Page images
PDF
EPUB

!

Art. 23. Les commandants des vaisseaux de guerre et les capitaines des bâtiments armés en course sont responsables de tout dommage envers les personnes qui sont à bord du bâtiment visité ou capturé; à cet effet, une caution sera fournie par les capitaines de corsaires avant de recevoir leurs commissions; elle est fixée à 7,000 dollars ou 36,800 francs; et, si les dits bâtiments armés en course portent plus de 150 matelots ou soldats, la caution sera du double.

Art. 25. Les corsaires étrangers ayant des lettres de marque d'un prince ennemi de l'une des deux nations contractantes, ne seront point admis à armer, ni à vendre leurs prises dans les ports de l'autre restée neutre.

Art. 26. Défense de recevoir des pirates dans les ports respectifs des deux Puissances contractantes; leurs vaisseaux et les prises qu'ils auront faites seront saisis; les effets capturés par eux seront rendus à leurs propriétaires.

La deuxième neutralité armée des États du Nord avait donc rendu une nouvelle existence, dans leur application, aux principes que ces États n'auraient jamais dû abandonner, quels qu'eûssent été les torts que se fussent donnés les Puissances belligérantes en les violant; la justice est une et doit être absolue; l'ambition des gouvernants, les haines ou les rancunes des cabinets la rendent malheureusement relative,

Cette consécration nouvelle des principes vers lesquels les souverains du Nord avaient fait un retour tardif, en vue des intérêts froissés de leurs sujets (et, nous voulons bien le croire aussi, par suite de l'esprit d'équité qui animaient les monarques signataires des traités des 16 et 18 décembre 4800); cette consécration nouvelle devait-elle assurer, à jamais, à ces principes généreux le respect qui leur est dû? Devait-elle les inscrire, à jamais, dans le code des nations, dans le droit public universel, et fixer la jurisprudence maritime des tribunaux d'une manière inébranlable?

Nous aurons malheureusement à dire (chap. XXV), que ces principes sacrés auxquels la Russie, la Suède, le Danemarck et la Prusse avaient rendu un nouvel hommage, par les traités des 46 et 18 décembre, furent bientôt après sacrifiés en partie, par la Russie, la Suède et le Danemarck dans leurs rapports respectifs avec la Grande-Bretagne; et que la France elle-même (chap. XXVI) qui, par son traité du 30 septembre de l'année 1800, avec les États-Unis de l'Amérique septentrionale, avait consacré de nouveau les doctrines du réglement de 1778, en faveur des

neutres, se vit contrainte, par les procédes du gouvernement britannique, de renoncer à les pratiquer, en entrant dans une voie de représailles qui devinrent si préjudiciables aux États dont la politique était de rester fidèles à la neutralité.

Mais avant d'aborder l'exposé des événements de la courte guerre du Nord qui s'est terminée par la modification, en 4804, des principes proclamés en 1780 et en 1800; et de retracer les événements qui suivirent la rapture (sans motifs sérieux), de la paix d'Amiens, en 1803, nous devons parler de l'abus inouï que la marine anglaise fit du pavillon suédois, dans la rade de Barcelone, et des causes diverses qui ont déterminé la guerre du Nord; ce sera l'objet du chapitre suivant.

CHAPITRE XXIV.

FAUX PAVILLON.

Abus, par un commandant de la marine anglaise, du pavillon suédois (1800). Causes diverses qui ont déterminé la guerre du Nord.

[ocr errors]

mer territoriale par le Squirrel et l'Achille.

Violation de la

En apprenant qu'une flotte anglaise avait paru dans le Sund, et que le cabinet britannique loin de reconnaître la légitimité des réclamations du Danemarck à l'occasion de l'attaque de la Freya, par la marine anglaise (chap. XXII), prétendait, au contraire, avoir droit à une réparation de la part du Danemarck, l'empereur de Russie, Paul Ier, avait fait mettre le séquestre sur les capitaux anglais existant dans ses États, comme garantie des dommages qui pourraient être apportés au commerce russe; il s'était empressé, en même temps, par une déclaration en date du 27 août 1800, d'engager la Suède, la Prusse et le Danemarck à conclure une convention pour le rétablissement de la neutralité armée. (Voir chap. XXIII.)

