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question de savoir comment le temps de la prescription devra être compté, si entre l'institué et le substitué, l'un est domicilié sur les lieux, et l'autre hors du ressort de la cour royale de la situation de l'immeuble?

En admettant d'abord que ce soit l'héritier institué qui ait son domicile hors du ressort de la cour d'appel de la situation du fonds, la prescription ne pouvant être acquise contre lui que par la révolution de vingt ans, il pourra, même après la dix-neuvième année, ouvrir son action contre le tiers acquéreur et exercer péremptoirement sa revendication sur lui. Le fonds ainsi rentré entre les mains de l'héritier institué devra être rendu au substitué, lors de l'ouverture de la substitution, parce que l'obligation personnelle qui pèse à cet égard, sur l'héritier, reste tout entière; d'où il arrive que le substitué, quoique présent sur les lieux, n'aura pas perdu ses droits, par la raison qu'il devra profiter du moyen tiré de l'absence de l'autre, pour étendre le délai de la prescription à vingt ans.

Si l'on admet au contraire que ce soit le substitué qui ait son domicile hors du ressort de la situation de l'immeuble, il pourra de même agir pendant vingt ans, non pour revendiquer de suite le fonds, mais pour la conservation de ses droits, sauf à les faire valoir en exécution, lorsqu'il y aura ouverture à la substitution, par le décès de l'institué. Ici l'interruption de la prescription ne doit profiter qu'au substitué; et l'institué qui, présent sur les lieux, a gardé le silence pendant dix ans, doit rester déchu de tous ses droits, puisque la prescription est consommée à son égard.

SEPTIÈME QUESTION.

2160. Lorsqu'un fonds grevé d'usufruit a été vendu ▲ NON DOMINO, au profit d'un tiers qui en jouit et qui se trouve en voie de le prescrire, les actes interruptifs de la prescription, faits soit par le propriétaire, soit par l'usufruitier, mais par l'un d'eux

seulement, doivent-ils profiter à l'autre pour lui conserver ses droits?

Pour la solution claire et précise de cette question, il faut l'envisager successivement par rapport aux deux manières dont la prescription peut être interrompue.

La prescription peut être interrompue ou naturellement, ou civilement (2242). Il y a interruption naturelle, lorsque celui qui possède et qui est en voie de prescrire, se trouve privé, pendant plus d'un an, de la jouissance du fonds, par le fait d'un autre qui s'en est emparé. Dans ce cas, la prescription est nécessairement interrompue à l'égard de toutes les parties intéressées, puisque son cours est attaché au fait de la possession réelle et continue, et que là où la cause cesse, l'effet doit cesser aussi naturaliter interrumpitur possessio, cùm quis de possessione vi dejicitur, vel aliqui res eripitur, quo quasu non adversùs eum tantùm qui eripit, interrumpitur possessio; sed adversùs omnes. Nec eo casu quicquam interest is qui usurpaverit, dominus sic nec ne . Cette décision de loi romaine se trouve formellement consignée dans le code civil, qui porte qu'il y a interruption naturelle à la prescription, lorsque le possesseur est privé, pendant plus d'un an, de la jouisssance de la chose, soit par l'ancien propriétaire, soit même par un tiers (2243); d'où il résulte que, dans la question qui nous occupe, l'interruption naturelle, causée contre l'acquéreur dépossédé, soit par le fait du propriétaire, soit par celui de l'usufruitier seulement, conserve également les droits de l'un et de l'autre, puisque cette interruption peut généralement et pour tous, avoir lieu par le fait d'un tiers.

