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et de se former chacune dans le palais qui lui est affecté. L'assemblée se sépare aux cris de Vive le Roi!

- Aussitôt que le roi eut quitté la salle, les nouveaux pairs se rendirent dans leur palais; ils délibérèrent et votèrent une adresse au roi, qui fut portée le soir même aux Tuileries. Quant aux députés, ils ne furent pas aussi expéditifs; cependant ils ne se séparèrent pas après la séance royale; lorsque Louis XVIII et les pairs les eurent laissés libres, Felix Faulcon, leur président provisoire, prit place au bureau. On proposa de rédiger une adresse et de nommer une commission. M. de Beaumont proposa de choisir celle qui avait déjà été nommée au mois de décembre dernier. Cette proposition fut unanimement acceptée; la chambre s'ajourna au lundi suivant, 6 juin. L'adresse fut alors discutée, adoptée et le même jour présentée au roi. Ces deux adresses contenaient explicitement une acceptation de la Charte. Un seul membre des chambres, M. Durbach, député de la Moselle, avait préparé un discours pour réclamer contre le mode de présentation de cette loi constitutive; il voulait qu'elle fût discutée par les chambres; mais on l'engagea à supprimer son discours. Il le fit imprimer quelques jours après. On remarqua que l'adresse de la chambre des députés se terminait par une phrase sur le bonheur que les sujets du roi devraient à Louis-le-Désiré.

Malgré le soin que les membres de la législature avaient eu d'éviter toute question constitutionnelle relative aux droits respectifs de la nation et du roi, on en raisonna beaucoup dans le public. On s'effraya de penser que le roi ou ses successeurs pourraient se croire aussi bien le droit de retirer qu'ils s'étaient cru celui de donner. Mais on se rassura en se disant que c'était un engagement sacré pris envers la France par Louis XVIII pour tous les Bourbons, que c'était un contrat qui cesserait d'obliger l'une des parties du moment où l'autre manquerait aux clauses qui y étaient contenues, etc. Ce fut par des discours semblables que commença à renaître en France l'habitude des conversations politiques, que l'empire avait presque fait perdre.

Le premier mois de la session fut employé par la chambre des

députés à se constituer et à faire son règlement. Le roi, parmi cinq candidats qu'elle lui présenta, choisit Lainé pour son président.

Le 12 juillet, l'abbé Montesquiou lut un exposé de la situation du royaume. Il insista beaucoup sur les malheurs de la guerre et de la conscription. L'état des appels ordonnés depuis la fin de la campagne de Russie est effrayant, disait-il :

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» Heureusement, ajoutait-il, ces dernières levées n'ont pu être complétement exécutées.

» Plusieurs causes concouraient cependant à réparer ces pertes: le sort des habitans des campagnes, amélioré par la division des grandes propriétés, l'égalité de partage dans les successions, et la propagation de la vaccine, ont été sans doute les plus puissantes. C'est à la faveur de ces causes, et en exagérant leurs effets, qu'on a essayé de tromper la nation sur l'étendue de ses sacrifices; plus on enlevait d'hommes à la France, plus on s'efforçait de lui prouver qu'elle pouvait amplement suffire à cette effroyable destruction; mais quand les tableaux qu'on lui présentait eussent été exacts, il en serait seulement résulté que le nombre des naissances devait faire voir avec indifférence le nombre des morts.

» On a été plus loin; on a voulu voir dans la conscription même la source d'un accroissement de population, source impure qui a introduit le désordre et l'im moralité dans les mariages conclus avec précipitation et imprudence; de là une foule de ménages malheureux, d'unions ridicules ou indécentes; on a vu même des hommes du peuple, bientôt lassés d'un état qu'ils n'avaient embrassé que pour se soustraire à la conscription, se rejeter ensuite dans les dangers qu'ils avaient voulu éviter, et s'offrir comme remplaçans pour sortir de la misère qu'ils n'avaient pas prévue, ou rompre des liens si mal assortis.

» Comment n'a-t-on pas réfléchi que si la conscription, en multipliant ces mariages déplorables, avait pu accroître le nombre des naissances, elle enlevait annuellement à la France une grande partie de ces hommes déjà formés qui constituent la véritable force d'une nation? Les faits prouvent évidemment une conséquence si naturelle : la population au-dessous de vingt ans s'est accrue; au-delà de cette limite, la diminution est prodigieuse et incontestable.

» Ainsi, tandis que le gouvernement attaquait les sources de la prospérité nationale, il étalait avec orgueil les restes de cette prospérité qui ne cessait de lutter contre ses fatales mesures; il cherchait à déguiser le mal qu'il faisait sous le bien qui se soutenait encore et dont il n'était pas l'auteur. Maître d'un pays où de longs travaux avaient amassé de grandes richesses, où la civilisation avait fait les plus heureux progrès, où l'industrie et le commerce avaient pris depuis soixante ans un essor prodigieux, il s'emparait de tous ces fruits de l'activité de tant de générations et de l'expérience de tant de siècles, tantôt pour les faire servir à ses funestes desseins, tantôt pour cacher les tristes effets de son influence. Le simple exposé de l'état actuel du royaume montrera constamment la prospérité nationale luttant contre un principe destructeur, sans cesse attaquée, souvent atteinte de coups terribles, et puisant toujours en elle-même des ressources toujours insuffisantes. >>

