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de 1793 à 1795; les atteintes que le commerce maritime de tous les pays reçut de la part des corsaires et de la marine militaire de la Grande-Bretagne, ramenèrent peu à peu à la France les États qui étaient entrés dans l'alliance anglaise, et qui avaient, en 1793, accepté les subsides de cette Puissance.

L'année 1795 vit signer plusieurs traités de paix entre la France et diverses Puissances: la Prusse, l'Espagne, les Pays-Bas, l'électorat de Hesse, la Toscane; pendant l'année 1796, la France conclut un traité d'alliance offensive et défensive avec l'Espagne (le 10 août), et rétablit ses rapports d'amitié et de commerce avec la Sardaigne (15 mai), les Villes anséatiques (24 juin), le Wurtemberg (7 août), Bade (20 août), les Deux-Siciles (10 octobre), etc.

Les batailles et victoires de Montenotte, Millesimo, Lodi, Wurzbourg, Arcole, en 1796; le traité de Léoben, celui de Campo Formio, par lequel l'Autriche, en 1797, céda définitivement à la France la Belgique, semblaient devoir également ramener le rétablissement de rapports pacifiques durables entre la France et les autres États de l'Europe; des négociations furent même ouvertes entre les agents du directoire français et l'Angleterre représentée par Lord Malmesbury; mais les plénipotentiaires des deux nations ne purent tomber d'accord. Le gouvernement français qui espérait, depuis la signature des préliminaires de paix à Léoben, voir la paix continentale lui donner la possibilité de tourner toutes ses forces contre l'Angleterre, ne voulut pas consentir aux conditions que Lord Malmesbury avait été chargé de présenter et de soutenir. Les négociations furent rompues.

Le traité de paix avec l'Autriche fut signé le 17 octobre 1797, à Campo-Formio, ainsi que nous venons le dire.

Le vainqueur de l'Italie, négociateur du traité, revint à Paris. La rupture des négociations avec Lord Malmesbury était de nature à plaire à son ambition; déjà, en Italie, ainsi que le prouve une lettre du 16 août 1797, du général Bonaparte, cet illustre capitaine pensait que c'était en Égypte que l'Angleterre devait être attaquée. « La conquête d'Égypte », disait-il, « fera de la Méditerranée un lac français. »

L'expédition d'Égypte fut résolue; une armée de 40,000 hommes choisis fut mise à la disposition et sous les ordres du jeune général. Bonaparte prit Malte, le 10 juin 1798; il y laissa le général de Vaubois, et arriva dans le mois de juillet à Alexandrie.

Le 1er août suivant, l'amiral anglais Nelson remporta la victoire navale d'Aboukir.

L'Angleterre qui déjà s'efforçait de renouveler la ligue de

l'Europe contre la France, sut entraîner dans la grande alliance l'empereur de Russie Paul Ier, en mettant à profit le courroux qu'éprouva ce prince à la nouvelle de la prise de Malte, et de l'expulsion de l'Ordre de St.-Jean de Jérusalem dont, quelque temps auparavant, il s'était déclaré le protecteur.

Une coalition importante se forma donc contre la France, entre la Grande-Bretagne, la Russie, l'Autriche, les Deux-Siciles et la Porte Ottomane.

Paul Ier joignit un corps de 17,000 hommes aux forces de débarquement du duc d'Yorck, en Hollande; divers corps d'armée, présentant un ensemble de 80,000 combattants sur les ordres des généraux Souvarow, Rimsky-Korsakow, etc., secondèrent les efforts de l'Autriche, en Italie et en Suisse; enfin, l'escadre russoturque enleva aux Français les Iles Joniennes.

Les malheurs qu'éprouva l'expédition britannique en Hollande, et la défaite de Korsakow à Zurich, le 25 septembre 1799, irritèrent à un haut degré l'esprit de l'empereur Paul, que ne consola ni ne calma la nouvelle des succès obtenus sur les Français, par Souvarow, à Cassano, à la Trebia, à Novi; il se retira de la coalition, et rappela ses armées.

Le drapeau français avait subi de fréquents échecs pendant l'année 1799; le général Bonaparte, seul parmi les généraux français, avait trouvé la victoire constamment fidèle; aussi son retour en France, dans le mois d'octobre 1799, fut-il accueilli comme un bienfait de la Providence.

Le général Bonaparte aperçut les dangers qui menaçaient le pays; il résolut le coup d'État du 18 brumaire an VIII (9 novembre 1799), dont le succès le plaça à la tête du gouvernement, avec le titre de premier consul. Sous son administration, l'ordre reparut promptement à l'intérieur, et la France reprit ses avantages à l'extérieur. L'époque du Consulat est celle de la réparation des malheurs de la France.

