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<«< d'Autriche, et la Peninsule est encore le théâtre de cette << grande rivalité, tant pour elle l'indépendance est, hélas! une << chimère.

« Il est encore un autre fait, attesté par l'histoire, c'est l'im« possibilité pour les peuples méridionaux de vivre sous des gou« vernements constitutionnels et parlementaires. Il ne parait pas << qu'il y ait de milieu pour eux entre la monarchie pure et les « excès de la démagogie. Le Portugal, le Piémont, l'Espagne, tous « les États de l'Amérique du Sud, sont là pour témoigner que «<les peuples du midi ne sont pas faits pour posséder des insti<«<tutions constitutionnelles. Pourquoi donc vouloir les importer a chez eux? "Toute nation, a dit M. de Maistre, a le gouverne«ment qu'elle mérite. De longues réflexions et une expérience << payée bien cher, m'ont convaincu de cette vérité comme d'une << proposition de mathématiques." Il y a donc entre les gouverne«ments qui ont duré, et les peuples qui leur ont longtemps obéi, << une sorte d'harmonie morale résultant de la nature des choses, « et ce n'est pas en la troublant qu'on rendra les sociétés plus << heureuses. » 1)

1) Qu'il nous soit permis de reproduire encore quelques lignes de M. Am. Pellier: appréciant la position de la France et le rôle qu'elle aurait dù jouer en 1847. M. Am. Pellier continue ainsi :

« Ce n'était donc pas une chimérique indépendance qu'il fallait favoriser en 1847; e mais c'était la révolution qu'il fallait prévenir et dompter. La révolution était à « nos portes, en Italie, en Suisse. Dans la Péninsule, elle cherchait alors à se con« fondre avec les causes les plus respectables; elle prenait le masque d'une liberté << sage et de la Religion. Elle entourait Pie IX d'une popularité menteuse et perfide, « qui devait manquer sous ses pas sitôt qu'il refuserait d'obéir plus longtemps aux injonctions de la démagogie. Mais c'était en Suisse que la révolution ne prenait « même plus le soin de déguiser ses projets : elle marchait la tête haute; elle opa primait les populations catholiques, confisquait les biens de l'église, ceux des « établissements religieux, et appelait aux armes tous les agitateurs de l'Allemagne, « de la France et de l'Italie.

« C'était ce foyer de rébellion qu'il fallait étouffer; c'était là la grande mission « que la France de 1847 aurait dû se donner. Telle était, nous croyons le savoir, la << politique et la pensée des deux hommes d'État illustres qui dirigeaient alors les affaires à Vienne et à Paris, M. de Metternich et M. Guizot. Mais ni l'un ni l'autre « ne furent maîtres de leurs mouvements. Autour d'eux des obstacles dont ils ne < purent triompher entravèrent leur volonté et rendirent vaine leur prévoyance.

Si le noble historien de l'Escadre de la Méditerranée se laisse trop aller parfois « à des illusions que le temps dissipera, il n'en a pas moins pour les révolution« naires de février le plus profond mépris. Ce sentiment éclate dans son récit, quand il montre à Naples l'agent du gouvernement français, qu'il ne veut pas appeler le mi« nistre de France *), venant sommer l'amiral Baudin de tourner ses canons contre « le palais du roi Ferdinand. A cette stupide injonction, l'amiral répondit par un « dédaigneux silence. L'escadre ne bougea pas, et le trône du roi Ferdinand fut « sauvé.

« Pour ce qui est de la Sicile, nous rencontrons encore la prétention à l'indé« pendance, qui cette fois n'est plus seulement chimérique, mais funeste aux inté

*) M. Levrault, chargé d'affaires du gouvernement provisoire envoyé à Naples par MM. de

Lamartine et Bastide.

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Voilà des faits non-douteux concernant les moyens mis en usage par le cabinet anglais, depuis deux cents ans (et ce ne sont pas les seuls qui pourraient être produits) pour assurer le succès de sa politique à l'égard des États faibles et des États puissants,

selon l'occurrence.

Passons à la pensée qui existe, sorte d'idée fixe! au sujet de la suprématie sur la mer, dans tout ministère anglais, et qui se retrouve également, il faut bien le reconnaître, chez un grand nombre d'individus de la nation britannique.

Dans le chapitre XXIV. nous avons dit que les mesures considérées comme justes par les autres nations perdent leur caraetère de justice aux yeux de l'Angleterre, parcequ'elle y voit une atteinte portée à sa suprématie sur la mer.

Le langage de tous ces agents, les ordres donnés par le cabinet de St.-James n'en fournissent-ils pas cent preuves évidentes?

En 1804, que voulaient les Puissances du Nord ?

