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Germonius avait refusé l'évêché d'Asti et celui de Saluces. Il était, quand il mourut, archevêque de Tarentaise (').

Ses contemporains ont prodigué les louanges à ses leçons de droit et à ses écrits. Panziroli cite des témoignages de Paul Beni, de Possevino, de Lancelotti. Ce dernier, invoquant l'autorité de Germonius, l'appelle vir inter recentiores doctissimus, et inter doctissimos eloquentissimus ». Cujas, encore au dire de Panziroli, aurait renoncé à rédiger des Paratitla sur les Décrétales, après avoir eu connaissance de ceux de Germonius (). Le président Favre lui a rendu un témoignage significatif dans une lettre qui est imprimée en tête du deuxième livre des Conjecturæ juris civilis: « Quid enim habes », lui dit-il, « aut unquam habuisti antiquius quam ut veterem illam jurisprudentiæ dignitatem, tot seculorum et interpretum barbarie misere conspurcatam disjectamque, pristino decori suo quoad posses restitueres, ac veluti quodam postliminii jure in sedes patrias revocares? » Et plus loin : « Quid obsecro duobus illis Animadversionum tuaruni libris scribi potuit accuratius? Quid tuis in Decretales Paratitlis aut utilius aut emendatius? Quid denique, ut cetera taceam, toto illo tractatu, quem de sacrorum immunitatibus nuper edidisti, subtilius, eruditius, præclarius? Deus bone, quantam mihi totique reipublicæ litterariæ commovet expectationem Septimus Decretalium liber, cujus compilandi, concinnandi et interpretandi curam posteriores Pontifices eruditionis tuæ apprime conscii tibi uni creditam esse voluerunt! »

Les ouvrages que mentionne Antoine Favre ont, en effet, joui d'une très haute réputation.

On vient de voir l'opinion de Cujas sur les Paratitla in libros V Decretalium Gregorii P. IX, publiés à Turin en 1586; M. de Schulte dit qu'ils sont très développés, selon l'analogie des anciennes Summæ titulorum, avec des citations du droit romain, de manière à former un véritable traité. Les Animadversiones tam ex jure pontificio quam Cæsareo ont paru la même année, également à Turin; Germonius s'y montre à la fois civiliste et canoniste.

Les trois livres De sacrorum immunitatibus ont paru à Rome en 1591. M. de Schulte mentionne encore le traité De indultis apostolicis (Rome, 1590) et un ouvrage intitulé: Assertio libertatis immunitatisque ecclesiasticæ, en réponse à des professeurs de Padoue, publié à Rome en 1607.

On remarquera ce que dit Favre au sujet du livre VII des Décrétales. Les projets, formés par Grégoire XIII, d'une codification nouvelle, destinée à faire. suite au Sexte de Boniface VIII, avaient été repris par Sixte-Quint, lequel en avait chargé en 1587 une congrégation présidée par le cardinal Dominique Pinelli. Le recueil, terminé et imprimé, fut soumis par Pinelli à l'approbation de

(1) Cette haute dignité, qui lui fut conférée après la mort de Panziroli, est restée inconnue à Doujat.

(2) << Jacobus Cujacius, vir de jure civili optime meritus, confectis in libros Pandectarum et Codicis Paratitlis, animum ad jus pontificium converterat, at, cum Germonii Paratitla vidisset impressa, mihi fertur dixisse, - idem studium se libenter currere voluisse, sed Germonium sibi palmam arripuisse. »

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Clément VIII le 1er août 1598, sous le titre de Sanctissimi Domini nostri D. Clementis Papa VIII Decretales. Mais le pape n'approuva pas, et l'ouvrage, imprimé provisoirement sans doute en un petit nombre d'exemplaires, ne fut pas publié. M. de Schulte dit que le nom de Liber septimus donné à ce recueil mort-né provient de Pinelli, et fait remarquer que cette désignation a été plus tard employée par Prosper Fagnani et par le pape Benoît XIV. L'extrait ci-dessus montre qu'Antoine Favre s'en servait aussi au moment même où l'on y travaillait, et c'était, d'après Panziroli, l'expression vulgaire. Voici d'ailleurs comment ce dernier parle de la tâche confiée à Germonius: « Clemens statim atque ad summi Pontificatus fastigium conscendit (1), eundem in ejus quem obtinebat in cardinalatu locum, congregationis scilicet compilationis Decretalium, vulgo hucusque Septimi dicta, suffecit, atque ipsi soli, ut glossemata conficeret, curam demandavit, quæ magno perfecit studio, licet nondum in lucem edita; exibunt tamen summo totius orbis christiani desiderio, summa utilitate. » Panziroli ajoute que Germonius a reçu de Clément VIII l'ordre d'insérer dans le Septime les canons du Concile de Trente; il parle de ses copieuses annotations ou gloses où sont traitées les questions les plus délicates.