Cette déclaration signée par les comtes de Rostoptschine et de Panin, rappelle que l'Europe donna son approbation aux mesures qui furent prises, en 1780, pour fixer et adopter, comme un pacte sacré entre les États du Nord, les principes d'une neutralité sage et impartiale; et que l'approbation générale de l'Eu

rope avait fait, des principes qui furent proclamés et consacrés alors, une sorte de code maritime des nations, en temps de guerre.

Que ces principes, fondés sur la justice, la raison, l'équité et l'humanité furent négligés au milieu des événements si multipliés et si extraordinaires qui sortirent, en quelque sorte, d'une guerre 1) qui ne ressemblait à aucune des guerres antérieures; alors que toute l'Europe ressentait la fatale influence de l'état de dissolution. dans lequel la France était tombée.

Enfin, qu'il y avait nécessité, pour les États maritimes du Nord; de proclamer de nouveau les principes de 1780, en présence de l'attaque inouïe, par la marine anglaise, de la frégate danoise la Freya, qui convoyait, dans différents ports étrangers, plusieurs bâtiments de commerce de sa nation.

A la nouvelle de la convention signée, le 29 août 1800, entre le Danemarck et la Grande-Bretagne (chap. XXIII), l'empereur ordonna la levée du séquestre placé sur les capitaux anglais; la proposition faite, le 27, par le gouvernement russe parut, un instant, devoir rester sans résultat.

Mais les nombreuses violations du droit maritime des nations que se permit la marine anglaise, et le refus que le cabinet britannique fit à Paul Ier de lui livrer Malte, tombée entre les mains. de l'Angleterre, le 5 septembre 1800, donnèrent une nouvelle impulsion aux négociations: le 16 décembre et le 18 du même mois, la Russie signa des conventions séparées, mais à peu près identiques, avec la Suède, le Danemarck et la Prusse.

Dès le 7 du mois de novembre précédent, l'empereur Paul avait d'ailleurs fait mettre l'embargo, dans tous les ports de sa domination, sur les bâtiments anglais, en déclarant que cet embargo serait maintenu jusqu'à ce que la Grande-Bretagne eût rempli l'engagement qu'elle avait pris, le 30 décembre 1798, de remettre, aussitôt après qu'elle aurait capitulé, l'ile de Malte à l'Ordre de St.-Jean de Jérusalem, dont l'empereur Paul Ier était, à cette époque, le Grand-maître.

Ce sont les diverses atteintes portées au droit maritime des nations, les négociations et les événements qui en furent la conséquence, et le résultat, que nous voulons grouper dans ce chapitre, en présentant chacune de ces atteintes séparément, bien que plusieurs incidents aient été quelquefois l'objet de la même note ou du même rapport, par suite de la corrélation qui existait

entre eux.

1) Guerre de la révolution française de 1793 à 1801, CUSSY. II.

chap. XXI.

14

§ 1.

Prise de deux frégates espagnoles à l'ancre dans la rade de Barcelone par les Anglais, abusant, à cet effet, du pavillon suédois.

Le 4 septembre 1800, la galiote suédoise, die Hoffnung (l'Espérance), se trouvant en mer par la hauteur de Barcelone, fut abordée par divers bâtiments de la marine royale d'Angleterre ; les commandants anglais contraignirent le capitaine suédois à recevoir à son bord des officiers et des marins anglais, dans le but de surprendre, à l'abri du pavillon suédois, deux frégates espagnoles qui étaient à l'ancre à l'entrée de la rade de Barcelone.

Les détails de ce guetapens (qui resta sans réparation, bien qu'il eût soulevé l'opinion publique dans toute l'Europe, et dont les auteurs ne reçurent aucune espèce de punition), ont été fournis à l'histoire par le rapport du consul suédois à Barcelone, à la suite des dépositions du capitaine Rudhardt, patron de la Hoffnung, ainsi que par la lettre qu'adressa, à cette occasion, le chevalier d'Urquijo, ministre des affaires étrangères d'Espagne, à M. d'Ehrenheim, chancelier du royaume de Suède, le 17 septembre 1800.

En plaçant cette lettre sous les yeux du lecteur, nous ferons connaître, à la fois, et l'historique de l'attentat, et l'opinion du cabinet de Madrid.

« Monsieur,

« St.-Ildephonse, le 17 septembre 1800.

