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La semence du laboureur de l'Évangile ne produit pas toute du fruit; il s'en perd une partie dans le chemin. Elle est bientôt enlevée par les oiseaux. Une autre partie tombe sur des pierres. Elle y manque d'humidité, et ne peut y prendre racine. Une troisième partie est confiée à une terre mal défrichée, et couverte de ronces et d'épines. Elle lève malgré les obstacles qu'elle rencontre ; mais à peine commence-t-elle à se développer que les épines l'étouffent. Il n'y a donc que la semence semée dans la bonne terre qui, après avoir germé, y croisse, parvienne à une parfaite maturité, et porte son fruit; encore faut-il qu'elle ait été bien préparée, que la saison ait été favorable, et que des pluies salutaires aient arrosé quelquefois le champ auquel on l'a confiée. Jésus-Christ a pris lui-même la peine d'expliquer à ses disciples le sens de cette parabole. La semence, dit-il, est la parole divine; le cœur de l'homme est le champ dans lequel on la sème ; mais il y a des cœurs légers qu'un rien distrait, qui ne savent s'occuper long-temps d'un objet, et pour qui c'est une sorte de besoin de passer de l'un à l'autre. Il y a des cœurs endurcis, soit naturellement, parce qu'ils sont moins portés au bien: soit par habitude, parce que de bonne heure ils se sont roidis contre les avertissemens, ou parce qu'on n'a pas eu soin de les plier à un joug salutaire. Il y a des cœurs enfin où on a laissé croître les épines et les ronces des passions humaines, de sorte qu'ils en sont maîtrisés, et que, ces passions s'étant fortifiées, elles ont

pris un ascendant auquel ce n'est qu'avec beaucoup de peine et de difficulté qu'on peut se soustraire. Enfin il y a des cœurs dociles et amis du bien qui n'ont point de répugnance à se laisser conduire.

Si la parole de Dieu, et on peut en dire autant de toute instruction, tombe dans un cœur léger, elle y est reçue, mais elle n'en effleure que la superficie. Elle n'y fait aucune impression profonde. La bonne graine, emportée par le vent de la dissipation, n'a pas le temps d'y germer. Un cœur endurci et peu flexible ue s'ouvre point à la voix de l'instruction; il la repousse même; il ne veut être ai convaincu ni persuadé. Il est clair qu'aussi ong-temps que le cœur sera dans cette situation, il n'y a rien à espérer. Le cœur qui s'est laissé entraîner par les passions, mais qui n'est point toutà-fait corrompu, reçoit l'instruction. Il écoute; quelquefois même il est touché; mais aussi longtemps que l'influence des passions ne sera point affaiblie, les premiers germes de l'instruction n'acquerront pas assez de force. Ils sont étouffés presque dès les premiers momens de leur développement.

C'est donc à nous à nous étudier et à bien reconnaître nos dispositions. De même qu'un laboureur travaille sa terre avant d'y répandre la semence, lui donne du corps, si elle est trop légère, la divise, si elle est trop compacte, et la purge des épines et des mauvaises herbes, si elles y ont crû; de même le chrétien doit travailler et préparer son cœur, soit

en le fixant, s'il a des penchans à la frivolité; en l'amollissant, s'il n'est point assez flexible; et en dominant les passions, si elles y ont crû; alors il sera préparé convenablement pour recevoir la semence de la divine parole. Elle y germera, elle y croîtra, et elle y fructifiera au centuple, fécondée pár la rosée de la grâce de Dieu.

POUR

LE DIMANCHE DE LA QUINQUAGÉSIME.

ÉPITRE.

Saint Paul aux Corinth., I. ep., ch. XIII, v. 1.

