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en ordonnant de relâcher une frégate anglaise, dont l'escadre française de Brest s'était emparée par représailles, avant que la guerre ne fut déclarée.

Mais cette démonstration de la bonne foi qui animait le gouvernement français, et la réclamation présentée au cabinet britannique, n'eûrent pas l'effet qu'on devait en attendre.

Les motifs exposés en faveur de la restitution des prises, par le ministre de France à Londres, reposent sur des doctrines d'une sagesse et d'une justice admirables, et qui devraient servir de guide à tous les gouvernements.

Voici comment s'expliquait l'envoyé du roi de France: «Des sujets qui, sous la foi des traités, du droit des gens et de la paix, naviguent et font leur commerce, ne peuvent pas justement souffrir de la mésintelligence établie dans les cabinets des deux cours, avant qu'elle leur soit connue. Les déclarations de guerre ne sont établies par le droit des gens, que pour publier aux peuples les querelles de leurs souverains, et pour les avertir que leurs personnes et leurs fortunes ont un ennemi à craindre. Sans cette déclaration convenue, il n'y aurait point de sûreté publique; chaque individu serait en danger ou en crainte, au moment qu'il sortirait des limites de sa nation. Si ces principes sont incontestables, il reste à examiner la date de la déclaration de guerre des deux couronnes et la date des prises. Tout ce qui est pris antérieurement à la déclaration ne peut être adjugé de bonne prise, sans boulverser les lois les plus saintes.» (Voir au chap. II, § 4 [6], la réponse fière et digne du vicomte de Bouville aux autorités anglaises.)

Aussi longtemps que la course ne sera pas formellement abolie par tous les gouvernements, tous, du moins, devraient faire profession de pareils principes et y rester fidèles.

La déclaration de guerre ; — la déclaration, en même temps, que toute prise qui sera faite avant un délai déterminé, sera nulle; sont des actes que commande la loyauté, et qui honoreront toujours tout gouvernement qui les fera franchement. (Voir Livre I, titre III, §§ 3, 4 et 5.) « Une guerre sans déclaration préalable « est un guetapens; c'est la guerre des pirates et des fli« bustiers. >>

a

Quelques années avant la guerre de sept ans, à laquelle la Prusse prit part comme alliée de la Grande-Bretagne, ces deux Puissances avaient eu des démêlés sérieux qui intéressent le droit maritime des nations: ils ont fait l'objet du chapitre précédent.

§ 2.

Autres faits de rupture sans déclaration préalable.

Voir chap. VII - Guerre maritime pour l'indépendance des États-Unis de l'Amérique septentrionale.

Chap. XI, §§ 4 à 5 mer, en temps de paix. Chap. XXVI

Prises maritimes, -attaques en pleine

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Rupture de la paix d'Amiens;

expédition

contre le Danemarck.

Chap. XXXVII, § 4 Blocus du Pirée.

CHAPITRE VI.

DÉCLARATION DE GUERRE. DÉLAI ACCORDÉ AUX NÉGOCIANTS POUR SE RETIRER APRÈS LA RUPTURE. 1)

En lisant l'histoire des différends politiques qui, à diverses époques, ont déterminé des hostilités sur mer, on a trop fréquemment l'occasion de reconnaître, que l'Angleterre s'est, plus que tout autre État maritime, permis des attaques et des procédés qui violaient le droit des gens, la justice et les traités. Les ordres secrets donnés à sa marine, en 1756 et 1776, les mesures officielles adoptées en 1804 et en 1807, les violences exercées par ses vaisseaux militaires dans la limite de la mer territoriale des autres États, etc., portent témoignage irrécusable de la vérité de ce que nous avons avancé. (Voir chap. III, IV, VII, XII, XXII, XXIV, XXVI, XXVII, etc.)

Abreu, publiciste espagnol, s'appuyait sur l'existence de faits, antérieurs à ceux que rappellent les dates ci-dessus, quand il écrivait, dans son Traité des prises maritimes: «Les Anglais sont <«<les seuls qui se soient portés à ces attentats, sans respecter <«< aucun droit, et qui, contre toute raison, se soient emparés des << vaisseaux de leurs ennemis à la vue même et sous les canons << des ports neutres. >>

L'exposé des faits qui décidèrent la guerre, en 1780, entre la Grande-Bretagne et la république des Provinces-Unies des PaysBas, démontrera que, du moins, en cette circonstance, le cabinet britannique a respecté les usages internationaux, admis généra

1) Voir Livre I, titre III, § 6 et Livre II, chap. VII, § 11.

lement au moment d'une rupture de la paix entre deux ou plusieurs Puissances.

