Page images
PDF
EPUB

Mein qu'une pareille exemption, en ne profitant qu'aux expéditionnaires francfortois, nuirait nécessairement au commerce en général, parce que la distraction de toutes ces cargaisons qui doivent se diriger dans le port de station, empêcherait le complétement du bateau en chargement à tour de rôle, et rendrait ainsi nulle l'institution des stations. Il est donc très-faux de dire que l'intérêt général du commerce souffrirait, en astreignant la ville de Francfort à se soumettre à la règle générale, tandis que ce n'est que dans la stricte exemption de la navigation par station que le commerce en général peut trouver la garantie de ses intérêts les plus chers, de la sûreté et célérité des transports, et de la modicité du prix du fret.

Que l'on examine, pour rendre la chose plus claire, avec impartialité la marche et la règle, d'après lesquelles s'exerce la navigation par station, et l'on se convaincra qu'il est difficile, sinon impossible, de remplacer cette belle institution par une autre qui présente les mêmes résultats. Toutes les marchandises du Rhin supérieur, du Neckar, du Mein, pour toutes les directions quelconques du Rhin inférieur, se dirigent vers le port de station de Mayence, qui est le centre pour la navigation d'amont et d'aval. Ces transports partiels se font bien vite dans les ports respectifs, parce que leurs conducteurs sont certains de trouver dans la station des chargements de retour. Ces marchandises, à leur arrivée dans le port de station, sont sur-le-champ rechargées dans le bateau qui, appelé par le tour de rôle, se trouve prêt à recevoir toutes ces différentes cargaisons. Il se complète donc nécessairement vite, et part pour l'autre station de Cologne sans délai, et ainsi de suite le second, le troisième bateau (selon l'exigence des quantités arrivées); les marchandises destinées pour les lieux intermédiaires entre ces deux stations sont chargées de la même manière dans les bateaux également en chargement pour ces directions à tour de rôle. La même chose s'exécute dans l'autre station à Cologne, à l'égard des marchandises dirigées sur le Rhin supérieur, et, tandis que celles venant à la descente y sont rechargées pour aller plus bas encore, cette station renvoie celles pour l'amont; et c'est ainsi que les bateliers de la première station reçoivent une cargaison pour le retour, et que ceux arrivés de différents ports, dans la première station, en reportent les marchandises qui y sont arrivées pour leurs ports respectifs.

Et c'est ainsi qu'il y a un mouvement régulier et continuel dans les transports, qui se font avec une célérité qu'il est impossible d'obtenir d'une autre manière. Les bateliers, de leur côté, si leur nombre n'est pas excessif, sont pendant toute l'année utilement employés; ils font constamment des transports en allant et venant, et peuvent par conséquent les faire à un prix de fret très-modique, ce qui ne pourrait pas avoir lieu sans cette navigation par station.

III. On oppose que la relâche forcée augmente les frais, et on se récrie particulièrement contre les frais de commission.

Cette objection en elle-même, si elle était vraie, ne serait pas assez importante pour faire supprimer les relâches forcées; car les frais ne sont rien en comparaison des avantages qui en résultent, et il n'est aucunement problématique que, sans cette institution, les transports et expéditions coûteraient encore davantage, sans y compter les retards, les avaries de tout genre sur une longue route, et l'arbitraire du commissionnaire et du batelier. Mais on n'a rapporté aucune preuve de l'objection que l'on fait. Il est, au contraire, très-aisé de faire, d'après l'article VIII de la Convention, le calcul de tout ce que peuvent coûter les relâches forcées. Les frais ne sont aucunement exorbitants, en proportion de l'avantage qu'ils procurent, et rien n'empêche de les modérer s'ils excèdent cette juste proportion.

Quant aux droits de commission, ceux-ci se perçoivent par l'expéditionnaire pour les déboursés du prix du fret qu'il avance, pour la surveillance qu'il doit employer lors du rechargement des marchandises, et pour la correspondance qu'il est obligé de tenir régulièrement. Mais ces frais ne sont pas considérables; ils se règlent d'après l'usage du commerce généralement reçu et consenti par les commerçants, et le commissionnaire francfortois les perçoit aussi bien et au même taux pour les commissions qu'il fait, et il les prendrait doubles, en proportion des expéditions directes, si l'exemption des relâches lui était accordée. Mais les propriétaires des marchandises, et ceux à qui elles sont adressées, ne s'étant jusqu'ici jamais plaints de la perception de ce droit de commission, on doit s'étonner justement que ce ne soit que les expéditionnaires de Francfort qui fassent une pareille plainte.

