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EXTRAIT

DES REGISTRES DU SÉNAT CONSERVATEUR du mercredi

6 AVRIL 1844.

Le Sénat conservateur, délibérant sur le projet de constitution qui lui a été présenté par le gouvernement provisoire, en exécution de l'acte du Sénat du 1er de ce mois,

DÉCRÈTE CE QUI SUIT :

ARTICLE PREMIER.

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Le gouvernement français est monarchique et

héréditaire de mâle en mâle par ordre de primogéniture.

ART. 2. Le peuple appelle librement au trône de France LouisSTANISLAS-XAVIER DE FRANCE, frère du dernier Roi, et après lui les autres membres de la maison de Bourbon, dans l'ordre ancien.

ART. 3.

La noblesse ancienne reprend ses titres. La nouvelle conserve les siens héréditairement. La Légion d'honneur est maintenue avec ses prérogatives. Le Roi déterminera la décoration.

ART. 4.
ART. 5.

-

Le pouvoir exécutif appartient au Roi.

Le Roi, le Sénat et le Corps législatif concourent à la formation des lois.

Les projets de lois peuvent être également proposés dans le Sénat et dans le Corps législatif.

Ceux relatifs aux contributions ne peuvent l'être que dans le Corps législatif.

Le Roi peut inviter également les deux Corps à s'occuper des objets qu'il juge convenable.

La sanction du Roi est nécessaire pour le complément de la loi. ART. 6. Il y a cent cinquante sénateurs au moins et deux cents au plus.

Leur dignité est inamovible et héréditaire de mâle en mâle par primogéniture. Ils sont nommés par le Roi.

Les sénateurs actuels, à l'exception de ceux qui renonceraient à la qualité de citoyen français, sont maintenus et font partie de ce nombre. La dotation actuelle du Sénat et des sénatoreries leur appartient. Les revenus en sont partagés également entre eux, et passent à leurs successeurs. Le cas échéant de la mort d'un sénateur sans postérité masculine directe, sa portion retourne au trésor public. Les sénateurs qui seront nommés à l'avenir ne peuvent avoir part à cette dotation.

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ART. 7. Les princes de la famille royale et les princes du sang sont de droit membres du Sénat.

On ne peut exercer les fonctions de sénateur qu'après avoir atteint l'âge de majorité.

ART. 8.

Le Sénat détermine les cas où la discussion des objets

qu'il traite doit être publique ou secrète.

ART. 9.

Chaque département nommera au Corps législatif le même nombre de députés qu'il y envoyait.

Les députés qui siégeaient au Corps législatif, lors du dernier ajournement, continueront à y siéger jusqu'à leur remplacement. Tous conservent leur traitement.

A l'avenir ils seront choisis immédiatement par les colléges électoraux, lesquels sont conservés, sauf les changements qui pourraient être faits par une loi à leur organisation. La durée des fonctions des députés au Corps législatif est fixée à cinq années. Les nouvelles élections auront lieu pour la session de 1816.

ART. 10. Le Corps législatif s'assemble de droit chaque année le 1er octobre.

Le Roi peut le convoquer extraordinairement; il peut l'ajourner, il peut aussi le dissoudre; mais dans ce dernier cas, un autre Corps législatif doit être formé au plus tard dans les trois mois par les collèges

électoraux.

ART. 11.

Le Corps législatif a le droit de discussion. Les séances sont publiques, sauf le cas où il juge à propos de se former en comité général.

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ART. 12. Le Sénat, le Corps législatif, les colléges électoraux et les assemblées de canton élisent leur président dans leur sein.

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ART. 13. Aucun membre du Sénat ou du Corps législatif ne peut être arrêté sans une autorisation préalable du corps auquel il appartient. Le jugement d'un membre du Sénat ou du Corps législatif accusé appartient exclusivement au Sénat.

ART. 14.

Les ministres peuvent être membres soit du Sénat, soit du Corps législatif.

ART. 15. L'égalité de proportion dans l'impôt est de droit. Aucun impôt ne peut être établi ni perçu s'il n'a été librement consenti par le Corps législatif et par le Sénat. L'impôt foncier ne peut être établi que pour un an. Le budget de l'année suivante et les comptes de l'année précédente sont présentés chaque année au Corps législatif et au Sénat à l'ouverture de la session du Corps législatif.

