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L'association générale pour l'eau potable tiendra une conférence aujourd'hui 11 Septembre à 3% heures dans le local de la section de médecine publique au Jardin Zoologique.

La conférence de M. Virchow aura lieu ce soir à 72 heures à la salle Felix Meritis.

M. le Docteur Billod, Directeur de l'asile public d'aliénés de Vaucluse, a été délégué auprès du Congrès comme représentant du gouvernement Français.

M. Trouvé, ingénieur à Paris, fera le 12 courant à midi et demie une conférence sur les appareils électriques destinés à éclairer les cavités du corps humain. M.M. Dentz et quelques autres dentistes demandent que le prochain congrès comprenne une section d'odontologie.

M. le Président. Un voeu dans ce sens sera émis auprès du comité d'organisation du prochain congrès. - - (adhésion).

La parole est à M. le Professeur Verneuil.

Des indications et contre-indications opératoires chez les sujets atteints de maladies constitutionnelles par M. VERNEUIL.

Le sujet que j'aborde ici n'est certes pas neuf, et ce n'est pas d'aujourd'hui seulement qu'il préoccupe les chirurgiens. En effet, il suffit de parcourir les oeuvres des principaux praticiens du siècle dernier pour y trouver des allusions fréquentes au rôle que jouent soit dans l'étiologie et la marche des affections externes, soit dans l'issue des opérations chirurgicales, les vices dartreux, vénérien, scorbutique, goutteux, scrofuleux, cancéreux, rhumatismal, etc., vices que nous désignons aujourd'hui sous le nom de maladies constitutionnelles ou d'états diathésiques. Malheureusement, nos anciens maîtres affirmaient, mais ne prouvaient guère; ils émettaient des propositions vraies sans doute, mais ne les appuyaient pas sur des faits, et je crois, qu'il faudrait fouiller longuement dans les recueils scientifiques des temps passés pour réunir une vingtaine de ces observations suffisantes et concluantes, comme nous les voulons aujourd'hui.

Aussi, mal soutenue, l'idée sombra profondément, et l'on n'en trouve pour ainsi dire aucune trace dans les oeuvres pourtant si remarquables qui parurent dans les premières années du présent siècle.

Ce n'étaient cependant pas les grands chirurgiens, qui manquaient alors; nulle époque n'en compta d'aussi illustres et en aussi grand nombre. Tous les pays en fournissaient. C'étaient pour l'Angleterre, Astley Cooper, Lawrence, Brodie; pour l'Italie, Scarpa; pour l'Amérique, Valentine Mott; l'Allemagne avait Graefe et Walther; la France comptait pour sa part Boyer, Dupuytren, Roux et Lisfranc.

On est tout d'abord tenté de reprocher à ces grands hommes d'avoir oublié les principes généraux et leur application à la chirurgie. Mais on les excuse bientôt quand on songe aux voies qu'ils ont ouvertes, aux terrains qu'ils ont défrichés, aux immenses tâches qu'ils ont entreprises et menées à bonne fin. Ceux-ci créaient la technique opératoire et dotaient jusqu'à la profusion la thérapeutique chirurgicale; ceux-là donnaient à la pathologie descriptive une clarté,

une précision inconnue jusqu'alors; d'autres tiraient de l'anatomie, tout ce qu'elle peut fournir à l'opérateur et au nosographe; d'autres encore, précurseurs de l'école moderne, montraient quelle masse inépuisable de faits l'anatomie pathologique fournit à la science et à la pratique chirurgicale.

Absorbés par d'aussi grands labeurs, fiers de résultats si importants et surtout si précis, nos grands-pères ne songèrent plus ni à l'humorisme, que l'on battait en brèche de tous côtés, ni à la pathologie interne, dont ils laissaient aux médecins le soin de s'occuper, ni à la pathologie générale, qui du reste n'était à cette époque guère attrayante, ayant quitté les grandes voies de l'antiquité, pour se tenir dans un affligeant terre à terre.

