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La grande application du four Siemens à la fabrication de l'acier sur sole avait été indiquée par Réaumur et autres; mais elle n'avait pu être encore réalisée industriellement, faute de pouvoir obtenir dans la pratique des températures suffisantes.

Des études de MM. Siemens en Angleterre, et de M. Martin en France, résulta le procédé connu sous le nom de Martin-Siemens, qui fonctionne depuis plus de sept ans avec succès, tant en France qu'en Angleterre. Dans certaines usines, notamment dans celle de Terre-Noire, la production s'élève jusqu'à 18 à 20 tonnes d'acier par four, en vingtquatre heures.

M. Siemens a cherché à remplacer par le minerai lui-même les riblons de fer ou d'acier en usage dans ce procédé pour l'affinage de la fonte. Il y est arrivé, et son procédé commence à se répandre dans les grandes aciéries anglaises et allemandes. L'opération s'effectue dans un four analogue à celui dont on fait usage pour le procédé MartinSiemens, mais aussi puissant que possible. On charge 5 tonnes de fonte, laquelle n'a pas besoin d'être aussi pure que pour l'opération Bessemer. On charge ensuite le minerai par 100 kilog. à la fois, jusqu'à une tonne environ, que l'on introduit, suivant les cas, à l'état cru ou mieux fondu préalablement. On doit d'ailleurs prendre des échantillons avant chaque addition. Lorsque la teneur en carbone est descendue à 0,001, on ajoute de 400 à 500 kilog. de spiegel-eisen à 10 p. 100 de manganèse; on râble énergiquement le bain, et l'on procède à la coulée. L'opération dure dix heures ou huit heures, suivant qu'on charge la fonte froide ou qu'on la prend directement au fourneau. Le produit doit être d'environ 2 p. 100 supérieur au poids de la fonte employée, et il revient moins cher, tout en étant de meilleure qualité, que l'acier Bessemer ou que l'acier obtenu avec les riblons.

M. Boistel termine sa communication par quelques mots sur le procédé de traitement direct des minerais de fer, que M. Siemens travaille depuis plusieurs années déjà, et qui paraît être à la veille de trouver sa réalisation pratique. L'opération s'effectue dans un four rotatif recevant d'un côté les gaz et l'air des régénérateurs, qui s'échappent par le même côté, et où l'on introduit par l'autre bout le minerai et les agents réducteurs. Le résultat se traduit par des blooms qui ne peuvent pas encore être étirés directement, mais qui sont très-convenables pour être dissous dans le bain de fonte initial du procédé Martin-Siemens, où ils produisent de l'acier de qualité supérieure. M, Boistel pense que le prix de revient des balles puddlées obtenues par ce procédé pourra descendre jusqu'à 100 francs la tonne.

383. Four rotatif du système de M. Samuel Danks, ancien puddleur anglais, pour le puddlage de la fonte (voir sur ce four une note publiée, t. II, année 1872, des Annales des mines, par M. Amiot, ingénieur des mines, et une note publiée, en février 1873, dans les Annales des ponts et chaussées, par M. Lemoine, ingénieur des ponts et chaussées). En principe, le procédé Danks consiste dans l'emploi d'un four dont le laboratoire est un cylindre horizontal en fonte, pouvant recevoir un

mouvement de rotation autour de son axe, et revêtu intérieurement d'un enduit d'oxyde de fer. La rotation du cylindre produit le brassage de la fonte, et les parois fournissent l'oxygène nécessaire à l'oxydation du carbone. L'ouvrier est ainsi dispensé de la manoeuvre pénible du crochet, et il n'a plus à souffrir de la chaleur du four. En même temps, le rendement est augmenté par la réduction partielle de l'oxyde de fer des parois, et la qualité est améliorée par une élimination plus complète du soufre et du phosphore.

384. Four rotatif Pernot (mémoire de M. Henry, ingénieur des mines, sur la fabrication du fer, de l'acier puddlé et de l'acier fondu, à l'usine de Saint-Chamond. Annales des mines, t. VI, 1874). L'apparition du 'four à puddler de M. Danks a produit dans la métallurgie du fer, en Angleterre notamment, une émotion considérable; le nouvel appareil paraissait résoudre enfin le problème du puddlage mécanique; il supprimait le travail si pénible du puddleur; il était considéré comme devant apporter à la fois de grands avantages aux propriétaires d'usines et un soulagement très-marqué aux fatigues des ouvriers.

Mais l'adoption du four Danks entraîne la modification complète de l'usine; il faut non-seulement changer les fours, mais encore augmenter de beaucoup la puissance des appareils cingleurs et des laminoirs; on ne peut, en effet, cingler et laminer avec les outils existants les boules énormes de fer brut que l'on retire du nouveau four. C'est pourquoi on a cherché une disposition qui rendît le travail du puddlage, sinon complétement mécanique, du moins beaucoup plus facile pour l'ouvrier, et qui n'entraînât pas avec elle un changement radical dans l'outillage de la forge.

