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Art. 20. Les individus qui acquerront la qualité de Français dans les cas prévus par les articles 9, 10, 18 et 19 ne pourront s'en prévaloir que pour les droits ouverts à leur profit depuis cette époque (1).

Art. 21. Le Français qui, sans autorisation du gouvernement, prendrait du service militaire à l'étranger, ne pourra rentrer en France qu'en vertu d'une permission accordée par décret, et recouvrer la qualité de Français qu'en remplissant les conditions imposées en France à l'étranger pour obtenir la naturalisation. ordinaire.

ARTICLE 2

La présente loi est applicable à l'Algérie et aux colonies de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Réunion.

Continueront toutefois de recevoir leur application le sénatusconsulte du 14 juillet 1865 et les autres dispositions spéciales à la naturalisation en Algérie (2).

nationalité française, à la suite de la dissolution de son mariage, ne deviennent pas eux-mêmes Français de plein droit. Le mariage a-t-il pris fin par un divorce, ils conservent la patrie à laquelle leur père demeure attaché. A-t-il été dissous par la mort de ce dernier, la qualité de Français peut leur être accordée, soit à la demande de la mère, et par le même décret de réintégration, soit par un décret ultérieur, sur la demande du tuteur autorisé par le conseil de famille. Quant aux enfants majeurs, ils pourront toujours et dans tous les cas se prévaloir de la règle écrite à leur profit dans l'article 10 (V. ci-dessus). (1) Alors qu'un texte formel (code civil, article 20 ancien) limitait à l'avenir les effets du changement de nationalité résultant de l'application des articles 10, 18 et 19 du code civil, c'était une question vivement débattue parmi les auteurs et en jurisprudence, que celle de savoir si l'option pour la France, effectuée en vertu de l'article 9, devait ou non rétroagir; mais la cour de cassation, appliquant à cette matière le droit commun des conditions (C. civ., art. 1,179), avait adopté le premier parti. Cass. 19 juillet 1848 (Sir. 1848, 1, 529); 29 décembre 1885 (Sir. 1886, 1, 109, et les observations de M. Chausse dans la Revue critique, 1886, p. 673). V. aussi Aubry et Rau, t. I, p. 238; Valette, Cours de code civil, t. I, p. 48). En sens contraire, Fœlix et Demangeat, t. I, p. 41; Cogordan, 1re éd., p. 81; de Folleville, p. 117 et s.; Laurent, Droit civil international, t. III, p. 193; Alger, 2 décembre 1886 (Sir. 1887, 2, 5). La jurisprudence belge s'était également prononcée contre la rétroactivité de l'option (V. notamment Gand, 27 février 1874 (Belgique judiciaire, 1874, p. 648); et telle est bien la solution à laquelle s'est ralliée la loi nouvelle, désireuse de mettre à l'abri de toute surprise les droits des tiers souvent compromis par le système rival.

(2) V. sur le régime de la naturalisation en Algérie: Rouard de Card, De la naturalisation en Algérie, br. in-8°, Paris, Berger-Levrault, 1881 (Extrait de la Revue d'administration); Dain, Étude sur la naturalisation des étrangers en Algérie dans la Revue algérienne et tunisienne de législ. et de jurispr., 1885, 1, p. 1, et s.; Audinet, La nationalité française en Algérie et en Tunisie d'après la législation récente, dans la même Revue, 1889, 1re partie, p. 149 et s.; A. Weiss, op. cit. 1re éd., p. 150 et s.

ARTICLE 3

L'étranger naturalisé jouit de tous les droits civils et politiques attachés à la qualité de citoyen français. Néanmoins il n'est éligible aux Assemblées législatives que dix ans après le décret de naturalisation, à moins qu'une loi spéciale n'abrège ce délai. Le délai pourra être réduit à une année (1).

Les Français qui recouvrent cette qualité, après l'avoir perdue, acquièrent immédiatement tous les droits civils et politiques, même l'éligibilité aux Assemblées législatives.

ARTICLE 4

Les descendants des familles proscrites lors de la révocation de l'édit de Nantes continueront à bénéficier des dispositions de la loi du 15 décembre 1790, mais à la condition d'un décret spécial pour chaque demandeur. Ce décret ne produira d'effet que pour l'avenir (2).

