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Le royaume

Witepsk. Murmures

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et découragement dans les états-majors. Prise de Smolensk. Bataille de Polotsk. Bataille de Valoutina et de la Moskowa.

Napoléon à Moscow. - Incendie de Moscow par Rostopchin.-On essaie des ouvertures de paix.— Ira-t-on à Saint-Pétersbourg? - Hésitation. Retraite de la grande armée.Destruction du Kremlin.

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L'empereur Alexandre s'était rendu à Wilna, ancienne capitale de la Lithuanie, dès le 26 avril. Les forces qu'il avait disposées autour de lui, pour s'opposer à l'invasion française, présentaient deux grandes armées. La première, dite armée de l'Ouest, était commandée par le général Barclai de Tolly. Elle se composait d'une première division de vingt-six mille hommes, commandés par les généraux Wittgenstein et Ouvarow, et dont les campements s'étendaient à Rossiana, Keidani et

Wilkovo; d'une seconde division de seize mille hommes, avec le général Baggowouth, placée en arrière de Kowno, vers l'embouchure de la Wilia; d'une troisième division, de dix-huit mille hommes, sous les ordres de Toutchkow, et tenant Novoitroki, près de Wilna; d'une quatrième, enfin, obéissant à Schouvalow, en avant d'Olenki. Ces quatre corps formaient ainsi le centre et la droite des lignes russes. La seconde armée, dite de l'Est, commandée en chef par le prince Bagration, se divisait en deux corps seulement, dont l'un de quarante mille hommes, avec le grand-duc Constantin, se reliait au centre de la ligne de défense par Swentziani et Smorgani; l'autre, fort de vingt mille fantassins, avec le général Doctorow, et de sept mille Cosaques conduits par l'hetman Platow, formait la gauche extrême de la ligne. Le général Marakow faisait en outre des levées dans la Wolhynie; le général Thormasow organisait un corps d'armée pour opérer du côté du grand-duché de Varsovie. La garde impériale tenait Wilna. A ces ressources, Alexandre Ier comptait joindre bientôt une puissante réserve. Nous voulons parler des troupes qui opéraient sur le Danube, avec le général Kutusow, contre la Turquie. L'Angleterre employait toutes les ruses de sa diplomatie à amener un traité de paix entre Constantinople et Saint-Pétersbourg; elle devait réussir dans ses efforts.

Jetons cependant un regard sur le terrain qui va servir de théâtre aux premières opérations de la campagne. Le génie militaire de Napoléon s'y déploiera dans toute sa force et dans toute sa virilité, et nous y verrons briller dans son éclat le coup d'œil du grand homme qui embrasse les espaces les plus étendus et des légions innombrables. Combinant les mouvements de ses quatre cent mille combattants, il semble avoir animé d'un même esprit et d'une même volonté les cent généraux qui font manœuvrer ses soldats sur les rives du Niémen. Et ce spectacle du génie de la guerre, élevé à sa plus haute

puissance, nous intéressera d'autant plus, que nous trouverons pour ainsi dire, entre Kowno et Wilna, le terme fatal du phénomène de notre siècle. A peine auront-ils touché le sol de la Russie, que tous ces maréchaux, ces dues, ces comtes de l'empire, ces grands dignitaires, moins chargés d'honneur encore, de titres et de dotations, que de gloire, seront saisis comme d'un vertige. Napoléon lui-même, cet esprit si lucide, si lumineux et si précis, aura ses illusions, ses mirages, et l'heure des revers sonnera pour l'armée française. Vaincre et abaisser l'Europe monarchique coalisée contre l'idée française, couler en bronze notre nationalité révolutionnaire au feu de vingt batailles, telle avait été en partie l'œuvre du grand capitaine. Mais coaliser à son tour l'Europe vaincue, l'Autriche, la Prusse, toute l'Allemagne, rois, princes et capitaines humiliés pour marcher, avec leur concours, à la conquête d'une paix qui eût consolidé leur ruine; mais traîner après soi, à six cents lieues, avec leurs rivalités, leur amour-propre, leur lassitude, toute cette pléiade de généraux auxquels douze années de campagne avaient donné tout ce qu'ils pouvaient attendre de la guerre: c'était semer dans le sillon du premier revers les folles espérances des uns, le découragement des autres, pour recueillir la trahison et les défections des contingents étrangers, l'indiscipline et la discorde des maréchaux de l'empire