Convenons-en, la chirurgie d'alors devint exclusivement anatomique, et le traitement presque entièrement mécanique, paraissant dirigé plutôt par d'incomparables artistes que par des pathologistes au sens propre du mot. On opérait beaucoup, on ne soignait guère, et si autrefois notre Ambroise Paré avait prononcé le fameux: Je le pansay, Dieu le guarit! les maîtres d'il y a cinquante ans semblaient dire: Je l'opère, que la nature le sauve !

Or la nature, elle aussi, manquait souvent à ses devoirs. Entre les mains les plus habiles, la mortalité était formidable, et, à voir combien d'opérés succombaient, on se serait pris à douter de l'utilité réelle des immenses progrès réalisés en chirurgie théorique et en art opératoire. Nous qui savons aujourd'hui combien peu de malades sont sauvés par les opérations seules, privées de l'aide de la thérapeutique et de l'hygiène, nous nous rendons bien compte de ce qu'étaient à cette époque les résultats des opérations, si brillamment qu'elles fussent exécutées. Mais à ce moment le silence régnait, et, soit fatalisme, soit crainte de compromettre ou l'art ou ses pontifes, on parlait fort discrètement des revers.

Pourtant l'heure de la vérité était proche; la statistique, enfant terrible, allait inexorablement révéler l'impuissance trop fréquente de nos efforts et détruire notre confiance.

On avait déjà sans doute étudié les complications des blessures accidentelles ou préméditées, l'érysipèle, les inflammations de mauvaise nature, la terrible pyohémie; mais désormais on s'attacha surtout à pénétrer leurs causes générales. Rares à la campagne, peu fréquentes encore dans la pratique civile, endémiques dans les grands hôpitaux, épidémiques à certaines époques et dans certaines conditions, comme pendant la guerre, elles étaient évidemment en rapport de fréquence avec la nature et la qualité du milieu ambiant, avec le degré de condensation de la population malade dans un espace donné.

La théorie de l'encombrement expliqua tout pendant quelque temps, et ce fut certainement une grande et importante révélation que de montrer la simple réunion des hommes engendrant un poison des plus funestes.

Vous savez quelles furent les conséquences de ces idées. On fit une guerre acharnée aux bâtiments; ne pouvant tous les démolir, on les chauffa, aéra, ventila, et les questions des influences nosocomiales, de la construction et de l'aménagement des hôpitaux, passionnèrent tous les chirurgiens des pays civilisés. Les efforts incessants faits dans cette direction ne furent pas perdus; la connaissance du poison fit rechercher avec ardeur l'antidote. On le trouva lorsque la doctrine septicémique, triomphant partout, conduisit à créer, au contact im

médiat des blessures et au centre même des milieux généraux les plus impurs, un petit milieu circonscrit, mesurant parfois à peine quelques centimètres carrés de surface, mais sain et réalisant, pour la plaie les mêmes conditions d'innocence que si le blessé résidait sur les coteaux les plus riants, les plus salubres, inondés de lumière et baignés de l'air le plus pur. Ce petit milieu, ce fut le pansement antiseptique.

Donc, après que les grands opérateurs du commencement du siècle eurent appris à rendre aussi bénignes que possible les plaies chirurgicales, leurs descendants, à force de persévérance, trouvèrent moyen de neutraliser les influences funestes du milieu et de détourner ainsi une des plus grandes causes de la gravité du pronostic opératoire.

Mais il y avait encore quelque chose à faire, une lacune restait à combler. En effet, quelques résultats semblaient inexplicables. Dans la pratique civile, dans les petites villes, dans les campagnes, là où l'hospitalisme n'existait point, où il n'y avait ni contagion possible ni encombrement, on voyait journellement guérir des mutilations énormes ou des blessures effrayantes; mais on constatait aussi, à la suite de blessures insignifiantes ou d'opérations simples très bien exécutées, les complications traumatiques les plus imprévues, les plus sérieuses, et jusqu'à la mort inclusivement. Pour être rares, ces catastrophes n'en frappaient pas moins, et fort justement, les gens du monde et les chirurgiens, et ne permettaient jamais à ces derniers de compter sur la bénignité absolue d'une opération.

C'est alors qu'on pensa à un troisième facteur du pronostic chirurgical, c'està-dire à l'état constitutionnel du blessé lui-même.

