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<< sentiments; cessant d'être compris dans une classe de citoyens << honnêtes et recommandables (1), mais livrés à un commerce « qui n'exige pas, comme votre art, des études profondes. « Vous étendrez vos connaissances; par vos sages leçons vous «<les perpétuerez, et vous jouirez d'un avantage plus grand en« core que celui dont Sa Magesté vous a honoré, celui d'être « utile à vos concitoyens. »>

L'auteur de l'histoire des apothicaires (2) ne dit-il pas « L'opinion publique attache au mot pharmacien l'idée d'une << profession libérale, utile et noble, qui suppose des connais<< sances au-dessus de la routine mercantile. Un pharmacien n'a « pas de boutique, mais il ouvre au public son officine; les for<< mules magistrales ne sont plus des ordonnances exécutées par « des garçons apothicaires, mais des prescriptions préparées « par des élèves en pharmacie. »

Que M. Mangin veuille donc bien se souvenir, dans ses futures appréciations, que ce furent ces apothicaires, qu'il semble mépriser, qui répondirent au cri d'alarme de notre patrie, en lutte contre l'Europe coalisée, déchirèrent un coin du voile sous lequel s'abrite la science, la forcèrent à lui livrer ses secrets, et firent jaillir de notre sol les matériaux propres à suppléer aux produits exotiques.

Il y a quelques jours, dans une réunion solennelle, M. le recteur de l'Académie de Strasbourg, après avoir rappelé les services rendus aux arts, à l'industrie, à l'hygiène, à la santé publique par la pharmacie, nous disait, en terminant, que chaque fois qu'il passait devant une officine, il ressentait une certaine émotion en songeant que, derrière ce comptoir, se trouvait un savant modeste, dont les travaux favorisaient souvent notre in

(1) La corporation des épiciers.

(2) Histoire des apothicaires, par le docteur Philippe.

dustrie, contribuaient à augmenter le bien-être de nos populations; un philantrope qui, après avoir pansé les blessures d'une victime de ces accidents qui, journellement, se produisent sur la voie publique, oublie toujours de réclamer ses honoraires, et souvent est oublié par le blessé guéri.

Quoi qu'en dise notre contradicteur, lorsqu'une profession s'appuyant sur un passé glorieux, regarde l'avenir sous la direction d'hommes tels que Soubeyran, Robiquet, Bussy, Chevallier, Caventou, Guibourt, Filhol, Dorvault, etc.. il est permis de sacrifier au péché d'orgueil, en rappelant à M. Arthur Mangin les services rendus par la pharmacie, surtout lorsque ces services sont proclamés par des hommes dont l'opinion désintéressée fait loi...

On a parlé, et l'on parle encore de l'état de servitude de la pharmacie vis-à-vis des médecins. A notre époque, où il n'y a pas de sots métiers, où c'est l'homme qui honore la profession, on ne devrait plus employer ses arguments, et chercher à faire renaître d'anciennes querelles, qui tendent à s'effacer. Raisonner ainsi, au XIXe siècle, c'est faire de la fausse économie politique; d'autant plus que le public a toujours été victime de cette ridicule rivalité. Aujourd'hui, le médecin intelligent qui, plus que tout autre, connaît et apprécie les études universitaires et pharmaceutiques exigées du candidat en pharmacie, abdique sans regret tout sentiment de domination sur le pharmacien, esclave des devoirs que lui impose sa profession. A ce sujet, qu'il me soit permis de rappeler ici qu'en 1816, en vertu d'une ordonnance royale sur la pharmacie militaire, l'égalité entre les médecins, les chirurgiens et les pharmaciens fut reconnue; ils eurent les mêmes droits et les mêmes prérogatives, sans qu'aucun d'eux pût prétendre à une préséance particulière.

On nous reproche de vouloir étendre l'enseignement pharmaceutique, et l'on prétend que, dans nos écoles, cet enseignement

sera dans cinquante ans ce qu'il est aujourd'hui. J'admets la critique; mais celui qui l'exerce doit surtout éviter le ridicule. L'art pharmaceutique met à contribution, emprunte pour ses opérations les données que lui fournissent les sciences chimiques, physique, botanique, zoologique, géologique, minéralogique, etc.; que penser d'un rédacteur d'un journal d'économie politique qui croit que l'exercice de cet art peut être confié à tous, que l'enseignement de cette profession ne doit jamais progresser?...

Dans son ouvrage des révolutions de la médecine, Cabanis nous dit «Que ce n'est pas en lisant qu'on apprend la chimie << et la pharmacie; c'est en voyant opérer et en opérant soi« même, en familiarisant ses yeux et ses mains avec les objets << destinés aux opérations... » Le même auteur ajoute autre part: « Que dans cette profession (la pharmacie), la probité n'a d'autres « surveillants qu'elle-même. » N'est-il pas préférable de choisir, pour l'exercice de la pharmacie, des gens qui auront été mis en garde contre les séductions de la cupidité par une éducation et une instruction sérieuses.

