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Pour ces divers motifs, admis par les premiers juges, la confiscation de l'Engel Elisabeth et de sa cargaison avait été pro

noncée.

La cour de cassation, par arrêt rendu le 25 frimaire an VII (15 décembre 1798), cassa et annula le jugement du tribunal civil du département du Finistère, en se fondant sur les motifs suivants :

4o Le passeport délivré en Prusse au capitaine August doit être considéré comme valable, parcequ'il est constant que l'EngelElisabeth, de fabrique ennemie, pris sur les Anglais par un corsaire français, a été vendu à Amsterdam au Prussien Louis Serthe, et que celui-ci n'a pu le faire sortir de ce port et naviguer librement qu'en vertu d'un passeport accordé par son souverain;

2o Le rôle d'équipage ayant été arrêté à Amsterdam, selon les lois du pays, ne saurait, dans son irrégularité apparente, tirer à conséquence dans la circonstance actuelle, puisqu'il est résulté de l'interrogatoire subi par les hommes de l'équipage, qu'ils ne sont ni natifs, ni habitants des pays ennemis ;

3o Les lames de sabre saisies comme marchandises de contrebande étant d'une valeur bien inférieure à celle des trois quarts de la cargaison, ne sauraient justifier la confiscation du bâtiment ; en effet, l'article premier du réglement du 26 juillet 1778 détermine qu'un bâtiment neutre ne peut-être confisqué, pour fait de contrebande de guerre, que lorsque les marchandises ainsi qualifiées, égalent au moins les trois quarts de la valeur de la cargaison entière.

§ 15.

Prise de la Carolina Wilhelmina, voyageant sans passeport.

D'une part, l'absence d'un passeport, à laquelle le capitaine Christophe Bradmahl du navire prussien la Carolina Wilhelmina crut pouvoir suppléer en présentant le certificat de construction, et d'autre part, les ratures qui existaient sur son rôle d'équipage, ont déterminé la condamnation en France, comme bonne prise, de ce bâtiment capturé par le corsaire français, le Dragon, dans le mois de vendemiaire an VII (septembre 1798).

La Carolina Wilhelmina, du port de Stettin, sortit pour effectuer divers voyages dans la Baltique; le capitaine ne se proposant pas de quitter cette mer fermée, crut pouvoir se dispenser de se pourvoir d'un passeport (pensant d'ailleurs que le certificat de construction, délivrée le 15 octobre 1796, était suffisant), ainsi

que divers bâtiments appartenant aux ports prussiens, suédois et danois avaient coutume de le pratiquer.

Mais le capitaine Christophe Bradmahl franchit le Sund et sa charte-partie indiquait qu'il devait visiter Archangel, Hambourg, Amsterdam et Lisbonne; ce fut à Hambourg qu'il fit arrêter son rôle d'équipage, lequel, selon les usages reçus, aurait dû être. passé par devant les officiers publics de Stettin, lieu de départ, quand aucune circonstance particulière ne motivait qu'il dût en être autrement. Ce rôle d'équipage, au moment de sa production au capteur, se trouva couvert de surcharges non approuvées; il présentait dès lors un caractère d'irrégularité et de fraude.

Pour ces divers motifs, le conseil des prises de France, par son arrêt du 16 thermidor an VIII (4 août 1800) approuva la confiscation du navire et de sa cargaison, prononcée, le 13 ventose an VII (3 mars 1799), par le tribunal civil du département du Nord, lequel avait réformé la décision favorable à la Carolina Wilhelmina rendue, le 20 brumaire précédent (10 novembre 1798), par le commissaire de la marine et du commerce français à Amsterdam.

§ 16.

Conclusion observations concernant les passeports et le rôle

d'équipage.

Par les irrégularités que peuvent présenter les papiers de bord, celles qui concernent les passeports et le rôle d'équipage, semblent être, d'après les divers cas qui précèdent de prises maritimes pour irrégularités de cette nature, être celles qui ont, le plus fréquemment, compromis la neutralité des bâtiments.

Certes, nous sommes bien loin d'approuver qu'un bâtiment puisse perdre ses droits de neutralité, quand sa neutralité est établie d'ailleurs par ses papiers, par le seul motif qu'il a fait usage, pour deux voyages, du même passeport, ou du même rôle d'équipage; il semblerait que le gouvernement auquel appartient le navire qui agit de cette sorte, eût seul le droit de le punir pour avoir contrevenu à une disposition d'administration intérieure sur la police de la navigation; mais les réglements existent, il faut les exécuter dura lex, sed lex. Nous allons, en conséquence, signaler celles de ces irrégularités que tout capitaine doit s'étudier à prévenir, quand il en est temps encore; que tout consul, que tout juge appelés à prononcer un jugement dans une affaire de prise, doivent apprécier selon l'équité, et non pas selon toute la rigidité du texte d'un réglement.

Du passeport.

Le passeport ou congé doit être délivré pour chaque voyage (à moins qu'il ne s'agisse d'un voyage de caravane); il doit indiquer le lieu de la destination, le nom du capitaine et celui du navire; enfin, les détails de capacité et d'armement propres à établir l'identité du navire.

L'entrée en reláche forcée dans un port intermédiaire, n'invalide en aucune façon le passeport portant destination; le lieu de la relâche forcée ne saurait en aucun cas être considéré comme lieu de départ et devenir un prétexte pour la confiscation.

Le bâtiment pour lequel un passeport est destiné doit, au moment de son expédition, se trouver dans l'un des ports du prince qui le délivre.

Il y a exception pour le bâtiment acheté à l'étranger, puisqu'il ne peut sortir du port étranger où l'achat a eu lieu, qu'en vertu d'un passeport délivré au nom du souverain de l'acheteur.