Elles voulaient garantir et maintenir, par la neutralité, et en restant fidèles aux principes consacrés en 1780, les intérêts du commerce et de la navigation libre de leurs sujets rien n'était plus juste, plus raisonnable, plus sensé, plus naturel ......; mais l'Angleterre vit dans ce fait une atteinte portée à ses droits, à sa dignité, à ses intérêts, à sa suprématie; ...... et Copenhague fut bombardé !

Quel fut le langage de Lord Grenville, à cette époque? « On <<< sait assez dans quelle vue hostile on tenta, en 1780, d'établir « un nouveau code de droit maritime et de soutenir, par la force, « un système d'innovations nuisible aux intérêts les plus chers de « l'empire britannique. »

On voit que Lord Grenville gardait rancune à la Russie de

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«rêts de la France et de l'équilibre européen. Désirer l'indépendance de la Sicile, << y travailler, ce n'est pas autre chose que de livrer la Sicile aux Anglais. Cette conséquence désastreuse n'a pas échappé à l'historien de l'Escadre de la Méditerranée, « et il reconnaît que l'intérêt avait dû prévaloir sur toute autre considération, malgre « les regrets trop faciles à comprendre que ressentaient certaines âmes qui ont besoin de « liberté pour les autres, comme pour elles-mêmes.

« Que le noble écrivain qui a cru devoir faire cette réserve, soit bien convaincu << qu'il n'y a rien de commun entre la vraie liberté et la révolution, et qu'il soit éga«lement persuadé que la maison de Bourbon ne saurait avoir d'autre rôle dans le « monde que de combattre énergiquement l'esprit révolutionnaire, sous toutes ses «formes et tous ses déguisements. C'est son devoir, c'est sa mission. C'est parce « qu'elle marche depuis des siècles à la tête de la civilisation européenne, que la << maison de France doit être l'éternel adversaire de la révolution. Si elle devait jamais devenir son alliée, elle n'aurait plus de raison d'être, et se perdrait d'une « manière irrémissible. >>

l'échec que Lord Malmesbury 1) avait essuyé dans sa négociation à St.-Pétersbourg. (Voir chap. VII, § 2.)

Comment s'exprimait à Berlin, en 1801, Lord Carysford envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire de la GrandeBretagne en Prusse?

<<< Il était convaincu », disait-il, « que la Prusse n'avait jamais « pu approuver les démarches qui avaient donné lieu à l'adoption, « par le roi de la Grande-Bretagne, de la mesure d'embargo prise « le 44 janvier 1804 contre les bâtiments russes, danois et suédois, attendu que ces démarches manifestaient le dessein d'obliger l'empire britannique à se soumettre à des prétentions que la Grande« Bretagne a, de tout temps, regardées comme contraires à ses droits a et à ses intérêts et déclarées telles toutes les fois que l'occasion « s'en est présentée. »

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L'amiral Sir Hyde Parker, dans la sommation qu'il adressa, le 18 avril 1801, à l'amiral suédois Cronstedt, commandant la forteresse de Carlscrona, présente la même idée, exprimée dans des termes plus concis: Il veut, dit-il, que l'amiral suédois lui fasse connaître la pensée de sa cour et si elle est dans l'intention de renoncer « aux projets hostiles que, de concert avec la Russie, elle << a dirigé contre les droits et les intérêts de la Grande-Bretagne. »

Ainsi, il reste établi, par le langage de ces divers agents, ministre, diplomate, amiral, qu'une nation devient coupable aussitôt qu'elle prend, dans l'interêt de son commerce, quelque mesure sage, dictée par la prudence; pour le cabinet anglais ce sont des projets hostiles contre les droits de l'Angleterre !

Vers le milieu du siècle dernier, Lord Chatham a résumé, en quelque sorte, l'opinion de tout Anglais en disant, dans la Chambre des pairs, quelques mots qui ont leur origine dans la prétention de l'Angleterre à la suprématie de la mer « Point de paix que << la France ne signe la destruction de sa marine : c'est bien assez « qu'on lui permette le cabotage; l'Angleterre doit se réserver la « souveraineté exclusive de l'Océan.» (Voir chap. IV.)

Ce propos superbe du grand homme d'État a toute l'outrecuidance de l'arrêt de l'amirauté qui déclara de bonne prise, en vertu de l'ordre du conseil du 17 avril 1780, quelques bâtiments hollandais, << attendu que les ports français étant naturellement blo«qués par ceux de l'Angleterre, il n'est pas permis de naviguer « auprès d'eux. » (Voir chap. XXVI.) 2)

1) Connu encore,

en 1780, sous le nom de chevalier de Harris.

2) Voir au même chapitre les paroles prononcées par Edouard III dans le 11e siècle.

