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bunal de son domicile, et par conséquent de les distraine de leurs juges naturels. Considérant en fait, 2° qu'il s'agit, dans l'espèce, de 3 billets à ordre de 2,000 fr. chacun, tirés d'Orléans, le 2 avril 1817, par Pilté Grenet, à l'ordre de Renaud et payable dans l'année à Jumillac; que ces billets n'ayant été ni payés ni protestés à l'époque de l'échéance, sont restés pendant deux ans environ entre les mains des sieurs Rigonnau qui s'en trouvaient porteurs à ladite époque, et qui ne les ont passés à l'ordre de Cibot que le 15 septembre 1819; que sans même entrer dans l'examen de la sincérité de cette dernière négociation, il est évident que les sieurs Rigonnau n'ont pu par endossement tardif, se faire assigner par Cibot à leur domicile, pour avoir le droit d'y appeler en garantie Pilté Grenet, tireur desdits billets; que le tribunal de commerce de Limoges étant incompétent pour statuer sur la demande des sieurs Rigonnau, l'était par suite pour faire droit à la demande en garantie dirigée par Renaud contre Pilté. - Dit qu'il a été incompétemment jugé par le tribunal de commerce de Limoges, en ce qui concerne Pilté, émandant et faisant ce que les premiers juges auraient dû faire, délaisse les parties à se pourvoir devant qui de droit. »

25. Les billets à ordre souscrits par le directeur d'une maison d'éducation, pour fournitures faites à son pensionnat, le rendent-ils justiciable des tribunaux de commerce et passible de la contrainte par corps (1)?

(1) La jurisprudence n'est pas encore fixée sur cette intéressante question; nous croyons cependant avec M. CARR., COMP., t. 2, p. 542, no 490, et M. BOUCHER, p. 229, que les billets à ordre faits par un maître de pension pour fournitures de sa maison ne le rendent pas justiciable du tribunal de commerce. En prenant ces fournitures, il n'a pas voulu faire une spéculation commerciale: cet achat de marchandises n'est qu'une conséquence nécessaire de la réunion des enfans à qui il dorne une éducation; cette éducation est l'objet principal, le reste n'est que l'accessoire. M. BOUCHER cite l'exemple de l'agriculteur qui, pour avoir des cultivateurs qu'il pourra diriger pendant toute la journée, convient avec eux que le prix de la journée sera moindre et qu'il les nourrira. On pourrait dire aussi, comme pour le maître de pension, que l'agriculteur revend à ses cultivateurs les comestibles qu'il achète; cependant on ne pourrait soutenir qu'il fait un acte de commerce, parce qu'il ne nourrit pas ses cultivateurs pour revendre des comestibles et spéculer sur la

On a dit souvent que la profession d'homme de lettres est la plus iudépendante de tones: elle tient cependant de bien près au commerce, pour celui qui n'a d'autre fortune que ses talens. L'auteur famélique dont les productions font gémir journellement la presse, par ce que ses besoins sont journaliers, ne peut s'offenser d'un tel rapprochement; il s'accontume lui-même à nommer industrie cet art que d'autres nomment divin parce qu'il est la source des jouissances les plus pures. Mais celni qui, par une noble émulation, se dévoue à des travaux pénibles et utiles, et qui consent à dévorer les dégoûts de l'étude après en avoir connu les plaisirs; celui qui forme des magistrats pour le barreau, des soldats pour la gloire, des sujets précieux pour toutes les classes de l'état, n'est pas un vil mercenaire. Sans doute, il existe pour lui quelques relations commerciales; mais il en existe aussi pour toutes les classes de citoyens. Le jurisconsulte achète les livres où il puise les principes répandus dans ses mémoires et dans ses plaidoyers; l'artiste achète la toile qu'il anime, et le bloc de marbre, dans lequel son ciseau crée un chef-d'œuvre; et l'un et l'autre ne sont pas réputés commerçans. Pourquoi établir une différence à cet égard, par rapport aux directeurs des maisons d'éducation? Si les services qu'ils rendent à la société ne leur donnent droit à aucun privilége particulier, du moins paraît-il juste de les admettre dans la classe ordinaire des citoyens, et de ne pas exiger d'eux la gárán-' tie personnelle à laquelle les commerçans ne sont soumis que par la faveur même attachée au commerce. Malgré ces considérations puissantes, la Cour d'appel de Paris a cru devoir résoudre affirmativement la question posée dans l'espèce suivante. (Coff.)

