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percevoir pour le compte de l'Etat (1); la loi du 2 décembre, portant répartition du fonds de subvention destiné à venir en aide aux départements (2); - deux lois du 26 décembre, l'une ouvrant au ministère de l'intérieur sur l'exercice 1890 un crédit extraordinaire de 1.600.000 francs destiné aux dépenses secrètes de sûreté générale (3), l'autre portant abrogation de l'article 7 de la loi de finances relatif à la perception des droits de timbre des récépissés délivrés par les compagnies de chemins de fer pour les transports effectués autrement qu'en grande vitesse (4).

Une loi très importante, du 25 janvier, a réduit la durée de l'exercice financier dans un intérêt d'économie de temps et d'argent; on verra plus loin le texte de cette loi, avec une notice particulière (V. p. 29).

Une loi du 27 décembre a rendu à l'État le monopole de la fabrication des allumeltes chimiques (5).

La Chambre a voté une proposition de loi sur les trésoriers-payeurs généraux des finances; à l'avenir ces fonctionnaires recevraient un traitement fixe et ne pourraient faire d'opérations de banque pour les particuliers (6).

La proposition de loi de M. Yves Guyot sur la suppression des octrois est venue également en discussion devant la Chambre; au cours de cette première délibération, elle a subi une transformation complète par l'adoption d'un amendement de MM. Frédéric Passy et Ribot, tendant à autoriser les communes à remplacer les octrois par des taxes directes, mais seulement avec l'autorisation législative (7).

Enfin, la Chambre a voté en première délibération, avec une disposition additionnelle proposée par la commission, une proposition de loi relative aux pensions civiles (8). ·

Des rapports ont été déposés sur le projet de loi relatif à la réforme de l'assiette des prestations, aux chemins vicinaux et aux routes départementales (9); sur le projet de loi relatif à la réforme du régime des boissons (10); sur le projet de loi tendant à la fabrication des monnaies de nickel de 5, 10 et 20 centimes (11); — sur la proposition tendant à établir

(1) J. Off. du 31 juillet 1889. (2) J. Off. du 3 décembre 1889. Ch. exposé des motifs, doc. 1889, p. 1104; rapport, p. 1173; adoption, 5 juillet 1889. Proposition sur le même objet, ibid., p. 1043; rapport sommaire, p. 1258. (3) J. Off. des 26 et 27 décembre 1889. (4) J. Off. des 26 et 27 décembre 1889. (5) J. Off. du 28 décembre 1889.

(6) V. Annuaire 1889, p. 21, note 2; rapport, Chambre, doc. 1889, p. 592; discussion (urgence déclarée), 23 et 26 mars 1889. - Sénat texte transmis, doc. 1889, p. 143; rapport, p. 505.

(7) Chambre prise en considération, 15 novembre 1887; rapport, doc. 1888 (session extraordinaire), p. 682; 1re délibération, 7, 9 et 26 février, 9 et 10 mars 1889.

(8) Chambre rapport, doc. 1889, p. 343; 1re délibération, 7 février 1889. (9) V. Annuaire 1889, p. 20, note 5; rapport, Chambre, doc. 1889, p. 595. (10) V. Annuaire 1889, p. 20, note 4; rapport, Chambre, ibid., p. 733; autre proposition, exposé des motifs, ibid., p. 815; rapport sommaire, p. 1381. (11) V. Annuaire 1888, p. 17, note 5; rapport, Chambre, ibid., p. 578.

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l'égalité devant l'impôt direct des propriétés mobilière et immobilière (1). Deux propositious nouvelles ont été déposées par M. Gillet, député : l'une tendant à la création d'une taxe d'État sur les opérations de bourse (2); l'autre tendant à transformer en un abonnement annuel représentatif l'impôt de succession et celui de donation pour les titres au porteur (3).

I

DECRET DU 3 JANVIER 1839, PORTANT RÈGLEMENT D'ADMINISTRATION PUBLIQUE POUR L'EXÉCUTION DE LA LOI DU 30 MARS 1887, RELATIVE A LA CONSERVATION DES MONUMENTS ET OBJETS AYANT UN INTÉRÊT HISTORIQUE ET ARTISTIQUE (4).

Notice et notes par M. Jules CHALLAMEL, avocat à la Cour d'appel de Paris, docteur en droit.

D'après la loi du 30 mars 1887, article 4, les effets du classement des monuments historiques sont au nombre de trois :

1° L'immeuble est grevé d'une servitude légale d'utilité publique qui ne permet plus au propriétaire de le détruire, même en partie, de le réparer, de le restaurer ou de le modifier d'une façon quelconque sans le consentement du ministre de l'instruction publique et des beaux-arts; 2. Il ne peut être exproprié pour cause d'utilité publique sans que le ministre de l'instruction publique et des beaux-arts ait été appelé à présenter ses observations;

3o Il est soustrait aux servitudes d'alignement, de nivellement, de grattage, etc., qui pourraient le dégrader, nuire à son aspect, ou compromettre sa solidité.