M. Pernot, chef de la fabrication à l'usine de Saint-Chamond (Loire), a adopté un four à sole circulaire, en forme de cuvette, tournant autour d'un axe faisant un petit angle avec la verticale. Ce four a été expérimenté depuis les derniers mois de 1873. M. Henry a suivi avec soin les essais divers qui ont été faits, soit pour la fabrication du fer, soit pour celle de l'acier naturel. Il donne, dans le mémoire cité plus haut, la description aussi complète que possible de l'appareil et des résultats qu'il a fournis; il dit ensuite comment le dispositif de la sole tournante a été appliqué pour la fabrication de l'acier fondu au four à réverbère, et il indique les résultats obtenus, à Saint-Chamond, dans cette fabrication.

383. Acier Bessemer. Nous extrayons ce qui suit d'un mémoire de M. Janoyer, ingénieur-directeur de forges, sur la fabrication des fontes Bessemer et leur conversion en acier, publié dans les Annales des mines, t. III, année 1873.

Nulle découverte n'a fait autant de bruit dans le monde métallurgique que la transformation de la fonte en acier par le procédé Bessemer. Cette invention n'est point le résultat d'appréciations scientifiques; elle est l'œuvre patiente et persévérante d'un homme dont l'intuition fut supérieure aux spéculations de la science.

Convertisseur. Le vase dans lequel se fait l'opération Bessemer est

une cornue en tôle de 0,015 environ d'épaisseur, garnie intérieurement de sable un peu argileux et très-réfractaire; le sable de Voreppe (Isère) réussit très-bien. Cette cornue, dont la forme rappelle assez celle des cornues dont on se sert dans les laboratoires de chimie, est munie au centre, extérieurement, d'un cercle en fer ou en acier qui porte deux tourillons reposant sur deux paliers en fonte. L'un des tourillons est plein et porte un engrenage mû par une crémaillère fixée à l'extrémité d'une tige de cylindre à vapeur ou hydraulique, disposition qui permet de faire tourner la cornue sur ses tourillons pour lui donner les inclinaisons réclamées par les opérations.

Par l'autre tourillon, qui est creux, arrive le vent destiné à l'oxydation des matières unies au fer. Ce vent se rend par un tube latéral dans un faux fond, d'où des tuyères l'amènent dans le bas de la fonte en fusion contenue dans la cornue; il traverse de bas en haut, dans toute sa profondeur, le bain de fonte, et se dégage, brûlé, par le col de l'appareil.

Le corps de la cornue est cylindrique, et son axe rencontre l'axe de l'appendice formant la gueule du convertisseur sous un angle assez grand, de manière à former réservoir où la fonte et l'acier se réunissent sans obstruer les tuyères lorsque le convertisseur est horizontal. Le fond de la garniture intérieure de la cornue est plat et raccordé avec la portion cylindrique par des parties arrondies.

Le fond est généralement percé de 7 ou 9 trous, dans lesquels s'engagent des tuyères en terre réfractaire qui sont elles-mêmes percées chacune de 7 ou 9 trous de 0,009 de diamètre, destinés à admettre le vent, qui doit brûler le carbone et les métaux étrangers à la fonte.

L'expérience a démontré que pour des hauteurs de fonte sur le fond variant de 0,40 à 0,55, il faut au vent une pression mesurée par une hauteur double de mercure; ainsi, pour 0,55 de hauteur de fonte, il faut au moins au vent une pression de 1",10 de mercure.

L'expérience a encore démontré que la durée des opérations pour des poids quelconques de fonte varie de 30 à 40 minutes, soit 35 minutes en moyenne. Dans ces limites, la combustion du carbone n'est pas trop rapide, et les métaux étrangers ont le temps de disparaître avant la décarburation complète, condition essentielle de réussite. D'un autre côté, la combustion marche encore assez vite pour donner au bain de métal une température suffisante pour le tenir parfaitement liquide.

Le poids de fonte à traiter dans le convertisseur étant de 4200 kilog., le bain présentant une hauteur d'environ 0,50 à 0,55, le volume d'air. ramené à 0° et à la pression 0,76, à fournir en 35 minutes est, pour brûler :

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La fonte est grise et supposée contenir, p. 100: 4 de carbone, 2 de silicium et 3 de manganèse.

Il convient d'augmenter le volume d'air à fournir de 25 p. 100 pour compenser les pertes. On arrive ainsi à fournir 16 mètres cubes de vent par tonne de fonte et par minute.

La mise en mouvement de tous les appareils Bessemer (convertisseur, grues, etc.) se fait au moyen de l'eau soumise à une pression considérable, 30 atmosphères environ. Cette eau est fournie par des corps de pompe à pistons pleins. Pour le cas de convertisseurs de 4000 à 4500 kilog. de fonte, quatre corps de 0,12 de diamètre et 0,12 de course sont suffisants. Le cylindre à vapeur pour les mettre en mouvement a généralement 0,30 de diamètre intérieur et 0,50 de course; la pression de la vapeur doit ètre de 3 à 4 atmosphères, 3,5 en moyenne.