PREMIÈRE ESPÈCE. Le sieur Moreau, directeur d'une maison d'éducation, souscrit au sieur Maigre un billet à ordre de 600 fr., pour une fourniture de vin faite à son pensionnat. Faute de paiement à l'échéance, il est actionné devant le tribunal de commerce du département de la Seine. Reconnaissant la qualité du porteur du billet le rendait justiciable de ce tribunal, le sieur Moreau ne propose pas de déclinatoire; mais il demande que la contrainte par corps ne soit pas prononcée contre lui, attendu qu'il n'était ni marchand ni négociant, qu'il ne

que

revente, mais dans l'intérêt de la culture de ses terres; il en est de même du maître de pension; il n'a en vue que la bonne éducation de ses élèves: la nourriture qu'il leur donne ne peut pas être considérée comme une spéculation. Telle est aussi l'opinion de M. PARD., t. 1, p. 17. Voyez, J. A., t. 34, p. 317, un arrêt conforme à cette opinion.

s'agissait pas d'une opération commerciale, et qu'il n'avait

souscrit

pas une lettre de change, mais un simple billet à ordre. Le demandeur soutient de son côté, que tout achat de marchandises et de denrées, pour les revendre, doit être réputé acte de commerce. Il invoque à cet égard la disposition de l'art. 632 du nouveau Code, qui semble n'admettre en effet aucune exception. Aussi le tribunal de commerce, déterminé par cette considération, condamne par corps le sieur Moreau au paiement du billet à ordre dont il s'agit. · Vainement il se pourvoit en appel devant la Cour de Paris. Un arrêt de la deuxième chambre, sous la date du 26 novembre 1807, confirme en ces termes le jugement attaqué : LA COUR; Attendu que l'effet pour lequel la contrainte par corps a été prononcée contre Moreau est l'objet de vins fournis à ce dernier pour la consommation de son pensionnat, ce qui donne lieu à l'application de la contrainte par corps, puisque c'est pour le fait de son négoce... Confirme, etc. »

DEUXIÈME ESPÈCE. Le sieur Baudoin, boulanger, assigna devant le tribunal de commerce le sieur Duckecle, maître de pension, pour se voir condamner, par corps, à lui payer le montant d'un mémoire de fournitures. Le sieur Duckecle soutint qu'on ne pouvait le ranger dans la classe des commerçans, et lui attribuer l'art. 632 C. Comm.; il se borna, en conséquence, à proposer l'exception déclinatoire. Le tribunal, sans avoir égard au moyen d'exception, condamna par corps le sieur Duckecle à payer la somme réclamée pour fournitures. Appel de la part de ce dernier; et le 19 mars 1814, arrêt de la Cour de Paris, par lequel : — « LA COUR; Attendu que les premiers juges, en donnant pour seul motif de leur compétence, que Duckecle est maître de pension, ont violé la loi qui n'assimile dans aucun article les maîtres de pension à des commerçans; qu'il résulte même de l'article 632 C. Comm., où sont indiqués les divers établissemens sujets à la justice commerciale, que les établissemens destinés à l'éducation n'y ont point été compris; que ce serait faire une application fausse et indécente du premier paragraphe de cet article, de considérer les fournitures de denrées faites à un tel établissement, comme celles qu'un commerçant reçoit pour les vendre; A mis et met l'appellation au néant; - Emendant, décharge Duckecle des condamnations contre lui prononcées ; Au principal, déclare lesdits jugemens nuls et incompétemment rendus; - Renvoie, etc. > 25. Avis du conseil d'état du 26 janvier 1808, approuvé le 3 février suivant, sur la question de savoir s'il est nécessaire, pour

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étre élu juge d'un tribunal de commerce, d'exercer actuelle

ment le commerce (1).

