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il n'a pas trouvé la commission réunie, et qu'il y avait lieu de croire qu'il n'y aurait point de message.

Un secrétaire lit une lettre de M. Gondeville-Montricher, capitaine de la garde nationale, qui demande que la garde nationale de Paris ait des postes particulièrement assignés aux retranchemens du midi pour les défendre et les fortifier.

On ordonne la mention honorable de cette lettre et le renvoi au gouvernement. Un membre. Je demande le renvoi par un message spécial.

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M. le président annonce qu'il se chargera de la remettre lui-même à la commission de gouvernement.

Un secrétaire donne lecture de la lettre suivante :

"

Représentans du peuple, nous sommes en présence de nos ennemis ; nous jurons entre vos mains et à la face du monde de défendre jusqu'au dernier soupir la cause de notre indépendance et l'honneur national. On voudrait nous imposer les Bourbons, et ces princes sont rejetés par l'immense majorité des Français. Si on pouvait souscrire à leur rentrée, rappelez-vous, représentans, qu'on aurait signé le testament de l'armée qui, pendant vingt années, a été le palladium de l'honneur français. Il est à la guerre, surtout lorsqu'on la fait aussi longuement, des succès et des revers. Dans nos succès, on nous a vus grands et généreux; dans nos revers, si on veut nous humilier, nous saurons mourir.

» Les Bourbons n'offrent aucune garantie à la nation. Nous les avions accueillis avec les sentimens de la plus généreuse confiance, nous avions oublié tous les maux qu'ils nous avaient causés par un acharnement à vouloir nous priver de nos droits les plus sacrés. Eh bien ! comment ont-ils répondu à cette confiance? Ils nous ont traités comme rebelles et vaincus. Représentans, ces reflexions sont terribles, parce qu'elles sont vrafes. L'inexorable histoire racontera un jour ce qu'ont fait les Bourbons pour se remettre sur le trône de France; elle dira aussi la conduite de l'armée, de cette armée essentiellement nationale, et la postérité jugera qui mérita le mieux l'estime du monde.>> - Au camp de la Villette, le 30 juin 1815, à trois heures après.midi.

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Signé le maréchal, ministre de la guerre, prince D'ECHMUHL; le lieutenantgénéral commandant, en chef le 1er corps de cavalerie, comte PAJOL; le lieutenant-général, baron FRESSINET; le lieutenant-général commandant l'aile droite de l'armée, comte D ERLON; le lieutenant-général commandant des grenadiers de la garde, comte ROGUEr; le maréchal-de-camp commandant le 5o régiment des grenadiers de la garde impériale, comte HARLET; le général commandant près la division des chasseurs PETIT ; le maréchalde-camp commandant le 2e régiment des grenadiers de la garde impériale, baron CHRISTIAN; le maréchal-de-camp, baron HENRION; le lieutenant-général BRUNET; le major GUILLEMAIN; le lieutenant-général, baron LORCET; le lieutenant-général AMBERT; le maréchal-de-camp MARIUS Clary; le maréchal-de-camp CHARTRAIN; le maréchal-de-camp CAMBRIEL; le maréchal-de camp JEANNET; le général en chef, comte Vandamme.» Les plus vifs applaudissemens succèdent à cette lecture. On demande l'im pression et l'envoi aux départemens et aux armées.

Un membre propose de voter des remerciemens, au nom de la Chambre, aux auteurs de cette lettre, de l'insérer au procès-verbal et de charger M. le président d'écrire, au nom de l'assemblée, au maréchal ministre de la guerre une lettre qui lui déclare que les représentans du peuple sont plus que jamais unis de cœur et d'intention avec l'armée pour la défense de la patrie.

