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DE L'ÉTABLISSEMENT DU DROIT.

SECTION Ire.

DES DROITS PROPORTIONNELS.

TITRE Ier.

DE L'EXIGIBILITÉ.

IVe DIVISION.

DES DROITS DE MUTATION.

CHAPITRE IX.

DES CONVENTIONS PAR CONTRAT DE MARIAGE.

APPLICATION DE LA PREMIÈRE RÈGLE.

SOMMAIRE.

2829. Définition du contrat de mariage. 2830. Disposition du tarif et division.

2829. Les contrats de mariage sont les actes qui règlent la dot de la femme et tout ce qui s'y rapporte, soit dans le régime dotal, soit dans le régime de la communauté, les avantages faits à l'un des futurs conjoints ou aux deux, tels que les donations réciproques ou non, les gains de survie, les douaires conventionnels ou les rentes viagères qui en tiennent lieu, l'établissement, l'exclusion ou les différentes modifications de la communauté ou du régime dotal. Ces stipulations diverses sont comprises sous la dénomination générale de conventions matrimoniales (1).

2830. L'art. 68, § 3 1o, de la loi du 22 fri

(1) Toullier, t. 12, no 23. Add. Voy. Suppl., no 792.

CHAMPIONNIERE. 3.

maire soumet au droit fixe de 3 francs, porté à 5 francs par l'art. 45 2o de la loi du 28 avril 1816.

«Les contrats de mariage qui ne contien«nent que des déclarations de la part des fu«turs, de ce qu'ils apportent eux-mêmes en mariage et se constituent, sans aucune stipulation avantageuse entre eux.

La reconnaissance y énoncée, de la part du « futur, d'avoir reçu la dot apportée par la fu<«<ture, ne donne pas lieu à un droit particu«lier.

«Si les futurs sont dotés par leurs ascen«dants, ou s'il leur est fait des donations par « des collatéraux ou autres personnes non pa<< rentes, par leur contrat de mariage, les droits, « dans ce cas, sont perçus suivant la nature du bien, ainsi qu'ils sont réglés dans les § 4, 5 «et 8 de l'article suivant (2). »

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(2) Voy. infra, les dispositions relatives aux donations par contrat de mariage.

1

Ainsi la loi distingue deux sortes de disposi- | forme et dont les notaires ne s'écarten! pas votions dans le contrat de mariage, celles qui sont | lontiers, on y rencontre souvent des clauses qui relatives aux apports des futurs, et celles qui modifient les dispositions usitées. Il nous serait contiennent des donations par des ascendants impossible de prévoir toutes les stipulations collatéraux ou personnes non parentes. Nous que ces actes peuvent contenir, et qui sont dicsuivrons cette distinction dans l'examen de la tées par la position, le but, le caractère et autres loi, et nous nous occuperons successivement et causes déterminantes de la volonté des parties. en deux paragraphes des déclarations d'ap- La loi ne régit l'association conjugale, quant ports et des libéralités faites aux époux ou en- aux biens, qu'à défaut de conventions spéciales, que les époux peuvent faire comme ils le jugent à propos (art. 1587, C. civ.). Cependant elle a tracé diverses règles dans lesquelles elle a prévu les conditions les plus ordinaires et les modifications habituelles. Sous la dénomination de communauté légale, elle a réglé les droits respectifs des époux qui déclarent simplement se

tre eux.

§ Ier.

Des dispositions constitutives du con-
trat de mariage.

SOMMAIRE.

2831. Rapports sous lesquels les conventions entre époux marier sous le régime de la communauté, ou

peuvent être envisagées.

2832. Division du présent paragraphe.

2831. Les conventions entre époux ont pour effet ordinaire une transmission de l'un à l'autre; de ces transmissions, les unes sont affranchies du droit proportionnel, les autres y sont soumises; l'objet principal de ce chapitre est de les distinguer. L'examen de cette matière a cela de particulier, qu'il ne s'agit pas, comme nous avons eu à le faire jusqu'à présent, de rechercher le caractère d'un acte pour déterminer le droit proportionnel dont il est susceptible; mais, au contraire, de reconnaître quelles clauses appartiennent proprement au contrat, pour en conclure que ces clauses et leur exécution échappent à l'impôt.

qui se marient sans contrat, et sous celui de communauté conventionnelle, elle a parcouru les modifications le plus fréquemment apportées au système de la communauté légale, dont elle a fait le droit commun.