1

Cette question a été décidée négativement par le conseil d'état, lė 26 janvier 1808, d'après les motifs suivans : — « Le conseil d'état, qui, d'après le renvoi ordonné par S. M., a entendu le rapport de la section de législation sur celui du ministre de l'intérieur, tendant à fixer le sens de l'art. 620 C. Comm., et à décider si cet article rend inéligibles aux tribunaux institués pour cette partie les négocians qui ne font pas actuellement le commerce. Vu ledit article; - Considérant d'abord qu'il ne peut y avoir de difficulté sérieuse à l'égard du président, la loi n'obligeant qu'à le prendre parmi les anciens juges, ce qui emporte bien la condition d'avoir exercé le commerce pendant plus de cinq ans, puisqu'il n'a pu être antérieurement juge qu'après ce laps de temps; mais ce qui n'établit point textuellement qu'au moment où il est élu président il doive encore exercer le commerce; qu'en ce qui concerne le simple juge, ces mots, S'il exerce depuis cinq ans, employés par la loi, et pris au temps présent, offrent littéralement un peu plus de difficulté, qui cependant doit se dissiper en se pénétrant de l'esprit de cette loi; Que ce que le législateur a voulu, « a été que les juges du commerce eussent une expérience garantie par un exercice suffisant, et dont il a fixé la durée; mais qu'il n'est point entré dans ses vues d'exclure les négocians retirés qui étaient d'ailleurs formellement admis par l'ordonnance de 1673, et par la loi du 10 août 1791, et dont l'exclusion eût été prononcée sans doute en termes aussi formels, si telle eût été l'intention du législateur;

re

Qu'au surplus cette exclusion ne pourrait être que nuisible au commerce, en privant ses tribunaux de juges qui, à une expérience également garantie, réunissent plus de loisirs; -— Qu'à la vérité celui qui n'aurait plus la capacité requise.... ; mais que cette modification qui est dans la nature des choses ne saurait nuire aux principes posés ; — Est d'avis que les négocians retirés du commerce, et non livrés actuellement à d'autres professions, sont susceptibles d'être élus aux places mentionnées en l'art. 620 C. C., s'ils ont exercé le commerce pendant le temps prescrit, et s'ils remplissent d'ailleurs les autres conditions imposées la loi. » par

27. Ce n'est pas le tribunal de commerce, mais le tribunal civil

(1) Voy. MM. CARR., COMP., t. 2, p. 498, no 477; et F. L., t. 5, p. 695, col. a, alin. 6.

qui seul peut statuer sur les difficultés entre le trésor et un comptable en faillite relativement au recouvrement de ce qui est dû au trésor ou à l'exercice du privilége attaché à la nature de la créance (1).

28. Il n'y a pas lieu à évocation.par les Cours, lorsque toutes les parties intéressées ne sont pas en cause (2).

-

du

PREMIÈRE ESPÈCE. Arrêt de la Cour de cassation, 9 inars 1808, ainsi conçu: « LA COUR; Cousidérant qu'il est de toute évidence que les dispositions du Code de commerce, relatives aux faillites, n'ayant pour objet que la conservation du gage commun des créanciers, ne peuvent recevoir leur application qu'entre créanciers ayant droit égal à ce gage commun; - Que, dans l'espèce de la cause, encore bien que le sieur Duquesnoy fût négociant au moment de sa faillite, il ne peut être réputé que comptable à l'égard du trésor public, lequel a le droit incontestable d'exercer non-seulement une contrainte directe contre sa personne, mais encore sur tous ses biens, meubles et immeubles, par privilége à tous ses créanciers, ce qui le place bien évidemment à leur égard dans une classe toute particulière; Attendu que le ministre du trésor public, ayant décerné contre ledit sieur Duquesnoy une contrainte qui s'élève à plus de 1500,000 fr., et ordonné qu'elle serait exécutée, tant par corps que par la vente de tous ses biens, meubles et immeubles, il est de toute nécessité que cette contrainte reçoive son exécution, sauf les oppositions de droit, et sous l'autorité des juges qui en doivent connaître, c'est àdire, devant ceux du tribunal de première instance du domicile dudit Duquesnoy, et non devant aucun tribunal de commerce, où le trésor public se trouverait sans défenseur, et qui n'aurait pas même le droit de connaître de l'exécution de son propre jugement; Or, comme il est suffisamment justifié par les pièces produites dans l'instance, qu'au moment de sa disparution ledit Duquesnoy était maire du 10a arrondissement de Paris; qu'il y avait sa résidence habituelle et de plus son comptoir com mercial; il s'ensuit évidemment que c'est devant le tribunal civil de pre

(1) La même question, décidée ici par trois arrêts, l'a encore été dans le même sens par deux autres rendus, les 13 décembre 1811, et 8 juin 1814, par les Cours de Bourges et de Rennes. Nous nous contentons de donner ici la date de ces arrêts, parce qu'ils sont fondés sur les mêmes principes que ceux dont nous rapportons les termés.

(2) Cette question n'a été résolue que dans la troisième espèce.

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