M. de Schulte ne parle pas de la coopération de Germonius au Septime; ce n'est point ici le lieu de rechercher quel en a été le véritable caractère et quels en furent les résultats (?).

Quant au traité De legatis principum et populorum, il n'est peut-être pas tout à fait aussi oublié que notre honorable collaborateur semble le croire. Panziroli, naturellement, n'a pu le mentionner, étant mort près de trente ans avant sa publication; Doujat, ayant copié Panziroli, ne le mentionne pas non plus, et M. de Schulte n'avait à s'occuper que des écrits relatifs au droit canon. Mais Ompteda connait bien l'auteur et indique le titre de l'ouvrage avec son exactitude habituelle; il y ajoute l'appréciation suivante : « Anastase Germoin était évêque de Tarentaise et envoyé en Espagne; savant homme, dont le livre, apprécié selon l'époque où il l'écrivit, mérite tout éloge. »

ALPHONSE RIVIER.

(1) Clément VIII a régné de 1592 à 1605. Panziroli est mort en 1599, Favre en 1624. (2) SCHULTE, Geschichte der Quellen und Literatur des canonischen Rechts, t. III, §§ 8 et 17, n° 86 (1880). Je n'ai pu consulter la publication de FR. SENTIS, Clementis Papæ VIII Decretales quæ vulgo nuncupantur Liber septimus Decretalium....... Fribourg, 1870.

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SOMMAIRE: Articles 58 et 59 du traité de Berlin. Ukase du 23 juin-5 juillet 1886, supprimant la franchise du port de Batoum. Note russe à l'appui de cette mesure. Nécessité d'examiner séparément les deux thèses sur lesquelles se fonde la Russie. I. La force obligatoire de l'article 59 se présume. Elle n'est pas énervée par les Exemples d'autres dispositions obligatoires conçues en termes de déclarations: Article 9 du traité de Paris; article 62, alinéa 1, du traité de L'intention des parties démontrée par le 14 protocole du congrès de

termes de l'article.

Berlin.
Berlin.

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II. De la clause tacite Rebus sic stantibus.

Dans quelles conditions elle peut être admise. Quelle était, étant données ces conditions, la marche à suivre. Déclaration de la conférence de Londres, 17 janvier 1876. - Conclusion.

Le port de Batoum, situé au fond d'une baie et protégé par des hauteurs, est considéré comme le meilleur et le plus sûr de toute la côte orientale de la mer Noire. Dès avant 1878, lorsque Batoum appartenait encore à la Turquie, les steamers russes s'en servaient de préférence à Poti (2). Aujourd'hui, un chemin de fer direct relie Batoum à Tiflis, capitale du Caucase, et à Bakou, port de la mer Caspienne, dans le voisinage duquel sont exploitées depuis quelque temps d'abondantes sources d'huile minérale.

Pendant la guerre de 1877-1878, Batoum ne fut pas occupé par les Russes, mais l'article 19 du traité de San-Stefano comprit Batoum et son territoire parmi les cessions territoriales faites à la Russie, en com

(1) Voir troisième article, tome XVIII (année 1886), p. 591 et suiv. () V. ELISÉE RECLUS, Géographie universelle, t. VI, p. 184.

pensation d'une partie de l'indemnité de guerre de 1,410 millions de roubles.

Cette disposition fut revisée par le traité de Berlin, qui y substitua les deux clauses suivantes :

< ARTICLE 58. - La Sublime-Porte cède à l'empire russe en Asie les territoires de... Batoum avec ce dernier port...

