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nent jamais, et leur amalgame ne produit qu'une matière inerte.

La Constitution de Sainte-Hélène ne soupçonne même pas les intérêts sociaux. Le citoyen qu'elle régit est un être de convention, sans besoins, sans aptitudes, vivant dans un monde où le gouvernement ne pénètre point; livré à l'anarchie intellectuelle, morale et matérielle, dès qu'il se trouve en dehors de ce qui concerne la loi, c'est-à-dire la prévention et la répression. L'égalité des droits est proclamée; tous les Français sont égaux devant le Code et devant les tribunaux, et tous sont admissibles aux emplois, aux charges et aux dignités de l'État. Voilà l'Égalité du but, et c'est quelque chose, sans doute; mais l'Égalité des moyens nous manque, et nous retombons dans le privilége. Est-il besoin de consacrer par un article constitutif que toute carrière est ouverte à tous? Et à quelle époque done n'a-t-il pas été permis au membre de la classe la plus infime de la société de s'élever au niveau de sa valeur naturelle, lorsque celle-ci se trouvait développée par l'instruction? Nous venons de nommer la clef de voûte de l'Égalité : l'Éducation! Quvrir les emplois, les charges, les dignités à tous les associés de la grande communauté nationale, sans mettre à la portée de tous les instruments de l'œuvre : dérisoire égalité qui jette dans le peuple des aspirations incessantes et inassouvies, et qui transforme en une effroyable vérité la fable de Tantale! Celui qui oserait sonder l'abîme de maux que nous a ouvert l'Egalité ainsi comprise, reculerait d'épouvante.

Napoléon fit beaucoup pour l'instruction, dans les quinze années de son règne; mais ses idées pratiques, dans cette partie comme dans toutes les autres, se ressentirent de ses efforts constants pour créer une aristocratie hiérarchique. Les hautes régions de l'enseignement lui durent de brillantes améliorations; les basses régions furent traitées d'une manière beaucoup moins libérale. Son Université créa un privilége de plus dans son vaste

réseau de priviléges. Il comprit mal l'éducation gratuite, et ne comprit pas du tout l'éducation obligatoire.

Les idées révolutionnaires qui sont forcément restées incomplètes sur beaucoup de questions, reprises aujourd'hui, s'élè vent ici cependant à mille coudées au-dessus du système napoléonien. Comme premier jalon de ces idées, l'Assemblée nationale avait décrété, le 13 septembre 1791 :

« Il sera créé et organisé une instruction publique, commune « à tous les citoyens, gratuite à l'égard des parties d'enseigne«ment indispensables pour tous les hommes, et dont les établis«sements seront distribués graduellement dans un rapport « combiné avec la division du royaume. »

Nous trouvons plus tard une disposition de la loi du 29 frimaire an II, ainsi conçue:

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« Les pères et mères, tuteurs, curateurs, sont tenus d'envoyer « leurs enfants ou pupilles aux écoles de première instruction. « Ceux qui auront négligé de faire instruire leurs enfants ou pupilles, seront punis, pour la première fois, d'une amende égale au quart de leurs contributions; et pour la deuxième, << suspendus de leurs droits civiques pendant dix ans. Ceux des « jeunes gens qui n'auront pas appris, à vingt ans accomplis, <«< une science, un art ou un métier utile à la société, seront << privés pendant dix ans des droits de citoyen.»>

Enfin, de cette Montagne d'où jaillirent tant d'éclairs et tant de tempêtes, une idée d'éducation nationale était sortie, qui eût régénéré la société tout entière, avec un bon système d'application; nous voulons parler du plan d'éducation nationale de Michel Lepelletier, dont le rapport fut fait à la Convention, le 13 juillet 1793. D'après ce plan d'éducation, tous les enfants devaient habiter en commun, être élevés et nourris de la même manière; chaque citoyen, marié ou célibataire, père de famille ou non, fournissait aux frais de cette éducation sous forme d'impôt progressif. Au-dessous d'une contribution de 3 livres,

l'impôt n'était que de 1 livre 10 sols; au-dessus, il s'élevait progressivement, de manière à faire payer 10,000 livres au citoyen jouissant d'un revenu de cent mille. L'éducation en commun commençait à cinq ans, et se terminait à douze ans pour les garçons.

