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DISCOURS du Président d'Haiti, à l'Ouverture de la Chambre des Représentants.-Port-au-Prince, le 27 Avril, 1863.

CITOYENS REPRESENTANTS,

A LA clôture de la dernière session, des débats animés soulevés dans cette enceinte, par de fâcheux incidents, avaient laissé les esprits sous l'impression d'une vive émotion et d'appréhensions irréfléchies.

Cette impression n'a duré qu'un moment, nos ennemis n'ont pas eu le temps de s'en réjouir. La raison publique, imposant silence aux passions, avec la reflexion le calme s'est bien vite rétabli.

Je n'ai point partagé cette émotion; convaincu que mon passé devait être la garantie de l'avenir, fort de la droiture de mes intentions, toujours fidèle à la ligne de conduite que je me suis imposée aux appréhensions exagérées j'ai opposé des faits.

J'avais à opter entre deux partis: accepter des démissions qui m'étaient offertes ou prononcer la dissolution de la Chambre des Représentants; mettant de côté les considérations personnelles, et ne prenant conseil que de mes propres inspirations, j'ai choisi celui de ces deux partis qui m'a semblé le plus favorable au bien public.

Aujourd'hui, avec une Constitution qui consacre et la pondération des pouvoirs et la responsabilité ministérielle, les révolutions ne sont plus possibles.

Je connais mes devoirs, et je n'ignore pas mes droits. Ces devoirs je les observerai religieusement, tels qu'ils me sont tracés par cette Constitution que nous avons tous juré de respecter; mais aussi je n'hésiterai pas à maintenir avec fermeté, en toute circonstances et pour le bonheur du peuple qui m'a élu, les droits qu'elle me confère.

Je devais à la dignité de mon caractère de faire précéder de ces explications franches et loyales, l'exposé suivant des faits les plus importants qui se sont accomplis depuis la clôture de vos derniers travaux parlementaires.

Elles étaient surtout nécessaires pour établir sous son vrai jour le point de départ de cette période, et en même temps pour empêcher les esprits de s'égarer à l'avenir.

A l'extérieur, nos relations avec les puissances étrangères n'ont pas cessé d'être amicales. De vieilles préventions, fruit d'une politique conseillée par la défiance, et habilement exploitées par les ennemis de notre race, existaient contre nous; devant la politique simple et droite pratiquée par mon Gouvernement ces préventions ont disparu.

La dignité d'un Etat dépend de la loyauté et de la sincérité de sou Gouvernement dans les relations internationales, comme de la

probité et de l'honnêteté dans les rapports privés dépend la considération du citoyen.

Le Gouvernement des Etats-Unis a reconnu récemment la souveraineté de l'Etat d'Haïti. Cette reconnaissance donnera sans nul doute une nouvelle impulsion aux transactions commerciales entre les deux pays. Les autres conséquences de ce grand acte appartiennent à l'avenir.

Des esprits positifs, amis de notre pays, prétendent que le droit exclusif de propriété, réservé aux seuls descendants de la race Africaine, en Haïti, considéré naguère comme une garantie de notre indépendance est devenu aujourd'hui un obstacle réel au développement de notre prospérité. Cette question, dont la solution appartient aussi à l'avenir, mais à un avenir qui peut être prochain, mérite dès à présent, une sérieuse attention de la part des réprésentants du pays. Nous devons nous préparer à la résoudre.

La question de territoire qui s'est élevée, au commencement de l'année dernière, entre nous et le Gouvernement de S. M. la Reine d'Espagne, est l'objet de négociations: nous avons l'espoir qu'elle pourra être résolue à la satisfaction des deux parties.

J'ai institué deux nouvelles légations, l'une près la cour de Madrid et l'autre près le Gouvernement des Etats-Unis. Vous donnerez, je l'espère, votre approbation à la création de ces deux postes diplomatiques, dont l'importance n'a pas besoin d'être démontrée, en votant les crédits nécessaires pour leur maintien.

Dans la vue d'étendre et de faciliter nos rapports commerciaux, de protéger nos nationaux à l'étranger et d'assurer les revenus de nos douanes, j'ai créé aussi des Consulats dans plusieurs ports, en Allemagne, en France, en Irlande, en Angleterre et en Italie. Ces charges tout à la fois utiles et honorifiques n'occasionneront aucune dépense au trésor public.

