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tionnel d'un an et ceux qui se trouvent dans la situation prévue par la loi du 31 décembre 1875, bénéficieront des dispositions des articles 53 à 57 inclus de la loi du 27 juillet 1872; mais les dispositions de l'article 38 de la loi du 24 juillet 1873 cesseront de leur être applicables.

Art. 92. Les jeunes gens dispensés conditionnellement du service actif en temps de paix avant la mise en vigueur de la présente loi, conformément à l'article 20 de la loi du 27 juillet 1872, conserveront la situation qui leur est faite par ladite loi au point de vue des obligations du service militaire, sous la réserve des dispositions contenues dans l'article 93 ci-après.

Art. 93. La présente loi est applicable aux hommes appelés en vertu des lois antérieures, libérés ou non du service militaire, jusqu'à ce qu'ils aient atteint l'âge de quarante-cinq ans.

Art. 94. Dès la mise en vigueur de la présente loi, seront et demeureront abrogées :

La loi du 27 juillet 1872 sur le recrutement de l'armée;

La loi du 6 novembre 1875, ayant pour objet de déterminer les conditions suivant lesquelles les Français domiciliés en Algérie seront soumis au service militaire;

La loi du 18 novembre 1875, ayant pour objet de coordonner les lois des 27 juillet 1872, 24 juillet 1873, 13 mars, 19 mars et 6 novembre 1875 avec le code de justice militaire;

Les lois des 30 juillet, 4 décembre et 31 décembre 1875, et la loi du 29 juillet 1886, modifiant divers articles de la loi du 27 juillet 1872;

Et, d'une manière générale, toutes dispositions contraires à la présente loi.

XIX

LOI DU 17 JUILLET 1889, RELATIVE AUX CANDIDATURES MULTIPLES.

Notice et notes par M. Paul ROBIQUET, avocat au Conseil d'État et
à la Cour de cassation, docteur és lettres.

En votant la loi du 13 février, qui rétablissait le scrutin uninominal pour l'élection des députés, les Chambres avaient opposé une première digue au courant plébiscitaire; mais il n'existait dans l'arsenal législatif aucun texte qui empêchât un candidat de solliciter en même temps ou successivement de nouveaux mandats, afin de provoquer sur son nom des manifestations incessantes, et, par cette série de plébiscites, d'habituer le corps électoral à l'acclamation d'un seul, c'est-à-dire à la dictature. Déjà,

dans la séance de la Chambre du 11 février où avait été voté, par 268 voix contre 222, le projet de loi qui substituait le scrutin d'arrondissement au scrutin de liste, on avait renvoyé à la commission compétente, entre autres propositions, celle de M. Delattre qui visait les candidatures multiples. Cette proposition réclamait l'adoption de différentes mesures, notamment du renouvellement partiel de la Chambre, de la mise à la charge de l'État des frais électoraux, du vote obligatoire, etc. Elle demandait enfin que nul ne pût être élu sans avoir accepté publiquement la candidature par voie d'affiches, cinq jours au moins avant le scrutin; que nul ne pût accepter la candidature dans plus de deux circonscriptions, et que le bulletin portant le nom d'un citoyen qui n'aurait pas déclaré publiquement son acceptation, fût considéré comme bulletin blanc. Dans la séance du 9 mars 1889 (1), la commission présidée par M. Colfavru conclut, par l'organe de M. de Jouvencel, rapporteur, au rejet de la proposition de M. Delattre, en invoquant cet argument principal que « l'interdiction des candidatures multiples ne peut être considérée que comme une entrave à l'exercice de la souveraineté nationale... et que toute loi faite contre une personne cesse d'avoir le caractère égalitaire et impersonnel qui impose le respect ». Le rapporteur disait en terminant: « S'il existe une conspiration, qu'on la saisisse. S'il y a des conspirateurs qu'on les punisse. Si les lois pénales sont impuissantes, qu'on en présente d'autres. Si quelques-uns fomentent un dangereux mouvement d'opinion, combattons le pied à pied dans le pays; mais n'essayons pas de gêner, de restreindre la souveraineté du peuple: gardons-nous bien de vouloir la contraindre, car elle briserait tout. »

De son côté, dans la séance du 26 février 1889 (2), M. René Laffon avait déposé sur le bureau de la Chambre une proposition «< tendant à prévenir et à réprimer les menées plébiscitaires ». Cette proposition, comprenant sept articles, portait que «< nul ne peut être en même temps candidat dans plus de deux circonscriptions électorales; qu'au cours d'une législature, nul ne peut être candidat avant d'avoir démissionné, et ne peut se représenter que dans la même circonscription électorale; que tout citoyen qui se présente ou est présenté aux élections générales ou partielles doit, par une déclaration signée de lui et dûment légalisée, faire connaître dans quelles circonscriptions il entend être candidat... » La proposition réglementait ensuite la procédure des déclarations, interdisait de poser des affiches ou de distribuer des bulletins, circulaires ou professions de foi au nom d'un citoyen qui n'aurait pas fait une déclaration régulière, déclarait nuls les bulletins exprimés sur son nom et frappait le candidat des peines portées en l'article 38 du décret organique du 2 février 1852, en appliquant aux imprimeurs employés par le contrevenant les peines portées en l'article 34 du même décret. Les demandes de déclaration d'urgence ayant été retirées par M. René Laffon et par la droite, la proposition qui avait donné lieu à un débat passionné, avant même que la

(1) Ch. des dép. Annexes no 3579, p. 607.