IV. On prétend que l'on pourrait, en laissant à la volonté de chacun de se servir des lieux de station et de relâche, établir néanmoins une police de navigation sur le Rhin.

Ce serait une de ces demi-mesures qui porterait le désordre à son comble, qui ferait qu'une anarchie complète s'organiserait peu à peu sur le Rhin.

α

On dit, « parce qu'il n'est pas douteux que l'institution des stations et des relâches est réellement bonne en elle-même, qu'elle présente tous les avantages que le commerce peut désirer, il ne sera aucunement nécessaire de la prescrire pour règle générale, parce que l'on s'y conformera sans cela et sans y être contraint. »>

Mais cet argument n'est que spécieux; l'intérêt privé, les spéculations et le désir de s'attirer le plus de commissions possible, feront sans doute négliger les vues du bien général, et les efforts que la ville de Francfort se donne pour se faire exempter de la règle générale prouvent

assez qu'il ne faut pas supposer que l'on se conformerait volontairement à une mesure établie pour le bien de tous.

Si donc une partie se conforme aux relâches dans les lieux de station, tandis que l'autre ne le fait pas, pourrait-on douter encore que le plus grand désordre n'en résultera pas nécessairement? Car il n'y aura plus dans les stations de versements suffisants pour compléter aussi vite qu'auparavant la cargaison du bateau appelé au chargement à tour de rôle. Les transports languiraient; les stations, ne pouvant plus assurer les mêmes avantages, seront désertes; les bateliers se disperseront. L'on fera des entreprises de transports; des contrats d'assurance, devenus nécessaires alors, augmenteront les frais. Une désorganisation complète enfin sera à l'ordre du jour, et le commerce cherchera alors autant que possible à éviter la route du Rhin qui aura perdu tout son crédit.

Et quelle police générale ou centrale voudrait-on introduire à la place de celle existante qui puisse remédier à cette anarchie? La navigation, par la suppression des lieux de station et de relâche forcée devenue libre, ne saurait plus être assujettie à une règle quelconque qui génât cette liberté et augmenterait la confusion. En vain croira-t-on pouvoir établir, par des lois réglementaires pour les bateliers, ou par le maintien de leurs associations, une police; on se tromperait fortement, parce que celle-ci ne serait toutefois que pour les corporations des bateliers, tandis qu'elle ne contribuerait en rien au maintien d'un bon ordre dans les transports qui, d'après le principe d'une liberté absolue, doivent se faire librement; elle ne pourrait rien faire ni pour la sûreté, ni pour la célérité, ni pour la modicité du prix de fret, puisque sans le maintien des lieux de station et des relâches forcées, il n'y aurait aucun. point central d'où une surveillance générale puisse être dirigée. Une telle police devrait être ambulante et ne parviendrait à aucun but. — Comment surveillerait-elle la sûreté des transports, lorsqu'il est libre de charger comment et où l'on voudra? De quelle manière apporteraitelle de la célérité dans les transports, lorsqu'il ne dépend aucunement d'elle de faire rassembler les marchandises qui, au contraire, se dirigeront isolément et librement? Comment procurera-t-elle enfin la modicité du fret, tandis que les stipulations du prix ne peuvent être qu'un objet de transaction particulière entre le batelier et le commerçant; parce que celui-ci, ne pouvant pas être obligé de donner ses marchandises, doit aussi être le maître de stipuler le fret. Mais les bateliers ne recevant pas, comme par le passé, des chargements de retour et étant obligés d'employer un temps plus long à compléter leur cargaison, ne peuvent plus accorder comme auparavant des prix modiques; ou si le désir de composer une cargaison fait qu'un particulier pauvre accorde un prix modéré, c'est alors que l'expéditionnaire moins délicat partage

avec lui, et le fret sera toujours plus haut qu'il ne serait jamais par le maintien des relâches forcées. Voudrait-on, par une politique quelconque, fixer le prix du fret? Comment d'abord constituer une pareille police sans un point central ? Et quelle base prendrait-elle pour en faire un juste calcul? Aucun batelier ne pouvant compter sur un certain nombre de transports par an, il sera impossible d'évaluer ni ses frais ni le profit qui doit lui rester pour son existence, ce qui cependant doit nécessairement entrer dans le calcul. Il résulte donc de tout ceci, que c'est du moins hasarder beaucoup, que de soutenir qu'en supprimant l'institution sage qui existe, il n'y aurait rien à craindre dans la suite pour le bien du commerce et de la navigation, et que la liberté que l'on veut substituer maintenant, après que cet établissement d'ordre et de police générale a existé pendant plus de cinq siècles, ne porterait pas au désordre et à une anarchie générale.

