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pagne. Retrouver la lettre perdue de notre véritable caractère national; comprendre que la France, derrière le Rhin, dépouillée en partie de ses conquêtes, serait encore l'effroi des trônes, à la condition de redevenir le flambeau des peuples; sacrifier alors à la nécessité, accepter l'affaiblissement matériel dont nos ennemis se faisaient un triomphe, pour reprendre l'empire de cette puissance morale dont ils avaient perdu le souvenir; donner un autre terrain à la lutte et la transporter dans le domaine de l'idée; se prociamer l'empereur de la révolution et susciter contre la coalition des aristocraties liguées pour l'asservissement des nations, la coalition des démocraties unies pour la perte des rois: tel était ce rôle. Ce changement de front déjouait et tournait tous les calculs de nos ennemis. Et l'Europe que Napoléon leur eût ainsi abandonnée, c'était pour eux la chemise de Nessus: le feu des principes révolutionnaires, caché dans ses plis, les eût tous dévorés avant dix années.

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Moreau au camp des alliés.- BaÉchecs subis par les généraux franLes trois journées de Leipsick. - CatasRetraite de l'armée ·Désastres au-delà des

trophe du pont de Leipsick; mort de Poniatowski.

française. Bataille de Hanau.

Pyrénées.

La ligne du Rhin.

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« L'Autriche médiatrice rendait toute conciliation impossible; mais l'Autriche en se déclarant en état de guerre, nous met tous dans une position plus vraie et plus simple. L'Europe est ainsi plus près de la paix, car il y a une complication de moins. Eh bien! puisque les alliés fondent tant d'espérances sur les chances des combats, rien n'empêche de négocier en sc battant. Écrivez à M. de Metternich que je propose dès aujourd'hui d'ouvrir un congrès dans une ville frontière qu'on neutralisera. >>

Telles sont les paroles que Napoléon a adressées à M. de Bassano, en recevant la déclaration de guerre de l'Autriche.

Le ministre français écrit donc à M. de Metternich, pour lui communiquer les intentions de Napoléon. Mais la note de

M. de Bassano est empreinte de tant d'amertume, ses récriminations contre la politique de Vienne sont si vives, ses reproches si violents, que personne ne peut se méprendre sur le caractère de cette pièce. C'est moins une nouvelle tentative de pacification, qu'une dénonciation solennelle au monde et à l'histoire, de la perfidie autrichienne.

Depuis le mois de février, les dispositions hostiles du cabinet de Vienne contre la France sont flagrantes. Le Danemark, la Saxe, la Bavière, le Wurtemberg, la Westphalie et Naples ont leurs archives pleines de pièces qui prouvent la duplicité de l'Autriche. Metternich, par un système de protestations prodiguées d'un côté, d'insinuations répandues de l'autre, a compromis la dignité de son souverain et prostitué ce qu'il y a de plus sacré parmi les hommes, un congrès, un médiateur, le nom de la paix! Si l'Autriche voulait la guerre, pourquoi se parer d'un faux langage et entourer la France d'un tissu de piéges? Si l'Autriche voulait la paix, pouvait-elle prétendre que des négociations aussi compliquées dussent s'accomplir en vingt jours? Était-ce une volonté pacifique que celle qui consiste à dicter la paix à la France, en moins de temps qu'il n'en faut pour conclure la capitulation d'une place assiégée ? La négociation de la paix de Vienne, en 1809, lorsque la plus grande partie de la monarchie autrichienne était entre les mains des Français, a duré deux mois. L'Autriche, ennemie, couvrait son ambition du masque de médiatrice!

A cette appréciation si vraie, si juste, mais imprudente dans un pareil moment si l'on songeait réellement à la paix, de la duplicité du cabinet de Vienne, succède la proposition d'un congrès où toutes les puissances, grandes et petites, seront appelées; où toutes les questions seront posées; où l'on n'exigera point que cette œuvre aussi difficile que salutaire soit terminée ni dans une semaine, ni dans un mois; où l'on procédera avec la lenteur inséparable de toute opération de cette nature.

Est-ce en peu de jours que les traités d'Utrecht, de Nimègue, de Ryswick, d'Aix-la-Chapelle, ont été conclus?

L'Autriche n'accepte ni ne repousse la proposition de M. de Bassano. Tout en affirmant qu'elle saisit avec empressement une lueur d'espoir de parvenir à la pacification générale, elle déclare, « que ne pouvant décider sur un objet d'un intérêt "tout à fait commun, sans en avoir préalablement conféré << avec tous les autres alliés, les trois Cours vont incessam«ment porter à leur connaissance la proposition de la France.»> Ainsi la guerre recommencera; l'Europe se précipitera sur l'Empire; le monde subira les épouvantables bouleversements d'une lutte générale; et, dans l'un et dans l'autre camp, chacun proteste encore de son amour de la paix, de sa sollicitude pour le repos des peuples. Personne ne veut endosser, devant la postérité, la lourde responsabilité des déchirements prochains; tous cherchent à se tromper, à donner le change sur leurs véritables propensions; et si, en ce moment, une puissance supérieure aux puissances humaines, une de ces interventions divines, comme l'histoire des temps fabuleux nous en montre dans les guerres héroïques, se jetait tout à coup entre les deux partis : remettant et maintenant chaque chose à sa place, forçant la France à s'asseoir paisible sur les bords du Rhin, la Russie à reprendre la route de ses vastes provinces, rendant l'Allemagne à la liberté, la Prusse et l'Autriche à leurs anciennes limites; si la pacification et l'équilibre européen, après lesquels, des deux côtés, on feint de courir, venaient ainsi à être imposés au monde ; la coalition maudirait une paix qui laisserait debout son ennemi, et Napoléon renoncerait avec douleur aux chances des batailles, dans lesquelles il espère encore pour reconquérir l'empire du continent.

Les soixante-treize jours qui se sont écoulés depuis la signature de l'armistice jusqu'à son expiration, le 16 août, ont été bien employés pour la guerre, s'ils ont été perdus pour la diplomatie.

TOME V.

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