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Christophe, Nevis et Monserat, dans la persuasion où étaient les négociants et armateurs anglais que ces iles étaient toujours au pouvoir de S. M. britannique, purent, pendant six mois à partir du jour de la capitulation, s'y présenter en toute sécurité, en sortir de même, et que les marchandises importées par eux, pour le compte des négociants anglais, purent être réexportées, même pour les ports de la Grande-Bretagne, sous pavillon neutre. Cette faculté fut également accordée à ceux des bâtiments anglais qui, informés tardivement de la reddition des trois îles aux forces françaises, avaient relâché, par mesure de prudence, dans d'autres iles de la domination du roi d'Angleterre. Les autorités anglaises établies à Louisbourg, enlevée aux Français, n'eurent pas la même générosité. (Voir chap. II, § 4.)

Le respect pour la bonne foi du commerce maritime, devrait en toutes circonstances servir de règle aux États belligérants; s'emparer de bâtiments à l'ancre au moment de la déclaration de guerre de bâtiments qui se présentent dans un port dans l'ignorance où se trouve le capitaine de la rupture de la paix, ou du changement de domination par événement de guerre; de bâtiments qui naviguent, se rendant sans défiance à leur destination, sans être informés de l'ouverture des hostilités, est, selon

un abus de la force et une iniquité, qui pourraient être classés au nombre des faits de piraterie.

En 1854, le gouvernement français en déclarant la guerre à la Russie n'a pas suivi les errements de 1806; une déclaration de l'empereur Napoléon III, en date du 27 mars, accorde un délai de six semaines aux navires de commerce russes pour sortir des ports français: «Ceux de ces navires qui viendraient à être cap<< turés après leur sortie des ports de l'empire, porte la décla<< ration, seront relâchés s'ils établissent, par leurs papiers de bord, << qu'ils se rendent directement à leur port de destination, et qu'ils « n'ont pu encore y parvenir.» (Voir Livre I, titre III, § 40.)

CHAPITRE XVI.

PRISES MARITIMES.

Déclaration de bonne prise, en 1688, d'un bâtiment neutre, le Saint-JeanBaptiste, chargé de marchandises ennemies; Application de l'ordonnance

de 1681. 1)

Le principe de l'immunité du pavillon, consacré par les traités d'Utrecht en 1713 (voir chap. 1), et par les traités de la fin du 18e siècle (voir chap. VII, § 2), a été oublié, et fréquemment violé, pendant les guerres maritimes qui ont éclaté dans les années 1744, 1756, 1776, 1793 et 1804 (voir chap. III, IV, VI, VII, XXI, XXII, XXIV et XXVI). L'ancien droit public maritime de l'Europe, en matière de prises, prévalut alors, dans divers pays, c'est-à-dire le principe de la confiscation des marchandises ennemies sous pavillon neutre, consacré par le Consulat de la mer et par l'ordonnance française du mois d'août 1681. (Voir chap. III.)

Il nous a paru, en conséquence, qu'il n'était pas sans intérêt de produire une cause de prise maritime, jugée sous l'empire de l'ancien droit public; c'est encore d'ailleurs celui que l'Angleterre observe 2), sans égard pour l'adoption qu'elle a faite maintes fois du principe de l'immunité du pavillon, notamment dans ses traités de 1713 et 1786 avec la France. (Voir chap. I, III et VII, § 2.)

§ 1.

Principe consacré par l'ordonnance de 1681.

L'ordonnance de la marine du mois d'août 1681 n'est pas favorable aux navires neutres chargés de marchandises appartenant aux ennemis.

L'art. VIII du titre des prises porte: «Tous navires qui se trouveront chargés d'effets appartenant à nos ennemis, et les marchandises de nos sujets et alliés qui se trouveront dans un navire ennemi seront pareillement de bonne prise. >>

1) Voir Livre I, titre III, §§ 10 et 28.

2) Voir la déclaration collective de la France et de la Grande-Bretagne pour la guerre de 1854 contre la Russie: Livre I, titre III, § 10, deuxième section.

« Ainsi », dit Valin, « les marchandises appartenant à l'ennemi « rendent le navire qui les porte, ennemi, et le soumettent à la « confiscation, aussi bien que le reste de son chargement, à qui que ce soit que le navire et les autres marchandises appar«tiennent, soit amis, alliés, neutres et français; — et récipro<quement le navire ennemi rend toute sa cargaison ennemie. >>

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Cette jurisprudence était, à cette époque (la fin du 17e et le commencement du 18e siècle), celle de la France et de l'Espagne; partout ailleurs, il n'y avait que les marchandises de l'ennemi qui fussent sujettes à confiscation sur bàtiment de nation amie, alliée ou neutre.

§ 2.

Prise du Saint-Jean-Baptiste, bâtiment neutre.

Le Saint-Jean-Baptiste, bâtiment neutre, capitaine Sugliasich, avait été arrêté par un bâtiment français armé en course, appartenant au S Grenonville; c'était à la fin de l'année 1688.

Il avait à bord des marchandises appartenant au nommé Glux, négociant hollandais.

Or, en 1688, la guerre existait entre la France et la Hollande; Louis XIV l'avait déclarée le 26 novembre de cette même année, aux Provinces-Unies, lorsqu'il reçut la nouvelle de la descente en Angleterre du prince d'Orange et de la fuite du roi Jacques II.