Ces dispositions sont claires; aussi le décret du 3 janvier se dispenset-il d'y revenir. Cependant, pour marquer le véritable caractère de la loi, il n'était pas inutile de dire que le classement n'implique de la part de l'État aucune obligation de participer aux travaux de restauration, de réparation ou même d'entretien. L'État n'intervient ici que pour inter

(1) V. Annuaire 1889, p. 21, note 5; rapport, Chambre, ibid., p. 711. (2) Chambre : exposé des motifs, ibid., p. 915.

(3) Chambre exposé des motifs, ibid., p. 1129; rapport sommaire, p. 1219. (4) J. Off. du 8 janvier 1889. La rédaction primitive, élaborée par la commission des monuments historiques, a été l'objet d'assez nombreuses modifications de la part du conseil d'État; elle a été soumise d'abord à la section de l'intérieur, puis aux sections réunies de l'intérieur et de législation, au rapport de M. le conseiller Albert Delmas (distributions des 4 juin, 4, 15 et 27 juillet 1888).

dire et pour surveiller. Que s'il consent à prendre une part dans les dépenses qui incombent naturellement au propriétaire, ce ne peut être qu'en vertu d'un accord exprès et dans la mesure qu'il aura lui-même fixée. C'est ce que déclarent les articles 8 et 9 du règlement.

L'article 11 donne le commentaire de la loi en ce qui concerne la nature des travaux qui doivent être soumis à l'approbation du ministre. Est comprise même parmi ces travaux la construction de bâtiments annexes à élever contre un monument classé (1); aucun objet mobilier ne peut non plus y être fixé à perpétuelle demeure sans une autorisation. Le règlement prévoit ensuite qu'il peut être utile de soumettre aux dispositions protectrices de la loi les monuments non encore classés, mais qui sont l'objet d'une proposition de classement en cours d'instruction. En effet, l'instruction peut être longue et l'on peut craindre que, durant ces délais, le monument ne soit gâté, autant par le zèle mal éclairé de ceux qui demandent le classement que par le mauvais vouloir de ceux qui s'y refusent. Pour obvier à ce danger, l'article 12 reconnaît au projet de classement, pendant une période de trois mois, les mêmes effets qu'au classement lui-même.

Mais il est fort douteux que cette disposition soit légalement prise; car un décret ne peut déroger au texte législatif qu'il interprète, et l'article 4 de la loi du 30 mars 1887 ne vise que les immeubles classés. Les charges légales sont de droit étroit, la loi de 1887 tout entière est une loi d'exception (2), on ne saurait donc donner un effet rétroactif à l'arrêté (ou décret) de classement; jusqu'à la promulgation de cet acte, quoi qu'en dise le règlement, la servitude archéologique n'est pas encore née.

En ce qui concerne les monuments des particuliers classés avant la loi du 30 mars 1887, nous avions fait observer que la disposition de l'article 7 était sujette à critique; il était à craindre en effet que la déchéance qu'elle édicte ne passât inaperçue d'un grand nombre de propriétaires intéressés. Comment donc soutenir qu'ils ont tacitement consenti au classement de leurs immeubles? Le règlement donne satisfaction à cette remarque, en déclarant que le délai d'un an durant lequel le déclassement peut être demandé ne commence à courir qu'à dater de la notification qui sera faite au propriétaire (3).

Quant aux objets mobiliers, il n'y avait rien à ajouter aux règles très précises de la loi du 30 mars 1887 inaliénabilité et imprescriptibilité absolues des objets classés qui appartiennent à l'État (art. 10); inaliénabilité relative de ceux qui appartiennent aux établissements publics (art. 11 et 13). Notre règlement se borne donc à quelques dispositions de détail touchant les formalités du classement.

(1) V. infrà, p. 22, note 1.

(2) V. Annuaire 1888, p. 78, note 2.

(3) V. infrà, p. 23, note 1.

Cependant, il nous reste à signaler une question qui a été soulevée récemment devant l'Académie des sciences morales et politiques (1) par M. Ducrocq, professeur de droit administratif à la faculté de Paris, question du plus haut intérêt, qui touche au fond même de la loi du 30 mars 1887 et à l'organisation de la commission des monuments historiques.

