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objets dont elles devaient s'occuper. La marche du congrès de Vienne nous permettait de croire à l'établissement général d'une paix solide et durable, et nous nous livrions sans relâche à tous les travaux qui pouvaient assurer la tranquillité et le bonheur de nos peuples. Cette tranquillité est troublée; ce bonheur peut être compromis par la malveillance et la trahison : la promptitude et la sagesse des mesures que nous prenons en arrêtera les progres. Plein de confiance dans le zèle et le dévouement dont les Chambres nous ont donné des preuves, nous nous empressons de les rappeler auprès de nous.

» Si les ennemis de la patrie ont fondé leur espoir sur les divisions qu'ils ont toujours cherché à fomenter, ses soutiens, ses défenseurs légaux renverseront ce criminel espoir par l'inattaquable force d'une union indestructible.

» A ces causes, ouï le rapport de notre amé et féal chevalier chancelier de France, le sieur Dambray, commandeur de nos ordres, et de l'avis de notre conseil, nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit :

» ART. 1er. La Chambre des Pairs et celle des Députés des départemens sont convoquées extraordinairement au lieu ordinaire de leurs séances.

» 2. Les pairs et les députés des départemens absens de Paris s'y rendront aussitôt qu'ils auront connaissance de la présente proclamation.

>> 3. La présente proclamation sera insérée au Bulletin des Lois, etc.

› Donné au château des Tuileries, le 6 mars 1815, et de notre règne le vingtième. Signė Louis. Par le roi, le chancelier de France, signé DAMBRAY, »

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« Louis, par la grâce de Dieu, roi de France et de Navarre, à tous ceux qui ces présentes verront, salut.

» L'article 12 de la Charte constitutionnelle nous charge spécialement de faire les réglemens et ordonnances nécessaires pour la sûreté de l'état ; elle serait essentiellement compromise si nous ne prenions pas des mesures promptes pour réprimer l'entreprise qui vient d'être formée sur un des points de notre royaume, et arrêter l'effet des complots et attentats tendans à exciter la guerre civile et détruire le gouvernement.

» A ces causes, et sur le rapport qui nous a été fait par notre amé et féal chevalier chancelier de France, le sieur Dambray, commandeur de nos ordres, sur l'avis de notre conseil, nous avons ordonné et ordonuons, déclaré et déclarons ce qui suit :.

» ART. fer. Napoléon Bonaparte est déclaré traître et rebelle, pour s'être introduit à main armée dans le département du Var. Il est enjoint à tous les gouverneurs, commandans de la force armée, gardes nationales, autorités civiles, et même aux simples citoyens, de lui courir sus, de l'arrêter, et de le traduire incontinent devant un conseil de guerre, qui, après avoir reconnu l'identité, provoquera contre lui l'application des peines prononcées par la loi.

» 2. Seront punis des mêmes peines, et comme coupables des mêmes crimes, les militaires et les employés de tout grade qui auraient accompagné ou suivi ledit Bonaparte dans son invasion du territoire français, à moins que dans le délai de huit jours, à compter de la publication de la présente ordonnance, ils ne viennent faire leur soumission entre les mains de nos gouverneurs, commandans de divisions militaires, généraux, ou administrateurs civils.

» 3. Seront pareillement poursuivis, et punis comme fauteurs et complices de rébellion et d'attentat tendant à changer la forme du gouvernement et provoquer la guerre civile, tous administrateurs civils et mil taires, chefs et employés dans lesdites administrations, payeurs et receveurs de deniers publics, mèmė

les simples citoyens qui prêteraient directement et indirectement aide ou assistance à Bonaparte.

» 4. Seront punis des mêmes peines, conformément à l'article 102 du Code pénal, ceux qui, par des discours tenus dans des lieux ou réunions publiques, par des placards affichés ou par des écrits imprimés, auraient pris part ou engagé les citoyens à prendre part à la révolte, ou à s'abstenir de la repousser.

» 5. Notre chancelier, nos ministres secrétaires d'état et notre directeur général de la police, chacun en ce qui le concerne, sont chargés de l'exécution de la présente ordonnance, qui sera insérée au Bulletin des Lois, etc.