M. Bory-Saint-Vincent demande une seconde lecture de cette lettre. Cette seconde lecture est faite, et reçoit les mêmes applaudissemens. M. Lefebvre. Je demande l'impression à vingt mille exemplaires. » M. Grand, de la Dordogne. « Les sentimens exprimés dans cette lettre sont trop beaux, trop sublimes, pour n'être pas l'objet d'une déclaration solennelle de l'assemblée. Je demande que l'assemblée déclare qu'elle partage ces honorables sentimens ; que le vœu de la brave armée sous Paris est le sien, et que le président l'exprime dans une lettre au général en chef. »

M. Felix le Pelletier. « L'expression de sentimens aussi honorables pour la représentation nationale et pour l'armée entière doit produire sur toute la nation l'effet le plus salutaire. Je demande qu'elle soit affichée dans Paris avec les signatures dont elle est revêtue. »>

M. Lefebvre.« Nous la signerons tous. >

Une foule de membres. « Oui, oui. »

M. Saussey. «Messieurs, les sentimens sublimes exprimés dans cette adresse ne doivent pas être stériles, et ils le seraient si nous nous bornions à manifester l'impression qu'ils nous ont fait éprouver; mais je crois devoir proposer d'autres mesures. Depuis trois jours, messieurs, l'armée ennemie est devant Paris ; depuis deux fois vingt-quatre heures, les ennemis de la patrie ont combattu avec avantage; quelle nouvelle le gouvernement a-t-il donnée de ce qui se passe. Est-il une seule goutte de sang français, versé pour la cause de la liberté, qui ne soit notre propre sang, et dont le gouvernement ne nous doive compte. Je demande l'envoi d'un message au gouvernement pour l'inviter à nous rendre compte de tout ce qui se passe... »

Une foule de voix. « Appuyé, appuyé.
D'autres. «Lordre du jour.»

D'autres. « Fermez cette discussion. »

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M. Saussey. « Je me suis, jusqu'à présent, abstenu de paraître à cetle tribune, mais j'ai éprouvé un sentiment trop profond pour garder le silence. Je demande où sont les députés envoyés au quartier-général des ennemis, ce qu'ils font et s'ils ont donné de leurs nouvelles ; j'ai vu à i'instant passer un lieutenantcolonel qui venait d'être blessé; je n'ai pu me contenir, et je demande que nous soyons instruits, jour par jour, et s'il se pouvait d'heure en heure, de la situation des affaires. J'aurais bien une motion plus grave que le salut public me dicterait, mais je la garde pour un autre moment. »

Quelques membres. « Non, non, parlez. »

M. Bory-Saint-Vincent. « Dans la situation où nous sommes, le silence est un crime... L'ordre du jour est demandé. »

On réclame l'exécution du règlement sur l'affiche préalable des propositions. M. le président rappelle les propositions relatives à l'impression et à l'affiche de la lettre qui a été lue, et à l'envoi de l'extrait du procès-verbal.

Ces propositions diverses sont adoptées.

M. Pénières. « Pour l'affiche, il faut des moyens d'exécution; il faut renvoyer au gouvernement. »>

Un grand nombre de membres réclament la levée de la séance.

M. Bory Saint-Vincent et M. Lefebvre demandent que l'extrait du procèsverbal soit porté à l'armée par une députation.

On rappelle la proposition de M..Saussey. - L'ordre du jour est vivement réclamé.

M. Girardin demande instamment la parole pour appuyer l'ordre du jour. (Une très-vive agitation régre dans l'assemblée.)

M. le général Mouton-Duvernet. « Je sais qu'une résolution de la Chambre a chargé le gouvernement de lui faire tous les jours connaître la situation des affaires; mais il est possible que le gouvernement ne puisse pas en présenter tous les jours. Il est impossible que le général en chef, occupé des mouvemens des troupes et des détails immenses d'une défense telle que celle de Paris, puisse jour par jour s'occuper d'un rapport. »

Plusieurs voix. « Ce serait imprudent, dangereux. »

On demande de nouveau l'ordre du jour. — L'ordre du jour est adopté à la presque unanimité. — On demande de nouveau la levée de la séance.

M. le général Mouton-Duvernet. « Vous avez envoyé des commissaires à l'armée; mais les commissaires n'ont pas vu le corps du général Vandamme; les troupes qui composent ce corps ne connaissent ni vos adresses, ni vos commissaires. Les journaux ne parviennent pas au camp, parce que les officiers qui les donnaient à lire aux troupes dans leurs cantonnemens n'ont pas eu le temps de faire changer leurs adresses (1). »

Plusieurs voix. « Tant mieux... »

M. Mouton-Duvernet. « Cependant, il faut que les troupes sachent ce qui se passe, ce que vous faites pour elles, je demande qu'un extrait de vos procèsverbaux soit dès aujourd'hui adressé à l'armée. »

La Chambre arrête que les commissaires iront visiter le corps du général Vandamme demain matin, et lui porteront, avec l'adresse de la Chambre à l'armée, l'extrait des procès-verbaux.

