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ne parvint à se sauver que par une suite d'incidens peu ordinaires, et d'une couleur tout-à-fait romanesque; ils intéresseront vivement le public, si, comme on l'assure, ils font partie des Mémoires que rédige cet officier, et qui embrassent toute l'époque de 1789 jusqu'à ce jour. Il fut témoin ou acteur dans les événemens, et nul ne peut mieux en faire connaître les causes secrètes et en juger les résultats. Le général Morgan fut rappelé, au 18 brumaire, et accueilli avec distinction par le premier consul, qui, après s'être entretenu avec lui près d'une heure dans son cabinet du Luxembourg, lui offrit sur-le-champ de l'emploi. Ce témoignage de bienveillance n'eut point d'effet. Le général n'apprit qu'une année après, le motif de ce refroidissement inattendu; et ce fut par le moyen de Joseph Bonaparte, qui, se trouvant à Lunéville, logeait chez la comtesse de Fresnel, sœur du général. Celui-ci apprit qu'il avait été nommé dans un rapport du ministre Fouché sur une prétendue conspiration, comme frère d'un des conspirateurs. Il n'en fallait pas tant pouréveiller les soupçons du premier consul; cependant, l'affaire une fois éclaircie, on s'aperçut que l'accusation était fausse le général fut replacé dans l'état-major de l'armée, mais son caractère de franchise et d'indépendance convenait peu au chef de l'état; il ne fut point placé dans les voies de l'avancement. En 1802, le général fut envoyé à Saint-Domingue, à l'époque où cette colonie et l'armée française étaient dans l'état le plus déses

péré, et au moment de la rupture avec l'Angleterre. Le premier acte d'hostilité de cette guerre fut la prise de la frégate la Créole, sur laquelle le général Morgan était parti du Cap pour aller commander dans l'ouest de l'ile. Ce fut le 12 messidor an 12 que la Créole fut enlevée par une escadre anglaise de sept vaisseaux, sous les ordres de l'amiral Duckworth. Conduit d'abord à la Jamaïque, puis en Angleterre, il eut le bonheur d'obtenir, par son ami le général Dumouriez, d'être échangé contre le général Baird. De retour en France, il reprit de l'emploi, fit partie du camp de Boulogne en 1809 et 1810, fut envoyé à l'armée de Naples en 1811, et passa ensuite à celle du Midi de l'Espagne, commandée

par

le maréchal Soult. Le général Morgan a fait les deux dernières campagnes de l'armée d'Espagne, jusqu'à la restauration. En décembre 1814, le général fut nommé au commandement d'une sousdivision dans la 16 division militaire; il s'y trouvait à l'époque du 20 mars 1815. Au mois de juin suivant, il fut chargé d'un commandement à l'armée de la Somme, sous les ordres du comte Gazan. Au désastre de Waterloo, il ne put s'oc cuper qu'à faire refluer les troupes sur Paris, et à sauver le matériel de l'armée. Au mois d'août de la même année, il fut mis à la retraite, comme ayant 50 ans de service. Le 16 janvier 1816, le général Morgan fut arrêté, mis au secret, puis à la Force. On l'avait dénoncé comme conspirateur, et entretenant une correspondance avec Dumouriez. Le gé

néral Morgan demanda avec instance d'être mis en jugement. Le ridicule de l'accusation fut enfin *connu, et la liberté lui fut rendue, le 1 août suivant. Depuis cette époque le général n'a rempli aucune fonction publique. On le croit retiré à la campagne, et occupé d'un grand ouvrage, qui se compose des mémoires de ce qu'il a vu, fait et appris depuis 1790 jusqu'à ce jour peu d'hommes sont plus en état que lui, par leur expérience et leurs lumières, de préparer des matériaux curieux et importans à l'histoire contemporaine. Les Mémoires dont il prépare la publication inspirent d'avance un vif intérêt. On pense gé néralement que, pendant plusieurs années, il a été très-utile à un per sounage éminent qui mettait à profit la connaissance des hommes et des choses. Aussi, la partie la plus piquante des Mémoires du gé néral Morgan sera nécessairement celle où il traite l'histoire des ministères depuis la restauration. On assure que cette partie détachée de son ouvrage sera la première livrée au public.