(2) J. Off. du 27 février.

Chambre eût entendu la lecture de son texte, fut renvoyée à la commission d'initiative.

Tels étaient les précédents, lorsque, dans la séance du 13 juillet 1889, M. Viette, en son nom personnel et au nom d'un certain nombre de ses collègues, appartenant aux divers groupes de la majorité républicaine (et notamment au nom de MM. Floquet, Clémenceau, Brisson, Casimir Périer Develle, Hanotaux, Pichon, René Laffon, Sigismond Lacroix, etc.) déposa sur le bureau de la Chambre une nouvelle proposition de loi, tendant à l'interdiction des candidatures multiples (1). Après avoir rejeté, par 331 voix entre 204, la question préalable, demandée par M. Cluseret, la Chambre déclara l'urgence et ordonna ensuite la discussion immédiate. A la suite de deux discours de MM. de Breteuil et Andrieux, qui protestèrent vivement contre la proposition, la Chambre prononça la clôture de la discussion générale et passa à la discussion des articles. M. Le Hérissé provoqua tout d'abord un incident et fit prononcer contre lui la censure avec exclusion temporaire, pour avoir dit «< qu'il y a des bancs à la cour d'assises ou à la police correctionnelle sur lesquels certains ministres devraient être assis à l'heure actuelle ». L'orateur ayant refusé de quitter la tribune, la séance fut levée et ne fut reprise qu'au bout d'une heure. Après le rejet, par 335 voix contre 165, du contre-projet de M. Le Hérissé, la discussion fut ouverte sur les articles de la proposition. La Chambre entendit successivement MM. de Jouvencel et Jaurès, qui combattirent une mesure qu'ils considéraient comme attentatoire aux droits du suffrage universel, et M. Henri Brisson, qui évoqua les souvenirs du 2 décembre et les illusions du grand orateur Michel de Bourges, comptant pour protéger la liberté et la République sur cette sentinelle invisible, qu'on appelle le peuple! L'article 1er, sous l'impression de cette harangue, accueillie par une triple salve d'applaudissements, fut voté par 295 voix contre 237. Les autres articles passèrent sans difficulté et presque sans débat; l'ensemble de la loi réunit 304 voix contre 229.

La proposition fut transmise immédiatement au Sénat et, dès le 15 juillet, MM. de Casabianca, au nom de la commission, présentait son rapport à la Haute Assemblée. L'urgence avait été déclarée à une précédente séance. La discussion immédiate fut ordonnée. M. Audren de Kerdrel protesta contre le principe de la loi et contre les mesures d'excep

(1) Voici l'exposé des motifs de la proposition :

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Messieurs, la proposition que nous avons l'honneur de vous soumettre à pour but de remédier à une des plus graves imperfections de notre législation électorale. Le devoir d'une démocratie qui veut rester maîtresse d'elle-même et se mettre à l'abri de toutes les surprises, est de prendre des mesures pour rendre impossible le plébiciste sur le nom d'un homme. Ces mesures n'ont pas été prises par les auteurs de la loi électorale qui nous régit. Nous vous propoposons de combler cette lacune. Nous nous montrons fidèles au principe fondamental de la République en donnant à la nation les garanties nécessaires contre quiconque entreprendrait d'usurper sa souveraineté. L'urgence d'une décision sur le projet que nous vous présentons n'échappera à personne. Nous vous demandons de la prononcer. »

tion qui ne visent qu'une seule personne. M. Buffet, en s'associant à la protestation de M. de Kerdrel, critiqua les prescriptions de l'article 4 et demanda comment les électeurs pourraient savoir qu'un candidat s'est conformé aux dispositions de la loi, et qu'il a fait la déclaration en temps utile. Il soutint que l'administration devrait au moins faire connaître publiquement quels sont les candidats qui ont rempli les conditions exigées. Il critiqua le certificat provisoire qui doit être remplacé dans le délai de 24 heures, par un reçu définitif, et fit remarquer qu'après avoir délivré le certificat définitif, le préfet n'était nullement obligé par le texte de la loi à porter à la connaissance des électeurs et des maires que la déclaration avait été faite; qu'enfin, si la déclaration n'est faite que cinq jours avant le scrutin, le récépissé définitif n'étant remis que 24 heures après le dépôt, (et en supposant que le préfet avertit le maire le jour suivant) le candidat n'aurait plus que deux jours pour faire distribuer ses bulletins et poser ses affiches. Le même sénateur et M. Bérenger demandèrent si le préfet pourrait refuser de recevoir la déclaration, parce qu'il estimerait, pour un motif ou pour un autre, que le candidat n'est pas éligible. M. Humbert, au nom de la commission, répondit que, toutes les fois qu'il y avait déchéance par suite de condamnation criminelle, toutes les fois qu'on serait en présence d'un acte authentique établissant que le candidat ne jouit pas de la qualité de citoyen exigée du déclarant par l'article 2, il serait du devoir du préfet de refuser la déclaration. Dans les cas douteux, la Chambre serait juge et pourrait annuler l'élection.