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Le Roi déterminera le mode et la quotité du recrutement

ART. 17. L'indépendance du pouvoir judiciaire est garantie. Nul ne peut être distrait de ses juges naturels.

L'institution des jurés est conservée, ainsi que la publicité des débats en matière criminelle.

La peine de la confiscation des biens est abolie.

Le Roi a le droit de faire grâce.

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ART. 18. Les cours et tribunaux ordinaires actuellement existants sont maintenus leur nombre ne pourra être diminué ni augmenté qu'en vertu d'une loi. Les juges sont à vie et inamovibles, à l'exception

:

des juges de paix ei ue commnerce. Les commissions et les tribunaux extraordinaires sont supprimés et ne pourront être rétablis.

ART. 19. La cour de cassation, les cours d'appel et les tribunaux de première instance proposent au Roi trois candidats pour chaque place de juge vacante dans leur sein. Le Roi choisit l'un des trois. Le Roi nomme les premiers présidents et le ministère public des cours et des tribunaux.

ART. 20. Les militaires en activité, les officiers et soldats en retraite, les veuves et les officiers pensionnés conservent leurs grades, leurs honneurs et leurs pensions.

ART. 21. La personne du Roi est inviolable et sacrée. Tous les actes du gouvernement sont signés par un ministre.

Les ministres sont responsables de tout ce que ces actes contiendraient d'attentatoire aux lois, à la liberté publique et individuelle, et aux droits des citoyens.

ART. 22.

La liberté des cultes et des consciences est garantie. Les ministres des cultes sont également traités et protégés.

ART. 23. - La liberté de la presse est entière, sauf la répression légale des délits qui pourraient résulter de l'abus de cette liberté. Les commissions sénatoriales de la liberté de la presse et de la liberté individuelle sont conservées.

ART. 24. La dette publique est garantie.

ART. 25.

Les ventes des domaines nationaux sont irrévocablement maintenues. Aucun Français ne peut être recherché pour les opinions ou les votes qu'il a pu émettre.

ART. 26. Toutes personnes ont le droit d'adresser des pétitions individuelles à toute autorité constituée.

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ART. 27. Tous les Français sont également admissibles à tous les emplois civils et militaires.

ART. 28. Toutes les lois actuellement existantes restent en vigueur jusqu'à ce qu'il y soit légalement dérogé. Le code des lois civiles sera intitulé Code civil des Français.

ART. 29. - La présente Constitution sera soumise à l'acceptation du peuple français dans la forme qui sera réglée. Louis-Stanislas-Xavier sera proclamé Roi des Français aussitôt qu'il l'aura jurée et signée par un acte portant: « J'accepte la Constitution; je jure de l'observer et de la faire observer. » Ce serment sera réitéré dans la solennité où il recevra le serment de fidélité des Français.

CHARTE CONSTITUTIONNELLE.

LOUIS, par la grâce de Dieu, roi de France et de Navarre, à tous ceux qui ces présentes verront: Salut.

La divine Providence, en nous rappelant dans nos États après une

longue absence, nous a imposé de grandes obligations. La paix était le premier besoin de nos sujets, nous nous en sommes cccupé sans relâche, et cette paix si nécessaire à la France comme au reste de l'Europe est signée. Une Charte constitutionnelle était sollicitée par l'état actuel du royaume; nous l'avons promise et nous la publions. Nous avons considéré que, bien que l'autorité tout entière résidât en France dans la personne du Roi, nos prédécesseurs n'avaient point hésité à en modifier l'exercice suivant la différence des temps; que c'est ainsi que les communes ont dû leur affranchissement à Louis le Gros, la confirmation et l'extension de leurs droits à saint Louis et à Philippe le Bel; que l'ordre judiciaire a été établi et développé par les lois de Louis XI,.d'Henri II et de Charles IX; enfin que Louis XIV a réglé presque toutes les parties de l'administration publique par différentes ordonnances dont rien encore n'avait surpassé la sagesse. Nous avons dù, à l'exemple des rois nos prédécesseurs, apprécier les effets du progrès toujours croissant des lumières, les rapports nouveaux que ces progrès ont introduits dans la société, la direction imprimée aux esprits depuis un demi-siècle, et les graves altérations qui en sont résultées. Nous avons reconnu que le vœu de nos sujets pour une Charte constitutionnelle était l'expression d'un besoin réel; mais en cédant à ce vou, nous avons pris toutes les précautions pour que cette Charte fût digne de nous et du peuple auquel nous sommes tier de commander. Des hommes sages, pris dans les premiers corps de l'État, se sont réunis à des commissaires de notre conseil pour travailler à cet important ouvrage.