L'Angleterre ne renonça point à ses projets contre la France, ni à ses procédés envers la navigation neutre.

L'enlèvement, au mois de novembre 1798, d'une flotille de bâtiments marchands génois, dans le port de Livourne, par l'amiral Nelson, qui déjà, en 1796, s'était emparé d'un bâtiment français sous les batteries génoises, circonstance qui détermina le sénat à fermer ses ports aux Anglais (voir chap. XII); l'arrestation des convois suédois et danois (chap. XXII), dans les années 1798 à 1800; l'affaire de la galiotte suédoise la Hoffnung (chap. XXIV); la prise du bâtiment prussien le Triton, chargé de bois

de construction qu'il portait à Amsterdam, et capturé par les Anglais qui considérèrent la cargaison comme marchandise de contrebande de guerre ; la violation de la mer territoriale d'un État neutre par la frégate anglaise le Squirel et le cutter l'Achille (chap. XXIV); et d'autres faits semblables; toutes ces atteintes portées aux droits des neutres commençaient à effrayer sérieusement et à révolter les Puissances européennes restées étrangères à la querelle existant entre la France et la Grande-Bretagne. Toutes comprenaient la nécessité de mettre un frein aux usurpations de toute nature de l'Angleterre ; toutes ressentaient le besoin de chercher un remède aux maux qui résultaient, pour le commerce maritime, des procédés arbitraires de cette nation; mais aucune ne se croyait assez forte pour prendre l'initiative d'une ligue maritime, ou tout au moins d'une alliance de neutralité armée: chacune se bornait à désirer que la France vainquit sa redoutable rivale, et que la paix vint rendre bientôt le repos à l'Europe.

Un changement favorable à la France s'opérait donc dans les esprits, partout en Europe: la gloire qui rayonnait autour de son drapeau; l'illustre pléiade d'hommes de guerre dont les noms étaient connus de chacun, les uns, mort avec gloire, les autres, guidant encore avec un grand éclat les enseignes de la France (Hoche, Kléber, Schérer, Moreau, Pichegru, Marceau qui reçut de nobles funérailles des mains de l'ennemi qu'il avait combattu en héros; Championnet, Brune, Bernadotte, Masséna, Joubert, frappé d'une balle au cœur et qui s'était encore écrié: «En avant, mes amis, en avant!» Lannes, Serrurier, Augereau, Victor, Jourdan, Kellermann, Désaix que les Arabes nommaient Sultan le juste; Beurnonville, Soult, Moncey, Leclerc, Murat, Duphot, Lecourbe, Lefebvre, Dessoles, Ferino, Berthier, Miollis, Gardanne, Lorges, Bontemps, Marescot, Decaen, Mermet, Duhesme, Loison, Marbot, Bastoul, Molitor, Gazan, d'Hautpoul, Suchet, Souham, Gouvion et Cara St.-Cyr, Casabianca, Morlot, Ney, Lespinasse, Davoust, Drouet, Grandjean, Bonnet, Legrand, Guyeux, Grenier, Dammartin, Richepanse, Lemaire, Dupont, Clauzel, Duroc, Chabran, de Bethencourt, Chambarlhac, Baraguay d'Hilliers, Friant, Boudet, Rampon, Lanusse, Stengel, Laharpe, Belliard, Lagrange, Verdier, Humbert, Mortier, Walther, Macdonald, Andréossy, Ste.-Suzanne, Grouchy, Marmont, Watrin, Lapoype, Oudinot, Nansouty, Vandamme, Dombrowsky, Cafarelli, Kilmaine, Gassendi, Delmas, Vaubois, Gudin, Bellavène, Mesnard, Lauriston, Montrichard, Lahorie, etc.; enfin, les amiraux Brueys, Villeneuve, Bruix, Decrès, Ganteaume, Blanquet - Duchayla, Villaret de Joyeuse, Truguet,