» Donné au château des Tuileries, le 6 mars de l'an de grâce 1815, et de notre Signė Louis. Par le roi, le chancelier de France, si

règne le vingtième.

gné DAMBRAY. »

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Paris, 8 mars. —Le ton des journaux royalistes changea subitement; plus d'attaques contre la révolution et les révolutionnaires; ils cherchèrent à plaire à ceux qu'ils irritaie at incessamment depuis près d'un an. On caressa l'armée. On fit des distributions extraordinaires dans les casernes. On se fit populaire; on promettait à tout le monde. Les adresses des autorités arrivèrent de tous côtés. On pouvait croire à les lire que le dévouement était universel, et que chacun était prêt à mourir pour les Bourbons. Le même jour, le comte d'Artois passait les troupes en revue à Lyon, et recevait les hommages des fonctionnaires. Il écrivait qu il croyait pouvoir compter sur l'appui de tous. Cependant, Soult publiait la proclamation suivante.

Ordre du jour à l'armée.

« Soldats, cet homme qui naguère abdiqua aux yeux de toute l'Europe un pouvoir usurpé, dont il avait fait un si fatal usage, Bonaparte est descendu sur le sol français, qu'il ne devait plus revoir !

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Que veut-il? La guerre civile. Que cherche-t-il? Des traîtres. Où les trouverait-il? Serait-ce parmi ces soldats qu'il a trompés et sacrifiés tant de fois en égarant leur bravoure? Serait-ce au sein de ces familles que son nom seul remplit encore d'effroi?

» Bonaparte nous méprise assez pour croire que nous pouvons abandonner un souverain légitime et bien-aimé pour partager le sort d'un homme qui n'est plus qu'un aventurier. Il le croit, l'insensé ! et son dernier acte de démence achève de le faire connaître.

» Soldats, l'armée française est la plus brave armée de l'Europe; elle sera aussi la plus fidèle.

⚫ Rallions nous autour de la bannière des lis, à la voix de ce père du peuple, de ce digne héritier des vertus du grand Henri! Il vous a tracé lui-même les devoirs que vous avez à remplir : il met à votre tête ce prince modèle des chevaliers français, dont l'heureux retour dans notre patrie a déjà chassé l'usurpateur, et qui aujourd'hui va par sa présence détruire son seul et dernier espoir. » Paris, le 8 mars 1815, Le ministre de la guerre, signé maréchal duc de DALMATIE, D

Marche de Napoléon. Du 7 aú 9.-En quittant Gap, le 6, Napoléon marchait sur Grenoble, où des dispositions avaient été prises qui paraissaient devoir déjouer ses projets. Sept à huit cents hommes, avant-garde d'une divison de six mille hommes de troupes de ligne, étaient partis de cette ville pour se porter contre lui : ils sont rencontrés le 7 par Cambronne, commandant l'avant-garde de l'île d'Elbe, et refusent de parlementer. Napoléon dépêche auprès d'eux un autre officier, qui essuie un pareil refus. Alors Napoléon s'y rend de sa personne, suivi de quelques grenadiers ayant l'arme sous le bras. Il se présente seul aux soldats du roi Hé quoi, mes amis, leur dit-il, vous. ne me › reconnaissez pas! Je suis votre empereur. S'il est parmi › vous un soldat qui veuille tuer son général, son empereur, > il le peut; me voilà!... » Et il efface sa poitrine. Les soldats répondent en criant vive l'empereur; ils arborent la cocarde tricolore, embrassent leurs camarades de l'ile d'Elbe, et demandent à marcher des premiers contre la division de, Grenoble. Les paysans accourent, et les acclamations deviennent unanimes. Napoléon range ses nouvelles troupes en bataille; il leur dit : « Je » viens avec une poignée de braves, parce que je compte sur le › peuple et sur vous. Le trône des Bourbons est illégitime, » puisqu'il n'a pas été élevé par la nation; il est contraire à la » volonté nationale, puisqu'il est contraire aux intérêts de notre › pays, et qu'il n'existe que dans l'intérêt de quelques familles. » Demandez à vos pères; interrogez tous ces habitans qui arri› vent ici des environs : vous apprendrez de leur propre bouche › la véritable situation des choses. Ils sont menacés du retour › des dimes, des priviléges, des droits féodaux, et de tous les » abus dont vos succès les avaient délivrés. N'est-il pas vrai, >paysans? » Oui, oui! répondirent-ils unanimement. - Sur ces entrefaites arrive Labédoyère avec son régiment, le septième de ligne; instruit d'avance, il avait préparé cette défection importante, qui donna le branle à toute l'armée. Il s'était détaché de la division de Grenoble pour se réunir à l'empereur. Des acclamations et des embrassemens signalèrent cette réunion. Sire,