Le régime dotal a reçu ses règles particuliè res, plus impérieuses et moins susceptibles de modifications que celles de la communauté ( 1). · Nous diviserons l'examen du caractère et des effets appartenant aux conventions matrimoniales et déterminant la perception, en trois articles, dont le premier concernera la communauté légale, le second la communauté conventionnelle, et le troisième le régime dotal.

2854.

2855.

ART. 1. DE LA COMMUNAUTÉ LÉGALE.

Distinction Ire.

DE LA CONSTITUTION DE LA COMMUNAUTÉ.

SOMMAIRE.

nauté. Cause de l'affranchissement du droit
des conventions matrimoniales.

Dispositions comprises dans cet affranchissement.
Nature et caractère de la communauté entre

époux.

Les effets du contrat de mariage sont en rapport avec plusieurs sortes de droits: 1° le droit de mutation entre-vifs, soit à titre onéreux, soit à titre gratuit, à raison des dispositions qui transmettent d'un époux à l'autre, de leur vivant; 2° un droit de même nature, à raison des conventions qui se passent entre les époux, 2855. Caractère des dispositions de la loi sur la commuà la dissolution de la communauté, ou entre l'époux survivant et les héritiers du prédécédé, relativement aux biens à partager; 3o le droit de mutation par décès que l'époux survivant peut devoir à raison des biens qui lui sont dévolus au décès de son conjoint; 4o un droit de même nature, que les héritiers du prédécédé ont à payer sur les biens qu'ils prennent dans la succession de celui-ci, biens qui sont déterminés par le contrat de mariage. Nous examinerons ici ces diverses espèces de perceptions, sauf la dernière dont nous ne parlerons qu'occasionnellement en faisant connaitre les décisions qui contiennent des principes communs aux trois premières. C'est aux liquidations des successions que nous aurons à nous occuper plus spécialement des règles qui régissent le droit de mutation par décès, à payer par les héritiers de l'époux prédécédé.

2832. Quoique les contrats de mariage soient généralement rédigés sur un plan assez uni

2836. Droits respectifs des époux pendant le mariage.
2857. Des apports du mari.

2838. Des apports de la femme.
2839. Les uns et les autres sont également affranchis du

droit.

2840. Il en est autrement des stipulations étrangères au contrat de mariage.

riage.

2841. Des déclarations d'apport hors contrat de ma2842. Du rétablissement de la communauté dissoute par séparation. Délibération des 22 pluviôse an x

et 11 juin 1807.

1845, et Journal de l'Enregist, no 4694 (Civray, 7 mars (1) Add. Voy. Suppl., no 394. Ubi Clermont, 29 août 1850).

2833. La communauté légale ne constitue | point un régime imposé aux époux par la puissance de la loi c'est le contrat présumé de ceux qui n'en rédigent point, la règle de ceux qui n'en ont point de particulière (1). Ainsi les mutations opérées par les stipulations de la communauté légale, ou par l'existence de cette communauté, sans stipulations écrites, dérivent de conventions; elles sont volontaires et ont pour cause le consentement; les contrats de mariage sont de véritables contrats dont la | nature ne répugne point à l'impòt; on ne peut leur appliquer la règle que le droit n'atteint pas les dispositions de la loi civile, et rien ne soustrait au principe général de la loi du 22 frimaire, qui soumet au droit proportionnel toutes les mutations, celles qui résultent de la communauté conjugale.

C'est donc par exception que ces transmissions peuvent être affranchies du droit; à leur égard le droit fixe est une exemption, et il est permis à la régie de qualifier cette disposition de faveur. (Voy. supra, no 312.)

C'est en effet par faveur pour les contrats de mariage, et pour rendre plus faciles, moins coûteux, et par là plus communs, les actes constitutifs du droit des époux, que le législateur de l'an vii, s'efforçant de reconstituer la société dissoute, rejeta les systèmes du contrôle, du centième denier et de la loi des 5-19 décembre 1790. Le contrôle assujettissait l'acte à des droits élevés et proportionnels; le centième denier alteignait les mutations immobilières que frappaient également les droits seigneuriaux; la loi des 5. 19 décembre 1790 avait établi deux sortes de droits d'enregistrement, l'un qui était réglé à raison des sommes, biens et objets appartenant aux conjoints (1re classe, 2 section, no 1, l'autre qui était perçu en raison de leur revenu présumé. La loi du 22 frimaire an vi ne reproduisit aucune des dispositions antérieures et tarifa les contrats de mariage au droit fixe. (Voy. supra, no 2830.)

