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>> Sous leur protection, après avoir remercié un prince étranger de l'avoir fait remonter sur le trône, Louis-Stanislas-Xavier data le premier acte de son autorité de la dix-neuvième année de son règne, déclarant ainsi que les actes émanés de la volonté du peuple n'étaient que le produit d'une longue révolte. Il accorda volontairement, et par le libre exercice de son autorité royale, une Charte constitutionnelle appelée ordonnance de réformation; et, pour toute sanction, il la fit lire en présence d'un nouveau corps qu'il venait de créer, et d'une réunion de deputés qui n'était pas libre, qui ne l'accepta point, dont aucun n'avait caractère pour consentir à ce changement, et dont les deux cinquièmes n'avaient même plus le caractère de représentans.

» Tous ces actes sont donc illégaux: faits en présence des armées ennemies, et sous la domination étrangère, ils ne sont que l'ouvrage de la violence; ils sont essentiellement nuls, et attentatoires à l'honneur, à la liberté et aux droits du peuple.

» Les adhésions données par des individus et par des fonctionnaires sans mission n'ont pu ni anéantir ni suppléer le consentement du peuple, exprimé par des votes solennellement provoqués et légalement émis.

>> Si ces adhésions, ainsi que les sermens, avaient jamais pu même être obligatoires pour ceux qui les ont faits, ils auraient cessé de l'être dès que le gouvernement qui les a reçus a cessé d'exister.

» La conduite des citoyens qui sous ce gouvernement ont servi l'état ne peut être blâmée; ils sont même dignes d'éloges, ceux qui n'ont profité de leur position que pour défendre les intérêts nationaux, et s'opposer à l'esprit de réaction et de contre-révolution qui désolait la France.

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Les Bourbons eux-mêmes avaient constamment violé leurs promesses : ils favorisèrent les prétentions de la noblesse féodale; ils ébranlèrent les ventes des biens nationaux de toutes les origines; ils préparèrent le rétablissement des droits féodaux et des dîmes; ils menacèrent toutes les existences nouvelles ; ils déclarèrent la guerre à toutes les opinions libérales; ils attaquèrent toutes les institutions que la France avait acquises au prix de son sang, aimant mieux humilier la nation que de s'unir à sa gloire; ils dépouillèrent la Légion-d'Honneur de sa dotation et de ses droits politiques; ils en prodiguèrent la décoration pour l'avilir; ils enlevèrent à l'armée, aux braves, leur solde, leurs grades et leurs honneurs, pour les donner à des émigrés, à des chefs de révolte; ils voulurent enfin régner, et opprimer le peuple par l'émigration.

» Profondément affectée de son humiliation et de ses malheurs, la France appelait de tous ses vœux son gouvernement national, la dynastie liée à ses nouveaux intérêts, à ses nouvelles institutions.

» Lorsque l'empereur approchait de la capitale, les Bourbons ont en vain voulu réparer, par des lois improvisées et des sermens tardifs à leur Charte constitutionnelle, les outrages faits à la nation et à l'armée : le temps des illusions était passé; la confiance était aliénée pour jamais. Aucun bras ne s'est armé pour leur défense; la nation et l'armée ont volé au-devant de leur libérateur.

» L'empereur, en remontant sur le trône où le peuple l'avait élevé, rétablit donc le peuple dans ses droits les plus sacrés. Il ne fait que rappeler à leur exécution les décrets des assemblées représentatives, sanctionnés par la nation; il revient régner par le seul principe de légitimité que la France ait reconnu et consacré depuis vingt-cinq ans, et auquel toutes les autorités s'étaient liées par des sermens dont la volonté du peuple aurait pu seule les dégager.

>> L'empereur est appelé à garantir de nouveau par des institutions (et il en a pris l'engagement dans ses proclamations à la nation et à l'armée) tous les prin

cipes libéraux ; la liberté individuelle et l'égalité des droits, la liberté de la presse et l'abolition de la censure, la liberté des cultes, le vote des contributions et des lois par les représentans de la nation légalement élus, les propriétés nationales de toute origine, l'indépendance et l'inamovibilité des tribunaux, la responsabilité des ministres et de tous les agens du pouvoir.

