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ne fournissant que 19,6 p. 100 de matières volatiles, lorsque celle de Ronchamp en donne 27 p. 100, la première est, d'après cela, une houille grasse à courte flamme, et la seconde, une houille grasse ordinaire. Le mode de combinaison des éléments est tout autre dans les deux cas. L'hydrogène et l'oxygène emportent plus de carbone lorsqu'on distille la houille de Ronchamp; par suite, dans ce combustible, l'union des gaz avec le carbone est plus intime que dans celle du Creusot; par suite aussi, au moment même où cette combinaison plus intime s'est constituée, une plus grande somme de chaleur fut dégagée et perdue. Plus la proportion de matières volatiles est considérable, moins le pouvoir calorifique est grand.

En comparant les deux houilles de notre bassin du Nord (Anzin et Denain) aux deux charbons de Duttweiler et de Sultzbach du bassin de Saarbrück, on voit que la composition élémentaire est peu différente; que les matières volatiles qui résultent de l'analyse immédiate font ranger les houilles du Nord parmi les charbons gras ordinaires, presque à courte flamme même pour celle d'Anzin, tandis que les deux houilles de Saarbrück sont des charbons gras à longue flamme; enfin, que les différences de caloricité variant de 300 à 600 calories croissent et décroissent dans le même sens que les proportions de coke.

En poursuivant encore l'examen du tableau, on voit que les charbons les plus pauvres en coke développent le moins de chaleur. Si le Louisenthal fournit 247 calories de moins que le von der Heydt, quoique les proportions de coke soient presque identiques, cela doit tenir très-probablement à la circonstance que, dans les matières volatiles elles-mêmes, les trois éléments ne sont pas toujours constitués de la même façon. Ainsi l'on peut admettre que le pouvoir calorifique décroît d'une manière générale avec la proportion de coke, et que l'analyse immédiate peut ainsi conduire, d'une façon approximative, au pouvoir calorifique. Il convient de remarquer cependant que la proportion de coke décroît plus rapidement que le pouvoir calorifique. En comparant les extrêmes, on trouve

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Cette réserve faite, il n'en demeure pas moins vrai que l'analyse immédiate fournit une image plus vraie des propriétés essentielles des houilles (pouvoir calorifique, pouvoir agglomérant et cendres) que l'analyse élémentaire; et, comme elle exige d'ailleurs beaucoup moins de temps et d'habileté, elle est en tout cas préférable au point de vue industriel.

Autre fait qui se dégage aussi du tableau précédent : le pouvoir calorifique réel de tous les combustibles, à part celui du lignite bitumineux de Bohême, qui, par sa forte dose en hydrogène, se rapproche des pé

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troles (*), est non-seulement plus considérable que le pouvoir calorifique calculé d'après la formule de Dulong, mais encore, en ce qui concerne les anthracites et les houilles proprement dites, plus élevé que la somme des calories dues au carbone et à l'hydrogène total. Ainsi, par exemple, la houille du puits Chaptal a donné 9622 calories, lorsque CH correspondent à 8670.

M. Scheurer-Kestner, frappé de cette apparente anomalie, en tire la conclusion que la combinaison du carbone et de l'hydrogène a dû se faire, dans les houilles, avec absorption de chaleur, à la façon des composés explosibles. Mais cette anomalie n'est réellement qu'apparente. La houille n'a aucun des caractères des substances explosibles, et si le pouvoir calorifique réel est supérieur au nombre calculé, cela provient uniquement de ce qu'on a recours pour le carbone au chiffre de 8080 calories, tandis qu'il faudrait prendre un nombre plus voisin de 11 214, qui est le pouvoir calorifique théorique du carbone gazéifié (**). En tout cas, il est évident, même en ne considérant ce nombre de 11 214 calories que comme le résultat d'une spéculation purement théorique, que le carbone peu condensé des houilles doit produire plus de chaleur que le carbone pur, extrait du charbon de bois. D'autre part, pour l'hydrogène solidifié, il faudrait choisir un nombre inférieur au chiffre 34 462 calories qui correspond à l'hydrogène gazeux donnant de l'eau, prise également à l'état de gaz.

Il est facile de s'assurer que l'on arriverait à des valeurs moins éloignées de la vérité si l'on adoptait, par exemple, 9000 calories pour la chaleur de combustion du carbone de la houille, et 30 000 calories pour celle de l'hydrogène solidifié. L'accord n'est cependant pas satisfaisant; en particulier le calcul donne des valeurs trop peu élevées pour les houilles riches en carbone fixe, et, au contraire, trop fortes pour celles qui laissent peu de coke.