MORGAN (BETHUNE-), procureur-général près de la cour royale d'Amiens, est frère du précédent. Sa profession d'avocat l'ayant mis à même de rendre des services éminens à la famille de Béthune, il en fut récompensé par son admission dans cette famille, dont it ajouta depuis le nom au sien. Contre l'exemple de la plupart de ses confrères, il repoussa les principes de la révolution, se pronon ça en faveur de l'aristocratie et des priviléges, et défendit, en 1796, avec autant de hardiesse

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que de talent, les émigrés naufragés de Calais (Voyez CHOISEULSTAINVILLE). Ses opinions politiques le firent enfermer en 1802, dans la prison du Temple, d'où il sortit au bout de quelques mois pour aller reprendre à Amiens l'exercice de sa profession. M. Morgan fit partie du barreau de cette ville jusqu'après les événemens de 1815. A cette époque, le roi le nomma procureur-géné ral près la cour royale de la Somme, en remplacement de M. Lamardelle. Le nouveau procureurgénéral fut destitué à son tour, ainsi que M. Séguier, préfet du département, pour être entrés l'un et l'autre dans une de ces sociétés secrètes qui prétendaient exclusivement conserver les véritables doctrines du gouvernement monarchique, et qui se multipliċrent après la seconde restauration; mais ils furent bientôt réintégrés dans leurs emplois. M. MorganBéthune remplit encore aujour→ d'hui (1824) les fonctions du ministère public près de la cour royale d'Amiens.

MORGAN (LADY). L'Angleterre, féconde en femmes auteurs, compte lady Morgan au premier rang de celles que leurs écrits ont illus trées dans l'Europe. Un esprit original, de la verve, du trait, peu de goût, un abandon qui n'est pas toujours de la grâce: tels sont les principaux caractères qui distinguent son talent. Aussi célèbre sur le continent que dans son pays, elle a un peu compromis, par la singularité audacieuse qui a dicté ses voyages, la réputation que ses romans lui avaient faite. S'il fallait la comparer à quel

ques-unes de nos compatriotes, l'auteur du parallèle serait fort embarrassé; sa pensée est plus forte, plus étendue et plus hardie que celle de Me de Genlis; on ne peut la rapprocher de Mme Cottin, qui écrit si purement; elle a un caractère original et étrange qui manque peut-être à Mme de Flahaut; enfin, lady Morgan mérite une place absolument à part, et cet isolement, dont elle subit les inconvéniens, n'est pas sans mérite ni sans gloire. Son nom de famille est Owenson. Son père était comédien du théâtre de Dublin. Elle épousa le médecin de lord Abercome, M. Morgan, qui reçut, à l'époque de son mariage et d'après les sollicitations de sa nouvelle épouse, le titre de Knight, chevalier. Lady Morgan débuta dans le monde littéraire par des romans fort remarquables, par un mélange d'érudition et d'imagination dont peu d'écrivains avaient empreint leurs ouvrages. La jeune fille d'Irlande (the Wild irish Girl), Ida, ou l'Athenienne, le Missionnaire, O'Donnel, avaient obtenu un grand succès, non-seulement à Londres, mais à Paris, où les traductions des deux premiers de ces romans eurent plusieurs éditions. Après avoir consulté son imagination pour composer ces ouvrages, elle voulut écrire d'après son observation. Elle vint en France en 1816, et entreprit de peindre sur place la scène mobile et bruyante de déraison, de folie, de haine, d'inconstance, d'esprit et d'intrigue, qu'offrait alors ce malheureux pays. Son livre fit du bruit (la France, 1817). Il était semé d'erreurs, rempli d'esprit, brillam