On n'a du reste rien prouvé, pas même articulé, en quoi les lieux de station et de relâche forcée ont porté réellement préjudice ou dommage au commerce du Rhin. Et ce ne serait que dans ce cas seulement, qu'il deviendrait nécessaire de supprimer une institution reconnue mauvaise et dangereuse. Il n'y a qu'une ville qui se plaint, parce qu'elle prétend ne pouvoir assez gagner sur les commissions que, par la suppression de cette institution, elle serait à même de se procurer du nord de l'Allemagne. Mais cela peut-il paraître suffisant, pour détruire des établissements dont on ne connaît que de bons résultats?

Non, l'illustre Commission nommée pour régler cet objet si important, pèsera dans sa sagesse tous les détails et les résultats; elle les envisagera sous tous les points de vue. La décision qu'elle fera rendre, ne pourra qu'assurer à une postérité entière un bonheur durable; et l'histoire impartiale se plaira à consigner dans ses fastes l'esprit juste et éclairé qui aura ainsi basé pour toujours la prospérité de la navigation et du commerce du Rhin.

Vienne, le 24 février 1815.

Les députés de la ville de Mayence,

Signé : François, comte de Kesselstadt; baron H. Mappes;
Ph. Hadamar.

No 2b. Note supplémentaire au procès-verbal du 3 mars 1815, rédigée par M. le baron de Linden, plénipotentiaire de S. M. le roi de Wurtemberg, concernant la navigation sur le Neckar.

Le soussigné croit devoir ajouter au susdit procès-verbal qu'il ne peut d'aucune autre manière souscrire à la proposition faite d'abolir le

droit de relâche établi à Mannheim, que, lorsque de commun accord entre les trois gouvernements, savoir, celui de Wurtemberg, de Hesse et de Bade, le principe sera prononcé :

« Que, sans nulle restriction, tout droit de relâche quelconque établi sur le Neckar sera aboli, et qu'il sera libre tant aux sujets des trois États qu'à tous ceux qui ont le droit de naviguer sur le Rhin, de naviguer librement sur cette rivière, dans toute son étendue, en se soumettant toutefois aux règlements de police que la navigation de cette rivière exigera d'établir; de même qu'en payant les droits de perception qui sont fixés et qu'on tâchera de régler, autant que faire se peut, d'après ceux qui existent sur le Rhin. »

Vienne, le 4 mars 1815.

Signé baron de Berckheim.

:

No 3. Examen de la Convention du 5 août 1804, par M. le baron de Humboldt, plénipotentiaire de la Prusse.

Police réglementaire pour les ports d'embarcation, de décharge et de versement
des chargements.

Les articles I et II sont déjà, autant qu'ils peuvent encore être appliqués, dans le travail de la Commission.

Art. III-VI. Les objets indiqués dans ces articles devront être fixés par la police réglementaire dans les lieux d'embarcation et de versement des chargements (voy. Art. XVIII).

Les articles X et XI cessent avec l'abolition du droit de relâche.

Art. XII. Pourrait également cesser, jusqu'à la disposition à la fin près, où il est dit que des bateliers venant de Francfort devront acquitter des droits à Mayence.

Prix du fret.

Art. XIII. Quoique la fixation du prix de fret, entièrement liée aux droits d'échelle, ne paraisse plus nécessaire au comité, ce point sera néanmoins abandonné à la commission centrale, qui le fera, si elle croit avoir des raisons majeures pour cela, entrer dans le règlement définitif.

Associations de bateliers.

Art. XIV-XVII. Tous les membres de la commission semblent d'accord que la navigation du Rhin doit être libre aux associations et bateliers qualifiés de tous les États riverains, et qu'aucun ne doit en être

« PreviousContinue »