En même temps que nous reconnaissions qu'une constitution libre et monarchique devait remplir l'attente de l'Europe éclairée, nous avons dû nous souvenir aussi que notre premier devoir envers nos peuples était de conserver, pour leur propre intérêt, les droits et les prérogatives de notre couronne. Nous avons espéré que, instruits par l'expérience, ils seraient convaincus que l'autorité suprême peut seule donner aux institutions qu'elle établit la force, la permanence et la majesté dont elle est elle-même revêtue; qu'ainsi, lorsque la sagesse des rois s'accorde librement avec le vœu des peuples, une Charte constitution- ' nelle peut être de longue durée; mais que quand la violence arrache des concessions à la faiblesse du gouvernement, la liberté publique n'est pas moins en danger que le trône même. Nous avons entin cherché les principes de la Charte constitutionnelle dans le caractère français et dans les monuments vénérables des siècles passés. Ainsi, nous avons vu dans le renouvellement de la pairie une institution vraiment nationale, et qui doit lier tous les souvenirs à toutes les espérances, en réunissant les temps anciens et les temps modernes. Nous avons remplacé par la Chambre des députés ces anciennes assemblées des Champs de Mars et de Mai, et ces chambres du tiers état, qui ont si souvent donné tout à la fois des preuves de zèle pour les intérêts du peuple, de fidélité et de respect pour l'autorité des rois. En cherchant ainsi à renouer la chaîne des temps que de funestes écarts avaient interrompue, nous avons

effacé de notre souvenir, comme nous voudrions qu'on pût les effacer de l'histoire, tous les maux qui ont affligé la patrie durant notre absence. Heureux de nous retrouver au sein de la grande famille, nous n'avons su répondre à l'amour dont nous recevons tant de témoignages qu'en prononçant des paroles de paix et de consolation. Le vœu le plus cher à notre cœur, c'est que tous les Français vivent en frères, et que jamais aucun souvenir amer ne trouble la sécurité qui doit suivre l'acte solennel que nous leur accordons aujourd'hui.

Sûr de nos intentions, fort de notre conscience, nous nous engageons, devant l'assemblée qui nous écoute, à être fidèle à cette Charte constitutionnelle, nous réservant d'en jurer le maintien avec une nouvelle solennité devant les autels de celui qui pèse dans la même balance les rois et les nations.

A ces causes, nous avons volontairement, et par le libre exercice de notre autorité royale, accordé et accordons, fait concession et octroi à nos sujets, tant pour nous que pour nos successeurs, et à toujours, de la Charte constitutionnelle qui suit :

DROITS PUBLICS DES FRANÇAIS.

ARTICLE PREMIER.

Les Français sont égaux devant la loi, quels que soient d'ailleurs leurs titres et leurs rangs.

ART. 2. - Ils contribuent indistinctement, dans la proportion de leur fortune, aux charges de l'État.

ART. 3. - Ils sont tous également admissibles aux emplois civils et militaires.

ART. 4. Leur liberté individuelle est également garantie, personne ne pouvant être poursuivi ni arrêté que dans les cas prévus par la loi et dans la forme qu'elle prescrit.

ART. 5. Chacun professe sa religion avec une égale liberté, et obtient pour son culte la même protection.

ART. 6. Cependant la religion catholique, apostolique et romaine, est la religion de l'État.

ART. 7. Les ministres de la religion catholique, apostolique et romaine, et ceux des autres cultes chrétiens, reçoivent seuls des traitements du trésor royal.

ART. 8. Les Français ont le droit de publier et de faire imprimer leurs opinions, en se conformant aux lois qui doivent réprimer les abus de cette liberté.

ART. 9. Toutes les propriétés sont inviolables, sans aucune exception de celles qu'on appelle nationales, la loi ne mettant aucune différence entre elles.

ART. 10. L'État peut exiger le sacrifice d'une propriété pour cause d'intérêt public légalement constaté; mais avec une indemnité préalable.

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