En résumé, il est évident que le mode de combinaison des éléments d'une houille est trop variable pour qu'il soit possible de déduire le pouvoir calorifique de la simple analyse élémentaire.

Il faut donc, ou déterminer directement par expérience le pouvoir

(*) Le pétrole et les roches à pétrole forment une série tout à fait distincte des houilles. Ils sont caractérisés par une teneur fort élevée en hydrogène qui leur communique un pouvoir calorifique considérable, malgré la faible proportion de carbone fixe. M. Gruner classe dans la série du pétrole, les bitumes solides, les lignites bitumineux de Bohême, le bogheat d'Écosse, le jayet, certaines variétés de cannel-coal, etc. (**) Voici comment on arrive au nombre de 11 214 calories. On sait que le carbone développe 2473 calories lorsqu'il se transforme en oxyde de carbone, et ce dernier gaz produit à son tour 8080-2473-5607 calories, lorsqu'il se combine avec un nouvel équivalent d'oxygène, c'est-à-dire qu'en apparence des quantités égales d'oxygène développent des quantités fort inégales de chaleur. Je dis en apparence, parce que, dans le premier cas, le carbone solide passe à l'état gazeux, tandis que, dans la combustion de l'oxyde de carbone, c'est du carbone déjà gazéifié qui brûle. Or si l'on admet, avec M. Bankine, que la loi de Welther reste vraie dès que les réactions chimiques ne sont ni suivies ni accompagnées de changement d'état, on voit que l'excès de 5607 sur 2473, soit 3134 calories, doit précisément correspondre à la chaleur absorbée par la gazéification du carbone; par conséquent, le carbone gazeux développerait 8080+ 3134 11 214 calories, s'il donnait directement de l'acide carbonique.

calorifique de chaque espèce de houille, ou bien se contenter des moyen nes auxquelles on arrive en combinant les expériences de Mulhouse, résumées dans le tableau précédent, avec les nombreux essais industriels faits à Berlin par M. le docteur Brix, et, en France ainsi qu'en Angleterre, par les marines de l'État.

Donnons les chiffres auxquels on arrive ainsi, en faisant connaître les autres propriétés des diverses sortes de houille, et abordons dès maintenant l'étude proprement dite des combustibles minéraux.

Tous les combustibles, sauf peut-être certains pétroles et certains graphites, sont d'origine végétale; les uns, comme le bois et la tourbe, se forment encore journellement sous nos yeux; les autres, les combustibles minéraux, depuis longtemps enfouis dans le sein de la terre, ont subi des modifications qui ont profondément altéré leur nature première la couleur a graduellement passé du blanc au brun et au noir; la densité a plus que doublé; l'oxygène et l'hydrogène ont disparu en partie, entraînant avec eux une partie du carbone; l'oxygène surtout se trouve éliminé, en sorte que le combustible solide, ainsi modifié, contient, en général, d'autant plus de carbone et d'autant moins d'oxygène que l'altération est plus avancée.

Dans la substance ligneuse pure, la cellulose, la proportion d'oxygène dépasse d'un dixième celle du carbone, tandis que dans les combustibles les plus altérés, les anthracites, elle n'atteint que le quarantième de la teneur en carbone. La décroissance relative de l'hydrogène est sensible aussi, quoique moins prononcée. Dans la cellulose, on trouve pour 1000 de carbone, 139 d'hydrogène; dans les houilles, il en reste 75 à 40; dans les anthracites, 40 à 25.

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Comme l'oxygène disparaît plus rapidement que l'hydrogène, les divers combustibles peuvent surtout être caractérisés par le rapport H la proportion Az d'azote étant toujours très-faible, ou encore par la proportion de charbon que fournit la distillation du combustible supposé sec et sans cendres.

ou

0+ Az
H

Tableau résumant ces données, et destiné à marquer les types.

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(1) Mais non dans les lignites bitumineux, qui se rapprochent des pétroles, et sont, comme eux, exceptionnellement riches en hydrogène."

Occupons-nous des houilles, qui sont de beaucoup les plus importants de ces combustibles.

La densité des houilles pures, peu chargées de cendres, est comprise entre 1,25 et 1,35; les plus riches en carbone sont les plus denses. Le poids du mètre cube en morceaux varie de 700 à 900 kilog. Composition élémentaire des houilles :

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Au point de vue industriel, on peut résumer les houilles dans les cinq types caractérisés dans le tableau suivant:

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charbon à coke.

tout au plus fritté.