Le rapport évaluait les pertes en matériel militaire éprouvées dans les campagnes de 1812 et 1813, à 250,000,000 fr., et les dépenses faites dans les places qui n'appartenaient plus à la France à 115,000,000; enfin l'arriéré sur les dépenses de la guerre montait à 261,000,000. — Il évaluait les pertes faites par la marine à plus de 200,000,000, représentant la valeur de quarante-trois vaisseaux, quatre-vingt-deux frégates, soixante-seize corvettes et soixante-deux bâtimens de transport perdus en expéditions mal conçues. Les préparatifs pour le débarquement en Angleterre avaient coûté 150,000,000. Le déficit où l'arriéré des dépenses de la marine était de 61,000,000. Le rapport évaluait le total des anticipations ou des fonds consommés à l'avance à 805,469,000 francs, sans compter l'arriéré des divers ministères, qu'on n'évaluait pas à moins de 500,000,000, ce qui, ensemble, constituait un déficit à combler par l'avenir qui ne s'élevait pas à moins de 1,305,469,000 francs. Ce tableau était effrayant; mais le ministre avait eu le soin de rassurer ses auditeurs en leur parlant des progrès réels faits par l'agriculture et le commerce. La chambre des députés remercia le roi de cette communication.

Dans son rapport sur les finances, le baron Louis imita l'abbé

Montesquiou. Suivant lui, l'empire n'avait jamais présenté au corps législatif un budget. sincère et complet. Pour solder l'arriéré il proposa de vendre trois cent mille hectares de forêts nationales, les biens des communes, et de lui ouvrir un crédit en rentes cinq pour cent, destinées à combler ce qui resterait de l'arriéré. Cette dernière proposition donna lieu à une discussion assez vive où l'on s'appuya de part et d'autre de l'exemple de l'Angleterre. Le projet passa à une majorité de cent quarante voix contre soixante-huit. Le budget de 1815 fut arrêté pour les recettes à 618,000,000, et pour les dépenses à 545,700,000. On maintint l'impôt des droits réunis, malgré la promesse formelle que le comte d'Artois, à son entrée en France, avait faite de l'abolir; seulement on en changea le nom. L'administration des droits réunis fut appelée administration des contributions indi

rectes.

On reprocha à la restauration de nombreuses dilapidations en matière de finances. On assure que dans ses premiers mois, elle consomma en profusions des sommes considérables dont le versement au trésor eût de beaucoup réduit l'arriéré. D'après l'état présenté par la Bouillerie, le 1er avril 1814, le trésor du domaine extraordinaire contenait des valeurs pour la somme de 335,312,483 francs. Qu'étaient-elles devenues? une partie formant, dit-on, 20,000,000 en or, avait été emportée à Blois par la régence. Elle tomba tout entière entre les mains du nouveau gouvernement qui n'en rendit aucun compte et en fit des générosités. Une autre partie consistait en 8,000,000 d'actions de la banque; elles furent négociées, et le produit en fut distribué de la même manière. Une autre portion, montant à plus de 140,000,000, consistant en obligations de la Prusse, de l'Autriche, de la Bavière, de la Saxe, de Westphalie, de Francfort, etc., fut remise aux débiteurs. Les pièces de cette volumineuse comptabilité, dont nous ignorons les autres détails, sont déposées dans les archives de la cour des comptes.

Outre le budget, auquel les hommes de l'empire reprochaient d'être motivé sans loyauté, les Chambres votèrent différentes

lois. Nous allons énumérer les principales, c'est-à-dire celles qui touchaient aux intérêts généraux.

1o Loi qui rend aux émigrés leurs biens non vendus; proposée le 15 septembre par M. le ministre d'état Ferrand; adoptée le 4 novembre par les députés, à la majorité de cent soixante-neuf voix contre vingt-trois.-Dans la discussion, MM. Lainé et Fourquevaux avaient inutilement demandé des indemnités pour les émigrés dont les biens étaient vendus. Lorsque, le 5 décembre, la Chambre des Pairs eut adopté la loi, M. le maréchal duc de Tarente renouvela cette demande, mais avec une addition qui lui assurait plus de succès. La proposition du maréchal tendait « à » accorder, par une mesure générale, des indemnités : 1o aux émi› grés dont les biens avaient été vendus; 2o aux militaires qui › avaient reçu de l'ancien gouvernement des dotations de 500 à › 2,000 francs. Le 28 décembre, attendu sa prochaine séparation, la Chambre des Pairs ajourna cette proposition à la session suivante, suppliant le roi de faire préparer pour cette époque des renseignemens qui la missent à même de statuer sur lesdites indemnités.

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2o Loi qui reconnaît comme dettes de l'état, jusqu'à concurrence de trente millions, les dettes contractées par le roi en pays étranger.

Sur la proposition de M. Fornier de Saint-Lary, faite le 22 juillet, la Chambre, par une résolution du 5 septembre, avait supplié le roi de présenter l'état de ses dettes en pays étranger. M. de Blacas-d'Aulps, ministre de la maison du roi, proposa une loi en conséquence le 29 novembre. Adoptée le 15 du mois suivant, cette loi a réuni cent cinquante-neuf suffrages sur cent soixante votans.

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3° Loi relative à la liste civile. Dès le 27 juin M. Delhorme avait demandé que le roi fût supplié de fixer sa liste civile. Le 27 août, sur l'avis d'une commission, la chambre prit une résolution contenant tous les articles de la loi projetée. Le 15 septembre la Chambre des Pairs amenda cette résolution d'une manière encore plus favorable à la couronne. Le roi, sensible à la sollicitude de sa Chambre des Députés, renvoya son projet,

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