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commencée par des subtilités de doctrine, marchait tout droit à un schisme.

Une feuille, utile en littérature en ce qu'elle aurait pu servir à envelopper les paquets, les Nouvelles ecclésiastiques, était l'organe des appelants, et cette œuvre d'un cerveau en décomposition dont la mauvaise foi et la sottise sautaient aux yeux, attaquait à son ordinaire dans la capitale de la France, l'autorité de l'Eglise universelle, représentée par le successeur de saint Denis.

Vintimille publiait une ordonnance, il montrait les tristes suites de la résistance à la loi de l'Eglise, la docilité anéantie dans les fidèles, le vicaire de JésusChrist calomnié, ses intentions dénaturées, l'autorité des évêques méconnue, toute subordination détruite et une foule d'écrits séditieux paraissant pour semer partout l'esprit de haine, de révolte et d'indépendance. Il assurait les fidèles que la Constitution, loin de porter atteinte à la pureté du dogme, condamnait des erreurs capitales.

Cette ordonnance était, en quelques endroits, aussitôt enlevée que placée, en d'autres, déchirée et presque partout barbouillée d'encre et de boue.

Toute l'administration de M. de Vintimille se consuma dans cette lutte impuissante. En 1746, le prélat qu'aucune maladie, qu'aucune infirmité n'avait jusqu'alors affligé, déclina rapidement; on voulut lui persuader de se soigner :

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Il n'est plus question de cela, répondit-il, mais de mériter les miséricordes du Seigneur par le sa

crifice. >>

Il est vrai qu'il avait quatre-vingt-dix ans !

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Deux jours après la mort de M. de Vintimille, un brevet royal désigna pour lui succéder, à Paris, M. de Bellefonds, l'archevêque d'Arles. Il était d'une famille de bons gentilshommes de Touraine, qui comptait des maréchaux de camp, des chevaliers des ordres, un maréchal de France et des gouverneurs de châteauxroyaux.

Le prélat ne fit que paraître dans la chaire de NotreDame. Un étrange mystère plane sur sa mort. En quelques mois il avait su faire condamner deux livres par le Parlement l'un, de la Mettrie, Histoire naturelle de l'âme; l'autre, de Diderot, Pensées philosophiques. C'était la grande guerre qui commençait. Les jansénistes l'ont représenté comme un homme terrible, son

geant moins à se faire aimer qu'à se faire craindre; de fait, il ne manquait point d'énergie. Il y avait, sous scellés, à l'archevêché, nombre de lettres de cachet déjà pourvues des noms des plus fougueux du parti, et dont le but était d'envoyer les appelants imprimer et discourir ailleurs que dans sa capitale.

Bellefonds faisait pressentir son successeur; il était jeune et nul ne sait ce qu'il aurait su faire.

Le bruit courut à Paris de ces projets de l'archevêque, puis, un autre bruit se répandit tout à coup de sa mort, et ce fut tout. Sa trace pourtant était assez puissante, pour s'être imprimée dans le gouvernement de ce diocèse.

Il en est qui vivent leur vie en soixante-dix ans, d'autres la vivent en un an, en un jour, en une heure... lesquels ont souvent le plus et le mieux vécu; ceux-ci étalent leur vie sur un grand nombre d'années, ils grignotent cent ans ce que les autres dévorent en huit jours.

Pour savoir vivre, il faut apprendre à mourir, c'était la maxime de Bellefonds; qui ne craint pas la mort, ne craint pas la vie....

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