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Heffter, approuve la mesure, remarquant que si l'on admet des représailles, la légitimité du blocus en dehors de la guerre ne peut être contestée; mais dans la 4o édition française, il a modifié cette opinion, parce que, dit-il, la mesure touche non seulement l'État dont les ports sont bloqués, mais encore les tierces parties, qui ne sont pas en cause et auxquelles on interdit le commerce avec l'État contre lequel on procède; en réalité, le blocus soi-disant pacifique n'est, pour un État puissant, qu'un moyen d'imposer sa volonté à un État faible, sans recourir aux efforts et aux responsabilités qu'entraîne la guerre.

Se sont encore prononcés en faveur du blocus pacifique, CALVO (Le droit international, v. IV, p. 192, et Dictionnaire de droit international, v. I, p. 102) et FIORE (Trattato di diritto internazionale pubblico, 2o édition, v. II, p. 498-499), qui regardent la mesure, moins violente que la guerre, comme tout à fait légitime, mais sans effet obligatoire pour les États tiers; la même opinion est défendue par BLUNTSCHLI (Das moderne Völkerrecht der civilisirten Staaten, §§ 506-507) et par WHARTON (A digest of the international law of the United States, v. III, § 364). FERGUSON (Manual of international law, v. II, p. 240-241) définit le blocus pacifique comme représaille contre le commerce de l'État adversaire, mesure que les nations tierces ont, en fait, respectée dans tous les cas, mais dont le principe est contesté. CAUCHY (Le droit maritime international, v. II, p. 426-428) regarde le blocus pacifique, « mélange de la guerre avec la paix », comme un mode de guerre spécial ou localisé, conforme aux principes admis dans tous les temps; un belligérant ne peut être obligé à recourir à tous les moyens de guerre à la fois; au point de vue de l'humanité, on peut s'applaudir, comme d'un progrès, de ce que la guerre, au lieu de s'étendre, se localise; mais un tel blocus doit être conforme à toutes les conditions prescrites en cette matière par le droit des gens, c'est-à-dire la notification de l'établissement du blocus aux puissances neutres, le maintien par une force suffisante pour interdire réellement l'accès des ports bloqués, l'avis spécial, requis par l'usage, à chaque navire neutre se présentant pour entrer dans ces ports.

M. de Bulmerincq fait à ces explications la juste observation que Cauchy aurait mieux fait de désigner le blocus comme un acte de force que comme un acte de guerre; car en rangeant le blocus pacifique parmi les actes de guerre, il se met dans l'impossibilité de défendre le procédé pour lequel il plaide. Enfin, Cauchy caractérise un tel blocus comme un exer

cice de représailles prudent et modéré. Dans son article susmentionné (p. 575), M. de Bulmerincq expose la question sous son vrai jour, et nous croyons ne pouvoir mieux rendre notre propre manière de voir qu'en reproduisant un passage de cet article: « Que le blocus soit, en règle générale, un acte de guerre, c'est ce que personne ne peut contester, mais il n'a point nécessairement ce caractère. Donc, il n'est point vrai que le blocus, parce qu'il est un acte de violence, ne puisse être pratiqué par des nations qui sont en paix, car autrement la rétorsion et les représailles devraient être respectivement interdites quand elles s'exercent par la force entre nations en état de paix ; et cependant, ce n'est point le cas d'après le droit des gens. Au contraire, il est loisible aux États d'employer de semblables moyens avant de recourir au moyen extrême, la guerre, car c'est seulement la guerre et non point le blocus qui est le dernier moyen. »

Nous sommes d'avis que toute tentative d'établir la légitimité du blocus pacifique est et demeure nécessairement stérile, si on prend comme point de départ le droit de blocus en temps de guerre, ou généralement le droit des neutres; car la mesure n'a aucun rapport avec la guerre et un droit des neutres n'existe qu'en temps de guerre. C'est par « l'état de représailles existant entre la France et la Chine » que la notification renouvelée du blocus de la côte de Formose du 3 janvier 1885 était motivée.