« Le Roi, mon maître a vu avec la plus vive indignation, par un rapport que le consul de S. M. Suédoise à Barcelone a remis au capitaine-général de la Catalogne, contenant la déclaration du capitaine Rudhardt, de la galiote suédoise la Hoffnung, que le 4 de ce mois, dans l'après-midi, deux vaisseaux et une frégate anglaise ont forcé le dit capitaine, après avoir examiné et trouvé en règle ses papiers, de prendre à son bord des officiers anglais et un nombre considérable de marins, et de se laisser remorquer, à l'entrée de la nuit, par plusieurs barques anglaises jusques sur la rade de Barcelone, et sous le canon de ses batteries.

« Que les Anglais, ayant réduit ledit capitaine et son équipage au silence, en lui tenant le pistolet sur la poitrine, se sont emparé du gouvernail, et ont fait, à neuf heures du soir, moyennant ledit bâtiment et les chaloupes qui l'environnaient, une attaque sur deux frégates espagnoles qui s'y trouvaient à l'ancre, lesquelles, n'ayant pas pu soupçonner que ce bâtiment ami et neutre recélait à son bord des ennemis, et servait ainsi à l'attaque la plus perfide, ont été presque surprises et forcées de se rendre.

« Le Roi, mon maître, n'a pu considérer cet événement que comme intéressant les droits et blessant les intérêts de toutes les Puissances de l'Europe, sans en excepter l'Angleterre, et surtout comme l'insulte la plus grave faite au pavillon de S. M. Suédoise.

«En effet, il est évident que les Puissances belligérantes, en admettant les bâtiments neutres sur leurs rades, et dans leurs ports, ont voulu adoucir le fléau de la guerre, et ménager les relations commerciales de peuple à peuple, que leurs besoins mutuels exigent.

« Tout ce qui tend donc à rendre cette navigation suspecte et dangereuse, blesse également les droits et les intérêts de toutes les nations.

Mais dans le cas actuel, les droits et l'honneur du pavillon suédois ont été violés d'une manière si outrageante, qu'on en trouvera peu d'exemples dans l'histoire maritime de l'Europe.

L'attentat, s'il restait impuni, tendrait à brouiller deux nations amies, à anéantir leurs relations commerciales, et à faire considérer le pavillon qui le souffrirait, comme auxiliaire secret de la Puissance ennemie, et forcerait ainsi l'Espagne à prendre des mesures que l'intérêt de ses vaisseaux et la sûreté de ses ports commanderaient.

« Cependant, le Roi, mon maître, aime encore à croire que le capitaine suédois ne s'est pas rendu coupable de la moindre connivence avec les Anglais, et qu'il n'a fait que céder à leurs violences et à leur grand nombre.

« Dans cette supposition, le Roi m'a ordonné de porter à la connaissance de S. M. Suédoise, cette insulte grave commise contre son pavillon; et ne doutant pas du ressentiment qu'elle éprouvera d'un procédé aussi bas, et aussi déloyal de la part de quelques officiers de la marine britannique, il s'attend à ce que la cour de Stockholm fera auprès du ministère anglais les instances les plus sérieuses, pour que les officiers qui se sont rendus coupables en cette occasion, soient punis sévèrement, et que les deux frégates espagnoles, surprises et enlevées de la rade de Barcelone par une ruse aussi contraire au droit des gens, et aux règles de la guerre, soient immédiatement restituées avec leurs cargaisons, comme étant illégalement prises au moyen d'un vaisseau neutre qui servait d'instrument aux assaillants.

«S. M. Catholique se croit d'autant plus fondée à regarder le succès de cette réclamation comme assuré, que le gouvernement anglais luimême ne saurait se dissimuler que ses ennemis, en suivant un pareil exemple, pourraient se servir également des bâtiments neutres pour infester ses rades et causer, dans ses ports, tous les dommages possibles.

Mais si, contre toute attente, les démarches de S. M. Suédoise auprès de la cour de Londres, pour obtenir la réparation de l'injure faite à son pavillon, ainsi que la restitution des deux frégates espagnoles, n'avaient pas le succès désiré avant la fin de cette année, S. M. Catholique se verrait obligée, quoiqu'avec beaucoup de regret, de prendre envers le pavillon suédois des mesures de précaution, qui mettraient ses rades et ses ports à l'abri d'un abus aussi dangereux et aussi révoltant que celui que les Anglais viennent de commettre.

« J'ai l'honneur, etc.

Signé Le Chevalier d'URQUIJO. »>

« PreviousContinue »