Fondu,

mais très-fendillé.

Fondu, moyennement compacte. Fondu,

0,74 à 0,82 très-compacte,

peu fendillé.

Fritté ou pulvérulent.

(1) L'oxygène comprend en réalité l'azote, mais la proportion d'azote dépasse rarement p. 100 du poids des combustibles.

Cette classification de M. Gruner diffère peu de celle de M. Regnault, Les trois premiers types correspondent aux trois premiers genres de ce savant. La différence porte sur les deux derniers. M. Gruner séparé complétement les houilles des anthracites proprement dites, et laisse dans la classe des houilles maigres les charbons dont le coke conserve encore une certaine tendance à se fritter. Il nomme les houilles da quatrième type houilles grasses à courte flamme et non houilles fortes et dures, pour éviter toute équivoque. Les houilles à courte flamme sont appelées dures par M. Regnault, d'après la qualification adoptée dans le Nord, parce qu'elles durent au feu, tandis qu'au fond, ces houilles sont les plus tendres et les plus friables de toutes (page 603).

M. Gruner insiste aussi sur la différence à établir entre les houilles sèches et les houilles maigres. Le plus souvent, on emploie indifféremment l'un ou l'autre terme pour désigner par là un charbon non col

lant. Pour éviter toute confusion, il convient de réserver le mot de sec pour le premier type, où l'absence du pouvoir agglomérant est due, comme dans les lignites, à la forte proportion d'oxygène, et d'appliquer par contre le terme de maigre uniquement aux houilles peu grasses qui passent aux anthracites, par suite de la forte teneur en carbone et de la faible proportion d'hydrogène. On remarquera encore que cette classification est surtout basée sur l'analyse immédiate, c'est-à-dire sur la proportion et la nature du résidu de la distillation, qui correspond d'ailleurs au pouvoir calorifique (355).

Les cinq types de houille se reconnaissent déjà, jusqu'à un certain point, par les caractères extérieurs; mais il convient pourtant, si l'on veut éviter toute erreur, de les soumettre à l'analyse immédiate. Les houilles à longue flamme, voisines des lignites, sont relativement dures, sonores au choc, tenaces, à cassure inégale, d'un noir mat, et à poussière plutôt brune que noire. A mesure que l'oxygène diminue et que, par suite, la proportion d'eau fournie par la distillation tend à décroître, on voit la houille devenir plus friable, moins sonore, plus noire et plus dense. L'éclat augmente surtout avec la proportion d'hydrogène, et avec l'hydrogène aussi, le pouvoir agglomérant. Enfin, les houilles qui passent aux anthracites sont d'un noir pur, et de nouveau, en général, un peu moins tendres que les houilles grasses à courte flamme.

Ces diverses propriétés sont au reste notablement modifiées par les éléments terreux. La densité et la dureté croissent avec la teneur en cendres, tandis que l'éclat tend à diminuer.

La combustibilité et l'étendue de la flamme dépendent des éléments volatils. Les houilles voisines des lignites s'enflamment aisément, elles brûlent avec flamme longue et fuligineuse; on les appelle flambantes. Celles qui sont peu riches en matières volatiles, et surtout en hydrogène, s'enflamment et brûlent moins facilement; elles se consument plus lentement; elles durent au feu; la flamme est d'ailleurs courte et peu enfumée.

La combustibilité des houilles dépend aussi de la nature des cendres. Lorsqu'elles sont ferrugineuses et calcaires, elles encrassent et empâtent les grilles sous forme de mâchefer. Les cendres purement argileuses ou siliceuses restent pulvérulentes et gênent beaucoup moins la combustion. Dans les cendres argileuses on rencontre pourtant presque toujours, comme dans les argiles les plus réfractaires, une faible proportion de potasse ou de soude. Le phosphate de chaux s'y montre également et contribue, avec les alcalis, à donner aux cendres des houilles des propriétés fertilisantes.

La classification ci-dessus adoptée s'accorde non-seulement avec le pouvoir calorifique, mais encore, jusqu'à un certain point, avec l'âge géologique. Ainsi, dans la plupart des bassins houillers, on constate que les couches supérieures sont plus riches en matières volatiles que les couches inférieures. Cependant cela n'est vrai que pour les couches d'un même bassin, et il faut ajouter pour les couches qui se succèdent

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