Amené à la tribune par l'insistance de M. Bérenger, M. Thévenet, garde des sceaux, déclara que les candidats de bonne foi n'attendraient pas le dernier jour du délai prescrit par la loi pour faire leur déclaration, et qu'il appartiendrait à ceux qui auraient fait ladite déclaration au dernier moment de la publier comme ils le jugeraient convenable, par journaux, affiches ou autrement; que d'ailleurs, la loi ne bouleversait en rien les principes de notre droit public; « que le préfet n'est pas juge des déclarations, et qu'au Parlement seul appartient toujours le droit de vérifier l'élection de ses membres ».

A la suite de ces observations, la proposition de loi fut adoptée par 213 voix contre 64. La loi fut promulguée le 17 juillet par le président de la République et publiée au Journal officiel du 18.

Art. 1er. Nul ne peut être candidat dans plus d'une circonscription (1).

(1) Les auteurs de la loi contre les candidatures multiples n'ont cité, dans leur bref exposé des motifs, aucun précédent tiré de la législation comparée. Il eût été cependant bien intéressant de rappeler que la loi danoise du 12 juillet 1867 sur les élections parlementaires (Folketing) porte que « nul ne peut se présenter dans plusieurs circonscriptions ». Le candidat doit notifier, au plus tard la veille de l'élection, au bureau de la commune, une déclaration signée de lui et des électeurs qui l'appuient. On sait que les membres du Folketing sont

Art. 2.

Tout citoyen qui se présente ou est présenté aux élections générales ou partielles doit, par une déclaration signée ou visée par lui, et dûment légalisée, faire connaître dans quelle circonscription il entend être candidat. Cette déclaration est déposée, contre reçu provisoire, à la préfecture du département intéressé, le cinquième jour au plus tard avant le jour du scrutin. Il en sera délivré récépissé définitif dans les 24 heures.

Art. 3.

Toute déclaration faite en violation de l'article 1o de la présente loi, est nulle et irrecevable.

Si des déclarations sont déposées par le même citoyen dans plus d'une circonscription, la première en date est seule valable. Si elles portent la même date, toutes sont nulles.

Art. 4. Il est interdit de signer ou d'apposer des affiches, d'en. voyer ou de distribuer des bulletins, circulaires ou professions de foi dans l'intérêt d'un candidat qui ne s'est pas conformé aux prescriptions de la présente loi.

Art. 5. Les bulletins au nom d'un citoyen dont la candidature est posée en violation de la présente loi n'entrent pas en compte dans le résultat du dépouillement. Les affiches, placards, professions de foi, bulletins de vote, apposés ou distribués pour appuyer une candidature dans une circonscription où elle ne peut légale ment être produite, seront enlevés ou saisis.

Art. 6. Seront punis d'une amende de dix mille francs le candidat contrevenant aux dispositions de la présente loi, et d'une amende de mille à cinq mille francs toute personne qui agira en violation de l'article 4 de la présente loi (1).

nommés par le suffrage unversel et direct, sans aucune condition de cens. Ce précédent était donc topique pour démontrer que la nouvelle réglementation n'a pas été jugée incompatible avec le droit de l'électeur par tous les pays de suffrage universel.

et

-

(1) A titre de document, nous croyons devoir mentionner ici la proposition de loi qui a été déposée sur le bureau de la Chambre, le 7 décembre 1889, par M. Fernand de Ramel, notre confrère du barreau de la Cour de Cassation, dont voici le dispositif: « Art. 7 ( à ajouter à la loi du 17 juillet 1889) « L'art 463 du code pénal est applicable aux délits prévus par la présente loi lorsque la déclaration du candidat ayant été reconnue légalement faite, celui-ci, par lui-même ou par les agents, n'aura ni directement, ni indirectement, posé ou laissé poser sa candidature dans une autre circonscription que celle où les infractions auront été commises. >>

La Cour de Cassation a rendu plusieurs arrêts intéressants qui fixent l'interprétation de la loi du 17 juillet 1889. Nous signalerons notamment l'arrêt de la Chambre criminelle du 20 mars 1890 (Proc. général de Rennes contre de Ricaudi et Dérusse) qui déclare légal l'affichage des professions de foi d'un candidat pratiqué immédiatement après le récépissé provisoire et avant la délivrance du récépissé définitif; et l'arrêt du 21 mars (Guillier et Dagès et autres), qui porte que les infractions à la loi du 17 juillet 1889 sont des délits matériels qui doi

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