>> Pour mieux consacrer les droits et les obligations du peuple et du monarque, les institutions nationales doivent être revues dans une grande assemblée des représentans, déjà annoncée par l'empereur.

» Jusqu'à la réunion de cette grande assemblée représentative, l'empereur doit exercer et faire exercer, conformément aux Constitutions et aux lois existantes, le pouvoir qu'elles lui ont délégué, qui n'a pu lui être enlevé, qu'il n'a pu abdiquer sans l'assentiment de la nation, que le vœu et l'intérêt général du peuple français lui font un devoir de reprendre.

» Signé les conseillers d'état comtes DEFERMONT, REGNAULT (de Saint-Jeand'Angely), BOULAY (de la Meurthe), ANDRÉOSSY, DARU, THIBAUDEAU, MARET, NAJAC, JOLIVET, BERLIER, MIOT, DUCHATEL, DUMAS, DULAULOY, PELET (de la Lozère), FRANÇAIS (de Nantes), LAS CASES, JAUBERT, LAVALETTE, RÉAL, MERLIN (de Douai), DELABORDE, BONDY; les barons POMMEREUL, COSTAZ, MARCHANT, QUINETTE, BELLEVILLE, DALPHONSE, FÉLIX, MERLET, FINOT, JANET, PREVAL, FAIN, CHAMPY, FREVILLE, PELET; les chevaliers JAubert, Bruyère, GILBERT DE VOISINS, CH. MAILLARD, GASSON, C.-D. LACUÉE. »

Réponse de l'empereur.

« Les princes sont les premiers citoyens de l'état. Leur autorité est plus ou moins étendue, selon l'intérêt des nations qu'ils gouvernent. La souveraineté elle-même n'est héréditaire que parce que l'intérêt des peuples l'exige. Hors de ces principes, je ne connais pas de légitimité.

» J'ai renoncé aux idées du grand empire dont depuis quinze ans je n'avais encore que posé les bases; désormais le bonheur et la consolidation de l'empire français seront l'objet de toutes mes pensées. »

– Thibaudeau avait été le rédacteur de cette adresse. Elle avait été communiquée à l'avance à Napoléon, qui ne fit aucune observation; mais il y eut des conseillers plus susceptibles que l'empereur. Molé, Hauterive et de Gérando refusèrent de la signer; ils la trouvaient trop républicaine et destructive des droits du trône.

Après le conseil d'état, Napoléon reçut les protestations de la cour de cassation, de la cour des comptes, de la cour impériale, et enfin du conseil municipal de Paris. Dans le discours prononcé au nom de celui-ci, on lui rappelait encore une fois ses promesses. Sire, disaient les magistrats parisiens, les premières > paroles qui vous sont échappées en rentrant sur le sol français >> renferment la promesse d'une constitution digne de vous et de vos peuples; cette promesse ajoute à tous les sentimens que > nous vous devons; car les Français qui vous connaissent savent › bien qu'une constitution garantie par vous ne sera pas aussitôt » violée que promulguée. » L'empereur les chargea de remer

cier leurs administrés des témoignages d'affection qu'ils lui avaient donnés; mais il sembla n'avoir pas entendu la phrase que nous venons de citer. Il alla ensuite parcourir les appartemens des Tuileries pleins d'une foule d'officiers qui le saluèrent des acclamations les plus vives. Cette grande réception parut destinée à compléter la restauration du trône impérial en joignant à l'assentiment des soldats et du peuple, celui des magistrats et des notabilités militaires et civiles. Cependant, toute la France n'avait pas encore arboré le drapeau tricolore. Quelques départemens du midi semblaient dévoués à la cause royale; on devait craindre les mouvemens de la Vendée. Les places du nord venaient à peine de prendre les couleurs impériales. En effet, ce ne fut que le 24, que le duc d'Orléans sortit de Lille pour se rendre en Belgique, laissant pour le maréchal Mortier, duc de Trévise, une lettre ainsi conçue :

