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au premier vizir d'entrer en communication avec Marc-Antoine Barbaro. Il prit prétexte de la circonstance de divers bâtiments turcs arrêtés par les croiseurs vénitiens, et pria le Bayle d'écrire à cet égard au sénat pour obtenir leur restitution et la remise des prisonniers, attendu que, malgré la rupture, les négociants vénitiens continuaient, en toute liberté, de faire leur commerce par tous les pays de l'obéissance du Sultan. Le premier vizir fit d'ailleurs connaître au Bayle, que Sélim II serait fort satisfait que la république envoyât au plutôt à Constantinople, un ministre qui tout en réglant les affaires commerciales, serait chargé de faire quelque proposition de paix.

Le Bayle fut autorisé à expédier un exprès à Venise.
Le sénat envoya à Constantinople Jacomo Rugazzoni.

Le Conseil des Dix lui remit un ordre secret par lequel le Bayle était autorisé à accepter les propositions qui seraient faites par le Divan pour peu qu'elles fussent compatibles avec la dignité de la république. Mais Sélim II prétendant se faire donner, par le traité, ce que ses armes n'avaient pu encore lui procurer, Bayle romprit la négociation et fit partir Rugazzoni de Constantinople.

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L'ile de Chypre était en partie conquise par le Sultan : le sénat suivit l'avis de la France qui lui conseillait d'en finir et de sortir de la guerre par un bon accommodement. Le Bayle, toujours prisonnier, et sachant que la Porte désirait la paix tout autant que Venise, chercha à renouer les négociations; il s'attendait à voir le Divan s'empresser de l'écouter loin delà; les rigueurs de sa captivité redoublèrent; on fit murer les fenêtres de la chambre qu'il occupait, et l'on augmenta le nombre des hommes d'armes chargés de le garder et de l'empêcher d'avoir aucune communication avec le dehors, notamment avec l'envoyé du roi Charles IX de France. Toutefois, le premier vizir qui comprenait la nécessité de finir une affaire aussi mal commencée, fit rendre la liberté au Bayle et continuer avec lui les négociations suspendues; Ebrahim Bey, premier truchement au Divan, et un médecin juif, nommé Salomon, furent chargés de traiter avec le Bayle; le traité fut signé le 15 mars 1573.

§ 2.

Consul hollandais à Cadix.

Au commencement du 17e siècle, le consul que la république des Provinces-Unies des Pays-Bas avait institué à Cadix, fut in

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sulté par le gouverneur de la ville et arrêté par son ordre. Les États- Généraux s'en plaignirent à la cour de Madrid comme d'une violation du droit des gens; ils obtinrent une satisfaction publique.

§ 3.

Consul vénitien à Ancone: 1634.

En 1634, la république de Venise, dit Wicquefort, pensa rompre avec le Pape Urbain VIII, à cause de la violence que le gouverneur d'Ancone avait faite au consul qui y résidait de la part du sénat.

Ce consul, du nom de Michel Oberti, était de Bergame, d'une famille qui avait exercé cette charge pendant plusieurs années.

Le gouverneur qui le soupçonnait d'avoir donné des avis, d'après lesquels les galères de la république avaient pu s'emparer de quelques barques de Raguze qui avaient fraudé les droits, persécuta le consul vénitien au point que celui-ci se vit contraint de partir pour Venise, afin d'y exposer sa situation au sénat.

A peine fut-il parti, que le gouverneur d'Ancone fit prendre possession de la maison consulaire, dont il fit enlever les meubles, les papiers de toute nature, même ceux qui concernaient uniquement l'emploi du consul absent.

Le sénat, informé de ces procédés inouïs, porta des plaintes à Rome et réclama une prompte réparation, avec une si grande chaleur, que l'ambassadeur de France, craignant de voir naître, de cet incident, une rupture déclarée, s'efforça d'ajuster le différend.

Pendant ce temps, le gouverneur d'Ancone continuait d'agir contre le consul absent, en le faisant citer devant les tribunaux pour s'y entendre condamner au bannissement pour avoir, était-il dit dans l'acte d'accusation, fait décharger des marchandises, en temps de contagion, contre les réglements.