ment coloré, et aussi remarquable par l'heureuse audace de quelques peintures que par le mauvais genre de plusieurs traits. Une légèreté, une vivacité d'esprit, auxquelles cette dame avait cru devoir s'abandonner avec moins de réserve encore en écrivant sur la France et sur les Français, dégénéraient trop souvent en pétulance, en partialité; causaient des erreurs grossières, et gâtaient une suite de pages pleines d'éclat, d'originalité, d'indépendance et de raison. Les mêmes défauts, exagérés encore et poussés jusqu'à une sorte de dévergondage d'imagination bien extraordinaire chez une femme, se retrouvèrent dans l'ouvrage qu'elle publia, en 1820, sur l'Italie. Le malheur ou le défaut qui entraîne lady Morgan dans des écarts indignes de son talent, c'est la manière, le désir d'être lue, et le besoin de faire effet. Elle n'en est pas moins une des femmes les plus spirituelles et les plus remarquables de l'époque. Le mot d'un journaliste anglais : Lady Morgan a enseveli miss Owenson, nous semble trop sévère.

MORGAN-DE-BELLOY (LE BARON), membre de la chambre des députés depuis 1815, a pris successivement place au centre et à la droite. Il s'est principalement occupé de matières de finances, soit comme rapporteur, soit comme membre. Il saisit l'occasion du projet de loi sur les douanes, présenté dans la session de 18151816, pour proposer des mesures répressives contre la contrebande, et demander que les cours prévôtales prononçassent la peine de l'exposition contre les contreban

diers en récidive. Membre de la commission du budget,qui le nomina rapporteur, il demanda plusieurs modifications au projet des ministres, présenta des vues neuves sur les importations et exportations, et sur le système des douanes. Il fit, dans la session de 18161817, le rapport sur le projet de loi des douanes, et parla, l'année suivante, en faveur des habitans de la petite ville de Saint-Valéry (Somme), qui réclamaient pour leur département, dont il est l'un des députés, un entrepôt exclusif de sel. A l'occasion du projet de loi des finances de la même année, il évalua à plus de 31,000,000 fr. l'excédant que les recettes devaient offrir sur les dépenses; proposa que, sur cette somme, 26,000,000. fussent affectés au dégrèvement de la propriété foncière; parla contre les droits d'enregistrement, contre les contributions indirectes, et demanda que le gouvernement fût supplié de présenter à une session prochaine un nouveau système de droits - réunis moins onéreux, et surtout moins vexatoire. Nommé rapporteur de la commission des douanes, en 1819, il exposa quelques considérations sur ce genre d'impôt, et établit que, si des taxes modérées favori sent le commerce tout en enrichissant l'état, des taxes trop fortes ruinent le commerce pour n'enrichir que les contrebandiers. Dans les sessions suivantes, il a cherché par ses discours à adoucir le sort des contribuables. Il était encore membre de la chambre lors de sa dissolution totale en 1824. MORGHEN (RAPHAEL), né à Naples en 1758, est fils d'un gra

z XIV.

veur de cette ville. Il reçut de
son père les premiers principes
de son art. Les leçons de ce maî-
tre ne suffisant bientôt plus au
génie de Morghen, ce jeune ar-
tiste se rendit à Rome, où il sui-
vit celles de Volpato, dont il de-
vint le gendre et l'ami. Il partagea,
avec cet artiste célèbre la gloire
de reproduire par le burin les chefs-
d'œuvre de Raphaël, les loges du
Vatican, et fit paraître, sous son
nom, celle qui représente le mira-
cle de Bolsena. Le grand-duc de
Toscane le chargea, en 1762, de
graver les principaux tableaux de
la riche galerie de Florence; et le
talent avec lequel il remplit cette
honorable mission, lui acquit dès-
lors une célébrité méritée. En
1794, les artistes florentins s'ho-
norèrent eux-mêmes, en priant le
grand duc de confier au talent de
M. Morghen le soin de faire revi→
vre, par la gravure, la fameuse
Cene de Léonard de Vinci. L'entre-
prise était difficile; ce morceau,
peint sur l'une des murailles du
réfectoire des dominicains, à Mi-
lan, en 1497, était devenu pres-
que méconnaissable, soit par l'ef-
fet des dégradations qu'il avait
souffertes, soit par des restaurations
mal exécutées. Aussi, ne faut-il
point être étonné des reproches
que le peintre Bossi adresse à l'ar-
tiste napolitain, dans son petit
ouvrage del Cenacolo di Leonardo
da Vinci, Milan, 1810, in-4°, lors-
que, après avoir rendu justice à
la beauté de cette gravure, qui
est admirable, il dit que tout hoin-
me impartial « verra qu'il restait
>> encore beaucoup à faire à M.
» Morghen pour se rapprocher de
la manière de Léonard de Vinci;