Quelques faits épars dans la littérature quasi-contemporaine avaient préparé cette renaissance des idées anciennes. A Montpellier, Delpech (1829) et M. Bouisson (1839) avaient reconnu chez certains opérés préalablement atteints de paludisme des hémorrhagies traumatiques intermittentes que les préparations de quinquina avaient seules le pouvoir d'arrêter.

En 1845, un auteur anglais dont le nom mérite d'être tiré de l'oubli, Norman Chevers, recherchant les causes de la mortalité après les lésions chirurgicales, dans les hôpitaux de Londres, faisait cette remarque importante que presque tous ceux qui avaient succombé présentaient des altérations graves des reins, du foie ou de la rate; il démontrait ainsi d'une façon péremptoire l'influence des lésions viscérales antérieures sur l'issue fatale des opérations. Malgaigne, donnant une analyse de ce travail, le déclarait l'un des plus remarquables qu'ait produits à cette époque la médecine anglaise."

En 1864, Marchal (de Calvi) publiait son beau livre sur les accidents du diabète et y montrait la gravité des moindres blessures chez les glycosuriques il confirmait ainsi une idée émise déjà par Landouzy (de Reims), lequel avait affirmé que les diabétiques étaient pour les chirurgiens de véritables noli me tangere.

Malgré ces jalons, la question n'avançait guère, et il faut arriver en 1867 pour la trouver enfin clairement et catégoriquement posée par deux chirurgiens publiant sans aucune entente préalable, en Angleterre et en France, deux notes courtes et substantielles, attestant les mêmes préoccupations et une direction identique dans leurs recherches.

En juillet et août, le journal the Lancet insère trois leçons cliniques de l'illustre sir James Paget. Elles sont intitulées: The various risks of operations, et indiquent l'issue la plus commune des tentatives chirurgicales suivant l'état de santé antérieur des sujets. Les catégories établies sont nombreuses, et à propos de chacune d'elles Paget ne fût-ce qu'en quelques lignes, rapporte ce qu'il a observé.

La même année, au mois d'août également, je lus, au premier congrès médical international tenu à Paris, une note dont le titre révèle nettement le but et les tendances: Des conditions organiques des blessés; de l'influence des états diathésiques sur le résultat des opérations chirurgicales.

Depuis cette époque, des deux côtés de la Manche ces études ont éte poursuivies sans relâche; en Angleterre d'abord par James Paget et ses disciples; en France, Péronne, Cauchois, Eugène et Louis-Henri Petit, Moriez, Berger et d'autres encore de mes disciples, m'assistent et accumulent les matériaux; chaque jour, le dossier s'accroît et le procès s'instruit, et, bien que l'heure de la généralisation et de la synthèse n'ait pas encore sonné, on peut néanmoins accepter comme vraies les propositions suivantes :

1o La terminaison des blessures accidentelles ou chirurgicales est dominée par l'état constitutionnel du sujet vulnéré.

2o Les maladies antérieures à l'opération modifient souvent d'une façon fâcheuse la marche du trauma opératoire et favorisent notablement par là l'invasion des accidents et complications traumatiques.

30 Fréquemment, à son tour, le trauma opératoire agit sur la maladie constitutionnelle, la provoque quand elle est en germe, la rallume quand elle est éteinte, accélère son évolution progressive et surtout aggrave infinement ses localisations anciennes.

4o Bref, toutes choses égales d'ailleurs et les influences de milieu mises de côté, le pronostic des opérations est toujours plus grave chez les diathésiques que chez les sujets saints; il est toujours incertain, sérieux, difficile à porter, rien ne pouvant faire prévoir sûrement ni les déviations possibles du processus traumatique, ni le retentissement funeste du traumatisme sur les lieux de moindre résistance créés à l'avance par la maladie constitutionnelle.