Du reste, est-ce un crime de demander à élever le niveau de nos études? Pourquoi la pharmacie resterait-elle stationnaire, lorsque les professions les plus humbles tendent à s'instruire? Pourquoi la pharmacie ne prendrait-elle pas part au mouvement littéraire et scientifique de son époque? Que M. Mangin veuille bien suivre, pendant quelque temps, les cours de nos études, et il regrettera, j'en suis convaincu, le jugement porté sur elle, et il modifiera son opinion sur la pharmacie.

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Enfin, Maître, l'auteur, à la fin de sa brochure, emploie vis-àvis de moi le mot curieux, qui, dans cette circonstance, est synonyme de ridicule. Je m'en console, en me rappelant cette pensée de Bacon: « Que l'homme dédaigne ceux qui soulagent

ses maux et respecte ceux qui les multiplient (Essais, tome 1).

Agréez, cher Maître, l'affectueux hommage de votre élève,
Abel POIRIER fils.

ALTÉRATIONS ET FALSIFICATIONS.

NOUVEAU MOYEN POUR RECONNAÎTRE LA PURETÉ DES HUILES.

C'est de Londres que nous vient ce nouveau procédé pour reconnaître la pureté des huiles, et, bien qu'il soit dû à un pharmacien de cette grande cité, disons tout d'abord qu'il n'a rien de chimique ni de pharmaceutique, il est le résultat de l'observation d'un phénomène physique passé inaperçu jusqu'ici; selon nous, ce moyen brille plus par son originalité que par son exactitude.

M. Tomlinson, son auteur, dit qu'il est basé sur l'action des forces de cohésion, d'adhésion et de diffusion.

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Il consiste à laisser tomber une goutte de l'huile que l'on veut essayer sur de l'eau. - La force d'adhésion tend à faire étendre l'huile en une pellicule très-mince sur toute la surface de l'eau : la force de cohésion, qui réunit les molécules de l'huile, combat cette tendance, et de l'antagonisme de ces deux forces résultent des dessins. M. Tomlinson dit qu'ils sont différents, et il pense qu'ils doivent l'être pour chaque huile, car il n'admet pas que deux composés chimiques différents soient doués des mêmes propriétés physiques.

C'est en cherchant un moyen de reconnaître la pureté de l'huile de ricin, que le pharmacien anglais a été conduit à la découverte de ce procédé physique. Il avait remarqué (ce qui d'ailleurs avait été signalé avant lui) que la dissolution de l'huile de ricin dans l'alcool était tout à fait insuffisante pour reconnaître sa sophistication, parce que cette huile possède la

singulière propriété de favoriser la dissolution dans l'alcool d'huiles qui, isolément, y sont complétement insolubles.

Pour faire l'expérience, on prend un verre conique de 10 centimètres de diamètre. On lave ce verre, d'abord avec de l'acide sulfurique concentré, puis avec de l'eau. On le lave ensuite avec de la soude caustique, et on finit par le laver avec de l'eau, car la grande propreté du verre est une condition de succès. I ne faut pas essuyer le verre avec un linge.

On remplit le verre d'eau distillée ou d'eau de rivière chauffée à 15 ou 16 degrés centigrades.

D'autre part, on prend une baguette de verre, nettoyée comme le verre, avec les mêmes précautions, on la plonge dans l'huile que l'on veut essayer, et l'on en fait tomber une goutte au milieu de l'eau d'une hauteur de 2 à 3 millimètres, pour éviter que l'huile soit projetée contre les parois du vase.

L'huile, en s'étalant, produit un dessin qui dure quelquefois plusieurs heures, qui, souvent aussi, disparaît promptement pour faire place à un disque incolore.

La figure formée par l'huile de ricin offre de magnifiques cercles concentriques irisés, terminés par une couronne extérieure argentée, qui se résout en un dessin d'une extrême fi

nesse.

Si l'huile de ricin est mélangée avec une autre huile, telle que l'huile de lard, elle offre un dessin de dentelles parsemé d'un grand nombre de petites taches.

L'huile de croton donne lieu à une belle figure à dessins larges. M. Tomlinson dit que ces dessins permettraient de reconnaître 5 pour 100 d'huile de croton dans l'huile de ricin. Il nous semble difficile que cette fraude existe, le prix élevé de l'huile de croton ne permet pas d'admettre une pareille sophistication.

M. Tomlinson ajoute que chaque huile présente un dessin différent, et que le mélange d'huiles se traduit par une figure

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