L'article 8 de la loi, dit M. Ducrocq, vise non seulement les objets d'art, mais encore tous les objets mobiliers dont la conservation présente au point de vue de l'art ou de l'histoire un intérêt national. Il s'ensuit que les objets à classer ne sont pas tous dans les musées nationaux ni dans le musée des Thermes et de l'hôtel de Cluny; les collections précieuses de nos bibliothèques publiques et notamment de la bibliothèque nationale, monnaies et médailles, estampes, inanuscrits, voire même les parties les plus rares du département des imprimés, connues sous le nom de réserves, doivent être également comprises dans le classement prescrit par la loi. Sans doute on ne saurait trouver dans ces imprimés, non plus que dans les simples manuscrits non enrichis de miniatures, l'intérêt artistique qui forme la première condition du classement; mais il suffit, pour que le classement s'impose, que leur conservation présente un véritable intérêt historique. Or, cette seconde condition se rencontre évidemment dans ces grandes collections qui sont une partie, la plus glorieuse peut-être, de notre patrimoine national. Il importe donc, puisque l'article 8 le permet, de ne pas les laisser en dehors de la protection très efficace qui résulte soit de l'article 10 soit des articles 11 et 13 de la loi du 30 mars 1887. Les catalogues sont dressés; il suffirait que l'arrêté de classement les fit siens en quelques lignes et qu'il ordonnât le dépôt des volumes qui contiennent ces catalogues au ministère de l'instruction publique et dans les préfectures (2).

Malheureusement, continue M. Ducrocq, l'article 15 du décret du 3 janvier 1889 semble restreindre la portée de la loi; il dit et au lieu de ou, réservant ainsi le bénéfice de sa disposition aux objets dont la conservation présente un intérêt national au double point de vue de l'histoire et de l'art. En outre, on peut relever un autre indice du même esprit restrictif dans le second décret du même jour qui fixe l'organisation de la commission des monuments historiques (3). L'article 1er, déterminant le rôle attribué à la commission, parle de nouveau des objets ayant un intérêt historique et artistique, et l'article 4 ne place parmi les membres de droit ni l'administrateur général de la bibliothèque nationale ni le directeur des bibliothèques publiques au ministère de l'instruction publique; l'art et l'histoire de l'art seront donc seuls représentés officiellement dans la commission. M. Ducrocq

conclut en disant que les décrets du 3 janvier 1889 n'ont pu modifier la

(1) Mémoire lu dans les séances des 9 et 16 mars 1889.

(2) Par application de l'article 9, 3o, de la loi du 30 mars 1887. (3) V. infrà, p. 24.

loi, et que le ministre de l'instruction publique a pour devoir de l'appliquer dans toute son étendue.

Nous n'avons pas à prendre thèse pour ou contre cette opinion. Nous ferons seulement remarquer que, si l'article 8 semble l'appuyer, les documents préparatoires lui sont au contraire peu favorables. Il s'agissait, avant tout, d'assurer la conservation des monuments historiques. Rien ne les protégeait contre le vandalisme, et la commission n'avait aucune arme légale dans la lutte qu'elle soutenait depuis près de cinquante ans contre le bon plaisir des municipalités ou des départements ministériels qui en avaient la garde et l'administration; telle était la grande lacune qu'il fallait combler; tel fut le but que se proposèrent les rédacteurs des divers projets ou avant-projets. Accessoirement, chacun d'eux fit une place aux objets mobiliers; mais ils n'avaient en vue que les objets d'art et d'archéologie, les tableaux, retables, tapisseries, vases sacrés, joyaux, manuscrits enluminés, ce que recherchent les antiquaires, ce que renferment d'ordinaire les musées. Jamais on n'avait songé à cette autre classe de trésors, confiés à la garde des bibliothèques publiques: les manuscrits de nos grands écrivains, les mémoires historiques ou philosophiques, les imprimés. C'est pourquoi le titre de la loi vise expressément les monuments et objets d'art; si le reste de la phrase est incorrecte (1), elle n'en est pas moins significative (2).

C'est dans le même sens que conclut l'article 15 de la loi, lorsqu'il dispose que les décisions prises par le ministre de l'instruction publique et des beaux-arts ne seront rendues que sur l'avis de la commission des monuments historiques. Comment admettre que cette commission doive aujourd'hui sortir de son domaine propre et traditionnel et que le législateur ait entendu lui conférer, sur les choses de l'histoire, de la philosophie et de la littérature, comme sur les choses de l'art, une sorte de protectorat universel ?

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Art. 1er. Le classement, en totalité ou en partie, des immeubles par nature ou par destination dont la conservation peut avoir, au point de vue de l'histoire ou de l'art, un intérêt national, est prononcé par arrêté spécial du ministre de l'instruction publique et des beaux-arts.

L'arrêté détermine les parties de l'immeuble auxquelles le classement s'applique. Il vise l'avis de la commission des monuments historiques (3) et, s'il y a lieu, ceux du ministre intéressé et des représentants légaux de l'établissement public propriétaire.

(1) V. Annuaire 1888, p. 52, note 2.

(2) Il est de principe assurément que la rubrique d'une loi ne saurait l'emporter sur les dispositions formelles du dispositif; mais il est permis, tout au moins, d'y voir une indication de l'esprit qui a guidé le législateur.

(3) Par application de l'article 15 de la loi du 30 mars 1887.

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