M. le président annonce que demain matin, à neuf heures, la Chambre se réunira dans ses bureaux pour s'occuper de la Constitution, et que la séance générale s'ouvrira à midi; plus tôt, s'il y a un message du gouvernement à lui communiquer.

Chambre des Pairs.-Séance du 1er juillet 1815.

Le prince archi-chancelier déclare la séance ouverte à deux heures trois quarts.

M. le président. « L'ordre du jour appelle M. le comte Thibaudeau à la tribune, pour y faire la proposition qu'il a annoncée hier, et en développer les motifs. »

Le comte Thibaudeau. « J'ai été, en ma qualité de secrétaire de la Chambre, convoqué avec le bureau par la commission de gouvernement. Je n'ai pu m'occuper du travail que je devais soumettre à la Chambre. D'ailleurs j'ai été informé qu'il avait été fait à la Chambre des Représentans une semblable proposition. Je pense que l'examen de la mienne doit être ajourné jusqu'après la clôture de la discussion entamée dans cette Chambre. »

La proposition n'a pas de suite.

M. le comte Thibaudeau (secrétaire) donne lecture d'une lettre du président de la commission de gouvernement, et d'un message contenant une lettre du général Lamarque, annonçant la pacification de la Vendée; 2o une dépêche télégraphique venue de Lyon, et adressée par le maréchal duc d'Albufera. (Voyez Chambre des Représentans).

M. le président. « Il n'y a plus rien à l'ordre du jour. »

Le maréchal Grouchy demande la parole.

"

Messieurs, c'est avec un douloureux étonnement que j'ai vu dans les jour

(1) Le gouvernement avait, quelques jours auparavant, pris des abonnemens aux journaux pour les envoyer à l'armée.

(Note des auteurs.)

naux la manière dont on s'exprime relativement au compte que j'ai rendu de la situation de l'armée du nord. N'ayant cessé de payer aux troupes de l'aile droite que j'ai commandées à Fleurus, et depuis, le tribut d'éloges qu'elles méritent; n'ayant cessé d'écrire qu'elles formaient une masse de plus de vingt mille hommes - d'infanterie, et de cinq mille de cavalerie; qu'elles ramenaient plus de cent bouches à feu, que toutes ces troupes étaient remplies de zèle, d'énergie, de dévouement, comment se permet-on de donner à entendre que celui qui a eu l'honneur de marcher à leur tête les aurait calomniées.

» Messieurs, je demande que le ministre de la guerre publie les pièces et rapports que je lui ai adressés pendant ma marche de Namur jusqu'à Reims. Elles prouveront à l'armée et à la France l'outrage qui m'est fait.

. Arrivé à Reims avec mon brave corps d'armée, j'ai reçu du gouvernement l'ordre de le conduire à Soissons (où le duc de Dalmatie réorganisait les débris de l'armée qui avait combattu à Waterloo), de prendre le commandement de la totalité de l'armée du Nord, et de marcher sur Paris.

» Compiègne, Creil, Pont-Sainte-Maxence n'avaient pas été occupés. L'ennemi en était maître. Il était plus près que moi de la capitale. Je ne pouvais y arriver à temps que par la marche la plus rapide, et en prêtant le flanc pendant dix-huit heures à l'ennemi. Je me déterminai donc à faire filer, couvertes par les troupes qui venaient de Soissons, celles que j'avais amenées de Reims. Cette disposition les a fait arriver à Paris sans tirer un coup de fusil.

» L'aile gauche a été attaquée dans sa marche, comme je m'y attendais, et sur deux points. Quelques pièces de canon ont été prises. Des soldats ont abandonné leurs rangs, et j'ai été moins content des corps de cette aile gauche, que de ceux que j'amenais de Namur.

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» J'ai dû l'écrire : taire la vérité au gouvernement est un crime (qu'aucune considération ne saurait me faire commettre, moins encore quand le salut de la capitale exige que les moyens de défense soient bien pesés.