Ce n'est pas ici le lieu de traiter la question de l'enseignement; nous avons voulu seulement mettre en parallèle l'idée napoléonienne, fondant l'Université, prenant la question par le haut, livrant les masses au laissez-faire; et l'idée révolutionnaire descendant tout de suite jusqu'aux premières assises de la société pour y poser les larges bases d'une instruction populaire.

En vain, au XIX siècle, lorsque de tous côtés surgissent les formules de la nouvelle science sociale, lorsque nous sommes prêts à recueillir tous les fruits de nos expériences d'un demisiècle, un membre de la famille impériale a-t-il saisi la plume pour essayer la réhabilitation des Idées napoléoniennes (*). L'erreur commune à ceux qui ont regardé l'Empire comme une école politique, et qui rêvent un retour impossible vers le passé; cette erreur a été partagée par le fils d'Hortense Beauharnais. Il a pris les Intérêts, l'Autorité, le Fait pour la grande trilogie gouvernementale; il n'a rien vu au delà ni en deçà, et il a fait son apologie. Certes, on ne nous accusera point d'avoir méconnu la véritable grandeur de Napoléon, d'avoir rétréci, comme l'ont essayé dans le temps les historiens monarchiques, l'œuvre de cet Atlas moderne, qui porta tout un monde sur ses larges épaules quinze années durant. Tous les Faits de son règne sont brillants et marqués au coin d'un génie supérieur, d'une personnalité puissante. Jamais Autorité plus complète, plus virile, plus énergique ne fut placée au sommet d'un État; jamais

(*) Des Idées Napoléoniennes, par le prince Napoléon-Louis Bonaparte, 1839.

aussi un faisceau d'Intérêts matériels ne fut lié par la main d'un homme avec plus de force et d'habileté. Mais aujourd'hui les Faits ne sont plus que du domaine de l'histoire, et les nouvelles conditions des sociétés européennes interdisent de les renouveler. Les Intérêts, brisés et renversés, ne pourraient être rétablis que sur les ruines des conquêtes démocratiques; nous parlons non-seulement de celles que nous avons faites jusqu'à ce jour, mais encore de celles qui découleront naturellement d'une progression pacifique; l'Autorité se présentant comme une synthèse gouvernementale n'est plus possible.

L'Idée tend de plus en plus à préparer, à faire éclore, à gouverner le Fait. Les Principes se posent chaque jour davantage à côté des Intérêts; ils finiront par les dominer de toute la hauteur qui sépare la justice de la violence. La Liberté renferme dans ses flancs les vraies formules de l'Autorité nouvelle que les sociétés accepteront, et qui fera disparaître tous les antagonismes; parce que ce qui est d'une manière permanente, directe, incessante, l'expression de la volonté de tous, s'impose à chacun sans que la pensée de la résistance vienne à personne.

FNL

ET

PIÈCES JUSTIFICATIVES.

DU TOME CINQUIÈME.

1

(PAGE 15.)

ARTICLES SÉPARÉS ET SECRETS

Du traité d'alliance entre l'Autriche et la France, signé le 14 mars 1812.

ARTICLE 1er. L'Autriche ne sera pas tenue de fournir le secours stipulé par l'article 4 du traité patent (*), dans les guerres que la France soutiendrait, ou contre l'Angleterre, ou au delà des Pyrénées.

ART. 2 Si la guerre vient à éclater entre la France et la Russie, l'Autriche fournira ledit secours stipulé par les articles 4 et 5 du traité de ce jour. Les régiments qui doivent le former seront, dès à présent, mis en marche et cantonnés de manière qu'à dater du 1er mai ils puissent, en moins de quinze jours, être réunis sur Lemberg.

Ledit corps de troupes sera pourvu d'un double approvisionnement de munitions d'artillerie, ainsi que des équipages militaires nécessaires au transport de vingt jours de vivres.

ART. 3 — De son côté, S. M. l'empereur des Français fera toutes ses dispositions pour pouvoir opérer contre la Russie, à la même époque, avec toutes les forces disponibles.

ART. 4.

....

Le corps de troupes fourni par S. M. l'empereur d'Autriche sera

(*) . . . . . Les deux hautes parties contractantes... s'obligent à se secourir mutuellement... Ce secours stipulé sera composé de 30,000 hommes, dont 24,000 d'infanterie et 6000 de cavalerie, constamment entretenus au grand complet de guerre, et d'un attirail de soixante pièces de canon.

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