(1) Cette disposition, dont la place logique aurait été, ce nous semble, à la fin de l'article 8, 4o, du code civil, plutôt que dans un texte destiné à rester en dehors, restaure, sous une forme nouvelle, la grande naturalisation, successivement organisée en France par l'ordonnance royale du 4 juin 1814 et par la loi républicaine du 3 décembre 1849, puis implicitement répudiée par la législation du second empire (Décret du 2 février 1852, cbn. art. 12 et 26). Le législateur de 1889, prenant exemple sur les institutions de l'Angleterre (V. cep. Émile Stocquart, dans D. P. 1888, 2, 81 et s.), de la Belgique (L. du 6 août 1881, art. 2), des États-Unis d'Amérique, de la République Argentine (constit. du 25 septembre 1860, art. 76), de la Hongrie (L. des 20-24 décembre 1879, art. 15), de l'Italie (C. civ. art. 10) et du Portugal (constit. du 29 avril 1826, art. 106 et 108), a considéré, avec infiniment de raison, qu'il y a quelque imprudence à ouvrir à des étrangers d'hier, dont l'affection pour la France est de fraîche date, le Parlement où sont discutés et résolus les plus graves intêrêts de la patrie, en contradiction manifeste peut-être avec ceux de l'État, auquel ils se sont rattachés jusque-là. Le stage de dix ans qu'il leur impose répondra de leur patriotisme.

(2) La proposition d'abord soumise au Parlement portait abrogation de la loi des 9-13 décembre 1790, par laquelle l'Assemblée constituante avait, dans une pensée de tolérance et de réparation, donné à tous les descendants, à quelque degré que ce fût, des Français expatriés pour cause de religion, le moyen d'obtenir la qualité de Français, sans satisfaire aux conditions prescrites par le droit commun de la naturalisation. Mais M. de Pressensé défendit éloquemment, au Sénat, dans la séance du 15 novembre 1886, les droits menacés de ses coreligionnaires : « Nous ne pouvons pas, dit-il, laisser protester un acte si noble et si grand et, j'ajoute, si juste, de la Révolution française, qui a rendu cette patrie qu'ils n'avaient jamais cessé d'aimer, aux fils des héroïques proscrits de la révocation de l'édit de Nantes. » Ces paroles rencontrèrent sur tous les bancs l'adhésion la plus sympathique et l'on vit les partis les plus opposés témoigner un égal attachement aux idées de tolérance et de pacification religieuse en votant le maintien de la loi de 1790. Toutefois, la faveur témoignée

ARTICLE 5

Pour l'exécution de la présente loi, un règlement d'administration publique déterminera: 1° les conditions auxquelles ses dispositions seront applicables aux colonies autres que celles dont il est parlé à l'article 2 ci-dessus, ainsi que les formes à suivre pour la naturalisation dans les colonies; 2° les formalités à remplir et les justifications à faire relativement à la naturalisation ordinaire et à la naturalisation de faveur, dans les cas prévus par les articles 9 et 10 du code civil, ainsi qu'à la renonciation à la qualité de Français (1).

ARTICLE 6

Sont abrogés les décrets des 6 avril 1809 et 26 août 1811, les lois des 22 mars 1849, 7 février 1851, 29 juin 1867, 16 décembre 1874 (2), 14 février 1882, 28 juin 1883 et toutes les dispositions contraires à la présente loi.

DISPOSITION TRANSITOIRE

Toute admission à domicile obtenue antérieurement à la présente loi sera périmée si, dans un délai de cinq années à compter de la promulgation, elle n'a pas été suivie d'une demande en naturalisation, ou si la demande en naturalisation a été rejetée.

par cette loi aux descendants des religionnaires émigrés a reçu quelques restrictions qu'il convient de signaler. Désormais, les personnes auxquelles elle s'applique ne pourront plus, par un acte de leur seule volonté, devenir naturels français; un décret individuel, que rien n'oblige le gouvernement à rendre, sera toujours nécessaire pour leur conférer la nationalité française; et ce décret ne produira ses effets que dans l'avenir. Ainsi, disparition de la naturalisation collective et légale, disparition de la rétroactivité du changement de patrie: tels sont les caractères qui distinguent la loi nouvelle de celle de 1790. (1) Ce décret a été rendu à la date du 13 août 1889. Ses dispositions ont été expliquées et complétées par une circulaire du garde des sceaux aux procureurs généraux, en date du 23 août 1889.

(2) Signalons à ce propos un défaut de concordance entre la loi du 26 juin 1889 et celle sur le recrutement militaire du 15 juillet 1889, dont l'article 11 rappelle la loi du 16 décembre 1874, formellement abrogée peu de jours auparavant par la première. M. Cogordan, 2e éd., p. 94, note 1, et notre collègue, M. F. Despagnet, dans une remarquable dissertation insérée dans le Droit du 19 octobre 1889, ont mis en lumière cette contradiction singulière, qui doit être imputée aux circonstances particulières dans lesquelles les deux lois ont été votées tout à la fin de la législature, et qui nécessitera, à bref délai, une modification à la loi militaire. V. aussi autre étude sur la loi sur la nationalité du 26 juin 1889 dans ses rapports avec le recrutement militaire (Journal du droit international privé 1890, I-II).