Depuis 3 ans la cour de Rome témoignait le désir de voir exécuter le concordat signé le 18 Mars, 1860. Deux prélats, délégués du Saint-Père, étaient venus successivement, en 1861, et en 1860, offrir pour cette exécution, le concours du Saint-Siége. D'un autre côté, l'immense majorité des populations Haïtiennes qui professe la religion Catholique la solicitait avec une vive impatience.

Déja, le concordat et les conventions annexées avaient fixé les conditions de l'institution canonique du nouveau clergé; il ne restait plus, pour donner satisfaction à ces vœux, qu'à déterminer le mode d'administration du temporel. Un projet de loi sur cet objet présenté au Corps Législatif dans la dernière session, discuté par la Chambre des Représentants, n'avait pas pu être voté par le Sénat.

Retarder plus longtemps l'exécution d'un Traité si solennelle

ment signé et revêtu de la sanction législative, c'eût été exposer le Gouvernement à être accusé d'une coupable indifférence, peut-être même d'arrière-pensée.

Ce sont ces considérations qui m'ont porté à signer l'arrêté du 1er Septembre, 1862, sur l'administration des Fabriques. Ai-je besoin de rappeler ici que cet arrêté n'a point établi un état de choses définitif; et que vos droits législatifs ont été implicitement réservés ? Néanmoins autour de cet acte se sont élevées de sourdes clameurs plus passionnées que réfléchies, ces clameurs expireront à vos pieds.

Hâtons-nous de faire disparaître de notre sol ces derniers vestiges de la barbarie et de l'esclavage: la superstition et ses honteuses pratiques. Accorder à la vraie religion, auxiliaire indispensable de l'éducation morale du peuple, une légitime influence, sans diminuer celle non moins légitime du pouvoir civil, sans amoindrir les garanties nécessaires à la liberté de conscience, tel est le but que nous devons nous proposer.

Vous examinerez avec le calme et la prudence que comporte un aussi grave sujet, l'arrêté du ler Septembre, 1862, sans vous préoccuper de la forme, et si vous trouvez qu'il contient suffisamment ces principes, vous lui donnerez force de loi par un vote approbatif.

La situation intérieure n'est pas moins satisfaisante. Voulant m'assurer par moi-même des besoins des communes et des améliorations à réaliser pour le développement des travaux agricoles, j'ai visité le département du Nord, celui de l'Artibonite et l'arrondissement de Jacmel: partout j'ai constaté les bons sentiments du peuple et ses aspirations pour le progrès.

Cette situation m'a permis d'inaugurer la nouvelle année par de nouveaux actes de clémence. La clémence est un des attributs de la force, comme l'énergie dans la répression est une nécessité sociale. Un gouvernement qui sait faire usage de l'une et de l'autre, sans hésitation, affirme et consolide son pouvoir.

L'état financier du pays s'est amélioré d'une manière sensible. Vous en jugerez par les mesures déjà adoptées et celles proposées par le Secrétaire d'Etat des Finances, dans les rapports qui vous seront remis.

Il reste sans doute beaucoup à faire encore pour que le crédit de la République repose sur des bases solides, mais, du moins, je puis affirmer aujourd'hui, sans crainte d'être démenti, que l'ordre et la régularité règnent dans nos finances, et que la confiance publique existe.

La réorganisation de l'armée et de la marine a été mise à l'étude, le Gouvernement vous demandera de consacrer par un acte législatif les reformes qui lui seront indiquées et qu'il est bien résolu à introduire dans notre système militaire.

Le projet de loi sur les Conseils communaux sera de nouveau présenté au Corps Législatif.

D'une autre part, vous jugerez sans doute à propos de modifier la loi sur la police des campagnes, car l'expérience a démontré que quelques unes de ses dispositions sont d'une application sinon impossible, du moins fort difficile, et que d'autres pourraient être d'une pratique plus simple et moins onéreuse au trésor public au moyen de changements qui seront indiqués.

J'appelle particulièrement votre sérieuse attention sur ces points importants de l'administration intérieure. Vous trouverez le Gouvernement toujours disposé à accueillir favorablement les propositions qui tendront à concilier les principes d'une sage liberté avec la surveillance tutélaire du pouvoir exécutif.