Le consul Michel Oberti pouvait prouver, s'il eut été présent, qu'il n'avait agi, en aucune circonstance, sans avoir préalablement obtenu l'autorisation du magistrat; mais Oberti était absent: la passion l'emporta sur la justice, et il fut condamné par contumace, ainsi que le désirait le gouverneur d'Ancone.

Cette nouvelle circonstance accrut l'irritation du sénat l'ambassadeur de France ne réussit qu'à grand'peine à empêcher un éclat.

A la suite de nouvelles négociations, un accommodement fut

convenu: « L'arrêt de bannissement serait annulé, Oberti serait « rétabli dans ses fonctions, mais immédiatement rappelé par le sénat « qui nommerait à sa place tel consul qui lui conviendrait, etc. >>

Sur ces entrefaites, et avant que l'arrangement pût être mis à l'exécution, Michel Oberti mourut; le sénat nomma à sa place son frère.

A son arrivée à Ancone, le successeur de Michel fut arrêté par ordre du gouverneur, et jeté en prison; il lui fut en outre signifié qu'il n'obtiendrait sa liberté qu'en fournissant caution et à la condition expresse qu'il quitterait immédiatement Ancone pour n'y plus rentrer.

Les ministres de France à Venise et à Rome, par les soins desquels l'arrangement avait été conclu, et qui avaient engagé leur parole que le sénat de Venise aurait le droit d'envoyer à Ancone tel consul qu'il lui conviendrait de choisir, furent fort scandalisés de la conduite du gouverneur d'Ancone. De son côté, le sénat, pour témoigner son indignation, refusa toute audience au Nonce, et défendit à son ambassadeur à Rome de se présenter devant le Pape, jusqu'à ce que satisfaction eût été donnée.

Le gouverneur fut contraint de se soumettre à faire des excuses. La conduite de ce haut fonctionnaire serait, de nos jours, punie plus sévèrement, on n'en saurait douter.

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Consul français mis à mort à Alger.

En 1682, lorsque l'amiral Duquesne bombardait la ville d'Alger, par ordre de Louis XIV, le consul français Levacher qui, ecclésiastique, était resté en qualité de missionnaire dans la ville, devint l'objet des persécutions et de la vengeance des Musulmans.

Les Algériens exaspérés à la vue des ravages résultant du bombardement, accusèrent le père Levacher d'avoir fait des signaux à la flotte française, et s'emparèrent de sa personne. Ils lui firent offrir, pour échapper à la mort, de renoncer à sa Religion et d'embrasser l'Islamisme; sur son refus, la milice d'Alger se saisit de lui, et, dans son aveugle rage, le fit entrer de vive force, dans un canon de gros calibre, déjà chargé, auquel on mit le feu.

Cette barbarie méritait et appelait une vengeance : Duquesne était tout disposé à la faire terrible.

Un second bombardement contraignit le Dey à implorer la paix par un ambassadeur qu'il envoya à Versailles. (Voir § 40.)

La tradition a désigné, comme ayant servi à un genre de supplice que des mœurs d'une atrocité inouíe pouvaient seules imaginer, un canon d'un calibre extraordinaire, connu à Alger sous le nom de Consulaire; ce canon à une longueur de 7 mètres 98 centimètres. Il avait été fondu, dit-on, en 1542, par un Vénitien. Il est tombé entre les mains des Français, le 5 juillet 4830, lors de la prise d'Alger; il avait été placé sur le môle, en commémoration de l'achèvement des fortifications; sa portée à toute volée était de 2,500 toises ou 3,000 mètres.

Ce canon figure actuellement sur un piédestal, dans le port de Brest, au milieu de la place d'armes; il forme le fut d'une colonne qui s'élance d'un piédestal de six pieds six pouces de haut.

§ 5.

Consul français insulté à Zante en 1757.

Un des principaux habitants de la ville de Zante, capitale de l'ile de ce nom, avait insulté, dans le mois de juillet 1737, le consul de France, et couvert de boue le tableau consulaire aux armes royales de France, placé sur la maison de consul.

