Page images
PDF
EPUB

ment qui doit être formé par des liens physiques & réels; tout femble nous dire que les fphères céleftes communiquent enfemble & font entraînées par un fluide invisible & immense qui circule autour d'elles. Mais quel eft ce fluide? Quelle eft cette impulfion? Quelles font les caufes qui la modifient, qui l'altèrent & qui la changent? Comment toutes les caufes fe combinent ou fe divifent-elles pour produire les plus étonnans effets? C'est ce que DESCARTES ne nous apprend pas ; c'eft ce que l'homme ne faura peut-être jamais bien; car la géométrie, qui est le plus grand instrument dont on fe ferve aujourd'hui dans la physique, n'a de prife que fur les objets fimples. Auffi Newton, tout grand qu'il étoit, a été obligé de fimplifier l'Univers pour le calculer. Il a fait mouvoir tous les aftres dans des espaces libres: dès-lors plus de fluide, plus de résistances, plus de frottemens; les liens qui uniffent enfemble toutes les parties du monde ne font plus que des rapports de gravitation, des êtres purement mathématiques. Il faut en convenir; un tel Univers eft bien plus aifé à calculer que celui de DESCARTES, où toute action eft fondée fur un méchanisme. Le Newtonien tranquille dans fon cabinet, calcule la marche des fphères, d'après un feul principe qui agit toujours d'une manière uniforme. Que la main du Génie

qui préfide à l'Univers, faififfe le Géomètre & le transporte tout-à-coup dans le monde de DESCARTES. Viens, monte, franchis l'intervalle qui te fépare des cieux, approche de Mercure, paffe l'orbe de Vénus, laiffe Mars derrière toi, viens te placer entre Jupiter & Saturne; te voilà à quatre-vingt mille diamètres de ton globe. Regarde maintenant; vois-tu ces grands corps qui de loin te paroiffent mus d'une manière uniforme? Vois leurs agitations & leurs balancemens, femblables à ceux d'un vaiffeau tourmenté par la tempête, dans un fluide qui preffe & qui bouillonne; vois & calcule si tu peux ces mouvemens. Ainsi quand le système de DESCARTES n'eût point été aussi défectueux, ni celui de Newton auffi admirable, les Géomètres devoient par préférence embrasser le dernier ; & ils l'ont fait. Quelle main plus hardie, profitant des nouveaux phénomènes connus & des découvertes nouvelles, ofera reconftruire avec plus d'audace & de folidité ces tourbillons, que DESCARTES lui-même n'éleva que d'une main foible ? ou, rapprochant deux Empires divifés, entreprendra de réunir l'attraction avec l'impulsion, en découvrant la chaîne qui les joint? ou peutêtre nous apportera une nouvelle loi de la nature inconnue jufqu'à ce jour, qui nous rende compte également & des phénomènes des cieux, & de

ceux de la terre? Mais l'exécution de ce projet eft encore reculée. Au fiècle de DESCARTES il n'étoit pas temps d'expliquer le système du monde. Ce temps n'eft pas venu pour nous. Peut-être l'efprit humain n'eft-il qu'à fon enfance. Combien de fiècles faudra-t-il encore pour que cette grande entreprise vienne à fa maturité ? Combien de fois faudra-t-il que les comètes les plus éloignées fe rapprochent de nous & defcendent dans la partie inférieure de leurs orbites? Combien faudra-t-il découvrir dans le monde planétaire, ou de Satellites nouveaux, ou de nouveaux phénomènes des Satellites déja connus? Combien de mouvemens irréguliers affigner à leurs véritables causes? Combien perfectionner les moyens d'étendre notre vue aux plus grandes diftances, ou par la réfraction, ou par la réflexion de la lumière? Combien attendre de hafards qui ferviront mieux la philofophie que des fiècles d'obfervations? Combien découvrir de chaînes & de fils imperceptibles, d'abord entre tous les êtres qui nous environnent, enfuite entre les êtres éloignés? Et peut-être après ces collections immenfes de faits, fruits de deux ou trois cents fiècles, combien de bouleverfemens & de révolutions ou phyfiques ou morales fur le globe, suspendront encore pendant des milliers d'années les progrès de l'efprit humain dans cette vafte étude de la na

le

ture? Heureux, fi après ces longues interruptions, genre humain renoue le fil de fes connoiffances au point où il avoit été rompu ! C'est alors peutêtre qu'il fera permis à l'homme de penser à faire un système du monde ; & que ce qui a été commencé dans l'Egypte & dans l'Inde, poursuivi dans la Grèce, repris & développé en Italie, en France, en Allemagne & en Angleterre, s'achevera peut-être, ou dans les pays intérieurs de l'Afrique, ou dans quelqu'endroit fauvage de l'Amérique Septentrionale ou des Terres Auftrales; tandis que notre Europe favante ne fera plus qu'une folitude barbare, ou fera peut-être englou tie fous les flots de l'Océan rejoint à la Méditerranée. Alors on fe fouviendra de DESCARTES, & fon nom retentira dans des lieux où aucun fon ne s'est fait entendre depuis la naiffance du monde.

Il pourfuit fa création : des cieux il defcend fur la terre. Les mêmes mains qui ont arrangé & conf. truit les corps céleftes, travaillent à la compofition du globe de la terre. Toutes les parties tendent vers le centre. La pefanteur eft l'effet de la force centrifuge du tourbillon. Ce fluide qui tend à s'éloigner, pouffe vers le centre tous les corps qui ont moins de force que lui pour s'échapper; ainfi la matière n'a par elle-même aucun poids. Bientôt tout devoit changer: la pefanteur eft de

venue une qualité primitive & inhérente; qui s'étend à toutes les distances & à tous les mondes, qui fait graviter toutes les parties les unes vers les autres, retient la Lune dans fon orbite, & fait tomber les corps fur la terre. On devoit faire plus: on devoit pefer les aftres; monument fingulier de l'audace de l'homme ! Mais toutes ces grandes découvertes ne font que des calculs fur les effets; DESCARTES plus hardi a ofé chercher la cause. Il continue fa marche : l'air, fluide léger, élastique & transparent, se détache des parties terreftres plus épaisses, & se balance dans l'atmosphère; le feu naît d'une agitation plus vive, & acquiert fon activité brûlante; l'eau devient fluide, & fes gouttes s'arrondiffent; les montagnes s'élèvent, & les abymes des mers fe creufent; un balancement périodique foulève & abaisse tour à tour les flots, & remue la maffe de l'Océan, depuis la surface jusqu'aux plus grandes profondeurs ; c'est le paffage de la Lune au-deffus du méridien, qui preffe & refferre les torrens de fluide contenus entre la Lune & l'Océan. L'intérieur du globe s'organise, une chaleur féconde part du centre de la terre, & se distribue dans toutes ses parties; les fels, les bitumes & les foufres fe compofent; les minéraux naiffent de plufieurs mêlanges; les veines métalliques s'étendent; les volcans s'allument; l'air di

« PreviousContinue »