Les économies pratiquées dans divers services permettront d'appliquer une plus large part des revenus aux travaux publics, et surtout aux voies de communication.

Je vous recommande aussi, Messieurs, les crédits qui vous seront demandés pour établir une plus juste rémunération des services rendus à l'Etat par les fonctionnaires publics; à cet égard, vous prendrez en considération l'augmentation récente du prix des choses de première nécessité, augmentation occasionnée par l'état de guerre d'un pays voisin et d'autres circonstances générales.

Si les résultats obtenus n'ont pas entièrement répondu aux sacrifices que nous nous sommes imposés pour favoriser l'immigration, vous reconnaîtrez que cela tient à des causes indépendantes de notre volonté et à des difficultés qui avec le temps pourront être applanies. Je pense que nous n'en devons pas moins persister dans nos efforts, en profitant de l'expérience acquise.

Quant aux autres améliorations projetées ou en cours d'exécution dans les diverses branches de l'administration, j'en ai déjà donné un aperçu à l'occasion de la fête de notre glorieuse indépendance. Je n'insisterai pas ici sur ces détails qui seront developpés dans l'exposé de la situation générale qui sera mis sous vos yeux par Messieurs les Secrétaires d'Etat.

Augmenter le bien-être du peuple par l'enseignement et le travail; accroître la prospérité du pays par le développement progressif de ses richesses et en encourageant l'agriculture, le commerce et l'industrie, tel est le but constant de tous mes efforts.

J'ai rencontré dans la voie déjà parcourue bien des difficultés, bien des obstacles; j'ai eu à lutter contre des préventions injustes, des défiances, des ambitions déçues, et même contre des passions haineuses et des trahisons. Si j'ai tout surmonté c'est grâce à la protection Divine; c'est grâce à mes convictions profondes, à ma foi dans l'avenir et à ma confiance absolue dans le bon sens du peuple.

On ne doit pas oublier que le 22 Décembre, 1858, j'ai refusé la dictature et j'ai préféré associer les grands corps de l'Etat à l'œuvre glorieuse de la régénération du pays. Je compte encore sur leur loyal concours. Evitons les conflits stériles qui entretiennent l'agitation et l'alarme dans les esprits, paralysent les entreprises commerciales et industrielles et détournent du travail les forces vives de la nation.

Continuons notre marche dans le progrès, sans trop de précipitation, mais avec persévérance et fermeté, et en consolidant par un commun accord, nos institutions républicaines, assurons le bonheur de la patrie.

Je déclare ouverte la deuxième session de la dixième législature.

DISCOURS du Président de Hayti, à l'Ouverture des Chambres. Port-au-Prince, le 7 Septembre, 1863.

MESSIEURS LES SENATEURS,

MESSIEURS LES REPRESENTANTS,

SANS un accord complet entre le Pouvoir Exécutif et les Représentants légaux de la nation, le développement de nos institutions est une œuvre impossible. Malheureusement tous les Représentants du peuple de la dixième Législature n'ont pas su se pénétrer de cette pensée; malgré tous mes efforts pour maintenir cet accord, malgré les preuves multipliées de modération et de patience que j'ai données pendant le cours des deux sessions de cette Législature, ils m'ont placé, par une opposition aveugle et systématique, dans la pénible nécessité de prononcer la dissolution de la Chambre.

Les causes de cette dissolution sont bien connues; je ne reviendrai pas sur le passé; je préfère vous entretenir des intérêts importants qui nous sont confiés. Un temps précieux s'est écoulé dans des discussions sans résultat utile. Le pays attend avec une légitime impatience les réformes et les améliorations qui lui ont été promises. C'est à vous, nouveaux mandataires du peuple, c'est à vous, MM. les Sénateurs, à me prêter un loyal et sincère concours pour justifier la confiance de la nation; ce concours, indispensable au bonheur du pays, je viens vous le demander à tous, au nom de la patrie. Les luttes politiques de personnes et d'amourpropre, en créant un antagonisme stérile; ne peuvent qu'entraver la marche des affaires publiques et devenir fatales à la liberté et à notre indépendance. Sortons de la voie funeste des agitations et des conflits, sinon nos forces s'useront, et les autres nations dont nous avons su captiver l'attention et les sympathies, nous accuseront d'impuis

sance.

Messieurs, je suis heureux de vous annoncer la continuation des

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