation du sieur Leblanc de Sérigny, arrêt du 22 mai 1827, par lequel,

« Ouï le rapport fait par M. le conseiller Quéquet, les observations de Taillandier, avocat du demandeur, celles de Teste-Lebeau, avocat des défendeurs, ensemble les conclusions de M. Joubert, premier avocat-général, et après en avoir délibéré en la chambre du conseil ;

» Vu les art. 352, 360, 159 et 162 du Code de procédure civile ;

» Attendu que de la combinaison des art. 352 et 360 il résulte que le fait de l'avoué, mandataire ad litem, est le fait de la partie elle-même; que celle-ci ne peut en détruire l'effet né

(1) Répertoire de jurisprudence, au mot Péremption, sect. 2, §. 1, no 4.

TOME V.

cessaire et légal que par la voie du Désaveu, dont l'action est ouverte par le premier, et dont les effets sont réglés par le second de ces articles; en telle sorte que jusqu'à Désaveu, tout acte du ministère de l'avoué, quelles que soient les conséquences qu'il entraîne, est réputé fait en vertu du pouvoir de sa partie;

>> Attendu qu'il est constaté en fait, par l'arrêt attaqué, qu'il n'existe aucun Désaveu formé par les comtesse Loison et baronne de Serdobin, contre les avoués Bouriaud et Aviat, qui, par deux actes judiciaires signifiés le 1er juillet 1822, ont déclaré avoir charge et pouvoir d'occuper pour elles sur l'assignation en validité d'une saisie-arrêt faite en exécution d'un jugement par défaut du 24 décembre 1821;

» Attendu que le pouvoir donné par une partie à un avoué d'occuper sur une demande en validité de saisie-arrêt, faite en exécution d'un jugement dont la copie était en tête de cette saisie-arrêt même, emporte nécessairement la preuve de la connaissance parvenue à cette partie et du jugement et de son exécution;

» D'où il suit que, jusqu'à Désaveu formé contre les avoués Bouriaud et Aviat, il était judiciairement et légalement acquis que les comtesse Loison et baronne de Serdobin avaient connaissance de cette saisie-arrêt, et conséquemment de l'exécution du jugement qui en était la base;

» Attendu qu'en jugeant, contrairement à ces principes, que la constitution ou acte d'occuper des avoués Bouriaud et Aviat, non désavoués, n'était pas un acte duquel il résultât nécessairement que l'exécution du jugement obtenu par Leblanc de Sérigny, le 24 décembre 1821, eût été connue des parties défaillantes, et recevant, par suite, après la huitaine de cette exécution, l'opposition des comtesse Loison et baronne de Serdobin au même jugement, l'arrêt attaqué a faussement appliqué l'art. 159 du Code de procédure civile et violé l'art. 162 du même Code;

» La cour casse et annulle.... (1)

».

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