Le principe même de la force obligatoire du blocus pacifique ne nous paraît, d'après ces quelques considérations, pas contestable en droit des gens. Il nous reste à examiner et à fixer les limites des droits de la puissance bloquante envers les navires appartenant à des nations tierces qui ne respectent pas la mesure. Il va sans dire que la résistance violente justifie l'emploi de la force pour vaincre la résistance. Mais la question la plus sérieuse est celle-ci : les navires qui simplement entreprennent de rompre le blocus par la force, soit pour entrer, soit pour sortir, peuvent-ils être non seulement arrêtés et repoussés, mais même mis sous séquestre ou confisqués? Selon nous, une telle saisie et confiscation de navires des sujets d'États tiers serait illicite. Car si nous réclamons pour chaque État la faculté d'exécuter une mesure de coercition légitime envers un État adversaire, indépendamment de préjudices quelconques portés aux intérêts privés de sujets d'autres États, les limites juridiques d'une telle action sont, d'autre part, prescrites par son but même. La confiscation ou la séquestration de navires dans de telles con

ditions dépasserait le but; mais dans certaines circonstances une détention provisoire peut être regardée comme licite.

En effet, il nous semble impossible de justifier le droit de confiscation. Il est vrai que, selon le droit de guerre, la violation du blocus a généralement pour conséquence la confiscation du bâtiment et de la cargaison. Mais il n'y a point de raison d'appliquer cette règle du droit de guerre à une action qui est en dehors de l'état de guerre.

Il reste à mettre en évidence que ce blocus pacifique, dans tous les cas, doit être notifié aux gouvernements hors de cause, et qu'il doit être maintenu par des forces suffisantes pour que les navires de pavillon étranger soient tenus de le respecter. Ces conditions ne sont point une conséquence des principes du droit de guerre en matière de validité de blocus; mais elles sont fondées sur la nature même des relations internationales; des mesures fictives ou qui n'auraient pas été modifiées ne peuvent avoir aucune force obligatoire dans la sphère de ces relations. Je propose à l'Institut l'adoption des principes suivants : 1° L'établissement d'un blocus en dehors de l'état de contraire au droit des gens;

guerre n'est pas

2o Le blocus pacifique doit être déclaré et notifié officiellement et maintenu par une force suffisante; un délai doit être accordé aux navires des nations hors de cause, délai suffisant pour achever leur chargement ou leur déchargement et pour quitter les ports bloqués;

3 Les navires de la puissance bloquée qui ne respectent pas un tel blocus peuvent être séquestrés. Le blocus ayant cessé, ils doivent être restitués avec leurs cargaisons à leurs propriétaires, mais sans dédommagement à aucun titre;

4o Les navires de pavillon étranger peuvent simplement être empêchés de passer la ligne de blocus.

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Projet de convention sur la navigation des fleuves internationaux présenté par M. ED. ENGELHARDT et extrait de la seconde édition (non encore publiée) de son livre « Du régime conventionnel des fleuves internationaux » (1).

Les articles de l'acte final du congrès de Vienne de 1815 relatifs au régime des fleuves internationaux ayant été diversement interprétés, de telle sorte que les règlements conventionnels destinés à les mettre en pratique ne concordent pas entre eux et consacrent même en plus d'un point important des principes contraires, il a été jugé opportun de procéder à une revision desdits articles et, à cet effet, les États représentés à la présente conférence se sont entendus sur les dispositions générales suivantes auxquelles tous les autres États seront appelés à adhérer et qu'ils prennent sous leur garantie:

ART. 1er. Tout fleuve qui sépare ou traverse plusieurs États sera considéré et devra être régi, sous le rapport de la navigation, comme un domaine commun à ces États (2).

ART. 2. Les eaux fluviales soumises au régime de la communauté conventionnelle s'étendent de la localité ou de la frontière supérieure à partir de laquelle la navigation s'exerce régulièrement, jusqu'aux parties extrêmes des rivages de la mer, c'est-à-dire jusqu'au cordon littoral.