« Je vous remets en entier, mon cher maréchal, le commandement que j'avais été si heureux d'exercer avec vous dans le département du Nord. Je suis trop bon Français pour sacrifier les intérêts de la France parce que de nouveaux malheurs me forcent à la quitter; je pars pour m'ensevelir dans la retraite et l'oubli. Le roi n'étant plus en France, je ne puis plus transmettre d'ordres en son nom, et il ne me reste qu'à vous dégager de l'observation de tous les ordres que je vous avais transmis, en vous recommandant de faire tout ce que votre excellent jugement et votre patriotisme si pur vous suggéreront de mieux pour les intérêts de la France, et de plus conforme à tous les devoirs que vous avez à remplir. »

Le duc de Trévise, rendu libre par cette lettre, ordonna aussitôt d'arborer le drapeau tricolore sur toutes les places du Nord. Les royalistes reprochèrent cette lettre au duc d'Orléans ; ils l'accusèrent de n'avoir point renoncé aux espérances qui avaient été celles de son père, et de ménager toujours la révolution. On prêta dans le temps à ce prince quelques mots plus significatifs encore. On assura qu'en se séparant de ses officiers il dit à l'un d'eux : « Allez, monsieur, reprendre la cocarde nationale; je › m'honore de l'avoir portée, et je voudrais pouvoir la porter » encore. Napoléon, d'ailleurs, traita la famille d'Orléans avec des égards particuliers: il ordonna qu'une indemnité de 300,000 francs serait payée annuellement à la duchesse d'Orléans. Il accorda en même temps à la duchesse de Bourbon une indemnité annuelle de 150,000 francs.

Cependant, les agens royaux n'avaient pu encore exciter aucun mouvement dans les départemens de l'Ouest. Augereau, qui commandait pour le roi la quatorzième division militaire, qui s'était d'abord montré très - ardent pour la cause des Bour

bons, était revenu avec le même empressement à la cause impériale.

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Le duc de Bourbon, qui avait été chargé d'organiser la Vendée, avait à peine eu le temps de grouper quelques individus ; il céda sans peine aux représentations du colonel de gendarmerie Noireau, commandant pour l'empereur, et s'embarqua dans le courant d'avril. Mais, vers le milieu du mois suivant, l'insurrection vendéenne se réveilla à la voix de ses anciens chefs, d'Autichamp, Sapineau, Suzanet, Dandigné et les frères du célèbre Larochejaquelin. Des paysans, au nombre de sept à huit mille, se levèrent au son du tocsin; de toutes parts des mécontens accoururent, et la cause des Bourbons recouvra ainsi une armée, que des débarquemens anglais entretenaient de fusils et de munitions. De son côté l'empereur forma une armée de la Loire, qui fut confiée aux généraux Travot et Lamarque: les royalistes ne tardèrent pas à éprouver des défaites; mais la marche rapide des événemens prévint leur entière soumission. Le général Lamarque reçut des instructions pour traiter avec les chefs vendéens, et le 26 juin il leur accorda, encore au nom de l'empereur, une amnistie pleine et entière. - Dans plusieurs autres départemens il y eut quelques émeutes, quelques rassemblemens armés, qui furent apaisés facilement.

Le duc et la duchesse d'Angoulême s'étaient trouvés avantageusement placés pour réunir des défenseurs à la cause royale : au moment où Napoléon reparaissait en France, leurs altesses visitaient les départemens du Midi. Leurs tentatives ne furent pas heureuses. L'opinion de l'armée les fit également échouer. Nous ne devons pas cependant les passer sous silence. Nous n'avons point trouvé, dans les pièces du temps, de relation suffisamment complète de la courte campagne du duc d'Angoulême nous empruntons donc la narration de Lallement qui, rédigée sous la restauration, présente les événemens sous un aspect qui nous a paru impartial. Nous donnerons ensuite un extrait du Moniteur des cent jours.

• Le duc d'Angoulême apprit à Toulouse l'invasion de Bonaparte. S. A. R. établit un gouvernement provisoire dans cette ville, et fit un appel à tous les royalistes du Midi. Sept à huit mille citoyens, accourus de Montpellier, de Marseille, de Nimes, d'Avignon, etc., embrassèrent le parti du trône. Des troupes de ligne, que le prince eut le bonheur de trouver fidèles dans leurs garrisons, ou non instruites encore des progrès de Napoléon, portèrent en peu de jours son armée à douze mille hommes. Le duc la divisa en deux corps; il garda le commandement de l'un, et confia celui de l'autre au général Ernouf. L'armée royale obtint d'abord des succès. Le prince était à Valence; Ernouf occupait