Un juge, Sir William Grant, appelé à prononcer sur la prise d'un bâtiment américain, arrêté pour un fait de traite des noirs, en 1810, alors qu'il n'existait encore aucun traité entre l'Angleterre et les États-Unis concernant le trafic des Nègres, n'hésita pas à dire «< Aussi longtemps que la traite a été tolérée par le << gouvernement anglais, un tribunal anglais ne pouvait la condamner chez les autres nations; mais depuis l'abolition de la << traite par l'Angleterre, la traite ne peut plus à ses yeux avoir « d'existence légale. »

N'était-ce pas avouer, avec toute la naïveté possible, que l'Angleterre ayant droit à la suprématie de la mer, à la souveraineté exclusive de l'Océan, ce qu'elle veut sur la mer doit devenir obligatoire pour les autres nations (les autres nations plus faibles qu'elle, du moins), et qu'à elle seule appartient le contrôle du vaste Océan ?

Au reste, le gouvernement anglais n'a-t-il pas prouvé, il y a peu de temps, qu'il pense aujourd'hui comme pensait Sir William Grant en 1840, lorsqu'il promulgua contre les bâtiments portugais et contre les navires brésiliens les bills du parlement du 24 août 1839 et du 8 août 1845? (Voir chap. XXXI, §§ 7 et 8.)

Après tant de faits qui démontrent ce que le cabinet de St.James peut entreprendre pour faire prévaloir sa politique; après tant d'actes officiels qui dénotent la prétention toujours vivace de l'Angleterre à la suprématie de la mer, on comprendra comment le cabinet britannique a bravé le blâme et le ridicule en envoyant une flotte de treize vaisseaux, armés de plus de sept-cent bouches à feu devant le port du Pirée, sous le prétexte de protéger les prétentions du Juif Don Pacifico (mais beaucoup plus, en réalité, pour arrêter les développements de la marine commerciale de la Grèce); et comment il a pu avoir la pensée de rendre le gouvernement toscan responsable, envers les sujets anglais établis à Livourne, des préjudices occasionnés à ceux-ci, par l'émeute, dans une ville où l'action du gouvernement ne pouvait plus être exercée, et par les faits militaires qui ont été la conséquence de la rebellion. « Si derrière les barricades révolutionnaires >>, écrivait M. le comte de Nesselrode, le 3 mai 1850, à M. le baron de Brunow, << devait se dresser continuellement l'éventualité menaçante de ré<«< clamations futures en faveur de sujets anglais lésés dans leurs <«< biens par la répression, tout souverain que sa position ou sa «< faiblesse relative expose aux mesures coërcitives d'une flotte <«< anglaise, se trouverait frappé d'impuissance en face de l'insur«<rection. >>

Blocus de Buenos-Ayres. forces brésiliennes.

§ 4.

Saisie de bâtiments français par les Réparation obtenue par la France.

Dans l'année 1825, le gouvernement brésilien avait déclaré en état de blocus une grande partie de la rive orientale de l'Amérique du Sud: c'était entrer dans les voies de blocus sur le papier que la Grande-Bretagne et la France avaient adoptées, pendant la guerre qui suivit la rupture du traité d'Amiens (voir chap. XXVI), contrairement au droit maritime professé par les nations chrétiennes, en général, lequel ne reconnait de blocus que le blocus matériel, c'est-à-dire le blocus formé par des vaisseaux de la marine militaire; le blocus qui interrompt les relations commerciales d'un ou de plusieurs ports au moyen d'une note diplomatique, d'une publication, d'un décret doit rester à l'état de fiction et ne saurait prévaloir sur l'usage et le droit des gens au détriment des neutres. Aussi, il nous semble que la circulaire du 31 mars 1828, publiée par le Moniteur français du 6 avril suivant, ne s'est pas strictement renfermée dans la limite reconnue et adoptée du droit maritime des nations, en disant « qu'à l'ave<< nir la signification préalable d'un blocus suffirait pour le faire << admettre comme effectif et que tout navire qui se dirigeait sur << le port déclaré bloqué s'exposerait à être légalement arrêté et « capturé par l'escadre bloquante. » Non, en cas de blocus réel matériel d'un port, ou de plusieurs ports, formé par des vaisseaux selon les conditions de nombre, de distance et de proximité voulues pour que le blocus soit réel, les bâtiments qui se présentent de bonne foi, qui se retirent quand l'existence du blocus leur est signifiée par l'un des bâtiments de la station, et qui ne cherchent pas à violer le blocus; non, ces bâtiments ne sauraient être arrêtés et capturés. A fortiori, ne peuvent-ils pas se trouver en contravention aux principes sur le blocus, quand il s'agit du blocus de toute une côte, de toute une contrée maritime, en vertu d'une simple publication faite par une Puissance, qui d'ailleurs n'effectue pas ensuite, par ses vaisseaux, le blocus réel des ports compris dans la mesure.

Les armateurs français, en présence d'une déclaration de blocus, contraire, dans son application et dans ses effets, aux principes du droit maritime professé, de tout temps, par la France (excepté, pendant le temps du blocus continental, époque dé-

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