Napoléon allait trouver tout cela en traversant le Niémen. Sur le point où s'était porté le centre de la grande armée, le Niémen forme un angle rentrant sur le territoire lithuanien, dont le sommet est marqué par la ville de Kowno. Les deux branches de cet angle ont leur extrémité, sur la gauche à Tilsit, sur la droite à Grodno. Les divisions russes sont rangées à peu près parallèlement à ces deux branches, portant leurs ailes vers Grodno et Tilsit. Quant à Kowno, ce point reculé de l'angle, il esten ce moment peu défendu; mais Wilna se trouve à vingt lieues en arrière, et c'est dans les murs de cette place importante

qu'Alexandre Ier a établi son quartier général. Entre Kowno et Wilna manœuvrent les seize mille hommes de Baggowouth. Pour compléter cette situation, mentionnons le camp dit de Drissa, à trente lieues environ en arrière de Wilna, très-fortement retranché, approvisionné d'une manière considérable, et défendant la route de Saint-Pétersbourg.

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La carte du Niémen a appris à Napoléon tout le parti qu'il peut tirer de la position de l'armée ennemie. Il effectuera le passage sur trois points à la fois : à Grodno, à Tilsit, à Kowno. Le 22 juin, il porte son quartier général à Nougoraidski. Deux cent mille hommes le suivent. Pendant qu'il opérera sur Kowle maréchal Macdonald, duc de Tarente, marchera sur Tilsit avec vingt-cinq mille hommes; le prince Jérôme, roi de Westphalie, se dirigera sur Grodno avec soixante-cinq mille combattants. Attaqués sur tous ces points à la fois, les Russes, trop inférieurs en nombre pour diviser leurs forces et faire face simultanément à cette triple agression, seront réduits à ces deux alternatives: 1° se concentrer sur Wilna, et abandonner ainsi Grodno et Tilsit; dans ce cas, Napoléon peut être arrêté en arrière de Kowno, mais le duc de Tarente et le roi de Westphalie, passant impunément le fleuve, déborderont l'armée de Barclai de Tolly, et la bataille sera décisive; 2° renforcer les deux ailes pour défendre Tilsit et Grodno. Cette manœuvre peut suspendre le passage des deux lieutenants de Napoléon, mais elle livrera Wilna à deux cent mille Français, qui se précipiteront comme un torrent impétueux dans l'intervalle laissé entre les deux ailes de l'armée d'Alexandre.

Ainsi, dès le début de la campagne, Napoléon doit écraser à la fois les deux corps de Bagration et de Barclai de Tolly, s'ils se concentrent sur Wilna, ou couper les Russes par le centre, séparer les deux généraux en chef, et les battre séparément en se portant tour à tour sur chacun d'eux. L'un et l'autre événement lui donneront la Russie. N'est-ce pas de cette

manière qu'il a vaincu et réduit à crier merci l'Autriche, la Prusse, tous les empires qui ont subi successivement le de la France?

joug

Dans la nuit du 23, à deux heures du matin, Napoléon, déguisé en Polonais, monte à cheval et se rend aux avant-postes, accompagné du général Haxo. Il va reconnaître lui-même le point le plus favorable pour le passage de l'armée. Les équipages de pont sont tous prêts. La journée se passe en dispositions préliminaires, en démonstrations, donnant le change aux patrouilles russes qui éclairent la rive droite du Niémen. A huit heures du soir, lorsque la nuit commence à se faire, les pontoniers s'établissent un peu au-dessous de Kowno, près du village de Poniemen. Quelques compagnies de voltigeurs traversent le fleuve dans des barques, et protégent la construction de trois ponts, achevés en moins de deux heures par les soins du général Eblé.

Le passage s'effectue aussitôt, et deux cent mille hommes, après s'être emparés de Kowno, se jettent sur la route de Wilna, dans la journée du 24. L'armée qui franchit ainsi le Niémen, sous les yeux de l'empereur, se compose du premier corps, commandé par le général Davoust, ayant sous ses ordres les généraux Morand, Friand, Gudin, Desaix, Compans et Pajol; du deuxième corps, dirigé par le maréchal Oudinot, avec les généraux Legrand, Verdier, Merle et Castex; du troisième, conduit par le maréchal Ney et les divisionnaires Ledru, Razout et Marchand; de la cavalerie du roi de Naples et de la garde impériale.

Le même jour, Macdonald traversait le fleuve à Tilsit avec les divisions Grandjean, d'Yorck et Massembach.

Confiant dans les forces qui se déployaient sur ses lignes, de Tilsit à Grodno, Alexandre Ier attendait à Wilna, dans une grande sécurité, l'ouverture de la campagne. Il pensait qu'une armée aussi considérable que celle de son adversaire, manœuvrant

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