Dumanoir, Linois, Latouche-Tréville, etc. etc. 1) Les brillantes campagnes en Italie qui, disait-on à l'étranger, devait devenir le tombeau des Français; les campagnes mémorables en Allemagne, en Suisse, en Hollande, en Égypte; la Corse définitivement enlevée aux Anglais, en 1796; le Piémont conquis et que son souverain avait abandonné dans le mois de décembre 1798; Rome occupée par les armées françaises; l'obligation, pour la famille royale des Deux-Siciles, de quitter Naples et de se rendre à Palerme sur les vaisseaux de l'amiral Nelson; l'influence que la France exerçait sur la politique intérieure et extérieure des républiques anciennes et nouvelles, Batave, Helvétique, Ligurienne, Cisalpine, Romaine, etc.; les accroissements de territoire que la conquête et les traités publics avaient donnés à la France; l'indignation qu'avait soulevée en Europe l'assassinat des plénipotentiaires français au congrès de Rastadt, le 28 avril 1799, attentat inouï dans les fastes des nations modernes, crime aussi inutile qu'atroce (voir Nouvelles causes célèbres du droit des gens, par M. Ch. de Martens); enfin, la révolution du 18 brumaire an VIII (9 novembre 1799); l'administration habile et ferme du gouvernement consulaire sous l'impulsion puissante du génie du premier consul, le général Bonaparte; l'arrêté des consuls du 29 frimaire an VIII (20 décembre 1799), qui annula la loi du 18 janvier 1798 et remit en vigueur les principes du sage réglement de 1778 sur la navigation et le commerce des neutres, laissant, de cette sorte, à l'Angleterre, le rôle de la violence sur les mers; la pacification de la Vendée en janvier 1800; etc.

Tous ces faits, toutes ces circonstances avaient beaucoup grandi la France dans l'opinion publique en Europe; la bataille de Hohenlinden, et surtout celle de Marengo, gagnée par le premier consul, le 14 juin 1800, rendirent complet et définitif le revirement qui s'opérait dans les esprits, depuis deux ans, en faveur de la France.

Le premier consul comprit la nécessité de gagner l'empereur Paul à la cause de la paix générale, et d'isoler complètement l'Angleterre; il s'y prit admirablement et réussit.

1) Quelqu'aride que puisse paraître, au premier moment, une longue liste de noms, qu'il eût été facile de rendre plus longue encore, on nous pardonnera, nous osons l'espérer, d'avoir tracé celle qui fait l'objet de cette observation; ces noms ont été mêlés à tant et à de si importants faits de gloire militaire, qu'en les trouvant réunis le lecteur verra se développer, dans sa mémoire, les grands souvenirs d'une époque remarquable à laquelle nulle autre ne saurait être comparée et que dominait l'homme éminent choisi par la Providence pour ramener l'ordre, rendre ses autels à la Religion, discipliner les esprits et rétablir le respect pour le principe d'autorité, si mal compris en France encore aujourd'hui !

L'empereur Paul avait hérité de l'impératrice Catherine une haine profonde pour les principes et les actes qui avaient détruit la monarchie en France; aussi était-il entré avec empressement dans la deuxième coalition, formée en 1798; nous avons vu qu'il s'en était retiré après la défaite de ses armées en Suisse et en Hollande.

Mais l'ordre reparaissait en France, et l'illustre général qui avait été placé à la tête du gouvernement de cette puissante nation, était l'objet de l'admiration de Paul.

M. d'Haugwitz, chef du cabinet prussien, et surtout le roi Frédéric-Guillaume III, dont la bienveillance était sincère, dit M. Thiers dans son Histoire du Consulat et de l'Empire, informaient journellement le général de Beurnonville, ministre de France à Berlin, des progrès que le premier consul faisait dans l'esprit de Paul Ier. « Ce prince, mobile, enthousiaste », continue le grand écrivain, << passait depuis quelques mois d'une passion chevale<resque contre la révolution française, à une admiration sans borne pour l'homme éminent qui représentait aujourd'hui cette ⚫ révolution. Il en était venu à une véritable haine pour l'Autriche « et pour l'Angleterre. Bien qu'on eût obtenu de ce changement << de dispositions un premier résultat fort important, celui de l'immobilité des Russes sur la Vistule, cependant le premier consul <aspirait à mieux encore. Il voulut entrer en rapports directs avec l'empereur Paul ...... »

Dans ce but, le premier consul proposa à l'Autriche et à l'Angleterre d'échanger les six ou sept mille prisonniers de guerre russes qui se trouvaient en France, contre un pareil nombre de prisonniers de guerre français. Cette proposition n'ayant point été agréée, le premier consul résolut de rendre les prisonniers russes sans rançon. I fit habiller les Russes selon les corps auxquels ils appartenaient; il les fit armer; il leur rendit leurs drapeaux et leurs officiers; et il écrivit au comte de Panin, ministre des affaires étrangères de Russie, pour l'informer d'une part du refus qu'avaient fait l'Angleterre et l'Autriche de rendre à la liberté les prisonniers de guerre russes qui étaient tombés entre les mains des Français en servant la cause de ces deux Puissances, et, d'autre part, de l'intention où il était de renvoyer les prisonniers sans condition à l'empereur, en témoignage de la considération que lui avait inspirée l'armée russe.

A cette démarche, le premier consul en ajouta une autre encore plus efficace, dit M. Thiers, auprès du monarque russe. — L'ile de Malte rigoureusement bloquée par les forces navales ang

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