Nous ne parlerons que d'une manière très-sommaire, parcequ'elles n'eurent pas de suites sérieuses, des premières difficultés qui eurent lieu à l'occasion des relations commerciales, en 1775, des Hollandais avec les colonies anglo-américaines révoltées (voir chap. VII); quelques lettres et notes furent échangées à ce sujet entre les États-Généraux et l'ambassadeur anglais à la Haye, lequel réclamait du gouvernement des ProvincesUnies de prendre des mesures pour arrêter les envois clandestins de munitions de guerre aux colonies rebelles, par les négociants hollandais.

Les États-Généraux donnèrent, à cet effet, les ordres nécessaires, à plusieurs reprises, le 18 août 1775, le 10 octobre 1776, etc. Ces ordres n'arrêtèrent pas le commerce des Hollandais de File de St.-Eustache.

Le résident anglais dans l'île de St.-Christophe fit parvenir ses plaintes, à ce sujet, au gouverneur de l'île hollandaise, en portant d'ailleurs à sa connaissance que divers bâtiments étaient sortis de l'ile St.-Eustache dans le but avoué de courir sus aux bâtiments anglais, que le sloop le Baltimore- Hero, sorti le 24 novembre 1776, sous le pavillon adopté par le congrès américain, avait attaqué, sous le canon de St.-Eustache, un brigantin anglais ; il se plaignit, enfin, de ce que l'André Doria, portant le pavillon du congrès, eut été reçu dans la rade de St.-Eustache et salué, par le fort Orange, de treize coups de canon, en réponse au salut que ce brick avait fait.

Certes, ces faits avaient de la gravité. Dans la position où se trouvaient les colonies anglo-américaines, révoltées contre la métropole, et dont l'indépendance n'avait encore été reconnue par aucun des grands États de l'Europe, l'asile donné au BaltimoreHero et le salut rendu à l'André Doria, portant le pavillon du congrès, étaient de nature à éveiller la légitime susceptibilité du cabinet britannique; quoiqu'il en soit, ces premières circonstances sont restées tout-à-fait secondaires parmi les causes qui ont déterminé la rupture de 1780.

Bientôt après, au reste, en novembre 1777, ce furent les États-Généraux qui eûrent à faire entendre des plaintes et à élever des réclamations, à l'occasion de la saisie de divers bâtiments hollandais, sous prétexte qu'ils étaient destinés pour des ports français, et dont quelques-uns avaient été enlevés sous les batteries de la rade de Surinam et sous les canons du fort Amsterdam: la vierge

Martine Henrich, l'Abda, la vierge Debora, la Maria, l'Espérance, la vierge Odiana, le Dauphin, etc.

Les plaintes des négociants, des fréteurs et des assureurs hollandais, contre la conduite hostile des armateurs anglais, se multiplièrent de plus en plus; elles donnèrent lieu, en 1778, à l'échange de plusieurs mémoires entre le chevalier York, envoyé britannique à la Haye, et le gouvernement des Provinces-Unies.

Pendant ces discussions, la France cherchait à entraîner les États-Généraux à adopter sa politique, favorable à l'indépendance des colonies anglo-américaines.

Sur ces entrefaites (octobre 1779), le corsaire américain PaulJones (que l'Angleterre devait considérer comme pirate aussi longtemps qu'elle ne voyait dans les Anglo-Américains que des sujets révoltés), s'était emparé de deux bâtiments de S. M. britannique, le Sérapis et la Comtesse de Scarborough, qu'il conduisit au Texel. 1)

Le chevalier York demanda que ces bâtiments fussent relâchés. Les États-Généraux firent soigner les blessés, mais ils refusèrent la restitution des prises; ils donnèrent d'ailleurs l'assurance que les bâtiments capturés recevraient l'ordre de s'éloigner des ports hollandais, aussitôt qu'ils seraient en état de reprendre la mer.

A la même époque, environ, la cour d'Espagne, excitée par le cabinet de Versailles, avait, le 26 juin 1779, déclaré la guerre à la Grande-Bretagne.

