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ANNEXE IX.

RESOLUTIONS VOTÉES PAR L'INSTITUT EN SÉANCE DU 12 SEPTEMBRE 1885, AUX FINS DE L'INSTITUTION D'UN « COMITÉ INTERNATIONAL PERMANENT » POUR FACILITER AUX GOUVERNEMENTS ET AUX CITOYENS DE CHAQUE PAYS LA CONNAISSANCE DES LOIS ACTUELLEMENT EN VIGUEUR. (Rapporteur, M. NORSA.)

L'Institut émet les voeux suivants :

1° Que les gouvernements s'engagent à se communiquer les lois qui sont en vigueur et qui seront promulguées ultérieurement dans leurs États respectifs, conformément à ce qui suit;

go Que, parmi les lois à communiquer, on comprenne :

a) Les codes, les lois et les règlements qui concernent le droit civil et commercial, le droit pénal, les procédures civile et pénale, y compris celles qui regardent la faillite ou le concours des créanciers, et l'organisation judiciaire;

b) Les lois et les règlements qui se rapportent au droit administratif et public intérieur, quand ils auront un intérêt général pour les États et pour les citoyens des diverses nations;

c) Les traités, les conventions et les accords internationaux, ou les dispositions y contenues, concernant les rapports de droit civil ou d'intérêt économique, abstraction faite des rapports purement politiques;

d) Les lois et les règlements édictés par suite desdits accords internationaux de quelque forme qu'ils soient, ou traités d'union avec divers États, ou conventions internationales spéciales avec l'un d'eux.

Le comité à instituer d'après le n° 3° pourra y ajouter d'autres catégories;

3o Un comité international permanent, composé de délégués nommés par les gouvernements, sera institué dans le but de recevoir les lois, etc., qui seront communiquées, de les conserver et d'en faire une classification systématique ;

4o Chaque année, par les soins du comité permanent, il sera rédigé, en français, un tableau général de toutes les lois, etc., communiquées par les divers États, en suivant la classification indiquée ci-dessus.

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1° Que, dans l'état actuel de la science du droit et des rapports internationaux et en présence du plus grand nombre de lois élaborées dans les pays civilisés, la preuve des lois étrangères ne peut être une question de fait abandonnée à l'initiative des parties;

2° Qu'il est nécessaire de fixer des règles générales et uniformes à substituer aux différents usages qui sont en vigueur.

2. L'Institut émet le vou que, par accords internationaux, les États s'obligent à l'application des règles suivantes :

a) Quand, dans un procès civil, il y a nécessité d'appliquer une loi étrangère sur l'existence et le sens de laquelle les parties ne sont pas d'accord, le juge, le tribunal ou la cour, sur la demande des parties ou d'office, déclarera, dans une décision préparatoire, quels sont les lois ou les points de droit nécessaires pour vider l'affaire ;

b) Le juge ou le président délivrera, dans le plus court délai possible, des lettres rogatoires qui, par l'intermédiaire du ministère de la justice et du ministère des affaires étrangères, seront remises au ministère de la justice de l'État dont on veut connaître les lois ou certains points de droit ;

c) Les gouvernements des États contractants s'engagent à nomimer, auprès du ministère de la justice ou du ministère des affaires étrangères, un comité de législation composé de magistrats et de professeurs de droit, qui répondra à la

demande faite;

d) Le comité devra s'abstenir de tout conseil ou avis sur toute question de

fait.

Il se bornera à attester l'existence et la teneur des lois;

que

e) Dès les textes des lois et les certificats auront été remis au tribunal, ils seront déposés au greffe, et, sur requête de la partie la plus diligente, la procédure ordinaire reprendra son cours.

L'ÉGLISE ET L'ÉTAT DANS L'EMPIRE FRANC (1),

PAR

M. H. BROCHER DE LA FLÉCHÈRE.

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SOMMAIRE. Établissement du pouvoir royal et du principe dynastique chez les Germains. Transformation du droit germanique par la création de l'Empire franc. Le clergé catholique, seule puissance restée debout dans les Gaules après la chute de l'empire d'Occident, offre son alliance à Clovis. Le pouvoir royal primitif, illimité en apparence, est limité en fait : au fond, le peuple est souverain. — Cette souveraineté du peuple se traduit dans la procédure germanique. — Il en est autrement dans les idées romaines. Lutte des deux tendances, romaine et germanique, dans l'Empire franc d'une part, les rois avec les anciennes populations; de l'autre, l'aristocratie germanique avec le haut clergé. - L'aristocratie triomphe des Mérovingiens. mais le droit royal se forme néanmoins, limité par l'autorité de l'Église. Malheureusement, le clergé, au lieu de demeurer fidèle à la tradition populaire germanique, se fait attribuer la personnalité civile, déserte le droit commun pour le privilège. Conséquences Disparition du droit populaire; confusion de ce qui devrait rester séparé; séparation de ce qui devrait rester uni.

