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ferme en soi un consentement réciproque des parties à être traitées.comme si elles étaient réellement domiciliées au lieu convenu et non-seulement à y être valablement assignées, mais à être traduites devant les juges de ce domicile élu; que néaumoins ce principe souffrait quelques restrictions dans l'ancien droit, où l'on tenait pour maxime que les juridictions sont de droit public; mais que depuis l'introduction du droit nouveau, qui permet aux citoyens de choisir leurs juges, la clause reprend toute sa force, et deit être exécutée dans toute l'étendue dont elle est susceptible; que l'art. 111 C. C. ne fait à cet égard que consacrer ce principe, tel qu'il était admis avant sa publication; - Sans s'arrêter au déclinatoire des veuves et héritiers Delachaise, dont ils sont déboutés, ordonne que les parties procéderont devant le tribunal du département de la Seine. »

OBSERVATIONS.

L'opinion de notre savant prédécesseur, contraire à l'arrêt ci-dessus, ne doit pas, selon nous, être suivie; l'art. 11 C. C. est formel: l'effet de l'élection de domicile est de rendre le tribunal du domicile élu compétent. MM. CARR., t. 1, p. 139, et F. L., t, 1, p. 154, examinent la question à l'égard des héritiers de celui qui a élu domicile, et la solution qu'ils donnent est conforme à l'arrêt qui précède. Le motif que donne M. Carré ne nous paraît pas pouvoir être réfuté. L'élection de domicile, dit-il, est une clause du contrat, qui ne saurait en être séparée sans une disposition expresse de la loi; or, les obligations d'une personne passent à ses héritiers, suivant la maxime hæres sustinet personam defuncti. Les effets de l'élection de domicile ne sont donc prescriptibles qu'autant que l'acte est luimême prescrit. - Voy. supra, no 47, les arrêts des 25 germinal an 10 et 27 août 1807.»

93. Quelque longue qu'ait été la résidence d'un Français en pays étranger, c'est devant le tribunal de son domicile d'origine que doivent être portées les contestations relatives à sa succession. Le sieur de Saint-Germain père, né Français, avait demeuré soixante ans à Chandernagor, il s'y était marié, il y avait exercé des fonctions publiques, il y était décédé. La veuve de son fils assigna les cohéritiers de celui-ci devant le tribunal de Paris, en liquidation de la succession de M. de SaintGermaid père; le trésor intervint pour des droits qu'il avait, ¡les cohéritiers opposèrent le déclinatoire et demandèrent le renvoi devant le tribunal de Chandernagor; jugement qui rejette l'exception, « Attendu que l'état actuel des choses ne permettait pas de renvoyer les parties à Chandernagor; Attendu que l'art. 59, C. P. C., en matière mixte, laisse aux demandeurs le choix d'appeler leurs adversaires, soit devant le juge de leur domicile, soit devant celui de la situation des biens; - Attendu qu'une demande en

compte et partage est de la nature d'une action mixte ; qu'ainsi la veuve de Saint-Germain fils a pu valablement citer ses adversaires devant le tribunal de la Seine, dans l'arrondissement du quel l'un d'eux est domicilié.» — Appel et le 30 juillet 1811, arrêt de la Cour de Paris par lequel : ·--- « LA COUR ; Attendu que Pierre-Mathieu-François Renault de Saint-Germain, né Français, a conservé son domicile en France, malgré sa grande résidence dans l'Inde, à moins qu'on ne prouve de sa part une intention contraire, ce qui n'est pas, met l'appellation au néant; ordonne que ce dont est appel sortira effet. »

94. Un tribunal de police correctionnelle peut valablement prononcer sur un délit qui entre dans les attributions du tribunal de simple police, si le renvoi n'a été requis ni par les parties, ni par le ministère public.

95. Il n'appartient qu'à la Cour de cassation d'annuler une décision judiciaire dans l'intérêt de la loi (1).

96. Il y a lieu à cassation contre un jugement ou arrét, qui n'a pas prononcé expressément sur une réquisition du ministère public, quoique l'on puisse induire de ces motifs que le tribunal ou la Cour l'a rejetée.