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et réglés; qu'un pacte écrit les constate et que rien ne détourne les contractants d'en faire une déclaration sincère. L'existence d'un droit qu'il serait possible d'éviter suffirait pour introduire la fraude et la reticence dans un acte où rien ne doit être caché ni suspect, si l'on veut que son but soit atteint.

2834. En tarifant au droit fixe les contrats de mariage et les déclarations d'apports, la loi du 22 frimaire a nécessairement compris dans l'affranchissement toutes les transmissions, obligations ou libérations qui appartiennent à ces actes par leur nature et sans lesquelles ils n'existeraient point (no 75). Il est donc important de les connaître et de distinguer les dispositions constitutives et dépendantes du contrat, de celles qui, n'en dérivant pas, sont susceptibles d'un droit particulier. (Art. 11 de la loi du 22 frimaire.)

2835. La société conjugale diffère essentiellement des sociétés civiles dont nous avons expliqué les caractères supra, no 2743; elle ne suppose pas, comme celles-ci, l'existence d'un être moral qui se place entre les associés et possède les choses communes. Durant le mariage, le mari seul est propriétaire de tout ce que la loi qualifie biens de communauté, dans la prévision d'une communauté future. La femme n'est pas et ne sera jamais l'associée de son mari: cependant, par une fiction rétroagissante, elle l'aura été, et ses droits seront établis en conséquence. Les règles de la société deviendront applicables lorsqu'il n'y en aura plus; les époux ne seront jamais vis-à-vis l'un de l'autre dans la position d'associés unis par une société actuelle, mais ils seront communs après la dissolution du lien civil, comme le sont des associés après la dissolution de la société (no 1787).

On ne saurait trop se pénétrer des droits que la constitution du régime de la communauté confère à chacun des époux pour bien en concevoir les effets; les plus habiles jurisconsultes, et Pothier lui-même, se sont égarés pour les avoir parfois perdus de vue. Les feudistes ne les ont pas toujours bien compris, el l'on trouve dans leurs décisions un mélange d'indulgence et de rigueur qui témoigne assez qu'ils n'ont pas toujours eu, sur ces matières, des idées

Toullier nous semble avoir le mieux fait connaître la véritable position des époux pendant la durée du lien civil.

Lors de la rédaction du projet de la loi du 28 avril 1816, la commission du budget, apercevant dans les contrats de mariage et dans les stipulations qu'ils contiennent une source abandante de revenus pour le trésor, proposa d'assujettir au droit de 50 cent. p. 100 fr. les dé-nettes et bien assises. clarations d'apports et conventions matrimoniales; cette proposition fut rejetée (2); il n'est pas présumable qu'elle soit désormais reproduite les considérations qui rendent les contrats de mariage favorables sont de tous les temps, et les besoins du trésor doivent céder au besoin, non moins urgent pour la société, de la paix et du repos des familles. I importe à l'ordre social que la fortune des époux, leurs droits, ceux des enfants à naître, soient connus

(1) Toullier, t. 12, no 87.

«Dans la vérité, dit-il, tome 12, no 77, ce <«< que nos coutumes ont appelé communauté, n'est point une communauté véritable et se « réduit à ceci : Les meubles de la femme et « les revenus de ses immeubles sont mis au « pouvoir du mari et confondus avec les siens; il peut en disposer à son gré et sans

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(2) Moniteur,, 1816, premier semestre, p. 363.

«<le consentement de sa femme, ainsi que des <«< immeubles acquis pendant le mariage, sans «<en devoir compte à qui que ce soit; et s'il « n'en a pas disposé avant sa mort, la femme « aura la moitié de ce qui restera de ces biens en payant la moitié des dettes qu'il aura « faites. Voilà ce que la plupart des coutumes «ont fort improprement appelé communauté, « régime de la communauté...

« Ces impropriétés de langage ont passé dans « le Code, art. 1599 et 1441; car il n'a rien changé à la nature de la communauté, qui « reste la même que sous l'empire des cou« tumes...

"

Ainsi, quand l'art. 1399 dit que la com«munauté commence au jour du mariage, «< cette expression ne signifie pas autre chose « que le droit éventuel et l'espérance de la « femme aux biens dont le mari n'aura pas disposé pendant la durée de la société conju«gale; droit qui commence, en effet, au jour «du mariage.