En face de ce sombre pronostic, il reste à déterminer quelle doit être la conduite du praticien. Devra-t-il considérer toutes les maladies constitutionnelles comme des contre-indications à l'emploi de la thérapeutique opératoire? Ira-t-il refuser à tous les diathésiques les bienfaits de la chirurgie armée? Laissera-t-il un scrofuleux s'épuiser par l'abondance de la suppuration? N'ouvrira-t-il pas l'abcès d'un rhumatisant et ne débridera-t-il pas l'anthrax d'un diabétique? Renoncera-t-il à prévenir par une extirpation précoce et largement faite la généralisation probable d'un néoplasme? Laissera-t-il suivre tranquillement sa marche à la septicémie aiguë née à la suite de l'écrasement d'un membre? Se croisera-t-il les bras devant l'étranglement herniaire, les hémorrhagies, les rétentions, en un mot devant tous les cas d'urgence qui, aussi bien que les gens robustes, atteignent les invalides, quelquefois même les cachectiques?

L'abstention érigée ainsi en principe équivaudrait presque à une abdication de la chirurgie. Notons en effet que, si sur 100 blessés par accident, les

quatre cinquièmes peuvent être sains et exempts de toute tare organique, la proportion inverse se rencontre d'ordinaire chez ceux que nous soumettons à des opérations préméditées, par la raison que l'immense majorité de nos entreprises chirurgicales sont précisément opposées à des affections locales symptomatiques d'une maladie constitutionnelle, qu'en d'autres termes le plus grand nombre de nos opérés sont des malades que nous blessons volontairement pour les guérir.

D'ailleurs, en acceptant comme démontrée la gravité plus grande du pronostic chez les diathésiques, il convient en toute justice d'établir des catégories et de ne pas appliquer à tous les cas ce qui n'a trait qu'a certains d'entre

eux.

En effet, trois choses peuvent arriver. D'abord l'affection constitutionnelle et le trauma peuvent évoluer parallèlement, sans s'influencer le moins du monde; le diathésique supporte le choc absolument comme s'il était sain; la plaie de son côté présente une marche régulière et classique. Ces cas heureux ne sont pas très rares; nous commençons à les prévoir, et bientôt sans doute nous arriverons à en augmenter la proportion.

En second lieu, l'influence du trauma sur la maladie constitutionnelle n'est pas toujours défavorable, bien au contraire, car l'affection locale peut être tout aussi bien la cause que l'effet de la maladie générale; en ce cas, sa suppression exerce sur le rétablissement de la santé l'action la plus prompte et la plus décisive. C'est ainsi par exemple que nos opérations agissent si efficacement contre la septicémie chronique.

Enfin, alors même que l'influence simple ou réciproque du trauma sur la propathie s'exerce d'une manière fâcheuse, les actions morbides qui en résultent ne sont pas toujours bien redoutables.

J'ai vu une opération rappeler l'attaque de goutte chez les goutteux, l'inflammation articulaire chez les rhumatisants, l'accès intermittent chez les paludiques, le delirium tremens chez les dipsomanes. J'ai vu réciproquement le processus traumatique diversement troublé. Chez les dartreux, j'ai constaté l'herpès de la plaie, chez le rhumatisant la névralgie traumatique précoce, chez le paludique les hémorrhagies secondaires périodiques, chez le cardiaque l'oedéme de la région blessée et des suintements sanguins en quelque sorte passifs, mais difficiles à arrêter. Chez le syphilitique et le scrofuleux, les membranes granuleuses à peine constituées prennent mauvais aspect.

Mais on n'est point désarmé contre ces accidents, et soit qu'on les prévoie, soit qu'on en reconnaisse à temps la cause et la nature, on y remédie assez facilement pour ne point s'en alarmer outre mesure et surtout pour ne pas se laisser arrêter par eux quand il s'agit de combattre avec l'énergie nécessaire des affections beaucoup plus redoutables et menaçantes.

Certainement, les réactions suscitées chez les diathésiques par les traumas chirurgicaux sont parfois mortelles, mais il faut en affronter résolument les chances quand un danger plus grand encore menace la vie.

Ainsi donc, il est bien entendu que même chez les diathésiques les opérations

sont :

Permises, quand elles n'aggravent pas la maladie antérieure et quand celle-ci ne fait qu'entraver sans l'empêcher la guérison du trauma opératoire ;

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