Les sieurs Colas, prévenus d'avoir coupé et enlevé du bois dans une forêt appartenant à M. de Montmorency Robecq, sont assignés à sa requête devant le tribunal correctionnel d'Avalon, qui les condamne à trois francs d'amende, à une pareille somme à titre de dommages-intérêts et aux frais.-Appel de ce jugement par le ministère public devant le tribunal d'Auxerre, comme ayant mal à propos fait l'application de l'ordonnance de 1669. Jugement du 2 juillet 1811, ainsi conça: Considérant dans la forme que les juges d'Avalon ont été incompétemment saisis; - Attendu que l'art. 189, C. I. C. a attribué exclusivement la connaissance des contraventions forestières, poursuivies à la requête des particuliers, aux juges de paix..., et que, dans ce sens, le ministère public peut appeler, pour violation des formes et de la compétence qui est de droit public; que l'appel dont il s'agit ayant un objet opposé à ces dispositions ne peut être admis; Annulle la procédure et le jugement dont est question, dans l'intérêt de la loi, et renvoie les parties devant les juges qui en doivent connaître. » Telle est la décision contre laquelle M. le procureur général a provoqué d'office la censure de la Cour suprême; et le 16 août 1811, arrêt de la section criminelle ainsi conçu :- LA COUR; Vu les articles 192, 408, 413, 441 et 442, C. I. C.,

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(1) Voy. décision semblable du 15 avril 1809. J. A. t. 6, p. 470, v° Cassation (Cour de), no 56.

et l'art. 445 du Code pénal de 18.10; - Et attendu qu'en supposant que le délit dont est question fût de la compétence des tribunaux de police, il résultait de l'art. 92, C. I. C., qu'aucune des parties n'ayant demandé devant le tribunal correctionnel d'Avalon le renvoi de la cause au tribunal de police, le jugement d'Avalon dont est appel, avait pu appliquer la peine ct statuer sur les dommages-intérêts, le tout en dernier ressort; d'où il suit que l'appel de ce jugement n'était pas admissible dans le cas supposé; Attendu que tout jugement en dernier ressort, par lequel il a été omis ou refusé de prononcer sur une réquisition du ministère public, est expressément sujet à cassation, d'après les articles 403 et 413, C. I. C.; d'où il suit que le jugement attaqué, ne s'étant occupé de l'appel du procureur royal criminel que dans les motifs, et n'ayant pas expressément prononcé sur cel appel dans le dispositif, est irrégulier; Attendu qu'aux termes des articles 441 et 442, C. I. C., le pouvoir d'annuler les jugemens dans l'intérêt de la loi, est uniquement réservé à la Cour de cassation; d'où il suit que le tribunal d'Auxerre, en se permettant d'annuler, dans l'intérêt de la loi, le jugement dont était appel, a transgressé les bornes de sa compétence, ce. qui suffit pour motiver la cassation du jugement attaqué, d'après les articles 408 et 413, Cod. Inst. Crim., Casse..

97. Lorsqu'une affaire est renvoyée par la Cour de cassation devant une Cour criminelle, celle-ci, en reconnaissant son incompétence, ne peut renvoyer que devant un tribunal correctionnel de son ressort.

Ainsi jugé le 28 novembre 1811, par arrêt de la Cour de cassation, section criminelle, ainsi conçu :- « LA Coun; Vu les articles 214, 429, 431 et 432 du Code d'instruction criminelle; Considérant qu'il résulte de ces articles et de leurs dispositions combinées, 1° qu'après la cassation d'un arrêt ou jugement, la Cour ou le tribunal qui l'a rendu ne peut plus.connaître de l'affaire qui a été l'objet de l'arrêt ou jugement annulé; 2o que dans le cas de renvoi, soit par la Cour de cassation à une autre Cour d'appel, celle-ci ne peut point renvoyer l'affaire devant des juges établis dans le ressort de la Cour d'appel dont l'arrêt a été annulé, mais qu'elle doit faire le renvoi devant des juges de son propre ressort; Considérant dans l'espèce qu'un arrêt de la Cour d'appel de Colmar du 3 août 1811, rendu sur la poursuite intentée contre Jean-Baptiste Arent, a été annulé par un arrêt de la Cour de Cassation, du 15 septembre de la même année, avec le renvoi de l'affaire devant la cour d'appel de Nancy; Que par un nouvel arrêt du 22 octobre 1811, la Cour de Nanci a reconnu que les faits imputés au prévenu Arent ne présentaient point les caractères d'une simple contravention de police, mais d'en délit sujet à un emprisonnement correctionnel;

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Que par le même arrêt, la Cour de Nanci a renvoyé l'affaire devant le tribunal de première instance de Colmar qui en avait déjà connu et qui n'est point dans son ressort, mais dans celui de la cour d'appel dont l'arrêt a été annulé ; d'où il suit que la Cour de Nanci a violé les règles de comCasse et annulle.. pétence établies par la loi.

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et

98. A défaut de la déclaration expresse prescrite par l'article 104 C. C., on peut prouver le changement de domicile, par la translation de la résidence d'un individu dans un autre lieu, par un concours de circonstances qui démontrent son intention d'y fixer son principal établissement (1).