MBs frères, quand je parlerais le langage de tous les hommes et des anges même, si je n'avais point la charité, je ne serais que comme un airain sonnant et une cymbale retentissante; et quand j'aurais le don de prophétie, que je pénétrerais tous les mystères, et que j'aurais une parfaite science de toutes choses, et quand j'aurais toute la foi possible et capable de transporter les montagnes, si je n'avais point la charité, je ne serais rien; et quand j'aurais distribué tout mon bien pour nourrir les pauvres, et que j'aurais livré mon corps pour être brûlé, si je n'avais point la charité, tout cela ne me servirait de rien. La charité est patiente, elle est douce et bienfaisante; la charité n'est point envieuse, elle n'est point téméraire et précipitée; elle ne s'enfle point d'orgueil, elle n'est point ambitieuse, elle ne cherche point ses propres intérêts, elle ne se pique et ne s'aigrit point, elle n'a point de mauvais soupçons, elle ne se réjouit point de l'injustice; mais elle se réjouit de la vérité ; elle tolère tout, elle souffre tout; la charité ne finira jamais. Les prophéties s'anéantiront, les langues cesseront, et la science sera abolie car ce que nous avons maintenant de science et

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de prophétie est très-imparfait : mais, lorsque nous serons dans l'état parfait, tout ce qui est imparfait sera aboli. Quand j'étais enfant, je jugeais en enfant, je parlais en enfant, je raisonnais en enfant; mais, lorsque je suis devenu homme, je me suis défait de tout ce qui tenait de l'enfant. Nous ne voyons maintenant que comme en un miroir et en des énigmes : mais alors nous verrons Dieu face à face. Je ne connais maintenant Dieu qu'imparfaitement mais alors je le connaîtrai comme je suis moi-même connu de lui. Or, ces trois vertus, la foi, l'espérance et la charité, demeurent; mais la charité est la plus excellente des trois.

L'APÔTRE nous apprend dans cette épître que la charité est d'une nécessité si absolue, que rien ne la supplée. Parlez le langage le plus sublime, soyez versé dans les plus hautes sciences, rassemblez tous les talens, entourez-vous de la plus brillante réputation, qu'êtes-vous alors, si vous n'avez pas la charité ? L'Apôtre vous l'apprend ce que vous êtes. Vous n'êtes, dit-il, qu'un airain sonnant et une cymbale retentissante, c'est-à-dire que vous ressemblez au vain bruit qui sort d'une trompette, et qui s'est à peine fait entendre qu'il s'évanouit dans les airs.

La foi même, la foi la plus vive, celle qui serait assez puissante pour transporter des montagnes, le pouvoir de faire des miracles, si Dieu l'accordait, ne seraient rien sans la charité. L'aumône, si agréable à Dieu, et dont le pouvoir est tel, selon l'expression de l'Écriture sainte, qu'elle efface les péchés et délivre de la mort (1); l'aumône, qui ne serait pas accompagnée de la charité, c'est(1) Tob., IV. 11.

à-dire qui serait sans un vif amour de Dieu et du prochain, Le serait d'aucun mérite pour le

salut.

Mais si la charité ne peut jamais être suppléée, elle supplée tout. Aimez Dieu comme il doit l'être; aimez le prochain comme Dieu veut qu'il soit aimé, c'est-à-dire à cause de Dieu et pour son amour, et vous serez bientôt dans la voie de la perfection. Ce double amour, qui n'en forme qu'un, vous tiendra lieu de science. On sait tout ce qu'il faut savoir quand on sait aimer Dieu, parce qu'aimer Dieu, c'est connaître et remplir ses devoirs, et que la charité mène à sa suite toutes les autres vertus. Jésus-Christ lui-même l'a dit : Aimer Dieu et son prochain, c'est la loi et les prophètes (1).

Quand on a la charité, on a tout: on est patient; on supporte les peines de la vie, les torts des autres, leurs défauts et ses propres dégoûts.

Quand on a la charité, on est bon et bienfaisant; on fait tout le bien qu'on peut; on cherche l'occasion d'en faire; on n'est point content qu'on ne l'ait trouvée, et qu'on n'en ait profité.

Quand on a la charité, on n'est ni orgueilleux ni envieux. Elle nous apprend que tout nous vient de Dieu, que nous ne pouvons rien sans lui, et que c'est à lui qu'on doit tout rapporter. De quoi donc s'enorgueillirait-on ? Loin d'envier quelque chose à son prochain, celui qui a la charité lui souhaite toute sorte de biens; il prévient ses be(1) Matth. VII. 12.

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