En vertu de l'article VII du titre des prises de l'ordonnance de 1681, le Saint-Jean-Baptiste, devait être confisqué, la marchandise ennemie rendant ennemi le bâtiment à bord duquel elle a été trouvée.

Mais en invoquant divers précédents qui établissaient que plusieurs bâtiments, chargés de marchandises ennemies, avaient été traités avec faveur et relâchés après avoir vu confisquer uniquement la marchandise ennemie qu'ils portaient, les armateurs du Saint-Jean-Baptiste avaient obtenu, le 15 mars 1692, un arrêt qui donnait main-levée du bâtiment.

Les capteurs firent appel; mais un second arrêt, en date du 18 septembre de la même année, confirma le premier.

Cette affaire fut portée devant le conseil d'État.

Le conseil déclara que le maintien des arrêts précédents, tendrait à favoriser le commerce des ennemis et encouragerait ceux-ci à employer des bâtiments neutres en apparence, pour leurs échanges commerciaux.

En conséquence, le conseil siégeant à Versailles, par un arrêt du

26 octobre 1692, cassa les arrêts des 45 mars et 18 septembre précédents, déclarant de bonne prise, au profit de l'armateur Grenouville, le bâtiment le Saint-Jean-Baptiste, ensemble les marchandises qui composaient toute sa cargaison.

§ 3.

Observations sur les modifications successives qu'a subies le principe posé par l'ordonnance de 1681.

Le principe posé par l'article 7 du titre des prises, de l'ordonnance du mois d'août 1681, que la marchandise ennemie à bord d'un bâtiment de nation amie, alliée ou neutre, rend le bâtiment ennemi, et dès lors sujet à la confiscation, a été maintenu par l'article 5 du réglement du 23 juillet 1704, lequel porte en termes formels : «S'il se trouve sur les vaisseaux neutres, des effets appartenant aux ennemis de S. M. les vaisseaux et tout le chargement seront de bonne prise, conformément à l'article 7 de l'ordonnance du mois d'août 1684. »

Le réglement du 24 octobre 1744 dérogea à ce principe.

Prenant en considération que cette disposition se trouvait en opposition avec divers traités conclus avec plusieurs Puissances, le roi fit défense aux armateurs français d'arrêter les navires appartenant aux sujets des États neutres, chargés de marchandises du crú de leur pays (moins la contrebande de guerre), pour les porter en droiture même dans les ports ennemis; non plus que lesdits bâtiments sortant des ports ennemis, chargés pour le compte des sujets des princes neutres et se rendant en droiture dans leur pays; et, par l'article 5, le roi ordonnait que s'il se trouvait sur lesdits navires neutres, de quelque nation qu'ils fussent, des marchandises ou effets appartenant aux ennemis de S. M., les marchandises et effets seraient de bonne prise, quand même ils ne seraient pas de fabrique du pays ennemi, mais que néanmoins les navires seraient relâchés.

Ce fut ainsi que le principe posé par l'article 7 du titre des prises de l'ordonnance du mois d'août 1684, resta en vigueur et forma la règle et la jurisprudence sauf les dérogations accidentelles, jusqu'au moment où le sage réglement de 1778 posa le principe que «le pavillon couvre la marchandise ».

Toutefois, bien que ce principe, fondé sur l'équité, la justice et le droit naturel, n'ait pas été inscrit d'une manière formelle dans les codes français, avant 1778, la France, depuis la paix de 1713, et sans avoir abrogé positivement l'article 7 de l'or

donnance de 1681, l'a toujours professé en l'inscrivant dans ses traités publics avec les nations étrangères.

Il faut de nombreuses années avant que la raison devienne la directrice des actions des hommes et se fasse adopter par eux quand ils sont restés longtemps sur une fausse voie ; la routine et les préjugés exercent une si puissante influence sur leur esprit et sur leurs résolutions! (Voir Livre I, titre III, § 10.)

Le réglement de 1778 a complété l'œuvre libérale commencée par le réglement de 1744. (Voir Livre I, titre III, § 38.)

Il résulte encore du réglement du 21 octobre 1744:

1° Qu'un passeport de mer ou congé ne peut servir que pour un seul voyage, et qu'il doit être considéré comme nul s'il est prouvé que le navire pour lequel il a été dressé n'était pas, lors de l'expédition, dans aucun des ports du prince qui l'a accordé. (Voir chap. XIII, §§ 4, 13 à 16.)

2o Que le navire neutre peut, en principe, naviguer librement soit des ports du pays auquel il appartient, vers des ports neutres ou ennemis, ou d'un port neutre vers un port ennemi; soit d'un port ennemi vers un autre port ennemi, pourvu que ce ne soit pas une place bloquée, et qu'il ne soit pas chargé de marchandises réputées par les traités contrebande de guerre.

Ces conditions faites au commerce neutre, par le réglement français de 1744, ont été introduites fréquemment dans les traités de commerce et de navigation, conclus depuis cette époque jusqu'à nos jours, par les diverses Puissances du Globe. (Voir Livre I, titre III, § 42 et 13.)

CHAPITRE XVII.

PRISES MARITIMES.

De la recousse. 1)

§ 1.

Bâtiment anglais pris, recous et repris.

Valin, le laborieux commentateur de la célèbre ordonnance de la marine, promulguée en août 1681, par Louis XIV, rapporte

1) Voir Livre I, titre III, § 30.

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