Un passeport de mer ou congé n'a pas besoin d'être signé par le souverain, mais par l'autorité compétente à cet effet, désignée par les réglements du pays. (Voir chap. XVI, § 3.)

Du rôle d'équipage.

Le rôle d'équipage doit être dressé selon les réglements du pays où il est délivré; il est bon que la mention en soit faite sur ce document.

Il doit être arrêté par les officiers publics, compétents du port de départ; ces officiers publics doivent faire mention de leur qualité; mais si cette mention a été omise (et que d'ailleurs la qualité soit constante), ce fait d'omission ne rend pas nul le rôle d'équipage.

Un rôle d'équipage, quand il ne s'agit pas d'un voyage de caravane, ne peut servir que pour un seul voyage.

Aucun autre document ne peut remplacer le rôle d'équipage. Le rôle d'équipage ne peut-être couvert de surcharges ou de ratures; les erreurs relevées à la marge doivent être approuvées par l'autorité compétente.

Les réglements en général ne permettant pas que les bâtiments neutres fassent entrer dans la composition de leur équipage, audelà du tiers de matelots appartenant à une nation ennemie de celle du corsaire visiteur, il est essentiel que le rôle d'équipage présente les noms, prénoms, âge, lieux de naissance et de demeure des hommes du bord, ainsi que leur qualité ou grade sur le bâtiment.

CUSSY. II.

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Dans le cas où, par suite de circonstances particulières, le capitaine se trouve, pendant le cours de son voyage, dans le cas de renouveler tout ou partie de son équipage, le rôle d'équipage qu'il conviendra d'établir, doit être arrêté par les officiers publics de la localité, ou par le consul de la nation du dit capitaine; et, autant que possible, mention expresse doit être faite, sur ce document, des motifs de son établissement, afin qu'il ne devienne pas un prétexte pour la confiscation, en paraissant présenter contradiction avec le passeport de mer, celui-li délivré au lieu du départ originaire, tandis que l'autre est arrêté dans le port de destination ou de relâche forcée.

Les consuls peuvent remplacer les rôles d'équipage perdus ; mention doit être faite de cette circonstance.

CHAPITRE XIV.

PRISES MARITIMES.

Bâtiments rançonnés. 1)

Dans le chapitre précédent, nous avons fait figurer un certain nombre de cas de prises maritimes résultant de l'irrégularité présumée ou réelle des papiers de bord des bâtiments neutres qui en étaient pourvus.

Nous avons dit au chap. XII, que l'on n'a jamais contesté aux États belligérants le droit de s'emparer d'un vaisseau ennemi, poussé par la tempête dans l'un de leurs ports, et à cette occasion nous avons cité le noble langage d'un gouverneur de la Havane qui ne voulut point accepter l'épée d'un capitaine anglais entré dans le port en relâche forcée, et qui se considérait comme prisonnier de guerre; nous avons également parlé, dans le même chapitre, de la conduite tout aussi généreuse du commandant de la forteresse de San-Fernando d'Omoa; l'un ne voulut pas profiter du sinistre de mer, l'autre, de l'erreur, qui firent tomber en leur pouvoir deux bâtiments anglais.

Au chapitre XVII, il sera question des prises maritimes par voie de recousse.

1) Voir Livre I, titre III, § 29.

Celui-ci sera consacré au billet de rançon, c'est-à-dire aux bâliments relâchés après rançon, ou rachat.

§ 1.

Du billet de rançon. Affaire de l'Amaranthe.

«Il est des cas », dit Valin, « où la prise embarasse de ma<nière qu'il n'est pas possible de s'en charger avec les prisonniers, pour la conduire ou l'envoyer en lieu de sûreté, et il en est d'autres où il convient mieux de relâcher la prise pour ne pas interrompre la course.

Les cas de la première espèce sont, par exemple, lorsque la prise est si délabrée par le combat ou par le mauvais temps, qu'elle fait assez d'eau pour faire craindre qu'elle ne coule bas ;lorsque le navire pris marche si mal qu'il expose l'armateur« corsaire à la reprise, ou lorsque le corsaire ayant aperçu des vaisseaux de guerre ennemis, se trouve obligé de prendre la fuite, et que sa prise le retarde trop ou fait craindre une révolte.

« Les cas de la seconde espèce sont déterminés, outre le péril « de la reprise, par l'éloignement du corsaire de tout port du « royaume, lorsque la prise est de peu de valeur, ou qu'elle n'est pas assez considérable pour mériter d'être envoyée dans un lieu de sûreté, surtout s'il fallait, pour cela, affaiblir l'équipage du #corsaire au point de ne pouvoir plus continuer la course avec « succès.

«Dans tous ces cas et autres semblables, il est permis aux preneurs, ou d'enlever les marchandises de la prise, en relâchant «le navire, ou en y mettant le feu, après eu avoir retiré tous les prisonniers; ou de rançonner le navire et sa cargaison par « composition avec le capitaine et l'équipage du navire pris. »

Les billets de rançon, pour rachat de la prise, doivent être payés par les armateurs-propriétaires des bâtiments rançonnés.

Le billet de rançon a pour effet, par rapport au capteur, d'établir son droit, s'il n'est pas pris lui-même avec ce billet, et de conserver l'otage jusqu'à ce qu'il ait été payé. (Voir Livre I, titre III, § 29.)

Si le capteur est pris, il perd nécessairement la rançon qu'i avait obtenue, en même temps que son navire; le tout passe au capteur entre les mains duquel il est tombé.

Le roi Louis XIV, en plusieurs circonstances, ne voulut pas que l'État profitât de cette condition établie en faveur du preneur, lorsque le preneur était un bâtiment de la marine de l'État.

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