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› dit Labédoyère, les Français vont tout faire pour votre ma» jesté; mais il faut aussi que votre majesté fasse tout pour eux. → Plus d'ambition, plus de despotisme; nous voulons être libres › et heureux. Il faut abjurer, sire, le système de conquête et de » puissance qui a fait le malheur de la France et le vôtre. › — › Si je réussis, répond Napoléon, je ferai tout ce qu'il faudra › faire pour remplir l'attente de la nation : son bonheur m'est » plus cher que le mien. C'est pour la rendre libre et heureuse › que je me suis jeté dans une entreprise qui pouvait ne pas › avoir de succès, et me coûter la vie; mais nous aurions eu la ⚫ consolation de mourir sur le sol de la patrie. » Cependant le général Marchand, commandant pour le roi, se disposait à soutenir le siége de Grenoble. L'armée impériale se répand sous les murs de la ville : les soldats ont l'arme renversée; ils marchent gaiement, et sans ordre militaire, chantant des refrains nationaux, criant vive la France! vive Napoléon! vive Grenoble ! Cependant la garnison ne se prononçait pas; mais elle fut bientôt entraînée par la population, qui du haut des remparts répétait les cris de joie et de fraternité des assiégeans. Les habitans se sont précipités aux portes de la place; ils les brisent, en relèvent quelques débris, et, au bruit des fanfares, les apportent à Napoléon: A défaut des clefs de la bonne ville de Grenoble, di› sent-ils, voilà les portes! C'est ainsi que Napoléon fit son entrée le 7 à Grenoble. Il trouvait là de nombreux renforts, des armes, de l'artillerie et des munitions. Il y séjourna le 8, reçut les autorités civiles, militaires et religieuses. « J'ai su, leur dit› il, que la France était malheureuse; j'ai entendu ses gémisse› mens et ses reproches : je suis venu avec les fidèles compa› gnons de mon exil pour la délivrer du joug... Mes droits à moi » m'ont été déférés par la nation, par la volonté unanime des › Français; ils ne sont autres que les droits du peuple. Je viens » les reprendre, non pour régner, le trône n'est rien pour moi; › non pour me venger, je veux oublier tout ce qui a été dit, fait, › écrit depuis la capitulation de Paris; mais pour vous restituer >> les droits que les Bourbons vous ont ôtés, et vous arracher à la

› glèbe, au servage et au régime féodal, dont ils vous mena› cent... J'ai trop aimé la guerre; je ne la ferai plus; je laisserai » mes voisins en repos : nous devons oublier que nous avons été > les maîtres du monde. Je veux régner pour rendre notre belle › France libre, heureuse et indépendante, et pour asseoir son › bonheur sur des bases inébranlables. Je veux être moins son ⚫ souverain que le premier et le meilleur de ses citoyens. Le même jour il passa la garnison en revue; elle était de six mille hommes; les soldats avaient repris leur cocarde tricolore: C'est la même, répétaient-ils en passant devant Napoléon, c'est la même que nous portions à Marengo, à Austerlitz! « C'est parmi yous, leur disait l'empereur, que j'ai fait mes premières » armes. Je vous aime tous comme d'anciens camarades : je vous

ai suivis sur le champ de bataille, et j'ai toujours été content › de vous. Mais j'espère que nous n'aurons pas besoin de vos › canons; il faut à la France de la modération et du repos. L'ar» mée jouira dans le sein de la paix du bien que je lui ai déjà » fait, et que je lui ferai encore. Les soldats ont retrouvé en moi › leur père; ils peuvent compter sur les récompenses qu'ils ont » méritées. Le 9, Napoléon partit de Grenoble, à la tête de huit mille hommes, pour se rendre à Lyon. « Ah! s'écriait-il en › voyant toujours la foule se grossir sous les enseignes tricolores, › je retrouve les sentimens qui, il y a vingt ans, me firent saluer » la France du nom de la grande nation! Oui, vous êtes encore ⚫ la grande nation, et vous le serez toujours!» Napoléon ne pouvait plus douter de la réussite de son entreprise; dans la même journée du 9 il reprit d'une manière officielle l'exercice du pouvoir en proclamant trois décrets impériaux : l'un ordonnait d'intituler les actes publics et de rendre la justice en son nom à dater du 15 mars; les deux autres appelaient et organisaient les gardes nationales des cinq départemens qui protégeaient son retour. Il adressa au département de l'Isère l'adresse qui suit :

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