ART. 3. Lorsque ces eaux, avant d'atteindre la mer, se divisent en deux ou plusieurs embranchements, leur régime conventionnel s'applique, sinon à tous leurs embranchements, du moins à celui qui offre, tant par l'orientation, la profondeur et la régularité de son cours que par les conditions naturelles de son embouchure, les plus grandes facilités à la navigation.

ART. 4. La communauté dispose de tous les embranchements supérieurs en

(1) Voir circulaire de l'Institut, mai 1887, A, IV, p. 122-124 du précédent numéro de la Revue, et l'annexe VI à la même circulaire, contenant le projet de règlement international de navigation fluviale présenté par le rapporteur M. de Martens. Comme le projet de M. de Martens doit servir de base à la discussion de l'Institut, nous avons cru utile, pour en faciliter la comparaison avec celui de M. Engelhardt, d'indiquer en note de celui-ci les articles correspondants (c'est-à-dire répondant au même objet, sans que pour cela la solution soit toujours la même) du projet de Martens. L'absence de note indique qu'il n'y a pas, ou du moins que nous n'avons pas aperçu, dans l'autre projet d'article correspondant.

(Note de la Rédaction.)

() Le projet de Martens, art. 29, dit : « Chaque État riverain conserve ses droits sur les parties des fleuves internationaux soumises à sa souveraineté, dans les limites établies par les stipulations de ce règlement et les traités ou conventions. »

état de navigabilité; elle fait également usage des rives et de tous les ports du fleuve.

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ART. 5. La frontière des États séparés par le fleuve est marquée par le thalweg, c'est-à-dire par la ligne médiane du chenal.

ART. 6. Les fleuves internationaux sont ouverts de droit à la navigation et au commerce universels.

Sauf l'exception indiquée dans l'article suivant, les bâtiments des sujets riverains et les bâtiments étrangers y seront traités sous tous rapports sur le pied d'une entière égalité (').

ART. 7. Les bâtiments étrangers, soit maritimes, soit fluviaux, ne seront admis à l'exercice régulier du petit cabotage, c'est-à-dire au trafic exclusif et continu entre ports d'un même État riverain, qu'en vertu d'une concession spéciale de cet État (2).

ART. 8. Les États riverains arrêteront entre eux un ensemble de dispositions de police destinées à régler l'usage du fleuve dans l'intérêt spécial de la sécurité et de l'ordre publics (3).

ART. 9. Ils désigneront d'un commun accord les ouvrages de correction et d'entretien de la voie navigable qui leur paraîtront nécessaires dans l'intérêt général.

Ces ouvrages, conçus et exécutés autant que possible d'après un système uniforme, seront obligatoires et chaque État riverain avisera à l'exécution de ceux qui concernent sa section fluviale.

Il sera pourvu aux dépenses y relatives par un tarif de droits de navigation (").

ART. 10. Les droits de navigation, là où l'on jugera devoir en établir, auront uniquement pour but de couvrir les dépenses communes faites dans l'intérêt de la navigation, c'est-à-dire, d'une part, les dépenses afférentes aux travaux obligatoires mentionnés dans l'article 9 ci-dessus et, d'autre part, les dépenses destinées à subvenir au traitement du personnel et aux frais des établissements dépendant du service commun de la navigation (").

ART. 11. Les droits de navigation seront indépendants de la nature des chargements; ils auront pour base le tonnage indiqué par le procès-verbal officiel dont chaque bâtiment doit être muni (").

ART. 12. Tous péages maritimes à l'embouchure de fleuves internationaux sont à jamais abolis.

Il en est de même des droits d'étape, d'échelle, de relâche forcée, comme de tout privilège de navigation (7).

(') P. M. (projet de Martens), art. 3 et 4.

(2) P. M., art. 8.

(3) P. M., art. 21.

(4) P. M., art. 1, 25, 26 et 27.

(5) P. M., art. 5.

(6) P. M., art. 16.

(7) P. M., art. 10 et 11.

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