L'art. 103 C. C. consacre en principe que le changement de domicile s'opère par le fait d'une habitation réelle dans un autre lieu, jointe à l'intention d'y fixer son principal établissement. Cette intention doit nécessairement se manifester par des actes extérieurs. D'après les principes généraux en matière de preuve, et surtout d'après la disposition expresse de l'art. 105, l'appréciation des faits qu'on présente comme caractéristiques de cette intention, appartient aux juges devant lesquels on veut établir la preuve du changement de domicile. Il n'y a qu'une circonstance particulière dans laquelle il n'est pas en leur pouvoir de méconnaitre l'existence d'une telle intention, c'est lorsquelle s'est manifestée de la manière prescrite en l'art. 104, c'est-à-dire par une déclaration faite à la municipalité du lieu que l'on quitte, et à celle du lieu où l'on transfère son domicile. Dans ce cas, on le répète, il y a preuve légale de l'intention de fixer son principal établissement dans le lieu où la partie transporte son habitation réelle; mais dans toutes les autres hypothèses, le pouvoir discrétionnaire des tribunaux n'est gêné par aucune entrave. Il dépend d'eux de déclarer ou de ne pas clarer qu'il y a preuve de l'intention, et de décider conséquemment qu'il y a eu conservation ou changement de l'ancien domicile. (COFF.)

La dame Montclar avait eu son domicile pendant son mariage, et même plusieurs années après la mort de son époux, dans le canton de Salers, arrondissement de Mauriac. En l'an 9 elle transféra sa résidence dans la commune de Nouars, canton de Beaulieu, arrondissement de Brives,

(1)Voy. suprà, nos 54, 62, 78 et 80, les arrêts des 3 mai 1808, 13 mai 1809, 9 mai et 29 juin 1810; Et infrà, nos 105 et 136, ceux des 30 janvier 1813 et 23 janvier 1817.

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où elle decéda le 29 novembre 1809. Une instance s'engagea entre ses enfans pour le partage de sa succession. Aux termes de l'art. 59 C. P. C., cette instance devait être portée devant le tribunal du lieu où la succession s'était ouverte, c'est-à-dire devant le tribunal dans l'arrondissement duquel la dame Montclar avait son domicile. Le sieur Montclar cadet cita son frère et sa sœur devant le tribunal de Beaulieu, et ensuite devant le tribunal de Brives, prétendant que, depuis l'an 9, le domicile de leur mère commune avait été transféré dans le canton de Beaulieu. De son côté, le sieur Montclar aîné soutint, qu'à défaut de déclaration à la municipalité, leur mère avait conservé son ancien domicile dans le canton de Salers; et en conséquence il assigna ses cohéritiers devant le tribunal de Mauriac.

Les deux tribunaux saisis des demandes respectives des parties ne ressortissant pas de la même Cour, elles ont été obligées de se pourvoir en réglement de juges devant la Cour de cassation. C'est sur le pour

voi du sieur Montclar cadet que l'arrêt suivant a été rendu ; et on trouve dans ses motifs l'indication des circonstances sur lesquelles il se fondait, pour prouver que le changement de domicile s'était opéré dans l'espèce.

Le 19 mars 1812, arrêt de la Cour de cassation, section des requêtes par lequel : — « LA COUR ; Attendu qu'à défaut de déclaration expresse dans la forme prescrite par l'art. 104, C. C., la preuve de l'intention de fixer le principal établissement dans un lieu doit dépendre des circonstances; que, dans l'espèce, au fait d'une habitation réelle de la part de la dame de Montclar, dans la commune de Nouars, fait qui n'est pas contesté, se joignent diverses circonstances qui ne laissent pas de doute sur l'intention de ladite dame, de fixer son principal établissement dans cette dernière commune; que, notamment, l'inscription du nom de ladite damne veuve de Montclar, au rôle personnel de la commune de Nouars, qui coïncide avec la radiation de son nom au rôle de ladite contribution dans la commune d'Anglards, son ancienne résidence, le paiement fait pendant sept années consécutives de cette contribution sur la commune de Nouars, sont des faits qui ne pouvaient être ignorés de ladite dame de Montclar, et qui, lorsqu'ils sont ainsi géminés et prolongés pendant une assez longue série d'années, caractérisent l'intention d'une #ranslation de domicile; que, joints au fait d'une habitation réelle dans le nouveau domicile, et sans qu'il ait été articulé aucun fait tendant à faire présumer le retour ou l'esprit de retour à l'ancien domicile, la translation est suffisamment prouvée pour déterminer l'application de l'art.

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