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Les Germains, qui ne paraissent pas avoir eu de rois du temps de César, sont conduits par les circonstances à modifier leur organisation, à renoncer à leur existence vagabonde pour adopter un genre de vie plus stable, et mettre plus de suite dans leur politique. Aux entreprises incohérentes de peuplades isolées, il fallait substituer l'action permanente de masses considérables. De nouveaux organes devenaient nécessaires. C'est alors qu'on établit les rois, dont la fonction propre me paraît avoir été la direction et la représentation politiques d'une nation entière. Cette tâche exige d'autres qualités que le commandement militaire, dont les opérations sont plus passagères. D'autre part, les Germains n'ayant pas d'écoles, les connaissances et les aptitudes ne se communiquent chez eux que par les traditions de famille. C'était le cas surtout des qualités nécessaires à l'homme d'État. Dans ces conditions, il était naturel de confier la conduite du peuple, non pas à un individu, mais à une famille. L'existence plus longue, pour ainsi dire infinie, de la dynastie permettait de concevoir et d'exécuter de plus vastes desseins. D'ailleurs, une fois désignée, la famille souveraine pouvait s'accommoder à sa mission en adoptant une organisation particulière. Cette manière de (1) Extrait du troisième volume en préparation des Révolutions du droit.

faire était favorisée par le régime communiste, sous lequel on vivait encore. La dignité royale était tellement l'attribut d'une souche déterminée que certains auteurs donnent au mot allemand Kanig, qui signifie roi, la même étymologie qu'au mot latin Genus, qui signifie race. Tous les membres de la famille royale participaient à l'honneur qui leur était fait. Ils étaient tous investis d'un caractère en quelque sorte sacré. Chez les Francs saliens, les princes du sang se distinguaient par leur longue chevelure, dont la suppression constituait à elle seule une dégradation. On croyait que la couronne devait se transmettre comme la propriété foncière. Pour l'une comme pour l'autre, on pratiquait le régime de la communauté, lequel excluait la succession personnelle. Il est vrai qu'autre chose est d'avoir un titre à la dignité royale, autre chose d'en exercer les pouvoirs. Il est, en effet, de l'essence de la fonction monarchique de ne pouvoir être remplie que par une seule personne; aussi le peuple choisissait-il parmi les membres de la dynastie celui dont il voulait faire son chef. Le principe dynastique se combinait donc avec celui de l'élection. On donnait une expression sensible à la constitution des pouvoirs royaux par la volonté populaire en élevant l'élu sur le pavois. On lui faisait faire le tour de l'assemblée soutenu par les bras de ses guerriers. Le sacre, caractère des rois par la grâce de Dieu, c'est-à-dire du clergé, n'est venu que plus tard. Un sentiment d'une nature religieuse, d'autant plus puissant qu'il était plus vague, interdisait de prendre le chef de l'État ailleurs que dans la famille royale. C'est pour cela que nous voyons les Hérules établis sur les bords du Danube faire chercher en Scandinavie un descendant de leurs rois, les Chérusques se faire renvoyer un prince du sang qui se trouvait retenu comme otage à Rome. On restreignait ainsi les compétitions. Le roi, d'ailleurs, n'était que l'exécu teur de la volonté populaire et n'avait que des pouvoirs très restreints. L'établissement des Germains sur les terres de l'Empire entraîna de profonds changements. Si quelquefois les barbares conservaient leurs anciennes coutumes dans leurs nouvelles demeures, souvent aussi leurs princes se faisaient investir des pouvoirs des fonctionnaires impériaux, et recevaient en retour de leurs services des terres qu'ils possédaient sous le régime romain, qu'ils transmettaient à leurs enfants suivant le droit de succession des Romains. Le droit germanique se trouvait de la sorte entamé, mais la transformation s'opéra sur une beaucoup plus vaste échelle par la création du royaume ou plus exactement de l'Empire franc.

Le pays qui devait fournir au nouvel État sa base d'opération semble prédestiné de tout temps à la féodalité, à la domination de l'individu sur l'individu. Les prêtres et les chevaliers, dit César, comptent seuls pour quelque chose. La masse du peuple est souvent réduite à chercher dans la servitude un refuge contre l'oppression. Des deux ordres privilégiés, les druides, dépositaires exclusifs de la justice et de la religion confondues, étaient de beaucoup les plus puissants. Les Romains dirigent contre eux leur effort principal, ménageant les chevaliers pour les utiliser. La conquête n'amène pas d'abord des transformations bien profondes. On avait à peine remplacé le paganisme gaulois par celui des Romains que l'adoption du christianisme entraîne de nouveaux changements. C'est pour cela que le clergé catholique prend la place des druides et devient le véritable maître du pays. L'organisation municipale romaine, trop exclusive, n'avait pas poussé de profondes racines. Le peuple, qui n'y trouvait pas de place, avait préféré se grouper autour des évêques. C'est ainsi que, suivant l'expression de Guizot, il s'établit un peuple chrétien au lieu du peuple romain. L'Église devint un des rouages de l'organi sation temporelle. Entre les deux systèmes, les ressemblances ne manquaient pas. Il n'était question ni dans l'un ni dans l'autre d'autonomie communale, de participation du peuple à la direction des affaires, de vie publique en un mot. Les populations des Gaules étaient donc sous ce rapport à l'antipode des Germains, auxquelles elles allaient se trouver mêlées.

On sait comment, après la chute de l'empire d'Occident, le clergé catholique, la seule puissance restée debout dans les Gaules, sentit le besoin de reconstituer l'État. Il ne voulut pas s'adresser à l'un des princes barbares qui avaient déjà embrassé le christianisme, parce qu'ils se rattachaient tous à la confession d'Arius. Il préféra proposer son alliance à un prince païen, à la condition qu'il se convertirait à la confession d'Athanase. C'est ainsi que la dynastie mérovingienne ajouta l'empire des Gaules à son petit royaume; il n'est pas facile de se rendre compte de la manière dont se sont combinés deux régimes aussi différents. Il y eut pour commencer simplement union personnelle. Clovis reste vis à vis des Francs un roi germanique, à la compétence excessivement limitée. Vis-à-vis des Gaulois, il prend la place et les pouvoirs absolus des empereurs romains. Il était impossible toutefois que les deux systèmes restassent longtemps distincts. Au premier moment, l'organisation romaine, plus perfectionnée, fait sentir sa supériorité. Quand

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