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Mais, messieurs, si j'ai rendu compte de la désorganisation de l'aile gauche de l'armée, à son arrivée ici, après une marche de ving-huit lieues en trente heures, qu'il me soit permis d'être fier d'avoir pu amener sous Paris les quarante mille hommes que j'y ai conduits; et qu'on n'imagine pas que j'ai pu méconnaître ce dont ils sont capables, et les causes de l'affaiblissement momentané de quelques corps, sous les rapports moraux et numériques.

• Messieurs, une défiance fondée de mes propres talens m'a fait désirer que des mains plus habiles que les miennes fussent chargées de la direction des forces destinées à défendre Paris. Mais permettez-moi d'espérer que la France et vous-mêmes saurez apprécier la difficile et glorieuse retraite qui, en ramenant des bords de la Dyle sur ceux de la Seine les troupes qui m'étaient confiées, nous donne aujourd'hui les moyens de combattre l'ennemi qui vous entoure. »

La proposition du maréchal est appuyée par plusieurs membres. - Insertion de la réclamation au procès-verbal.-M. le président suspend la séance jusqu'à quatre heures. La séance est reprise à quatre heures un quart. Comme il n'est point arrivé de message, la séance est suspendue. - La séance est reprise à neuf heures et un quart. - Le comte Thibaudeau donne lecture d'un message de la Chambre, ainsi que de l'adresse au peuple français, qui y est annexée.

Le comte Fabre. « Messieurs, je ne pense pas qu'on puisse adopter cette adresse sans l'avoir mûrement réfléchie. Je demande que l'examen de cette adresse soit renvoyé à une commission composée de sept membres. >>

T. XL.

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Plusieurs voix. « Le rapport séance tenante. »>

Le comte Fabre. « Quand la commission sera prête. »

Le comte Cornudet. « A demain. »

M. le président met aux voix la proposition de nommer une commission et d'ajourner à demain. Il y a du doute. L'épreuve est renouvelée. — Il est arrêté qu'il sera nommé une commission dont on entendra le rapport demain.

ÉVÉNEMENS MILITAIRES.

Le conseil de guerre, dont on avait, le 1er au matin, décidé la réunion, eut lieu le soir. Voici la liste des questions et des réponses:

« Première question. — Quel est l'état des retranchemens élevés pour la défense de Paris?

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» Réponse. — L'état des retranchemens et leur armement sur la rive droite de la Seine, quoique incomplet, est en général assez satisfaisant. Sur la rive gauche, les retranchemens peuvent être considérés comme nuls.

» Deuxième quest. — L'armée pourrait-elle couvrir et défendre Paris ?

» Rép. - Elle le pourrait, mais non pas indéfiniment; elle ne doit pas s'exposer à manquer de vivres et de retraite?

Troisième quest. Si l'armée était attaquée sur tous les points, pourraitelle empêcher l'ennemi de pénétrer dans Paris d'un côté ou d'un autre?

» Rép. — Il est difficile que l'armée soit attaquée sur tous les points à la fois; mais, si cela arrivait, il y aurait peu d'espoir de résistance.

» Quatrième quest.- En cas de revers le général en chef pourrait-il réserver

ou recueillir assez de moyens pour s'opposer à l'entrée de vive force?

D

Rép. - Aucun général ne peut répondre des suites d'une bataille.

» Cinquième quest. — Existe-t-il des munitions suffisantes pour plusieurs combats ?

» Rép. - Oui.

» Sixième quest. - Enfin, peut-on répondre du sort de la capitale, et pour combien de temps?

A

Rep. Il n'y a aucune garantie à cet égard.

- » Ce 2 juillet, à trois heures du matin. — Signė le maréchal, ministre de la guerre, prince D'ECKMULH. »

Tel n'était pas cependant, dit-on, l'avis unanime des généraux appelés au conseil, ni même l'avis de la majorité. Avant de traiter la question militaire, on avait traité la question politique. Soult et Davoust se prononcèrent vigoureusement en faveur des Bourbons, et par conséquent pour la reddition de Paris. Plusieurs généraux soutinrent l'opinion contraire. Le conseil se sépara sans avoir formulé une délibération. Lorsque les généraux qui voulaient se battre furent retournés à leurs postes, le procèsverbal fut rédigé, et signé par ceux qui étaient restés et voulaient capituler. (Thibaudeau.)

Ce procès-verbal fut aussitôt envoyé à la commission, qui dé

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