Aussitôt que le gouvernement vénitien eût été informé de l'injure faite à la France dans la personne de son consul, il fit partir pour Corfou un général qu'il chargea de faire une enquête et de procéder à la réparation que réclamait l'attentat dont le Zantiote s'était rendu coupable.

Quand le crime eut été établi et prouvé, un jugement fut prononcé, jugement terrible, qui condamna le Zantiote à étre écartelé devant la maison du consul de France; l'exécution de cette sentence sévère suivit immédiatement.

§ 6.

Affaire d'attributions.

Le 2 juin 1800, le consul général de Danemarck, à Paris, présenta au tribunal des prises un mémoire tendant à obtenir la mise en sûreté ou le cautionnement du produit de la vente d'une prise faite sur des sujets danois.

Cette circonstance donna lieu à poser la question suivante :

Un consul étranger, reconnu par le gouvernement français, peut-il, par des actions ou des demandes, intervenir dans des contestations particulières, mues entre des négociants français et des négociants de sa nation?

M. Portalis, commissaire du gouvernement auprès du conseil des prises, examina la question, en fit l'exposé que nous allons reproduire, et présenta des conclusions qui furent adoptées par le tribunal.

« Le commissaire de S. M. danoise est un agent politique. Dès qu'il est reconnu par le Gouvernement français, il peut incontestablement remplir les fonctions attachées à son mandat; mais peut-il, par des actions ou par des demandes, intervenir dans les contestations particulières, mues entre des négociants français et des négociants de sa nation?

« L'article XIII de l'arrêté du 6 germinal, n'admet que les parties ou leurs défenseurs, qui justifieront préalablement de leurs droits et de leurs pouvoirs.

« Le commissaire danois ne se montre pas pour son intérêt propre, mais comme chargé des intérêts d'autrui; il n'est point partie; il ne prétend exercer que le ministère de défenseur, justifie-t-il de son droit et de son pouvoir ?

« Il est vraisemblable qu'il n'agit qu'en vertu de son titre de commissaire des relations commerciales. Il est possible qu'on l'ait autorisé par ce titre à donner une attention particulière aux contestations dans lesquelles il se dit chargé des intérêts des négociants danois.

<< Mais tout titre que le commissaire danois ne tiendrait que de son Gouvernement, ne saurait le rendre le véritable représentant des parties; au Gouvernement appartient la protection, et aux parties seules la propriété. Un propriétaire peut disposer de son bien, et exercer ses droits par lui-même ou par autrui mais chacun étant arbitre et régulateur de sa propre fortune, il n'est libre à qui que ce soit d'intervenir dans les affaires d'un autre, s'il n'en a reçu de lui le pouvoir. La mission générale donnée au commissaire danois par son Souverain, pour le charger de veiller à l'intérêt des négociants de sa nation, et sur-tout de ceux qui ont essuyé des prises, ne suffirait donc jamais pour établir ce commissaire mandataire proprement dit de chacun de ces négociants. Dans les principes du droit politique, la mission du commissaire danois est essentiellement limitée aux bons offices d'un protecteur qui recommande, et ne s'étend pas aux actes d'un fondé de pouvoir qui régit ou qui dispose.

« Je conviens qu'un droit plus ancien et plus sacré que le droit politique, je veux dire le droit social, autorise tout homme à suivre les affaires d'un absent qui ne connaît pas sa situation personnelle, et qui a besoin des secours spontanés de cette bienveillance naturelle, dont le germe n'a pu être entièrement étouffé par nos vices, et dont le droit civil est de sanctionner les effets.

« Il a été reconnu dans tous les temps, et chez tous les peuples policés, qu'un homme, à l'insu de son semblable, peut lui faire du bien, et que, s'il n'est jamais permis de faire le préjudice d'un autre, il l'est toujours de contribuer à son avantage, quoiqu'il n'en ait pas donné le mandat.

« Le commissaire danois, à défaut de tout mandat particulier ou spécial, pourrait peut-être se prévaloir de ces principes, pour justifier les

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