Gap: la marche combinée des deux corps avait pour but la possession de Grenoble et de Lyon. Napoléon ordonna de son côté une levée en masse de la garde nationale des départemens de l'Isère, de la Drôme, du Rhône et de la Côted'Or elle se fit avec promptitude et enthousiasme. Ce déploiement de forces devint, heureusement, inutile: le feu de la guerre civile ne pouvait s'allumer en France. Les corps de ligne de l'armée royale ne purent voir pendant long-temps des ennemis dans leurs anciens camarades; ils passèrent successivement sous les drapeaux de Napoléon : un seul régiment, le dixième d'infanterie, resta fidèle, au prince, mais seulement pour escorter sa personne; il déclara ne point vouloir se battre. Les volontaires royaux se dispersèrent. Quant aux autorités civiles et aux habitants, ils recevaient avec empressement, comme toujours, la loi protectrice du plus fort. Le duc d'Angoulême, que les généraux Grouchy et Gilly bloquaient entre des fleuves et des montagnes, se décida à capituler : le baron de Damas pour S. A. R., et le général Gilly pour l'empereur, convinrent, le 8 avril, du licenciement de l'armée royale, et de l'embarquement du prince à Cette. Le général en chef Grouchy, qui devait ratifier la capitulation, voulut la soumettre à l'approbation de l'empereur. Cette formalité obligea le duc de s'arrêter comme prisonnier à Pont-Saint-Esprit : S. A., traitée d'ailleurs selon son rang, montra une noble résignation. La réponse de Napoléon parvint promptement; elle était ainsi conçue : — « M. le comte de Grouchy, l'ordonnance du roi en » date du 6 mars, et la déclaration signée à Vienne par ses ministres, pourraient » m'autoriser à traiter le duc d'Angoulême comme cette ordonnance et cette » déclaration voulaient qu'on traitât moi et ma famille. Mais, constant dans les » dispositions qui m'avaient porté à ordonner que les membres de la famille des » Bourbons pussent sortir librement de France, mon intention est que vous >> donniez des ordres pour que le duc d'Angoulême soit conduit à Cette, où il' >> sera embarqué, et que vous veilliez à sa sûreté, et à écarter de lui tout mauvais >> traitement. Vous aurez soin seulement de retirer les fonds qui ont été enlevés » des caisses publiques, et de demander au duc d'Angoulême qu'il s'oblige à la >> restitution des diamans de la couronne, qui sont la propriété de la nation. » Vous lui ferez connaître en même temps les dispositions des lois des assemblées »> nationales qui ont été renouvelées, et qui s'appliquent aux membres de la fa>> mille des Bourbons qui entreraient sur le territoire français. Vous remercierez » en mon nom les gardes nationales du patriotisme et du zèle qu'elles ont fait » éclater, et de l'attachement qu'elles m'ont montré dans ces circonstances im» portantes. Au palais des Tuileries, le 11 avril 1815. Signė NAPOLEON. » — - Le duc d'Angoulême ne pouvait s'engager seul à la restitution demandée ; on en fit l'objet d'une négociation particulière. S. A. R. obtint sur-le-champ sa liberté et tous les moyens nécessaires pour son départ; elle quitta Saint-Esprit le 16, et s'embarqua à Cette sur un bâtiment suédois. Par un décret du 17 avril, Napoléon éleva le général Grouchy à la dignité de maréchal. Ce n'est pas que la petite guerre du Midi eût entraîné de grands périls, ni provoqué des efforts de génie; cette promotion était autant le prix d'anciens services qu'un véhicule offert à l'émulation et au dévouement: Napoléon avait eu la pensée de n'appeler aux commandemens supérieurs que des généraux et des colonels.

>> La retraite du duc d'Angoulême donnait à l'empereur la possession de Marseille, de Toulon, d'Antibes; elle lui rendait les talens et la renommée du maréchal duc de Rivoli, prince d'Essling, enfin de Masséna, qui s'exprimait ainsi dans son rapport du 14 avril : « Les ordres de Votre Majesté ont éprouvé des › retards insurmontables dans ma position. Les mouvemens excités dans la » huitième division, et particulièrement à Marseille, s'y maintenaient par la

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