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11

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» qu'il manque dans cette gravure » précisément ce qu'il y avait de » plus exquis dans l'original, et >> dans tous les ouvrages de ce grand >> maître. Mais ces reproches, quoique fondés, porteront d'autant moins atteinte à la gloire de M. Morghen, qu'il n'a exécuté sa gravure que d'après une copie de ce tableau, levée par Matteïni. On remarque parmi les œuvres de ce graveur célèbre 1 une belle traduction du chef-d'œuvre de Raphaël, représentant la Transfiguration: il en avait commencé une première beaucoup moins parfaite, qui, ayant été achevée par son frère, fut répandue dans le public sous son nom, par une maison de commerce de Manheim. 2° Une Madeleine, d'après Murillo; 3° le char de l'Aurore, d'après le Guide; 4° le prix de Diane, d'après le Dominiquin; 5° Apollon et les muses, de Mengs; 6° le Cavalier, d'après Vandyck; 7° les Heures, d'après le Poussin; 8° la Vierge à la chaise (Madone de la Sedia), de Raphaël : cette charmante composition fait partie de la suite de gravures exécutées par ordre du grand-duc de Toscane; 9° Thésée vainqueur du minotaure, d'après Canova; 10° monument à la mémoire de Clément XIII, d'après le même. M. Morghen, déjà membre associé de l'institut de France depuis 1803, fut attiré à Paris par l'empereur en 1812, et remporta dans sa patrie des marques de la munificence de ce prince. Affaibli par l'âge et le travail, M. Morghen paraît avoir déposé son burin; mais il a formé un grand nombre d'élèves distingués.

MORIER (JAMES), diplomate

anglais, neveu de l'amiral William Waldegrave, baron Radstock, fut d'abord secrétaire de lord Elgin, ambassadeur à Constantinople. A l'époque de l'occupation de l'Égypte par les Francais, il reçut l'ordre de solliciter, auprès du grand-visir, l'évacuation de ce pays; mais il tomba entre les mains de ceux qui l'avaient conquis. La saisie de son portefeuille ayant découvert le secret de sa mission, on voulut d'abord le traiter en espion, mais enfin on le renvoya avec menace de le considérer comme tel, s'il était arrêté de nouveau sur le territoire que l'armée française occupait. De retour à Londres, il y publia un Mémoire sur la campagne qu'il avait faite avec l'armée ottomane, en Egypte. Il a depuis rempli successivement les fonctions de secrétaire d'ambassade en Perse, puis à Vienne. M. James Morier a acquis une connaissance parfaite des langues orientales; il a publié une relation de ses excursions dans l'ancien pays des Mages, sous ce titre Voyage à travers la Perse, l'Arménie et l'Asie-Mineure jusqu'à Constantinople, in-4", 1811. On a traduit en français cet ouvrage, dans lequel se trouvent des détails curieux.

MORIER (J. P.), envoyé extraordinaire à la cour de Dresde, reçut, en 1814, l'ordre de se rendre en Norwège, afin de donner au prince Christian Frédéric, des explications sur la situation de l'Angleterre, en raison de ses engagemens avec les puissances alliées et notamment avec la Suède. Le but principal de cette mission ẻtait de savoir si les habitans de la

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