XVI

LOI DU 4 JUILLET 1889, TENDANT A COMPLÉTER L'ARTICLE 177 DU
CODE PÉNAL (1).

Notice par M. Albert DESJARDINS, membre de l'Institut, professeur à la
Faculté de droit de Paris.

L'ancien article 177 du code pénal était ainsi conçu : « Tout fonctionnaire public de l'ordre administratif ou judiciaire, tout agent ou préposé d'une administration publique, qui aura agréé des offres ou promesses, ou reçu des dons ou présents, pour faire un acte de sa fonction ou de son emploi, même juste, mais non sujet à salaire, sera puni de la dégradation civique et condamné à une amende double de la valeur des promesses agréées ou des choses reçues, sans que ladite amende puisse être inférieure à deux cents francs. »

Il était difficile de faire rentrer les membres des assemblées délibérantes et des conseils élus dans les termes de l'article 177. C'était d'abord le langage usuel qui s'y opposait; il refusait expressément de comprendre ces personnes dans l'expression fonctionnaires publics. La terminologie du code pénal lui-même ne le permettait pas davantage comme le prouvait la comparaison de l'article 177 avec les articles 114, 123 et 126, Sans sortir de l'article 177, il fallait remarquer les mots de l'ordre administratif ou judiciaire ajoutés aux mots: fonctionnaires publics. Ces mots étaient importants. Il s'agissait évidemment des personnes qui rentraient dans cette hiérarchie instituée pour exercer, sous une impulsion et sous une surveillance supérieures, les innombrables attributions du pouvoir exécutif.

On pouvait trouver la loi insuffisante. Elle ne l'était pas en 1810. La différence des temps explique que la loi faite sous le premier Empire ne convint pas à la troisième République. Qui pensait autrefois à des abus ou à des trafics d'influence de la part des membres des conseils municipaux, même à Paris, de la part des membres des assemblées délibérantes?

Les incidents douloureux qui se produisirent au mois d'octobre 1887 et qui amenèrent la démission du président de la République appelèrent l'attention du législateur sur l'insuffisance des lois pénales.

(1) J. Off. du 6 juillet 1889. Chambre propositions de loi, exposés des motifs, doc. 1888, p. 558, 560 et 577; rapport, p. 729; rapport supplémentaire, doc. 1889, p. 75; déclaration d'urgence et adoption, 16 mars 1889. Sénat : texte transmis, doc. 1889, p. 123; rapport, p. 227; déclaration d'urgence et adoption, 6 juin 1889. Chambre texte transmis, doc. 1889, p. 1244; adoption, 24 juin 1889. V. aussi proposition de M. Bozérian: Sénat, exposé des motifs, doc. 1888, p. 242; rapport, p. 290; 1re délibération, 18 octobre 1888. Texte transmis à la Chambre, doc. 1888 (session extraord.), p. 422.

Les circonstances étaient bien différentes de ce qu'elles avaient été en 1810; l'importance excessive prise par les fonctions de membre d'un conseil municipal, notamment à Paris, par celles de membre de la Chambre des députés, avaient amené les plus scandaleux abus d'influence, et la justice avait dû se déclarer désarmée devant des trafics honteux dont l'existence ne pouvait être révoquée en doute. L'initiative législative travailla à combler la lacune, d'où plusieurs propositions dans les deux Chambres : à la Chambre des députés, celle de M. Laffon (J. Off., annexes de la Chambre des députés, 1888, p. 558); de M. Marmonnier (ibid., p. 560); de M. de la Bâtie (ibid., p. 577); au Sénat, celle de M. Bozérian (Sénat, 27 mars 1888). La Chambre des députés vota la loi et le Sénat l'adopta à son tour, le 7 juin 1889.

Article unique. L'article 177 du code pénal est complété par l'adjonction des paragraphes suivants :

<< Sera punie des mêmes peines toute personne investie d'un mandat électif, qui aura agréé des offres ou promesses, reçu des dons ou présents pour faire obtenir ou tenter de faire obtenir des décorations, médailles, distinctions ou récompenses, des places, fonctions ou emplois, des faveurs quelconques, accordées par l'autorité publique, des marchés, entreprises, ou autres bénéfices résultant de traités conclus également avec l'autorité publique, et aura ainsi abusé de l'influence, réelle ou supposée, que lui donne son mandat.

«Toute autre personne qui se sera rendue coupable de faits semblables sera punie d'un emprisonnement d'un an au moins et de cinq ans au plus, et d'une amende égale à celle prononcée par le premier paragraphe du présent article.

« Les coupables pourront en outre être interdits des droits. mentionnés dans l'article 42 du présent code, pendant cinq ans au moins et dix ans au plus, à compter du jour où ils auront subi leur peine. >>

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