2161. L'interruption civile a lieu par l'effet d'une citation en justice, d'un commandement, ou d'une saisie, signifiés à celui qu'on veut empêcher de prescrire (2244). Cette espèce d'interruption n'est que dans le droit et non dans le fait, puisqu'elle n'emporte pas avec elle la priva

1 L. 5, ff. usucap., lib. 41, tit. 3.

tion actuelle de jouissance dans le possesseur : elle n'a lieu que par un acte civil; et comme, régulièrement parlant, ces actes n'opèrent leurs effets que dans l'intérêt des parties entre lesquelles ils interviennent, l'on a tiré de là la règle qu'en général, l'interruption civile n'a lieu que de la personne qui la cause, à la personne du possesseur qui est cité, à moins qu'il ne s'agisse d'un droit indivisible ou d'une créance solidaire (1199); ou qu'il n'y ait une telle corrélation d'intérêts entre eux, que l'action de l'un doive servir à l'autre. Toute la difficulté se réduit donc à savoir si les droits du propriétaire et de l'usufruitier sont dans une telle corrélation sur ce point, que l'action de l'un doive profiter à l'autre, sur quoi nous croyons qu'on doit adopter l'affirmative.

Supposons d'abord que ce soit le propriétaire qui agisse en revendication du fonds contre le tiers détenteur; le trouble éprouvé par ce dernier, sera nécessairement total et s'étendra au droit de jouissance, comme à celui de propriété, par rapport à l'indivisibilité de cause dans l'une et l'autre des parties.

2162. Dans la cause du demandeur, il y a indivisibilité ou plutôt il y a action in solidum, en ce sens, que la pleine propriété du fonds lui appartient; qu'il est en droit d'en jouir tant que l'usufruitier ne demande pas la jouissance de son legs, et qu'il est intéressé encore à revendiquer cette jouissance pour pouvoir acquitter sa dette personnelle à l'égard du légataire. Ainsi l'action du propriétaire, même en ne la considérant que dans son intérêt propre, ne laisse pas d'avoir toute la chose pour objet, d'où il résulte qu'elle doit nécessairement causer un trouble total dans la personne du défendeur.

Il y a aussi indivisibilité dans la cause du tiers possesseur qui est actionné, en ce que, jouissant à titre de maître, il

Voy. dans DUNOD, traité des prescriptions, p. 61; - dans FERRIÈRE, sur la coutume de Paris, art. 114, nos 11 et 12; dans VOET, ad pandec

tas, de usucapionib., no 20.

1 Voy. au chap, 54, sous le no 1545.

FIN DU

n'est pas possesseur du droit d'usufruit comme servitude, qui appartient à l'usufruitier il n'a qu'une possession unique; possession qui ne s'applique qu'au tout, et dans laquelle il suffit qu'il soit troublé pour que sa prescription commencée reste sans effet; attendu qu'on ne conçoit pas comment on pourrait avoir prescrit un droit d'usufruit, à titre de servitude, en possédant le fonds à titre de maître; ou, en d'autres termes, comment on pourrait acquérir par la prescription, une chose qu'on ne possède pas.

En un mot, le propriétaire qui a revendiqué le domaine de son fonds, et qui est débiteur personnel de l'usufruit envers l'usufruitier, n'en peut refuser la jouissance à celui-ci, tant qu'il n'y a pas trente ans de non-usage à lui opposer, d'où résulte la conséquence que la revendication de l'un doit directement profiter à l'autre.

2163. Supposons en second lieu que ce soit l'usufruitier qui agisse seul contre le tiers possesseur, la prescription sera aussi interrompue pour le tout et dans l'intérêt du propriétaire. Il y a encore ici, sous deux points de vue différens, indivisibilité ou connexité nécessaire dans les causes de l'usufruitier et du propriétaire :

1o En ce que l'usufruitier a la qualité de procurator in rem suam pour agir à l'effet de conserver, tant dans son intérêt que dans celui du propriétaire; qu'il est même, vis-à-vis de ce dernier, garant des suites de la prescription qu'il aurait laissé s'accomplir 2; d'où il résulte qu'il est en droit d'en interrompre le cours, pour le tout, puisqu'au moyen de la garantie dont il est menacé, l'action se trouve totalement dans son intérêt;

2o En ce que, quand l'usufruitier agit pour obtenir et obtient effectivement la jouissance de l'héritage, le propriétaire se trouve par là nécessairement réintégré lui-même dans sa possession, puisque l'un possède par le fait de l'autre.

Ainsi, quoique l'action de l'usufruitier ne relève pas le propriétaire à l'égard duquel la prescription est déjà consommée, elle lui profite néanmoins, lorsqu'il ne s'agit que d'en interrompre le cours.

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