Les pompes envoient l'eau dans un accumulateur qui en régularise le débit. Cet accumulateur consiste en un corps de pompe de grande dimension, dans lequel se meut un piston plein que l'on charge d'un poids faisant équilibre à la pression que l'on veut obtenir pour manoeuvrer les grues et les convertisseurs. Au moment où tous les appareils Bessemer sont au repos, les pompes continuant à fonctionner, l'accumulateur monte; si l'on vient à ouvrir les robinets pour les mettre en marche, l'accumulateur descend en fournissant l'eau qui excède la production des pompes. Ces dernières, ayant ainsi toujours la même pression à vaincre et le même débit d'eau, fonctionnent très-régulièrement.

Les fontes à traiter par le procédé Bessemer ne doivent pas contenir de soufre, d'arsenic et de phosphore, en un mot, de substances étrangères qui résistent à une action oxydante énergique. On sait que le protosulfure de fer n'est pas décomposé, ou du moins qu'il ne l'est que très-imparfaitement, et que le phosphore ne disparait en partie que dans certaines conditions particulières. Il y a donc lieu d'éliminer de la fabrication des fontes tous les minerais trop pyriteux ou phosphoreux. Il faut dire trop pyriteux, car il est possible de produire des fontes entièrement exemptes de soufre, bien que le coke et le minerai en contiennent des quantités peu considérables.

Les proportions les plus convenables de manganèse dans les fontes Bessemer sont 2 et 4,5 p. 100.

Dans la conversion de la fonte en acier Bessemer, deux cas peuvent se présenter on peut avoir à transformer de la fonte venant directement du haut fourneau, ou de la fonte refondue au cubilot ou au four à réverbère.

Dans l'un et l'autre cas, la conversion se fait au convertisseur; la nature des fontes seule varie. Il faut pour la deuxième fusion des fontes plus grises, car la fusion, soit au cubilot, soit au réverbère, amène toujours un affinage qui élimine une partie du carbone, du silicium et du manganèse. Des fontes qui seraient déjà pauvres de ces corps étrangers ne développeraient plus assez de chaleur.

Pour refondre la fonte au cubilot, il convient d'employer des cokes

de toute première qualité, provenant de bouille bien lavée (352), afin d'avoir le moins possible de cendres et, par suite, le moins possible de substances sulfurantes capables de détériorer la fonte. Dans la refonte au réverbère, il faut fondre rapidement pour avoir le moins possible d'oxydation, et il convient, par suite, d'avoir recours à l'appareil Siemens ou Ponsard pour chauffer le réverbère (382).

Malgré le déchet relativement faible provenant de la refonte (1,5 p. 100 environ), la grande consommation de combustible, qui est, par tonne de fonte, de 400 kilog. de coke pour le cubilot, et de 550 à 600 kilog. de houille pour le réverbère, doit être une raison pour bannir de la fabrication de l'acier Bessemer le travail en deuxième fusion, qui ne présente aucun avantage.

Travail au convertisseur. Avant d'introduire la fonte dans le convertisseur, on le chauffe fortement jusqu'à ce qu'il soit au rouge blanc intérieurement.

On introduit alors la fonte en tenant le convertisseur horizontal, et l'on fait fonctionner les machines soufflantes de manière à avoir le vent à une forte tension dans le régulateur et les conduits de vent, pour éviter que la fonte, au moment du relevage du convertisseur, ne pénètre dans les trous des tuyères.

Le convertisseur relevé et le vent admis, l'affinage de la fonte com

mence.

Cet affinage peut se diviser en deux périodes très-distinctes. La première est celle de la combustion des métaux étrangers : silicium, manganèse; la deuxième, celle du carbone.

Au début de l'opération, il ne sort que peu de flammes par la gueule du convertisseur : on n'aperçoit qu'une gerbe d'étincelles plus ou moins abondantes, jaunes rouges. Il ne se brûle pendant ce temps-là que peu de carbone, et le produit de sa combustion n'est que de l'acide carbonique. A la fin de cette période, du métal retiré de la cornue n'est encore que de la fonte blanche très-dure, cassante et ne fléchissant pas sous le marteau.

A cette période, qui dure de 10 à 15 minutes, en succède une nouvelle, caractérisée par la disparition de la gerbe d'étincelles, qui est remplacée graduellement par une flamme blanche très-vive uniquement due à la combustion du carbone à l'état d'oxyde de carbone. En retirant du métal de la cornue à la fin de cette période, on a un fer plus ou moins affiné qui s'aplatit sous le marteau.

A cette flamme très-vive succède enfin un trouble accompagné de fumées, et la flamme tombe plus ou moins brusquement. C'est l'indice de la fin de l'opération. On rabat le convertisseur et l'on arrête le vent.

Comme pendant tout le temps qu'a duré l'affinage il s'est produit des oxydes en assez grande abondance, et que l'on a en définitive un fer qui contient plus ou moins d'oxygène et de matières oxydées, on introduit dans la cornue un corps qui, très-avide d'oxygène, réagit sur les oxydes en les réduisant et en absorbant l'oxygène libre.

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