La possession de Gibraltar ayant été garantie à la GrandeBretagne, par le traité de la Barrière, signé à Anvers, le 15 no

1) John-Paul Jones, plus connu sous le nom de Paul-Jones, était né, dans l'année 1747, en Écosse. Il se trouvait en Virginie, lorsque la guerre de l'indépendance éclata en 1775 (voir chap. VII). Il offrit ses services au congrès. Après avoir été revêtu successivement des grades de lieutenant et de capitaine de vaisseau, il fut envoyé à Versailles. Paul-Jones était revêtu du grade de commodore, lorsque, placé à la tête d'une petite escadrille et portant son pavillon à bord du Bonhomme Richard, bâtiment de 40 canons, équipé par la France, il s'empara du Serapis et de la Comtesse de Scarborough.

Louis XVI en prenant parti pour les colonies anglo-américaines, en vue d'affaiblir la suprématie maritime et la Puissance de la Grande-Bretagne, a contribué peut-être, à son insu, à favoriser le développement des idées de réformes, de resistance, d'opposition, qui ne tardèrent pas à faire bouillonner tous les cerveaux, et qui, exploitées par des hommes pervers, au lieu de donner naissance à d'utiles réformes, ont sapé toutes les convictions, ont renversé le trône et courbé la France dans le sang. Louis XVI récompensa Paul-Jones en lui remettant la croix du mérite militaire et une épée en or portant l'inscription: « Vindicati Maris Ludovicus XVI remunerator strenuo vindici ».

Peu de temps après la signature de la paix, en 1783, le commodore Paul-Jones passa, en qualité de contre-amiral, au service de Russie, qu'il quitta en 1789 à la suite de difficultés survenues entre lui et le prince Potemkin; n'ayant pu obtenir de commandement en Autriche, Paul-Jones se retira à Paris où il mourut dans l'année 1792, à l'âge de 45 ans.

vembre 1715, entre la Grande-Bretagne, l'empereur d'Allemagne, et les Provinces-Unies des Pays-Bas, le cabinet britannique, en voyant les flottes réunies de la France et de l'Espagne, menacer Gibraltar, réclama le secours qui lui avait été promis par les Etats-Généraux.

Les États-Généraux laissèrent écouler quatre mois avant de faire une réponse au mémoire que l'envoyé britannique avait présenté, à ce sujet, le 22 juillet 1779; un second mémoire fut remis, le 26 novembre suivant.

De son côté, Lord Stormont, secrétaire d'État pour les affaires étrangères, déclara, par une note verbale, remise le 28 janvier 1780 au comte de Welderen, ambassadeur de Hollande à la cour de Londres, que si les États-Généraux ne fournissaient pas les secours stipulés par les traités, le roi de la Grande-Bretagne se verrait dans la nécessité « de ne plus envisager, dans le cours << de la guerre actuelle, les Provinces-Unies que sur le pied des << autres Puissances neutres, et de faire suspendre, provisoirement, « à l'égard de leurs sujets, toutes les stipulations particulières du << traité de commerce de 1674, et de s'en tenir, uniquement, au « droit des gens qui doit servir de règle pour toutes les nations. » 1) Cette menace ne devait-elle pas paraître fort extraordinaire aux États-Généraux ? Sans rupture positive, la Grande-Bretagne pouvait-elle suspendre, de son chef, les effets d'un traité qui était la réproduction, en quelque sorte, du traité de Bréda, de l'année 4667, du traité de la Haye, de l'année 1668, et qui avait été confirmé et renouvelé par la déclaration du 30 décembre 1675, par le traité de Whitehall, de 1689, par le traité de Westminster, de 1703, enfin, par les traités du 22 décembre 1711 et du 6 février 1716 ?

Quand, depuis plus d'un siècle, les rapports internationaux des deux pays avaient cessé d'être réglés par le droit commun ancien, dont tous les grands États maritimes s'étaient efforcés de sortir par des traités, le cabinet britannique pouvait-il ne pas considérer comme perpétuels, désormais, dans leur application, des principes et des doctrines que sept traités avaient consacrés, entre la Grande-Bretagne et la Hollande ? Pouvait-il déclarer que les rapports internationaux avec la Hollande, si cette Puissance restait neutre, seraient soumis, pendant la guerre existante alors à l'occasion des colonies anglo-américaines, aux anciennes règles d'un droit commun devenu caduc aux yeux des hommes d'État

1) On a vu au chap. III comment l'Angleterre comprend, sur ce point, l'application du Droit des gens.

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