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Quand l'art. 1401 dit que la communauté « se compose activement de tels et tels biens, «< cela ne signifie pas autre chose, si ce n'est | << que ce qui entre de ces biens au moment de la dissolution conjugale sera commun et partagé par moitié entre l'époux survivant et « les héritiers de l'autre.

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Quand l'art. 1409 dit que la communauté « se compose passivement de toutes les dettes mobilières, etc., cela signifie que si ces tes n'ont pas été payées durant le mariage, <«<elles seront payées et prélevées sur ce qui << restera des biens communs à la dissolution «du mariage.

|

de tout ce qui doit un jour composer la communauté, ou plutôt de tout ce qui formerait la communauté si le mariage venait à se dissoudre.

Mais il ne s'ensuit pas que la propriété du mari sur ces biens soit exclusive de tout droit appartenant actuellement à la femme; celle-ci en possède qui commencent dès le jour du mariage; c'est ce qu'exprime, dans son langage, l'art. 1599 du Code civil.

Ces droits ont un caractère particulier qui leur permet de coexister avec ceux du mari, sans leur nuire et sans modifier dans ses mains le pouvoir de la propriété. La femme, en effet, n'est point propriétaire; ce titre appartient au mari d'une manière absolue ; mais si ses droits ne sont pas la propriété, ils en contiennent le germe; elle en est le but et l'avenir; ils peuvent la devenir sans que leur existence soit rompue et qu'un droit nouveau les remplace. La femme, en devenant propriétaire par l'acceptation de la communauté, n'échange pas son droit contre un autre; celui qu'elle avait sur les biens qui lui sont attribués par le partage se développe selon la nature qui lui est propre, et donne naissance à des effets plus puissants qu'il n'avait pas encore produits, mais qu'il avait pour objet d'opérer.

Ainsi, dès la formation du lien civil, deux sortes de droits frappent les biens qui, aux termes de l'art. 1401, et dans l'acception qui leur appartient, composent activement la comdet-munauté: celui du mari qui est la propriété pleine, entière et absolue, quoique susceptible de s'évanouir et de faire place à un autre; celui de la femme, qui, bien qu'actuel, n'est pas la propriété, mais dont la nature tient de l'espérance (2), et qui ressemble, sous ce rapport, à celui de l'acquéreur sous condition suspensive, quoique sous tous autres il en diffère essentiellement (5).

« Nous avons déjà remarqué l'impropriété «choquante des expressions de l'art. 1441, qui dit que la communauté se dissout par la << mort naturelle ou civile, etc., tandis que «c'est à ce moment qu'elle devient actuelle et « cesse d'être éventuelle.

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2837. Une différence remarquable résulte de cet état de choses, entre la déclaration d'apport que fait la femme et celle qui émane du mari.

Enfin, quand les art. 1472, 1475 et autres « parlent des indemnités dues par la commu«nauté aux époux ou par ceux-ci à la commu- A l'égard des biens compris dans la déclaranauté, ces expressions ne signifient pas autre tion du mari, il ne s'opère, relativement à la « chose, si ce n'est que sur la masse des biens propriété, aucun changement; propriétaire << qui se trouvent au moment de la dissolution avant le mariage, il ne cesse pas de l'être; il « du mariage, chaque époux, ou ses héritiers, ne possède pas à un nouveau titre; son droit « reprend et prélève les sommes versées pendant précédent continue et ne reçoit de modification le mariage et qui n'étaient pas destinées à qu'à la dissolution du mariage. On ne peut pas « devenir communes, et qu'il rapporte égale-même admettre l'existence d'une mutation au «ment à la masse les biens qu'il devait y apporter et qu'il n'y a pas apportés (1). » 2836. Ainsi, pendant le mariage il n'existe, pour la femme, ni communauté, ni copropriété actuelles; le mari seul possède et est propriétaire

profit de l'être moral qui prend naissance dans les sociétés civiles; cette supposition n'est pas établie dans la communauté conjugale. Le mari seul est propriétaire, réellement et sans fiction; il possède pour lui et non pour la femme, dont

(4) Add. Voy. Suppl., no 746, 748.

(2) Non est propric socia sed speratur fore.

(3) Add. Voy. Supp., no 655 (Toulouse, 18 fév. 1848);

no 652 (cass., 6 mars et 15 mai 1844); Journ. de l'Enreg., no 3066 (cass., 29 août 1843).

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