< ARTICLE 59.-S. M. l'empereur de Russie déclare que son intention est d'ériger Batoum en port franc, essentiellement commercial. »

La crise bulgare était dans son plein, et le conflit gréco-turc venait de se terminer, lorsque le cabinet de Saint-Pétersbourg, qui dans ces deux questions avait montré une ténacité particulière à demander l'application littérale du traité de Berlin, même par la violence et contre les faits accomplis, jugea à propos de décréter, par un simple acte d'administration intérieure, que Batoum cesserait d'être un port franc.

L'acte en question est un ukase adressé, le 23 juin/5 juillet 1886, par l'empereur au gérant du ministère des finances. En voici le texte, d'après le journal de Saint-Pétersbourg :

Lors de l'annexion de la province de Batoum à l'empire, il avait été octroyé à la ville de Batoum les droits d'un port franc, dans le but de créer au sudest de la mer Noire un point d'entrepôt pour les marchandises étrangères dirigées aussi bien sur la Perse que dans les limites du Transcaucase, ainsi qu'en vue de développer l'activité commerciale et industrielle du Caucase. Les circonstances dans lesquelles ladite mesure avait été adoptée se sont beaucoup modifiées depuis. Avec la suppression du transport en franchise de droit des marchandises étrangères à travers le Caucase, Batoum a perdu sa valeur de marché d'avant-garde sur la route du transit, en même temps que l'existence d'un cordon douanier autour de cette ville était très vexatoire pour la population de la province de Batoum. Se trouvant séparée d'une manière artificielle de son marché naturel, où, depuis longtemps, elle écoulait ses produits et achetait les articles de première nécessité, cette population ne cessait de solliciter du gouvernement qu'il écartât ces conditions anormales, en désaccord avec le bien-être de la contrée. D'autre part, semblables requêtes émanaient des négociants en pétrole de Bakou, dont les intérêts souffraient de la concurrence des établissements fondés dans les limites du port franc.

Jugeant utile, en considération desdites requêtes, d'abroger actuellement l'action du règlement sanctionné le 16 décembre 1880 par rapport au port franc de Batoum, nous ordonnons, savoir :

1° Supprimer à partir du 5 juillet de la présente année le port franc existant dans la ville de Batoum;

2o Ne point soumettre à la perception du droit, les marchandises étrangères

qui se trouveront audit terme dans les limites tracées au port franc et dans le port de Batoum;

3o Accorder aux marchands de cette localité la faculté de présenter jusqu'au 5 août 1886 aux employés de la douane, pour y apposer les estampilles, plombs et banderolles réglementaires, toutes les marchandises étrangères se trouvant chez eux et qui devront être soumises à cette formalité en vertu des règles générales;

4° Déclarer articles de contrebande les marchandises non présentées à l'estampillage d'ici au 5 août;

5o Faire cesser, à l'expiration du terme indiqué dans le paragraphe 3 du présent ukase, la surveillance douanière établie sur la limite territoriale du port franc, et

6 Accorder au gérant du ministère des finances, pendant la durée de trois mois à partir du jour de la suppression du port franc, la faculté d'affranchir du payement des droits les marchandises étrangères importées dans le port de Batoum, et d'octroyer également d'autres immunités dans les cas où il y aura, d'après lui, plein fondement à le faire.

ALEXANDRE.

A bord du yacht Tsarevna, dans l'archipel de Finlande, le 23 juin 1886.

On remarquera que, dans le document qui précède, le traité de Berlin n'est pas même mentionné. Les motifs de la mesure prise sont puisés uniquement dans des considérations de convenance générale ou locale, et dans la protection à accorder aux marchands de pétrole de Bakou. La compétence du gouvernement russe pour décider seul du maintien ou de la suppression du port franc de Batoum n'est pas considérée comme pouvant être mise en doute.

C'est aussi comme acte de législation purement intérieure, placé hors du domaine du droit international, que la mesure décrétée fut officiellement portée par le gouvernement russe à la connaissance des États signataires du traité de Berlin. Le mémorandum communiqué au commencement de juillet à ces puissances et une note parue le 27 juin19 juillet dans le Messager officiel russe développent, en termes identiques, deux arguments:

1. L'article 59 occupe dans le traité de Berlin une place tout à fait à part il n'est pas, comme les autres, le produit d'un accord collectif; mais il se borne à enregistrer une déclaration libre et spontanée faite au nom du souverain par ses plénipotentiaires;

2o Les circonstances dans lesquelles s'est faite l'institution du port franc ont entièrement changé. D'un côté, le maintien d'un cordon doua

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